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La nécessité d’une concertation internationale

IV. Coordination nationale et concertation internationale

2. La nécessité d’une concertation internationale

De toute évidence, tous les pays Membres ont mutuellement intérêt à se consulter, à échanger leurs expériences et à coopérer pour stimuler l’innovation technique, car une intensification de l’innovation dans tous les pays Membres profite à chacun d’entre eux. En outre, il est possible au sein de l’OCDE de combler les insuffisances de la coordination entre les affaires scientifiques et techniques et le territoire de l’économie par un effort concerté d’échanges d’infor­ mations et d’analyses sur les implications communes des politiques suivies par les pays Membres dans les deux domaines.

Depuis l’époque où certains pays européens s’inquiétaient à l’idée que se creusait l’écart entre un pays technologiquement en tête — les Etats-Unis — et les autres, la situation a profondément changé. Si les Etats-Unis sont toujours largement en tête, dans de nombreux domaines ils ont été rejoints, voire dépassés, par certains pays européens ou par le Japon : au monocentrisme technologique a succédé un certain polycentrisme ; les Etats-Unis ne sont plus seuls à essayer de faire reculer les frontières de la technique.

La situation serait peu préoccupante si elle se traduisait par un mouvement vers le haut de toute la collectivité technologique de l’OCDE et de l’ensemble de son système industriel. Mais tel n’est pas le cas. En fait, à l’image simple des retards rattrapés que l’on vient d’évoquer doit se substituer une photographie

16. Voir L es enjeux des transferts de tech n ologie N o r d -S u d , op. cit., et « Interpénétration des capitaux et concurrence industrielle mondiale », CEP II, dans E co n o m ie p ro sp ective internationale, la Documentation française, Paris, mars 1980.

beaucoup plus difficile à interpréter, où se mêlent les secteurs américains et euro­ péens qui ont techniquement décroché et qui sont en butte à la concurrence de l’Est et du Sud, et les secteurs américains qui ont maintenu leur avance ou qui sont à égalité avec les secteurs les plus en flèche des économies européenne et japonaise.

Cette diversité dans l’évolution de la capacité novatrice, qui se traduit par des différences notables dans les capacités compétitives internes et externes au sein de la zone de l’OCDE, peut soulever toute une série de questions, notamment celle de la menace à terme qui pèserait sur la cohésion de l’OCDE. Des évolutions trop contrastées pourraient aller à l’encontre de l’objectif d’un système des échanges mondiaux ouvert et non discriminatoire18. On peut craindre en effet un phénomène d’action-réaction, de mesures et de contre-mesures dans la défense, tantôt des points forts, tantôt des points faibles des différentes économies, qui finisse par compromettre la continuité d’un flux international de technologie. De ce point de vue, il n’y a pas nécessairement de règles du jeu pour les interventions gouvernementales, mais il y a sûrement des limites au-delà desquelles le crescendo des répliques peut mettre en question l’équilibre du système international des échanges et miner l’efficacité des initiatives du secteur privé.

Comme on l’a indiqué plus haut, les gouvernements de tous les pays Membres sont pleinement convaincus de la nécessité de renforcer ou de restaurer leurs potentiels industriels par un soutien actif à l’innovation et élaborent des politiques dans ce sens. Bien qu’une telle intensification de l’effort d’innovation doive en même temps contribuer à la compétitivité internationale, on voit se manifester à des degrés divers un intérêt accru pour la contribution des politiques d’innovation à l’augmentation des parts du marché mondial dans un contexte marqué par le ralentissement de la croissance, le taux élevé de chômage et les difficultés de balance des paiements. Il faut aussi noter que presque tous les pays qui ont établi une liste des domaines devant bénéficier en priorité des aides à la R-D indus­ trielle ont dressé la même liste, ce qui pourrait dans certains domaines conduire à des capacités de production excédentaires et donc éventuellement à un accrois­ sement des tendances protectionnistes.

Les politiques technologiques nationales susceptibles d’avoir des incidences spécifiques, éventuellement fortement négatives, sur les autres pays Membres peuvent être classées en deux grandes catégories : celles qui entraînent un ralentis­ sement du processus de diffusion internationale ; celles qui peuvent donner, aux industries nationales et aux entreprises basées dans le pays, des avantages sur leurs concurrents éventuels dans le domaine du développement technologique.

Certains ont fait valoir, dans quelques pays, que la rapidité avec laquelle des techniques sont exportées vers d’autres pays hautement développés, ayant une industrie techniquement concurrentielle, pouvait avoir, à long terme, des répercussions défavorables sur le pays exportateur. On s’est demandé dans certains cercles, il y a quelques années, s’il ne serait pas opportun, voire nécessaire, de prendre des mesures pour restreindre les investissements directs et les cessions de licences à l’étranger, dans les secteurs utilisant des techniques de pointe.

La question des obstacles à l’importation de certaines catégories de produits de haute technicité se pose, elle aussi, très nettement ; en effet, ces obstacles sont

18. Voir le « Rapport Maldague », L'évolution des structures sectorielles des économ ies eu ropéenn es d epu is la crise du p étro le 1973-1978 - L'Europe - L es capacités d'adaptation en question, Commission des Communautés Européennes, Direction générale des affaires économiques et financières, Bruxelles, juillet 1979. Voir également K. Pavitt, « Technical Innovation and Industrial Development », [1) The New Causality, 2) The Dangers of Divergence], dans Futures, décembre 1979 et février 1980.

beaucoup plus fréquents que ceux auxquels peuvent se heurter les exportations de techniques. Ils ont pour but de protéger les industries et entreprises nationales contre leurs concurrents étrangers — éventuellement, et en fait généralement pendant seulement une certaine « période transitoire » d’importance vitale. Les mesures relevant de cette seconde catégorie recouvrent une panoplie d’instru­ ments et de dispositifs plus fournie que celles relevant de la première catégorie ; elles combinent en général, de différentes façons, les éléments suivants :

— une protection temporaire plus ou moins importante contre les impor­ tations ;

— un accès privilégié à certains marchés intérieurs, aux commandes et adjudications des administrations et des entreprises publiques ;

— éventuellement, un accès privilégié aux capitaux et la possibilité de bénéficier d’autres mesures publiques visant à réduire les risques commer­ ciaux que comporte l’innovation.

On trouve également dans cette seconde catégorie des obstacles d’ordre tech­ nique. Bien que l’intérêt général puisse nécessiter l’établissement de normes indus­ trielles, de normes sanitaires, de normes de sécurité, de normes spécifiques à certains systèmes (télécommunications ou télévision, par exemple), il importe de veiller à ce qu’elles ne se transforment pas en obstacles non tarifaires aux échanges.

Lorsqu’on considère que les structures industrielles ne sont pas adaptées à la situation ou qu’elles ont besoin d’être renforcées, il se peut qu’un dispositif d’ensemble visant à réorganiser tout un secteur industriel soit mis en place afin d’encadrer l’application de ces mesures. Selon les pays, on trouvera des combi­ naisons différentes d’entreprises privées, ou privées et semi-publiques, ou publiques, fortement concentrées. Les politiques de ce genre comportent souvent un certain laxisme dans l’application de la législation anti-trust, voire des décisions par lesquelles les pouvoirs publics accroissent délibérément le degré de monopole car ils considèrent que cela est nécessaire pour améliorer la compétitivité inter­ nationale.

Les modalités d’emploi de certains instruments politiques de cet ordre ont récemment fait l’objet d’accords internationaux dans le cadre du GATT. Il en est ainsi des subventions et des droits compensateurs pour lesquels un Code sur les subventions et sur les droits compensateurs a été établi comme partie des accords du Tokyo-Round signés à Genève en 1979, et des marchés publics au sujet desquels un Accord relatif aux marchés publics a été adopté au même moment. La mise en œuvre de la Déclaration de l'OCDE sur le traitement national de 1976, qui porte également en partie sur ces problèmes, est actuellement sou­ mise à l’examen du Comité de l’investissement international et des entreprises multinationales de l’OCDE.

Toutefois, outre ce recours aux accords internationaux, les pays Membres pourront avoir à se pencher sur les questions que posent les effets à long terme sur les échanges internationaux et sur l’effort d’innovation qui résultent des pressions croissantes en faveur d’un soutien gouvernemental direct aux activités technologiques de pointe les plus prometteuses par le biais de mesures sélectives de subvention financière et d’adjudication des marchés publics. A cet égard, peut-être auront-ils à étudier et à évaluer les situations dans lesquelles leurs poli­ tiques technologiques nationales pourraient éventuellement avoir des répercussions sur d’autres pays Membres, la nature de ces répercussions et les réactions éven­ tuelles des pays concernés. En fonction de l’évolution de cette question, peut-être sera-t-il opportun à un moment donné d’examiner au niveau international com­ ment on pourrait éviter une escalade peu souhaitable des mesures de soutien aux technologies présentant des risques élevés.

Troisièm e partie

SCIENCE, TECHNOLOGIE ET SOCIÉTÉ

DANS LES ANNÉES 80

I. LES DONNÉES DE BASE DU DÉBAT