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Naples dans son environnement : une lecture qui aggrave le constat de marginalité Dans ce cadre, un élément aggravant apparaît dans le décrochage entre Naples et certaines

1975-1988 1989-1993 1994-1999 2000-2006 2007-2013 % des fonds italiens

2. UNE MÉTROPOLE EN DÉCROCHEMENT PERSISTANT

2.2 Naples dans son environnement : une lecture qui aggrave le constat de marginalité Dans ce cadre, un élément aggravant apparaît dans le décrochage entre Naples et certaines

provinces proches. Effectivement, la région Campanie n’a pas suivi l’« évolution générale » qu’ont connu, par exemple, les provinces toutes proches de Latina et Frosinone, situées en région Latium, dans les années 1970-80. Les disparités régionales en termes de PIB par habitant (indice 100=Italie) affichaient le net décrochage de la province napolitaine et parallèlement l’envolée de la province de Latina (dans la région du Latium) en 1981 (Fig.2.7).

Sans entrer dans le détail, la situation géographique de Naples et des autres provinces campaniennes dans une zone composée de régions plus pauvres est une première clé de compréhension du décrochage.

En effet, la province de Latina, située dans la zone Centre, au sud de Rome, semble avoir bénéficié d’un effet de contexte géographique beaucoup plus favorable (Rivière, 1997, Grasland, 2006). Certes, le tremblement de terre de 1980 qui a touché Naples et sa région a également joué en défaveur du rattrapage économique. Mais au-delà de cet événement, jouent aussi des phénomènes structurels : comme l’ont souligné divers auteurs, tout se passe comme si la métropole napolitaine s’enfonçait dans un « effet Sud » négatif et non positif.

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Fig.2.7

Évolution du PIB par hab. (PPA) entre 1951 et 1991 dans cinq provinces italiennes

Sources: Grasland, 2006, p.371-401, Celante, 1994.

Toutefois, il faut sans doute nuancer l’idée d’une marginalité qui s’auto-entretiendrait « en boucle » en région Campanie comme dans tout le Mezzogiorno. Divers indicateurs, liés notamment aux infrastructures, présentent une réalité plus nuancée. En particulier, on peut ici s’arrêter quelques instants sur le bilan controversé de la politique méridionale dans le Mezzogiorno, que nous évoquerons plus en détail dans la seconde partie de thèse. Celle-ci a été jugée de façon négative pour son caractère clientéliste, son manque de programmation, l’abondance des conflits institutionnels, son manque de cohérence sur le territoire ou encore sa trop forte dépendance à l’État central, qui en fait le symbole d’une situation plus générale. Mais, puisque nous sommes ici dans la lecture des indicateurs, si on considère ces indicateurs bruts que sont l’eau, les réseaux routiers, etc. son bilan tel qu’il a pu être effectué au moment de la clôture, n’est pas si mauvais (Tab.2.3).

Ainsi, le pourcentage en nombre d’habitations des maisons sans électricité passait de 30% au début des années 1950 à 3% au début des années 1990. L’approvisionnement en eau, de 80 litres par habitant par jour en 1950 passait à 350 litres au début des années 1990…. Ce sont là des critères d’appréciation du « développement » et des chiffres que nous pourrions retrouver quasiment à l’identique à propos d’autres territoires européens marginaux, par exemple dans le second Rapport sur la politique de cohésion économique et social (2001). En effet, pour l’Union européenne, « une dotation adéquate en infrastructures constitue une condition nécessaire mais non suffisante pour le développement économique et la compétitivité d’une région, déterminant la localisation des activités économiques et le type d’activités ou de secteurs susceptibles de se

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développer » (UE, 2001, p.49). Ces chiffres ont souvent été assortis de réserves en ce qui concerne la politique méridionale - routes inachevées et ne menant à rien, etc.-, or nous retrouvons parfois aujourd’hui ces mêmes arguments évoqués à l’encontre des programmes opérationnels espagnols ou portugais…

Tab.2.3

Mezzogiorno, les changements dans la qualité et le niveau de vie (comparaison entre le début des années 1950 et le début des années 1990)

Indicateurs 1950 1990

PNB par habitant (en millions de Lires italiennes, taux de 1992)

5 18

Employés dans l’industrie manufacturière

(dans les entreprises de plus de 10 employés, pour 1000 habitants)

14 35

Les réseaux routiers (Kms pour 1000 Km²)

35 100

Installation de téléphones (pour 100 habitations) 0,5 30

Les maisons sans sanitaires

(en pourcentage du nombre d’habitations)

35 3

Les maisons sans électricité

(en pourcentage du nombre d’habitations)

30 3

Approvisionnement en eau (litres par habitant par jour)

80 350

Source: Extrait de Celant, 1994, p.13.

Les critiques sur la pertinence de ces indicateurs d’équipement sont-elles fondées ? Sans doute. Dans le cas de l’Italie méridionale, si les réseaux routiers passent de 35 à 100 km pour 1000 km2, cela ne signifie pas pour autant que le territoire est entièrement désenclavé. En effet, Naples et son agglomération ainsi que les chefs-lieux de provinces concentrent la majeure partie des travaux d’infrastructure. Mais là encore, on peut d’emblée relever que nous nous situons dans une logique que ne désavoueraient pas les récents rapports sur la cohésion. En effet, le désenclavement tel qu’il fut promu par la Caisse du midi de 1950 à 1993 visait en grande partie directement ou indirectement les entreprises. Les pouvoirs publics pensaient ainsi un possible développement fondé essentiellement sur la « croissance autonome de la capacité productive », principe au cœur des aires de développement industriel (Chapitre 3).

En somme, ce deuxième point révèle encore une fois le caractère paradoxal de la Campanie qui bénéficie d’atouts indéniables (dimension métropolitaine, dépenses en matière de Recherche et Développement, etc.), mais qui concentre des difficultés structurelles et économiques certes évolutives, mais que les pouvoirs publics ne sont pas en mesure d’endiguer (criminalité, chômage, etc.).

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Les deux premiers points de ce chapitre ont mis en évidence la réalité économique, politique, sociale et structurelle dans laquelle étaient injectés les fonds structurels européens. Il s’agit à présent de changer à nouveau d’échelle et de revenir au local, en s’arrêtant sur nos deux exemples phares : le métro régional et la friche en reconversion de Bagnoli. L’objectif est de mieux saisir la réalité dans laquelle les aides communautaires sont versées. Revenant sur certains points abordés dans le chapitre 1, nous tentons aussi de comprendre les raisons de calendrier, de dynamique des projets pour lesquelles le projet du métro s’est vu obtenir des subventions européennes nettement plus importantes que le projet de requalification urbaine de Bagnoli.