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1975-1988 1989-1993 1994-1999 2000-2006 2007-2013 % des fonds italiens

2. LA CAMPANIE, UNE RÉGION « BANALE » DE L’OBJECTIF 1 ?

2.2 Élargissements et « effet statistique »

En outre, et ceci contribue aussi à une certaine « insécurité » structurelle des financements, le processus de l’élargissement a engendré ou plus exactement suscité la prise en compte par la politique de cohésion d’un « effet statistique » qui s’est caractérisé par la sortie de plusieurs régions de l’objectif 1. Or ceci a « frôlé » la Campanie (Fig.1.5).

L’« effet statistique » concerne les régions dont le PIB reste en deçà de 75% de la moyenne communautaire dans une Union à 15 pays membres et dont l’indice passe au dessus de la moyenne communautaire dans une Union à 27 États membres.

Pour la période 2000-06, la Commission européenne identifiait, lors de la parution du second Rapport sur la cohésion (2001), seize régions européennes, qui ont été effectivement exclues de l’objectif 1 et dont le PIB par habitant se situait au dessus de la barre des 75% de la moyenne communautaire. Pour établir la liste effective et sur la base du Règlement des fonds structurels 1260/1999, la Commission avait pris en considération le PIB par habitant mesuré en standards de pouvoir d’achat calculé à partir des données communautaires des trois dernières années disponibles le 26 mars 1999. Ces régions ont alors bénéficié d’un régime spécial de soutien transitoire pour la période 2007-13.

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Fig.1.5

Les régions européennes officielles et officieuses soumises à l’ « effet statistique »

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Parmi ces régions, huit appartenaient aux pays de la cohésion74, cinq se trouvaient en Allemagne, une en Belgique, une en Grande-Bretagne et une seule en Italie du Sud : la Basilicate (Fig.1.5).

Cette « effet statistique » nous renvoie donc au caractère très normatif du « seuil » choisi, le fameux indice 75 du PIB par habitant. Or outre les critères portant sur le PIB lui-même dans lesquels nous n’entrerons pas -, force est de constater que ce seuil est lui-même sujet à une certaine variabilité. Ainsi, dans une autre configuration, celle du programme 2007-13, cette fois-ci en comparant le PIB/hab. de 2001 dans une Union à 15 (3ème Rapport sur la cohésion) à celui de 2004, dans une Europe élargie à 27 États membres (4ème Rapport sur la cohésion), on peut noter que le nombre de régions qui aurait pu basculer au dessus de l’indice 75 et donc hors « convergence » pour 2007-13 aurait dû être plus important (Tab.1.8, Fig.1.5).

Parmi ces régions, l’Andalousie et la Galice en Espagne, Thuringe, Chemnitz ou encore Sachsen-Anhalt en Allemagne auraient pu rejoindre Leipzig ou Dresde, régions déjà soumises à l’effet statistique (Tab.1.8). Mais la donnée officielle du PIB, utilisée pour 2007-13, a été calculée sur la période 2000-2002 évitant à ces régions de perdre leur statut de région en difficulté (Règlement CE, n°1083/2006).

En ce qui concerne le Sud italien, le PIB de la région Basilicate est passé respectivement de 70,5 (Ue15=100, 2001) à 75,4 (Ue27=100) en 2004, ce qui l’a contraint à passer en phase de « soutien transitoire » (phasing-out) sur ce même programme. Ce basculement lui a fait perdre une partie de ses fonds structurels. Ainsi, si le Programme opérationnel régional 2000- 06 de Basilicate prévoyait une aide européenne de 434 millions d’euros (FEDER) (POR Basilicata, p.273), les subventions pour la période actuelle n’atteignent que 300 millions d’euros (FEDER).

L’ « effet statistique » a également joué sur les régions dont le PIB par hab. se situait quelque soit l’échelle (15, 25 ou 27) au seuil de la moyenne communautaire, qualifiées de phasing-out. En particulier, la région Sardaigne, dont le PIB est passé de 76% à 81,4%, s’est inscrite dans le nouvel objectif « compétitivité » de la politique de cohésion 2007-13 sans passer par l’étape du soutien transitoire comme la région Basilicate. La conséquence directe a été une perte nette des fonds structurels encore plus importante que pour la Basilicate. En effet, la région Sardaigne a perdu 50% de l’aide européenne d’un programme à l’autre avec une participation de 680 millions d’euros (FEDER) pour la période 2007-13 contre plus 1 300 millions d’euros (FEDER) pour la période de programmation 2000-06.

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Les régions officielles touchées par l’effet statistique appartenant aux pays de la cohésion sont pour la période 1997-99 : Kentriki Makedonia, Dytiki Makedinia et Attiky pour la Grèce ; Principado de Asturias, Region di Murcia, Ciudad Autonoma de Ceuta, Ciudad Autonoma de Melilla en Espagne, et la région d’Algarve au Portugal.

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Tab.1.8

Les régions européennes dont l’indice du PIB a été soumis à l’ « effet statistique » entre 2001 et 2004

PIB/hab. en SPA (Indice, Ue15=100), 2001 3ème Rapport PIB/hab/ en SPA (Indice, Ue27=100), 2004 4ème Rapport Grèce Kriti 64,4 80,5 Ionia Nisia 59,9 76,7 Attiki 71,2 112,7 Espagne Principado d’Asturias 72,4 90,8 Murcia 71,2 84,4 Galicia 66,5 83,9 Castilla-la Mancha 67,1 79,1 Andalucía 63,1 77,6 Portugal Algarve 72,4 77,1 Allemagne Brandenburg - Nordost 68,4 76,2 Brandenburg - Südwest* 70,9 85,7 Mecklenburg- Vorpommern 65,9 78,6 Chemnitz 63,9 81 Dresde* 68,4 90,4 Leipzig* 70,6 85,9 Sachsen-Anhalt 65,3 85,9 Thüringen 66,2 81,4 Belgique Hainaut 69,1 81,6

Royaume Uni Merseyside 74,5 87,3

West Wales & the Valleys 69,6 80,3

Italie Basilicate 70,5 75,4

Sources : CE, 3ème et 4ème rapports sur la cohésion, 2004, 2007.*Régions officielles soumises à l’effet statistique sur la base du règlement des fonds structurels 1260/1999.

Dans une dimension plus prospective cette fois-ci, si l’on s’attache à prendre le PIB par hab. en 2007 (PPA), une nouvelle carte de la politique de cohésion, orientée quasi-exclusivement vers l’Est de l’Europe, se dessinerait accentuant le constat fait ci-dessus. En effet, nous pouvons observer qu’un certain nombre de régions, autrefois classées en objectif « convergence » et appartenant parfois même aux pays de la cohésion (l’Andalousie en Espagne, Norte et Porto au Portugal par exemple) basculerait au-dessus de l’indice 75. La figure 1.6 propose ainsi ce qu’aurait pu être les futures zones éligibles à la politique de cohésion 2014-20, si la Commission européenne se fondait sur le PIB par hab. (PPA) en 2007.

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Fig.1.6

Exercice de fiction prospective des zones éligibles de la politique de cohésion pour la période 2014-2020

Source : 5ème Rapport sur la cohésion, 2010.

Bien sûr, si en première approche, les zones éligibles aux objectifs : « convergence » et « compétitivité » se différencient par ce seuil d’un PIB de 75% de la moyenne communautaire, pour les régions dites de « transition », les modes de calcul de la Commission pour déterminer

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les gradients in/out, nécessite un pointage minutieux des régions concernées75. Aussi, nous avons choisi de ne pas représenter les régions en phase de transition de l’objectif « convergence » vers l’objectif « compétitivité » sur cette carte qui n’est qu’une fiction. Mais cette représentation montre, elle aussi, clairement le caractère en partie aléatoire de l’indicateur de PIB et ici de son seuil de 75% pouvant faire basculer d’une année sur l’autre une région en objectif « convergence » vers une région de « compétitivité ».

Enfin, si l’élargissement à 27 pays membres n’a pas dans l’immédiat fait craindre à la région Campanie de perdre son statut de région de « convergence », le Programme opérationnel campanien pour la période 2007-13 souligne que son PIB par habitant affichait en 1995 un indice de 74,7 dans une Union à 25 (cité par le PO Campania 2007-13) (Tab.2.1, p.142), donc proche du seuil fatidique des 75% de la moyenne communautaire. Nous pouvons supposer que cette référence, en elle-même étonnante, faite par le Programme opérationnel 2007-13, est là pour rappeler que la Campanie, malgré son PIB en dessous des 75% de la moyenne communautaire n’est pas à l’abri de l’ « effet statistique » en cas d’un nouvel élargissement ou d’un développement ralenti des Pays de l’Europe Centrale et Orientale. En effet, avec la crise, si la convergence des Pays de l’Europe centrale et orientale cesse voire s’inverse, la région Campanie pourrait à nouveau se retrouver proche du seuil de l’indice 75. En revanche, un développement économique rapide de ces pays pourrait « rabaisser » son PIB par habitant.

Sans préjuger des choix qui seront faits en 2013, on peut noter qu’avant le début de la crise, le PIB campanien en 2007 affichait un indice de 65,9 (Ue=27) dans le 5ème Rapport sur la cohésion de l’Union (2010). Paradoxalement, c’est donc son incapacité à « décoller » qui protège la Campanie d’une perte sèche de ses fonds communautaires. D’ailleurs, le 4ème Rapport sur la cohésion économique et sociale de la Commission européenne précisait que « Naples, dans le Sud, n’apporte pour sa part qu’une contribution beaucoup plus modeste au PIB et rien ne laisse actuellement présager d’un rattrapage, même si la croissance est depuis quelques années, légèrement plus rapide dans les régions méridionales que dans le nord du pays » (UE, 2007, p.13).

Il est évident que la Campanie se trouve dans une situation à de nombreux égards plus confortable que les régions qui ont récemment intégré l’Union européenne. Toutefois ses difficultés « intrinsèques » ne se sont pas atténuées. Qu’adviendra-t-il de la région Campanie dans le futur cadre de programmation des fonds structurels 2014-20 ? Sera-t-elle toujours

75Se référer à l’article 6 du règlement des fonds pour la période 2000-06 qui définis les critères liés au

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classée parmi les régions de convergence ? Pour en rester aux seuls pays candidats, l’entrée de la Croatie (dont l’indice de PIB par hab. était de 63 (Ue=27) en 2008 pour 4,5 millions d’habitants (2008)) ne menace guère son statut, celui de la Turquie aurait évidemment un impact autrement important puisque son PIB/hab. affichait un indice de 46 (Ue=27) pour 72,5 millions d’habitants (2009). Se pose aussi la question d’un éventuel changement du seuil de l’indice 75, même si pour l’heure, cette option semble peu d’actualité. Quoi qu’il en soit, c’est une question de fond qui se pose et que les autorités nationales et régionales tentent d’ores et déjà d’appréhender.

Ce débat joue aussi par ricochet à l’échelle nationale. En effet, en 2002, le Fonds pour les territoires sous-utilisés (FAS), qui concerne aussi bien les régions du Nord que du Sud italien, était institué. Or il s’inscrit comme un financement complémentaire d’autres instruments tels que le FEDER. En juin 2009, la Giunta de la Région Campanie, sur proposition du Président Antonio Bassolino, avait approuvé son programme de réalisation du FAS. Ce programme prévoyait sur la période 2009-13 plus de 4 milliards d’euros pour la réalisation de différents objectifs76. La politique menée par l’État italien à travers l’institution du FAS - et relayée ici par la région Campanie à travers son propre programme - s’apparente clairement à une politique de prévention qui vise à maintenir les fonds structurels sur l’ensemble du territoire, puisque ce fonds concerne tous les territoires en difficulté aussi bien au Nord qu’au Sud (Fig.3.5, p.220), mais aussi à prévenir une éventuelle « renationalisation » de la politique de cohésion.

Au terme de ce deuxième point, on peut conclure partiellement sur le fait que la Campanie est une région « banale » de l’objectif 1, tout au moins, elle n’est pas privilégiée par les politiques communautaires. Son statut de région « pauvre » d’un pays « riche » joue sans doute sur sa position. Pour autant, comme nous le verrons dans le chapitre 2, elle concentre d’importantes difficultés systémiques au même titre que les régions du fonds de cohésion (Grèce, Espagne …) et certaines régions allemandes. Même si elle ne semble pas menacée directement par les élargissements ou la diminution des fonds structurels (ses aides communautaires sont en légère hausse77 pour la période de programmation 2007-13), il n’en

76 Ces objectifs visent la compétitivité et l’attractivité des systèmes urbains (1,2 milliard d’euros), les

réseaux de transport (1 milliard d’euros), l’environnement et l’énergie (870 millions d’euros), les systèmes productifs locaux (400 millions d’euros), le tourisme et la valorisation des ressources naturelles et culturelles (300 millions d’euros). La mise en œuvre de ce fonds s’opère également par le biais d’accords de réciprocité entre la Région et les communes pour un montant de 500 millions d’euros.

77 Nous y reviendrons dans le chapitre 5, mais cette hausse est aussi liée directement au principe

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reste pas moins, que les régions, par peur d’une concurrence intra-régionale, font bloc lors des discussions autour du budget européen.

3. LE MÉTROPOLITAIN DE NAPLES ET LA REQUALIFICATION DE LA FRICHE DE BAGNOLI,