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Nécessité des politiques d’innovation

V. Nouvelles formes de consensus

3. Nécessité des politiques d’innovation

Les relations entre le changement technique et l’investissement sont très étroites. Le taux d’adoption et de diffusion des procédés et techniques incorpo­ rant des équipements est déterminé dans une large mesure par le taux d’inves­ tissement. Le volume des activités qui débouchent sur la création et l’amélioration de nouvelles techniques — activités de Recherche-Développement (R-D), activités

d’ingéniérie et activités commerciales qui leur sont liées — est influencé par les conditions économiques — notamment par le niveau prévisible de la demande future — exactement de la même façon que le sont les décisions d’investir.

Le changement technique n’est toutefois pas seulement une conséquence des activités d’investissement ; il en est aussi l’une des causes. C’est ainsi notam­ ment que la proportion considérable des activités d’innovation consacrées à la création et à l’amélioration de produits entraîne souvent la création de possibilités d’investissement, et non des moindres.

On risquerait donc de se fourvoyer et de s’exposer à des mécomptes si l’on postulait que les activités liées au changement technique sont exactement les mêmes que celles liées à l’investissement et que, dès lors qu’on mène une poli­ tique d’investissement correcte, on n’a guère à se soucier du changement tech­ nique. Bien plutôt, miser sur l’innovation peut être plus fructueux pour stimuler l’investissement qu’utiliser les divers mécanismes fiscaux d’incitation de l’inves­ tissement que l’on connaît bien.

Par ailleurs, les activités étroitement liées au changement technique — notamment la Recherche, le Développement et la conception — impliquent l’uti­ lisation d’une forte proportion de ressources humaines : travail, compétences, connaissances. La réussite, le caractère fructueux de l’innovation et de « l’appren­ tissage » (c’est-à-dire de l’amélioration) dépendent souvent du concours, de la convergence de compétences et de capacités différentes, voire disparates — autrement dit, du travail en commun d’équipes qui ont besoin de beaucoup de temps pour créer quelque chose. C’est pourquoi on ne peut pas laisser (et on ne laisse pas) les activités de R-D subir des fluctuations de grande amplitude sous l’influence des conditions économiques à court terme.

De plus, s’il est tentant, il est aussi simpliste — donc dangereux — de partir du principe que la technologie répond automatiquement, rapidement et efficacement aux tendances que font apparaître l’évolution de la demande et celle des coûts sur le marché. Sa réponse dépend aussi de la base de connais­ sances et de compétences qui lui est nécessaire, laquelle dépend à son tour de la politique mise en œuvre pour assurer le soutien et le développement d’une vaste gamme de connaissances et de compétences scientifiques et techniques7.

Dans le système d’économie de marché, les facteurs qui encouragent et qui récompensent le changement technique dépendent directement de ce qu’on appelle souvent « les imperfections du marché » ; notamment de la possibilité, pour ceux qui réussissent à innover, de bénéficier concrètement des avantages monopolistiques temporaires que leur valent leurs innovations. Ils tirent profit de ces avantages, tantôt parce que les entreprises concurrentes ont besoin de beaucoup de temps pour imiter efficacement les innovations, tantôt parce que le système des brevets leur confère une protection juridique. Les problèmes que soulève l’établissement d’un équilibre convenable entre, d’une part, les encoura­ gements et récompenses de l’innovation et, d’autre part, la diffusion rapide de l’innovation et les considérations générales concernant le bien-être social, sont évidemment d’ordre politique, relevant de la compétence des pouvoirs publics.

Enfin, le changement technique est étroitement lié au changement des struc­ tures et des organisations, ainsi qu’aux compétences des hommes. L’utilisation efficace d’une technique nouvelle exige souvent que des changements soient parallèlement apportés aux dispositifs institutionnels, et l’expansion comme le

7. Voir D. Mowery et N . Rosenberg, « The Influence of Market Demand Upon Innovation: A Critical Review of Sonie Recent Empirical Studies », Research P olicy, n° 8, 1979.

déclin des industries sont étroitement liés aux taux de changement technique. L’utilisation efficace d’une technique nouvelle dépend aussi des compétences et de la capacité des dirigeants, des cadres et des exécutants, notamment de leur aptitude à apprendre (c’est-à-dire à améliorer les choses) en « mettant la main à la pâte », une fois que cette technique a été introduite dans la pratique.

L’innovation technique est donc un processus éminemment complexe : œuvre collective même lorsque son support principal est l’entreprise privée, elle met en jeu de multiples agents et institutions et les éléments techniques qui la constituent ne peuvent être dissociés du tissu social dans lequel elle s’engendre et se développe. L’objet sur lequel elle débouche n’est pas seulement déterminé par son histoire et sa configuration techniques. Il fait partie d’un ensemble que soutient un système d’enseignement et de culture et il a des répercussions qui débordent le champ de la technique proprement dite.

Ainsi, si le progrès technique a joué et joue un rôle essentiel dans le déve­ loppement économique, le nombre des paramètres en jeu est si important que son occurrence n’est absolument pas garantie par le seul fonctionnement des méca­ nismes économiques. Le progrès technique est la résultante d’une combinaison de facteurs, tant au niveau micro- que macro-économique, dont la réalisation est très largement incertaine et que peuvent stimuler, tantôt une situation de dépres­ sion, tantôt un mouvement de croissance. Maximiser les probabilités d'occurrence des combinaisons heureuses est donc Vobjectif des politiques gouvernementales en matière d'innovation. Les interventions qu’elles comportent se situent à plu­ sieurs niveaux et ont un horizon d’impact plus ou moins lointain.

Toute politique de l’innovation doit reconnaître et prendre en compte la complexité de ce processus. Quand on dit qu’il importe de créer un climat favo­ rable à l’innovation technique, on présuppose qu’un certain nombre de conditions doivent être remplies pour que ce processus se déroule au mieux ; faute de remplir une de ces conditions, l’invention ou l’idée peut ne pas trouver sa sanction sur le marché. Or l’une des données de la situation actuelle est aussi que les condi­ tions qui déterminent tant la genèse de l’innovation que sa réception par la société et sa diffusion sur le marché international deviennent toujours plus complexes.

II.

LE DÉVELOPPEMENT