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Chapitre II Revue de littérature

2.3 Analyse des huit références du corpus se focalisant sur l’anonymat et la participation visible dans le cadre de l’utilisation d’un SISMO

2.3.2. Les définitions de l’anonymat versus celles utilisées explicitement ou implicitement dans les huit références consacrées à l’anonymat

2.3.2.1 Les deux définitions explicites de l’anonymat

Faillet, Marquet et Rinaudot (2012)

Ces auteurs présentent deux définitions de l’anonymat (voir tableau page précédente) : une proposition d’ordre général et une définition plus restreinte, liée au contexte de l’utilisation des SISMOs.

La définition « générale » présentée est néanmoins limitée à un contexte scolaire d’interrogation qui considère une réponse anonyme comme « une réponse non- nominative » (Op. cit., p. 20). Autrement dit, toute identification n’utilisant pas le patronyme de l’étudiant.e est considérée comme anonyme. Cette définition ne convient pas, même pour définir la non-traçabilité, car des pseudonymes, noms imposés comme des surnoms ou des sobriquets, peuvent parfaitement être traçables, tout comme des autonymes peuvent l’être, sans qu’ils correspondent pourtant au patronyme155.

La deuxième proposition est formulée comme suit : « Nous pouvons… valider une acception plus large de la notion d’anonymat et considérer que l’utilisation même des boitiers de vote génère un anonymat relatif, ne serait-ce que par la numérisation de la réponse – réponse numérique parmi d’autres réponses numériques. ». Nous interprétons cette définition comme une référence à l’apparence d’anonymat liée au fait que les réponses numériques s’agrègent, faisant disparaître lors de l’affichage synthétique, les répondant.e.s, quand bien même les réponses individuelles sont en réalité traçables. Les auteurs, comme nous le voyons, font également référence à ce qu’ils appellent un anonymat relatif, une notion dont nous avons à plusieurs reprises souligné qu’elle ne pouvait s’appliquer à un concept par essence dichotomique.

Dans leur expérimentation, Faillet et al. utilisent des groupes appariés, confiant durant une première phase aux lycéen.e.s des boîtiers dédiés, identifiés par un numéro de terminal mais dont la distribution est aléatoire. La participation est présentée comme facultative. C’est donc une situation de non-traçabilité forte, mais que l’on ne peut qualifier de totale, comme nous l’avons expliqué précédemment.

155 Nous évoquerons par exemple, dans le chapitre III, la traçabilité de l’identifiant Voice of Russia choisi par un

Dans la deuxième phase, les élèves reçoivent un boîtier à conserver d’une séance à l’autre, la participation restant facultative. Toutes les réponses d’un.e lycéen.ne sont donc rattachées à un même identifiant, sans qu’il soit précisé comment le lien entre l’identifiant du terminal et celui de l’élève est établi. Les auteurs considèrent que les élèves ne sont plus « anonymes » et on peut interpréter cette phrase en pensant que les lycéen.e.s sont en effet traçables « transitivement », dans un premier temps par rapport à l’identifiant du terminal, et dans un deuxième temps en établissant, une deuxième traçabilité entre l’identifiant du terminal et le patronyme de l’élève. Nous verrons que cette deuxième phase, en établissant un classement des élèves, peut être caractérisée par une « hyper » traçabilité dans laquelle l’individu prime sur le groupe, alors que nous percevons les SISMOs comme des instruments permettant d’équilibrer la part individuelle et collective en classe. Le classement, bien qu’il vienne du mot classe, en détruit d’ailleurs l’unité156.

Barr

La première proposition de Barr (2017, p. 623), présentée dans le Tableau 2.0.10 (page 117- 118) fonde l’anonymat sur l’indistinction, que l’on peut voir comme une conséquence de l’anonymat mais non comme sa cause. La seconde proposition passe d’une indistinction, présumée absolue, à une indistinction relative, car il reprend la polarité de Davis opposant la situation de l’étudiant.e dans l’espace public, c’est-à-dire envers les pairs, et dans sa relation individuelle avec l’enseignant.e. Il s’agit d’une polarité concernant la traçabilité et non l’anonymat. Elle donne naissance à une traçabilité partielle : non-traçabilité des réponses envers les pairs/traçabilité des réponses pour l’enseignante.

Les étudiant.e.s ne sont nullement anonymes, comme Barr l’indique très clairement en écrivant (p. 625, notre traduction): « À l'aide de terminaux dédiés, les participant.e.s ont répondu à des questions démographique personnelles, notamment sur le sexe, l'année scolaire, le domaine d'intérêt choisi dans la majeure en kinésiologie et la race/ethnicité. Ces

156 Une classe est censée rassembler puisque le dictionnaire Le Grand Robert la définit comme un « ensemble

d'individus ou d'objets qui ont des caractères communs ». Cette définition, dont le Grand Robert ajoute qu’elle est dépourvue de hiérarchie, se heurte aux sens hiérarchisés que le même dictionnaire indique. Ainsi, une classe est un « grade », un rang attribué à certaines personnes ou à certaines choses en fonction de leur importance, de leur valeur, de leur qualité, selon un jugement. » Étymologiquement, le mot classe vient du latin classis et désigne les classes de citoyens à Rome qui sont hiérarchisées (Nicolet, 1977). Classer et classement proviennent également du mot classe en suivant son sens hiérarchique. Le classement créé une hiérarchie, individualise les apprenant.e.s dissolvant l’unité de la classe, la détruisant donc. Il délie les individus et permet la sélection qui constitue l’acte de destruction ultime de la classe.

informations ont été automatiquement suivies à l'aide du numéro d’identification figurant à l'arrière de chaque terminal. Pour s'assurer que chaque étudiant.e reçoive le même terminal durant les deux cours, les participant.e.s ont écrit leur prénom et l'initiale de leur nom de famille sur un morceau de ruban adhésif collé à l'arrière du terminal. ». Nous voyons donc que les réponses des étudiant.e.s sont totalement tracées par l’enseignant.e, grâce à l’assignation permanente d’un terminal dédié, disposant d’un identifiant unique. Cet identifiant unique peut être considéré comme un pseudonyme à l’instar de celui que nous imposons dans notre expérimentation.