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Le métropolitain dans des jeux d’images L’art et l’archéologie au service des politiques publiques régionale et européenne

1975-1988 1989-1993 1994-1999 2000-2006 2007-2013 % des fonds italiens

3. LE MÉTRO RÉGIONAL CAMPANIEN : LA CURA DEL FERRO 131 VERSION NAPOLITAINE

3.3 Le métropolitain dans des jeux d’images L’art et l’archéologie au service des politiques publiques régionale et européenne

À l’échelle régionale comme au niveau communal, à partir des années 1990, les pouvoirs publics accordent au patrimoine paysager culturel et archéologique une place essentielle, officiellement au moins. En effet, le patrimoine paysager culturel et archéologique constitue un outil majeur des politiques de marketing territorial. Dans cette optique, le métropolitain servira de vecteur principal. À l’occasion de l’inauguration de la station de métro Dante en mars 2000, les pouvoirs publics articulaient volontairement l’art et le métro à travers deux slogans : « à Naples, un métropolitain dans les règles de l’art » (Encadré 2.3b, p.127) ou encore « Métro après métro l’art rencontre Dante » (Froment, 2003). Là encore, ce processus n’est pas uniquement local/régional mais aussi européen.

Aujourd’hui, pas une station de métro cofinancée par les fonds structurels n’échappe à cet aspect culturel du processus de « standardisation » européen (Photographie 2.7).

Photographie 2.7

Station Piazza Cavour, Ligne 1 du métro de Naples

Auteure : E. Manceau, 2007.

Les métros d’Athènes, Naples, Madrid, Dublin ou de Newcastle Upon Tyne ont à la fois reçu l’aide des fonds communautaires et se sont inscrits dans une dynamique d’articulation entre

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patrimoine culturel, architectural et mobilité. Ainsi, si chaque station est unique, elles possèdent cependant la même marque de fabrique140.

Doc.2.4

Place Dante (avant et après projet du métro) – Architecte Gae Aulenti.

Source : Ennio Cascetta, 2007.

Certes, l’idée d’introduire l’art dans le métro n’est pas récente et n’est pas l’apanage de l’Europe141. Pas moins de vingt architectes ont été sollicités pour les nouvelles stations du métro à Naples. Mais si l’Europe joue un rôle considérable dans l’intégration de l’art dans les stations du métro, l’influence de la commune de Naples ne doit pas être oubliée. Dans le cas de Naples, l’art est délibérément « emphatisé » par la Ville. Et cette dimension reste très affirmée.

Le document 2.4 présente deux photographies de la Place Dante avant le projet du métropolitain et à la fin des travaux. On observe ainsi une Place occupée par l’automobile (à gauche) puis rendue aux piétons et au métropolitain. La photographie actuelle de la place Dante du document 2.4 montre en bas à gauche la sortie du métro, caractérisée par une entrée transparente, qui laisse supposer la volonté d’une continuité visuelle de la Place.

Enfin, l’articulation entre les travaux du système de métro régional et l’excavation de sites archéologiques met en exergue à la fois le caractère opposé des deux politiques et leur complémentarité :

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Il est intéressant de constater que chaque portail internet des transports en commun cofinancé par le FEDERest construit de façon similaire, avec toujours un onglet dédié à l’art dans le métro.

141 À Paris au début du XXème siècle, Hector Guimard, chef de file de l’Art nouveau en France, était en

charge de quelques stations du métro (Bastille, Richard Lenoir ...). De Montréal àBruxelles, dès les années 1960, la construction des stations du métro a été confiée à des architectes et plus récemment à Naples.

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D’un côté, la découverte de sites archéologiques, de villes gréco-romaines, n’est, bien évidemment, pas récente en région Campanie et depuis longtemps, les travaux d’extension du chemin de fer ont toujours pris en considération ces « musées à ciel ouvert » (Photographie 2.8).

Photographie 2.8

Les travaux de la Station Toledo (Ligne 1) pris dans le patrimoine archéologique

Auteure : E. Manceau, 2007, Google Map, 2010.

Plus encore aujourd’hui, la prise en compte des sites excavés est un élément essentiel pour la ressource territoriale en région Campanie et « chaque nouvelle intervention doit prendre en compte celle préexistante » (De Caro, 2005, p.170). Quand la Municipalité a lancé son projet de métro dans les années 1990, elle s’inscrivait dans une démarche intégrée de planification

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territoriale. L’objectif visait entre autres à requalifier le centre historique à travers la valorisation du patrimoine culturel qui comprenait bien évidemment le caractère archéologique du site.

De l’autre côté, si la mise à jour des villes gréco-romaines constitue une richesse pour Naples et sa région, elle représente également un frein à la reconquête du territoire. Pour comprendre cette ambivalence, arrêtons-nous un instant sur l’exemple de la Ligne 1 du métropolitain.

Le projet remonte aux années 1960, mais c’est à la fin des années 1970 que les travaux débutent réellement. La Ligne 1 doit prendre la forme d’un anneau au cœur de Naples (Doc.2.2, p.159). En 1993, après treize années de chantiers, une première partie de l’anneau – Colli Aminei- Piscinola est livrée. Au début des années 2000, d’autres chantiers se sont ouverts dont ceux situés aux stations Toledo et Piazza Municipio, en plein centre ville. Mais lors des travaux, plusieurs sites archéologiques dont une ville gréco-romaine sont excavés (Photographies 2.8 et 2.9). Ces excavations ont engendré l’arrêt momentané des travaux du métropolitain retardant son achèvement. L’excavation de ces sites, censée apporter une plus value au processus de reconquête se présente à court terme comme un frein au développement du centre ancien de Naples.

Plusieurs effets contraignants sont identifiés parmi lesquels le temps des travaux, l’augmentation des coûts financiers et enfin l’augmentation du trafic automobile couplée à l’étroitesse de la voirie liée aux travaux. Dans le cadre de la Ligne 1 du métro, le chantier qui aurait du s’achever, dans le centre ville, en 2013 prend donc d’importants retards. Ces retards ont même poussé certains usagers à comparer les travaux de la Ligne 1 du métro, dont les travaux durent depuis 32 ans, aux travaux de construction … de la pyramide de Kheops, bâtie plus rapidement (blog d’usagers142).

142 http://www.lineadiconfine.it/ldc/2009/01/18/linea-1-della-metropolitana-di-napoli/, 18 janvier 2009.

Extrait : « Le citadin napolitain ne perd pas la capacité de faire de l’ironie. Et l’esprit napolitain, la propension à dédramatiser le négatif en mode cathartique, exorcisant la souffrance provoquée par l’inefficacité, le chaos et la criminalité, pour aller de l’avant dans la difficulté de la vie quotidienne dans une ville comme Naples où tout est amplifié […] On se demande encore combien de temps ces cavités qui apparaissent comme des plaies ouvertes marqueront la ville, et combien de temps les citoyens de Naples devront supporter les désagréments causés par les travaux en cours. […] Et quand vous êtes déjà résigné à être coincé dans les embouteillages, peut-être même depuis la Piazza Municipio, à l'intérieur de votre voiture et que vous tournez vers la fenêtre, soufflant en regardant dans la direction de ce site. Une fois de plus c'est là que nous nous rendons compte que notre ville est magnifique. Le soleil? La mer? Le Vésuve? Non, pas les trucs habituels des cartes postales. Et «le ventre de Naples continue d'étendre ses dons généreusement et sans condition […] Les vestiges archéologiques de l'ancien port sont sortis à quelques mètres de la station […] ».

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Photographie 2.9

Travaux du métropolitain (Ligne 1) Piazza Municipio et fouilles archéologiques à Naples

Auteure : E. Manceau, 2006.

En outre, si l’un des objectifs du métropolitain était la réduction du trafic automobile, la durée des travaux et les contraintes imposées par les excavations engendrent une circulation difficile dans le centre ville, renforçant le caractère congestionné de la ville, évoqué précédemment par Elena Camerlingo. Si l’articulation patrimoine archéologique/métro apparaît comme « naturel » et logique dans le cadre de la reconquête du territoire napolitain et régional, il n’en demeure pas moins, que sur le court terme, ces deux éléments se heurtent et freinent le développement territorial et surtout contribuent aux effets d’image négative.

En somme, le projet de métropolitain, d’abord local puis régional symbolise ici un processus plus général de dimension européenne à l’image des grandes villes européennes. Cette dimension introduit au-delà de Naples et sa région et les politiques de transport qu’elles conduisent dans un processus de « normalisation » des politiques d’aménagement du territoire. Dans ce cadre, l’art et les paysages archéologiques, patrimoines inhérent à Naples et à la Campanie, constituent les

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principaux vecteurs des politiques de marketing territorial à la fois locale et « européenne » voire globale.

4. BAGNOLI, LA CHIMÉRIQUE : DU GIGANTISME INDUSTRIEL AU « POUMON VERT » DE