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Les définitions divergentes de l’anonymat proposées par la littérature des SISMO

Chapitre II Revue de littérature

2.2 L’anonymat dans la littérature des SISMO

2.2.1 Les définitions divergentes de l’anonymat proposées par la littérature des SISMO

Seules quatre références parmi les 201 références (1,99 %) de notre corpus proposent une définition explicite de l’anonymat. Nous les présentons dans le Tableau 2.0.8 (page 98) :

Références Citations présentant différentes conceptions de l’anonymat dans la littérature des SISMO131

Addison et al. (2009, p. 366)

Les auteurs recourent à la définition proposée par Christopherson (2007, p. 3040) : “the inability of others to identify an individual or for others to identify one’s self.”

Barr (2017, p. 623)

“Anonymity is defined as ‘the quality of lacking individuality, distinction, or recognizability’ (merriam-webster.com/ dictionary/anonymous). This definition of anonymity, however, is insufficient to define the anonymity a student experiences within next-generation classroom networks. Within such networks, students are only anonymous in a public space. Davis (2003) discussed the advantages of ‘public anonymity’ in the high school classroom – the ability of the student to submit responses viewed by the entire class without his or her identity being revealed”.

Bruff (2009, p. 102

“Depending on the question and the students, it may be important for some instructors to use their classroom response systems in true anonymous modes, in which students are not identified in the systems at all.”

Faillet et al. (2013, p. 20)

« Il nous faut remarquer ici que lors de la mise en place de cette recherche, nous avons considéré l’anonymat dans sa composante « réponse non- nominative ».

Tableau 2.0.8 - Les 4 définitions de l’anonymat extraites des 201 références du corpus

Nous remarquons que ces définitions diffèrent considérablement.

La définition de Christopherson, proposée par Addison et al., portant sur l’incapacité mutuelle à identifier les patronymes des autres ou à être identifié.e par les autres, ne nous paraît pas suffisamment discriminante. Elle ne définit pas l’anonymat, puisqu’elle s’applique aussi bien à des pseudonymes cryptés assignés aux apprenant.e.s, qu’à des autonymes cryptés, mais choisis par les apprenant.e.s.

131 Ci-dessous les traductions que nous proposons des citations du tableau ci-dessus.

Addison : « l'incapacité des autres à identifier un individu ou l’incapacité des individus à s’identifier eux- mêmes » C’est-à-dire par exemple l’incapacité à identifier ses propres réponses parmi celles des autres. Barr - L'anonymat est défini comme « une qualité de manque d'individualité, de distinction ou de reconnaissance » Cette définition de l'anonymat, cependant, est insuffisante pour définir l'anonymat dont un.e étudiant.e fait l’expérience dans les classes en réseaux de la prochaine génération. Au sein de ces réseaux, les étudiant.e.s ne sont anonymes que dans un espace public. Davis (2003) a discuté des avantages de « l’anonymat public » dans la salle de classe au collège – c’est-à-dire la capacité de l'élève de soumettre des réponses vues par toute la classe sans que son identité soit révélée ".

Bruff – « Selon la question et les étudiant.e.s, il peut être important pour certain.e.s enseignant.e.s d’utiliser un SISMO dans un mode véritablement anonyme, où les étudiant.e.s ne sont pas du tout identifié.e;s dans le dispositif. »

Barr expose dans un premier temps une proposition issue du dictionnaire Merriam-Webster qui décrit, selon nous, les conséquences de l’anonymat plus qu’elle en constitue une définition. L’anonymat crée une non-distinction entre les êtres. La seconde proposition s’éloigne encore plus de l’anonymat en le circonscrivant à l’espace public, reprenant explicitement la dichotomie proposée par Davis (2003) d’anonymat public et de redevabilité/traçabilité privée, c’est-à-dire de traçabilité par l’enseignant.e. La définition de Christopherson proposée par Addison et al., portant sur l’incapacité mutuelle à identifier les patronymes des autres ou à être identifié.e par eux/elles nous paraît proche de celle de Barr. Il s’agit d’une définition de la non-traçabilité que l’anonymat procure, mais qui ne lui est pas spécifique.

Pour Bruff, c’est l’absence d’identifiant qui définit l’anonymat, conformément à l’étymologie du mot. Pour lui, si un identifiant est utilisé, quel qu’il soit, il ne s’agit plus d’un « véritable anonymat ». Si nous sommes d’accord sur sa définition, insistons encore une fois sur le fait que l’anonymat ne peut être qualifié par des adjectifs comme vrai, faux, total ou partiel. Soit on est anonyme et on n’est pas identifié, soit on porte un identifiant que l’on a choisi ou qui vous a été imposé. La question se pose alors de savoir si les traces que laisse la présence de tels identifiants durant des communications médiatisées par ordinateurs sont traçables ou non et par qui.

La proposition de Faillet et al. nous paraît plus ambigüe car on ne sait si la réponse non- nominative signifie une réponse dépourvue d’identifiant au sens large ou si elle est simplement dépourvue d’un identifiant patronymique et remplacée, par exemple, par l’identifiant du terminal dédié utilisé évoqué dans l’article.

Nous sommes donc en accord avec Bruff quant à la définition de l’anonymat. Notons que Hauswirth (2008, p. 278) ne définit pas l’anonymat mais ce qu’il appelle anonymat correspond bien à une absence d’identifiant comme le montre la citation suivante : « Les élèves... se connectent au serveur en entrant les informations de connexion présentées sur le vidéoprojecteur. Comme la session est anonyme, ils ou elles n'ont pas à fournir d'informations de connexion supplémentaires. ». Les autres propositions s’intéressent à la non-traçabilité, c’est-à-dire dans le contexte scolaire d’évaluation à relier les réponses collectées et les répondant.e.s. Cette traçabilité peut en effet être totale ou partielle.

Si l’on remplace le mot anonyme par non-traçabilité, les expressions rencontrées dans la littérature, qui, du point de vue de l’anonymat n’ont pas de sens, deviennent des affirmations valides. Ainsi les degrés d’anonymat (Campbell et Monk, Dunnet et al., 2011, p. 46 ; Fies, 2005, p. 106 ; Hauswirth, 2008, p. 273), les formes d'anonymat (Dyson, 2008, p. 267) deviendraient des degrés et des formes de traçabilité.

La littérature des SISMOs quand elle croit parler d’anonymat, parle le plus souvent de traçabilité ou de non-traçabilité mais ce mot semble lui manquer, comme le montre le Tableau 2.0.9 qui représente le nombre d’occurrences de la racine trace132 dans notre

corpus : Mots Nombre Trace/ trace 19 Traces/traces 17 Traced 7 Traceable 2 Traceability 1

Tableau 2.0.9 Nombre d’occurrences de la racine « trace » dans notre corpus

Les 45 occurrences pèsent bien peu, quand on les compare aux 2 092 occurrences de la racine anonym*. On note que le terme de traceability133 apparaît une seule fois, dans un

article d’une nutritionniste (Gould, 2016, p. 5), alors que le terme de non-traceability aurait dû, le plus souvent, remplacer ces mots liés à la racine anonym.

La littérature a confondu une modalité d’identification, l’anonymat, avec une caractéristique des modalités d’identification, la non-traçabilité. L’anonymat, en théorie134, assure la non-

traçabilité, mais la non-traçabilité n’implique pas l’anonymat.

Nous nous sommes interrogé sur cette équivalence erronée entre anonymat et non- traçabilité, dont la littérature des SISMOs n’a pas cependant l’exclusivité. Nous pensons qu’une des causes possibles de cette erreur tient à la confusion entre l’apparence anonyme

132 Le mot traçabilité ne figure pas dans notre corpus.

133 Elle écrit (2016, p. 1) : “The anonymity to peers but traceability by the instructor provides a tool to help guide course progress.”, phrase que nous transformerions de la manière suivante : « The non-traceability to peers but traceability by the instructor”. Ce dont parle cette auteure renvoie à la traçabilité et à ses destinataires.

134 L’annexe 2.2 fournit cependant deux contre-exemples de cette affirmation grâce à la puissance des

des données collectées et leur traçabilité réelle. Cette distinction entre apparence et réalité a été pointée par certain.e.s auteur.e.s.