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2 . LA CORRESPONDANCE: LECTURE ET INTERPRÉTATION

3. L’UNIVERS DE LA VIE PRIVÉE DANS LA VISION DE GUSTAVE FLAUBERT GUSTAVE FLAUBERT

3.8. Nature; voyage

Dans Flaubert, il faut toujours tout rapporter à la Correspondance et tout part d’elle. Le leurre de la réalité, l’expérience renouvelée du vide, - la relation épistolière du voyage, du séjour lointain -, ne font que déplacer le sentiment de la vanité de toute chose sans en épuiser jamais la fascination délétère. (89)

Malgré son tempérament romantique, Flaubert n’est pas trop attaché à la nature. Il affirme même dans une lettre à sa nièce, Caroline, (90) que la nature, loin de le fortifier, l’épuise. Quand il se couche sur l’herbe, il lui semble qu’il est déjà sous terre, et que les pieds de salade commencent à pousser dans son ventre. Il n’aime la campagne qu’en voyage, parce qu’alors l’indépendance de son individu le fait passer par-dessus la conscience de son néant.

Cette vision de la nature ne peut pas nous surprendre, car, du point de vue tempéramental, Flaubert est sinon d’un pessimisme foncier, en tout cas il est d’un réalisme amer. Pourtant, l’ermite de Croisset n’est pas insensible à la beauté de la nature; il l’admire en se promenant. Il s’extasie devant les mélancoliques soirs d’été quand les forces de la nature éternelle nous font mieux sentir le néant de notre pauvre individualité. (91)

La beauté et le calme de la nature rendent inutiles la solitude et les angoisses, en glissant une paix indicible au plus profond du coeur, croit l’écrivain.

Ailleurs, Flaubert avoue sa passion pour la nuit – Les nuits sont exquises et je me couche au jour levant. (92)Le soleil, à son tour, le grise comme du vin. Il aime aussi nager dans la Seine qui coule au bas de son jardin de Croisset. L’eau lui donne des sensations merveilleuses, qu’il s’agisse de la Seine, du Nil – dont le paysage est d’une férocité nègre (93) -, ou du Mississipi, dont l’eau lui semble bénite.

Pour Gustave Flaubert, la mer a également des vertus incroyables et ce “pays charmant” est merveilleusement décrit dans certaines lettres, comme celle du 26 avril 1844, envoyée à son frère, Achille: Il y a des rochers superbes, un ciel tout bleu et presque asiatique tant le soleil brille. (94)

Quant à une autre épistole, cette fois adressée à Alfred Le Poittevin, elle nous semble appartenir à un frère spirituel de Lautréamont; Flaubert quitte la Méditerranée avec un regret incommensurable:

Je porte l’amour de l’antiquité dans mes entrailles. Je suis touché jusqu’au plus profond de mon être quand je songe aux carènes romaines qui fendaient les vagues immobiles et éternellement ondulantes de cette mer toujours jeune. L’océan est peut-être plus beau. Mais l’absence des marées qui divisent le temps en périodes régulières semble vous faire oublier que le passé est long, et qu’il y a eu des siècles entre Cléopatre et vous. (95)

Il aime beaucoup la Méditerranée, car elle a quelque chose de grave et de tendre qui fait penser à la Grèce, quelque chose d’immense et de voluptueux qui fait penser à l’Orient. Ce locus amoenus a un parfum plus suave que les roses, écrit Flaubert dans les mêmes notes de voyage:

/…/ nous aspirions en nous le soleil, la brise marine, la vue de l’horizon, l’odeur des myrtes, car il est des jours heureux où l’âme aussi est ouverte au soleil comme elle, embaume les fleurs cachées que la suprême beauté y fait éclore. (96)

Si la nature (la mer surtout) est une sorte d’horloge pour Flaubert, un témoin silencieux et magnifiquement beau de l’Histoire, elle est aussi un moyen de purifier l’esprit, par sa simple contemplation, parce qu’elle est d’une sérénité désolante pour notre orgueil. (97) En plus, elle est si calme et si éternellement jeune (98), qu’elle l’étonne continuellement. C’est un repère de l’existence, un symbole de la permanence, non seulement de la vie de l’homme, mais surtout de sa création. C’est pourquoi Flaubert aime comparer le poète avec le botaniste patient qui gravit les montagnes pour aller cueillir la poésie, qui est une “plante libre”.

Dans une lettre à Louise Colet (99), Flaubert communique une vraie philosophie de l’Art, tout en faisant des considérations à connotation végétale. Le fragment en question, qui suit à la comparaison déjà citée, mérite d’être évoqué, lui aussi, pour la beauté de l’image et la pertinence des idées – c’est comme un “ars poetica” de l’écrivain Gustave Flaubert:

J’aime surtout la végétation qui pousse dans les ruines, cet envahissement de la nature qui arrive tout de suite sur l’oeuvre de l’homme quand sa main n’est plus là pour la défendre me réjouit d’une joie profonde et large. La Vie vient se replacer sur la Mort, elle fait pousser l’herbe dans les crânes pétrifiés et, sur la pierre où l’un de nous a sculpté son rêve, réapparaît l’Éternité du Principe dans chaque floraison des ravenelles jaunes. – Il m’est doux de songer que je servirai un jour à faire croître des tulipes. Qui sait? L’arbre au pied duquel on me mettra donnera peut-être d’excellents fruits. Je serai peut-être un engrais superbe, un guano supérieur. (100)

Ce panthéisme est assez surprenant chez Flaubert, dont la croyance est plutôt théorique, abstraite. Ici, il la rend presque matérielle, concrète, visuelle. “L’Éternité du Principe” serait alors une sorte d’euphémisme pour le Dieu en qui croyait Flaubert. Comme elle est belle, cette image de l’écrivain transformé en tulipe, en arbre fruitier, et même en engrais!…

Mais la nature devient le plus souvent la connotation du voyage chez Gustave Flaubert, qui a toujours manifesté un vif désir de voyager, de quitter son pays pour gagner d’autres espaces, si possibles les plus exotiques du monde:

Je hais l’Europe, la France, mon pays, ma succulente patrie que j’enverrais volontiers à tous les diables maintenant que j’ai entrebâillé la porte des champs. Je crois que j’ai été transplanté par les vents dans ce pays de boue, et que je suis né ailleurs, car j’ai toujours eu comme des souvenirs ou des instincts de rivage embaumés, de mers bleues /…/ Je n’ai rien que des désirs immenses et insatiables, un ennui atroce, et des bâillements continus. (101)

En effet, le désir de voyager loin, de connaître d’autres continents (surtout l’Afrique) était général à l’époque de Flaubert. Durant la première moitié du siècle, une révolution s’était accomplie dans les manières de voyager. Cela correspondait, en plus, à une attente, aux rêves de la vie privée. Le modèle classique de l’itinéraire calme et serein, jalonné de séjours citadins, qui poussait le touriste à se repaître d’oeuvres d’art et de visite de monuments est remplacé, petit à petit, par les voyages grandioses, qui fassent vibrer le moi, qui sortent le voyageur du cadre habituel. Ce sont les espaces exotiques, voire chaotiques, qui attirent désormais les touristes. Certes, la lecture des romantiques a un rôle décisif. René de Chateaubriand ou Dominique de Fromentin incitent à l’adoption des nouvelles conduites. (102)

C’est l’époque des grands voyages vers l’Orient (l’Espagne, la Grèce, l’Égypte, le Bosphore). Les péripéties sont aussi notées dans des albums ou des journaux. C’est ainsi qu’apparaît le personnage du “flâneur”, détecté par Victor Hugo et analysé par Baudelaire, mais les historiens des mentalités observent également que le flâneur, devenu insolite, abandonne peu à peu le trottoir au passant. C’est pourquoi un esprit attentif au specle de la nature, comme George Sand, s’habillait en homme pour errer dans les rues de Paris, sans être facilement reconnue…

Souvent, le désir de voyager est associé à celui de l’imaginaire et l’itinéraire suit les sentiers de la rêverie. Jacques Le Goff a précisé les

distinctions sémantiques entre représentation, idéologie et imaginaire. Il définit, en premier lieu, la notion de représentation extérieure, qui englobe toute traduction mentale d’une réalité extérieure perçue. La représentation est liée au processus de l’abstraction. La représentation d’une cathédrale, c’est l’idée de cathédrale. L’imaginaire fait partie du champ de la représentation. Mais il y occupe la partie de la traduction non reproductrice, non simplement transposée en image de l’esprit, mais créatrice, poétique au sens étymologique. Pour évoquer une cathédrale imaginaire, il faut avoir recours à la littérature ou à l’art: à la Notre-Dame de Paris de Victor Hugo, aux quarante tableaux de la

Cathédrale de Rouen de Claude Monet, à la Cathédrale engloutie des

Préludes de Claude Debussy. Mais s’il n’occupe qu’une fraction du territoire de la représentation, l’imaginaire le déborde. La fantaisie, au sens fort du mot, entraîne l’imaginaire au-delà de l’intellectuelle représentation. (103)

J. Le Goff distingue également l’imaginaire de l’idéologie. L’idélogie a donc une certaine parenté avec l’imaginaire et celui auquel nous nous rapportons ne renvoie pas à une idéologie ou aux représentations touristiques, mais s’intègre dans l’acception du terme donné par J. Le Goff. (104)

En général, chaque étape historique génère des manières de voyager spécifiques. Par exemple, les romantiques ont excellé dans l’art de jalonner l’espace de valeurs spirituelles. Le lieu peut nous convertir. À défaut de nous renvoyer à une théologie, à une croyance, il peut nous renvoyer à nous-mêmes. C’est un miroir parfait de nos états d’âme (le paysage est un état d’âme, disait Amiel). (105) Flaubert voyageant en Orient découvrira être né pour y vivre. (106) Il apprend en Orient non à connaître l’Orient, mais à se connaître. La même chose est arrivée à Montaigne à l’occasion de son voyage en Italie, d’où il est revenu l’homme du troisième livre des Essais: l’écart des deux éditions de 1580 et de 1588 se mesure de ce point de vue.

Albert Thibaudet affirme, à juste titre, que la seule découverte accomplie par Gustave Flaubert dans son voyage en Orient c’est une “découverte intérieure”, un effort d’établir son état littéraire intérieur. (107)

L’une des constantes les plus visibles dans la Correspondance de Gustave Flaubert est le goût du voyage, issu plutôt du désir de connaître de

nouvelles régions et les mentalités de leurs habitants, que d’un amour véritable de la nature. Il a le goût de l’insolite. Nous avons rencontré un “appétit” pareil chez Montaigne, l’auteur péféré de Flaubert, celui qui estimait le voyage, parmi les trois “commerces” de la vie – à côté de l’amitié et des livres (d’ailleurs ces deux derniers s’appliquent parfaitement à Flaubert, lui aussi).

La première impression – après avoir fouillé les volumes de la

Correspondance de Gustave Flaubert – est que l’écrivain a été passionnément épris du voyage, surtout à l’époque de sa jeunesse. Des voyages lointains en Orient jusqu’aux promenades à pied en Bretagne, tout le tente, tout le fait s’enthousiasmer, concevoir des projets. Beaucoup de ses impressions de voyage ont formé le sujet de ses premiers écrits (par exemple,

Par les champs et par les grèves, rédigé en commun avec Maxime Du Camp). Sur les grèves, Flaubert veut retrouver le sauvage, celui qui existe en lui, sous la croûte contemporaine. (108) Pour Gustave Flaubert, qui a toujours eu la hantise des espaces lointains, voyager est un travail sérieux, en tant que dépaysement, évasion, découverte, observe Maurice Nadeau, en continuant par expliquer la raison de l’écrivain de s’évader:

Comme arrachement au milieu dans lequel il vit et dont il ne tarde pas à voir la mesquinerie, avant de ne plus pouvoir s’en accomoder de fulminer contre les concitoyens de sa ville, de sa province, de son pays, leurs habitudes de vie et de pensée utilitaires, leurs moeurs étroites, leurs horizons bornés. S’il se cloître la plus grande partie de son existence, c’est par dévotion à l’art, c’est aussi pour échapper à la vie quotidienne et se donner de grandes soûleries de rêves qui le transportent dans des contrées magnifiques. (109)

Un voyage en Asie – qui durerait 6 ans – est son grand rêve qu’il fait savoir à Louise Colet, dans une lettre du 20 septembre 1846. Il avance même un calcul estimatif de l’expédition: 3 millions 600 mille et quelques francs. Ensuite la réflexion suivante vient tout naturellement: Oui, j’aurais voulu être riche parce que j’aurais fait de belles choses. (110)

En 1850, le rêve de Gustave Flaubert s’accomplit: il s’embarque enfin, le 29 octobre 1850, avec son ami, Maxime Du Camp, l’itinéraire étant Égypte,

Palestine, Rhodos, Asie mineure, Constantinople, Grèce – retour par la Grèce et l’Italie, en 1851.

La correspondance est pour le jeune Gustave le pont entre les nouveaux territoires “conquis” et son pays. Quand il écrit à sa mère (qu’il avait quittée difficilement, même si pour quelques mois seulement), Flaubert se souvient avec enchantement du sentiment provoqué par la ville du Caire. Le passage est représentatif pour l’attitude que l’écrivain-voyageur avait, en général, pendant ses aventures géographiques (en lisant la citation ci-dessous, nous pensons involontairement à une autre aventure, bien célèbre, même si métaphorique – celle de Dante en Enfer et au Purgatoire):

Comme le Caire est beau en été! Nous avons été émus en disant adieu à notre raïs et à nos matelots! Encore quelque chose de passé sans retour! Encore quelque chose de jeté au gouffre et qui ne reviendra plus! (111)

Et Flaubert rêve de connaître les espaces les plus lontains et les plus exotiques: la Perse, la Chine, les Indes, la Californie (qui l’excite toujours sous rapport humain, comme il écrit à Louis Bouilhet, dans une longue lettre envoyée de Constantinople. (112) La gamme des sentiments est bien diverse: dépaysement, euphorie, peur de l’inconnu, voyage dans le temps, retour à l’essentiel, repos, joie authentique. Les lieux de vacances sont remplis de tous les sentiments que nous y projetions, affirme Rachid Amirou, l’auteur d’une excellente étude sur le voyage. (113)

Ailleurs, Flaubert donne la définition du voyage (les adjectifs “amères” et “niaises” semblent évoquer la condition financière, bien ingrate, mais absolument nécessaire de tout voyage):

Voyager doit être un travail sérieux /…/ c’est une des choses les plus amères et en même temps les plus niaises de la vie. (114)

Ce désir de voyager est un vrai leitmotif dans la correspondance de l’écrivain. Quand il en parle, son expression a des accents lyriques, comme il se passe dans une lettre envoyée à L. Colet (115) :

J’ai des envies poignantes d’aller vivre hors la France. Il me revient, par bouffées des besoins de pérégrination démesurées. <<Ah, qui me donnera les ailes de la colombe?>> comme dit le psalmiste.

Quelquefois, cette aspiration est empreinte d’une déception si profonde, que le désir de voyager équivaut à un dépaysement nécessaire. Ayant la conviction que nul n’est prophète en son pays, Flaubert exprime clairement (toujours dans une lettre à Louise) son vif désir de vivre dans un pays où personne ne l’aime, ni le connaisse, où son nom ne fasse rien tressaillir, où sa mort, son absence ne coûte pas une larme. (116)

À Ernest Chevalier il avoue qu’il voudrait vivre en Espagne, en Italie, ou même en Provence. Comme nous l’avons déjà précisé, à un moment donné, Gustave Flaubert affirme sa haine de la France, de l’Europe entière: Je hais l’Europe, la France mon pays, ma succulente patrie que j’enverrais volontiers à tous les diables /…/ (117)

Ces moments de détresse sont compensés par les impressions très vives, voisinant l’extase, à l’égard des villes et des pays visités. Parmi toutes ces civilisations rencontrées, celle de l’Égypte l’enthousiasme par-dessus tout. L’Égypte deviendra une des patries de Flaubert. Pour lui, l’Égypte c’est la terre de la mélancolie, de la nostalgie profonde. Les Pyramides sont décrites minutieusement dans une lettre à Louis Bouilhet, du 15 janvier 1850. Les temples égyptiens finissent par l’embêter. Le Caire lui semble très beau en été, avec tous ses vêtements de couleur qui casse-brillent au soleil (118). Ces lettres sur la visite de l’Égypte abondent en détails pittoresques, comme c’est le cas d’une courtisane ou bien de sa danse. Les commentaires de Flaubert finissent par la conclusion surprenante que les belles femmes dansent mal. (119)

La visite de la ville d’Athènes est pour l’écrivain un événement de choix: Quand j’ai aperçu Athènes tout à l’heure, j’ai été heureux comme un enfant. (120)

Le Parthénon est décrit à son ami Bouilhet avec la ferveur d’un architecte passionné, de même qu’Acropole.

Flaubert décrit aussi le bain et le restaurant turcs. Les coutumes notamment attirent son attention:

Quelquefois nous nous arrêtons pour déjeuner chez un restaurant turc. Là on déchire la viande avec ses mains, on recueille la sauce avec son pain, on

boit de l’eau dans des jattes, la vermine court sur la muraille, et toute l’assistance rote à qui mieux mieux: c’est charmant. Vous croirez difficilement que nous y faisions d’excellents repas et que l’on y prend du café dont l’arôme est capable de vous attirer, vous, de Paris jusqu’ici. (121)

La curiosité de Flaubert, toujours en éveil, connaît un vif impact quand il s’agit de visiter l’Italie, avec ses belles villes – Rome, Venise ou Le Vatican. Rome, par exemple, écrit Flaubert à Bouilhet (122), est le plus splendide musée qu’il y ait au monde, car la quantité des chefs-d’oeuvre qu’il y a dans cette ville est étourdissante. La ville des artistes, Rome, a une atmosphère idéale, satisfaisant pleinement le goût de l’écrivain. Une “Vierge” de Murillo le poursuit comme une hallucination perpétuelle; un “Enlèvement d’Europe” de Véronèse l’excite énormément. Il voit même le cratère de Vésuve qu’il trouve “curieux”.

La Chapelle Sixtine de Michel-Ange est pour Flaubert un art immense à la Goethe, avec plus de passion, tandis que Michel-Ange est quelque chose d’inouï, comme serait un Homère shakespearien, un mélange d’antique et de médiéval. La “Vierge” de Murillo de la galerie Corsini le rend amoureux. (123) À Venise, il aimerait vivre; son rêve est d’acheter un petit palais sur le grand canal.

Chose intéressante, les voyages de Flaubert se font parfois “en idée”, comme ceux de Chateaubriand. L’écrivain croit que c’est une des tristesses de la civilisation l’obligation d’habiter dans des maisons. Il croit, en plus, que les gens sont faits pour s’endormir sur le dos en regardant les étoiles. L’écrivain avance même l’idée que bientôt l’humanité (par le développement nouveau de locomotion) va revenir à l’état nomade, et cela va instaurer le calme dans les esprits. (124)

Un voyage en Afrique l’attire aussi, il le voit comme une nécessité absolue. D’ailleurs, Flaubert voudrait vivre à cheval et dormir sous la tente - cette expédition lui faudrait en plus pour mieux concevoir son roman sur Carthage, Salammbô. Plus que par le besoin de se documenter, Flaubert y est mené par l’envie de respirer l’air des pays inconnus.

Les cinq voyages de Flaubert (aux Pyrénées et en Corse, en Italie, en Bretagne et en Normandie, en Orient et en Carthage), dont les

textes-témoignages ont été réunis pour la première fois dans un seul volume en 1998 (125), dévoilent un homme sincère, optimiste, intéressé aux scènes de la rue, à la vie privée, à la vie quotidienne, aux innombrables détails désignant l’univers moral d’un espace visité. Flaubert lui-même considérait son genre d’observation surtout moral.

Le jeune Gustave fait comme Montaigne: il observe et prend des notes, car il ne voyage jamais “en épicier” ou “en commis-voyageur”. La chose qui mérite d’être soulignée est que Flaubert ne rédige pas ses notes de voyage