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6.1.1. Éléments biographiques

Charles Louis Eugène Kœchlin est une figure assez méconnue parmi les compositeurs français de la première moitié du XXe siècle. Trop absent des salles de concerts, des programmes radiophoniques et de l’histoire de la musique française, ce fut un grand pédagogue et théoricien qui nous légua une vaste œuvre de 226 opus. D’ailleurs, plusieurs de ses œuvres se révèlent être importantes pour l’évolution du langage musical au XXe siècle, tant d’un point de vue esthétique que technique. Personnage remarquable de la vie musicale française et de grande culture littéraire, philosophique et scientifique, Kœchlin a laissé de nombreux écrits sur sa musique et celle de ses contemporains, d’autres dévoilant la personnalité et la pensée du compositeur, ainsi que d’importants ouvrages pédagogiques faisant encore autorité de nos jours. Comme Franz Liszt, il a réfléchi à la condition du musicien et à la fonction de la musique. Pacifiste et humaniste, Kœchlin a œuvré toute sa vie pour défendre la musique de ses confrères et de ses élèves, tout en militant pour un accès à la culture et à la musique pour le plus grand nombre.

Né à Paris en 18671

, Kœchlin vit au sein d’un milieu familial propice à la culture, aux arts, où il existe une tradition humaniste. En effet, elle s’est illustrée par des actions en faveur des ouvriers travaillant dans ses usines : caisse de secours mutuel en cas de maladie, construction de logement bon marchés.

L’éducation du jeune Kœchlin semble être des plus complète. Depuis sa plus tendre enfance, il entend l’une de ses sœurs jouer du piano, et à l’âge de six ans il commence son éducation musicale avec ses premières leçons de piano. Plus tard, l’astronomie, les

1 Kœchlin est le septième enfant de Georges Michel « Jules » Kœchlin (1816-1882) et de Camille Kœchlin, née Dollfus, (1826-1917), famille de la grande bourgeoisie industrielle de Mulhouse. Parmi ses ancêtres on compte des ingénieurs, des inventeurs, des industriels et des artistes. Par exemple, son grand-père paternel, Daniel Kœchlin (1785-1871), était un chimiste dans l’industrie textile ayant mis au point un procédé pour teindre en garance des pièces entières de toile de coton. Son grand-père maternel, Jean Dollfus (1800-1887), était manufacturier à Mulhouse, un des administrateurs de la maison Dollfus-Mieg & Cie. Citons encore son oncle Charles Dollfus (1827-1913), philosophe, romancier et essayiste.

mathématiques, les sciences naturelles, les romans de Jules Verne (1828-1905) le passionnent. Aussi, il fréquente les salles de concert et d’opéra où il découvre les plus grands compositeurs de son temps comme Hector Berlioz (1803-1869), Frédéric Chopin (1810-1849), Richard Wagner (1813-1883), Charles Gounod (1818-1893), César Frank (1822-1890), Camille Saint-Saëns (1835-1921), Georges Bizet (1838-1875), Jules Massenet (1842-1912). La musique de Chopin et l’audition de la Messe en si mineur de Jean-Sébastien Bach (1685-1750) marquèrent son esprit. Vers 1882, il fait ses premiers essais de composition, mais alors la carrière musicale ne semble pas du tout envisagée puisqu’en 1887, Kœchlin est reçu à l’École Polytechnique qui devait le destiner à une carrière d’ingénieur civil. Cependant, la passion musicale ne le quitte pas. Au sein de cet établissement, il prend part à la vie musicale du petit orchestre en écrivant des arrangements pour cet ensemble, dont un de la première ballade de Chopin. Mais en 1888, Kœchlin tombe gravement malade, la tuberculose est diagnostiquée. Il est contraint d’interrompre ses études pour réaliser deux séjours de trois mois chacun afin d’en guérir. Durant sa convalescence, il s’intéresse à la photographie, passion qui l’accompagna toute sa vie, et se plonge dans le Cours d’harmonie théorique et pratique (1857) de François Bazin (1816-1878)1 lui donnant l’envie de se remettre à la composition. De retour à Paris en 1889, Kœchlin est à la croisée des chemins. Son absence de Polytechnique lui ferme la voie d’un métier dans le civil, ce qui compromet son avenir professionnel. La carrière d’officier d’artillerie ou de marine sont les deux dernières opportunités qui s’offrent à lui, mais le métier des armes est inenvisageable pour Kœchlin.

Encouragé par Gustave Lyon (1857-1936), alors directeur de la fabrique d’instruments de musique Pleyel, Kœchlin s’engage dans la voie musicale. Il suit alors les cours de contrepoint de Charles Lefebvre (1843-1917). Ce dernier lui remet une lettre de recommandation destinée à Théodore Dubois, professeur d’harmonie au Conservatoire qui refuse de le prendre estimant que le futur apprenti était déjà trop âgé pour entrer dans la classe du maître. Kœchlin se tourne alors vers Antoine Taudou (1846-1925), professeur d’harmonie, qui l’admet comme auditeur libre en 1890. Ainsi entré au Conservatoire, le jeune musicien devient étudiant régulier du cours d’harmonie et de contrepoint chez Taudou et André Gedalge (1856-1926). À force de persévérance et de travail, il finit par être admis dans la classe de composition menée par Jules Massenet, où il a pour camarade Florent Schmitt (1870-1958), Reynaldo Hahn (1874-1947), Georges Enesco (1881-1955) ou encore Maurice Ravel (1875-1937). Lorsque la classe de composition est reprise par Gabriel Fauré (1845-1924) en 1896, Kœchlin devient l’assistant

1 Compositeur, chef d’orchestre et pédagogue français, il a enseigné au Conservatoire national de musique. Il était membre de l’Institut et élu en 1873 à l’Académie des Beaux-Arts.

du maître en 1898. Durant ses études au Conservatoire, il s’initie à la direction d’orchestre, il découvre la diversité des langages musicaux qui émergent en cette fin de XIXe siècle, les dissonances complexes et non résolues chez Wagner, l’esthétique d’Arnold Schoenberg (1874-1951), mais aussi les compositeurs français nés entre 1860 et 1880, et les modes anciens grâce aux cours d’histoire de la musique de Louis Bourgault-Ducoudray, qui encouragent la jeune génération au tournant du XXe siècle à quitter la tonalité.

Rencontrée en 1902, il épouse l’année suivante Suzanne Pierrard (1881-1965) avec qui il eut cinq enfants. Sa carrière de compositeur bien entamée avec ses nombreux recueils de mélodies, Kœchlin montre déjà ses premières prises de positions. En réaction contre le conservatisme de la Société Nationale de Musique1

, il participe en 1910, sous la présidence de Gabriel Fauré (1845-1924), à la fondation de la Société Musicale Indépendante2

(S.M.I.) avec Ravel, Schmitt, Louis Aubert (1877-1968), Jean Roger-Ducasse (1873-1954), Émile Vuillermoz (1878-1960), André Caplet (1878-1925) et Jean Huré (1877-1930). Active jusqu’en 1935, elle avait pour vocation « de créer un milieu libre où toutes les tentatives artistiques, sans distinction de genre, de style ni d’école, recevront bon accueil »3

. Il s’agissait de défendre la création musicale française en organisant des concerts de musique contemporaine. Durant cette période, Kœchlin côtoie Claude Debussy, Erik Satie (1866-1925), Romain Roland (1866-1944), M. Ravel, Albert Roussel (1869-1937), Darius Milhaud (1892-1974).

Dans le même temps, la famille Kœchlin s’agrandit assez vite, et bientôt elle va connaître des difficultés matérielles surtout à partir de 1914, que la Première Guerre Mondiale accentue. Cet événement historique ébranle le compositeur dans ses convictions humanistes et progressistes, atteignant même sa créativité. Ne pouvant compter uniquement sur les bénéfices tirés de ses compositions, Kœchlin multiplie les activités. Depuis 1900, soit ponctuellement ou régulièrement, il est critique musical ou chroniqueur pour différents journaux et revues tels Le Mercure de France, Le Courrier Musical, La vie Musicale, La

Revue Musicale, l’Art musical populaire. Il contribue également à l’Encyclopédie de la musique et Dictionnaire du Conservatoire d’Albert Lavignac (1846-1916) et Lionel de la

Laurencie (1861-1933) avec deux articles : « Évolution de l’harmonie : Période

1 Elle fut créée en 1871 par César Frank, Ernest Guiraud (1837-1892), Camille Saint-Saëns, Jules Massenet, Jules Auguste Garcin (1830-1896), Gabriel Fauré (1845-1924), Henri Duparc (1848-1933), Alexis de Castillon (1838-1873), Théodore Dubois (1837-1924), Paul Taffanel (1844-1908), et Romain Bussine (1830-1899). S’opposant à la prédominance de la musique d’opéra et de la musique instrumentale germanique, la Société avait pour objectif de faire entendre exclusivement les œuvres des compositeurs français, membres de celle-ci, et de défendre la musique instrumentale française.

2 Dissoute en 1935.

contemporaine, depuis Bizet et César Franck jusqu’à nos jours » et « Les tendances de la musique moderne française » parus en 1925. À partir de 1915, il se décide à donner des conférences, et deux ans plus tard à enseigner son art. Avec le temps, il est devenu un grand pédagogue recherché par la jeune génération de compositeurs comme Francis Poulenc (1899-1963), Germaine Tailleferre (1892-1983), Henri Sauguet (1901-1989), ou encore Roger Désormière (1898-1963) qui fit beaucoup pour la diffusion de l’œuvre de son maître. En effet, défenseur et diffuseur de la nouvelle musique de son temps, il est estimé par la nouvelle génération de compositeurs. Son enseignement est une alternative à l’enseignement officiel du Conservatoire et de la Schola Cantorum dans la mesure où le maître a une approche nouvelle, tournée vers la modernité, à la fois exigeante et libérale1

. Il lui arrive même de donner gratuitement des cours. Son enseignement novateur conduit Kœchlin à concevoir la rédaction d’une importante série d’ouvrages pédagogiques pour les musiciens2

. En outre, Kœchlin a rédigé et publié de nombreux écrits sur les compositeurs et les musiciens de son temps :

Gabriel Fauré (1927), Claude Debussy (1925), « Maurice Ravel » pour les Cahiers Maurice Ravel (1947), par exemple. Il a également écrit sur lui-même et sa musique, témoignage

précieux pour comprendre la personnalité et l’œuvre de l’artiste. De plus, il est inspecteur des conservatoires. Par ailleurs, son activité de conférencier l’amène à faire quatre longs séjours aux États-Unis et au Canada (1937) entre 1918 et 1937, où des œuvres de sa composition sont jouées et où il donne plusieurs conférences dans différentes universités.

Cherchant une position stable et fort de sa réputation de pédagogue, notamment grâce à ses ouvrages théoriques, il est candidat au poste de professeur de contrepoint et de fugue au Conservatoire de Paris en 1926, mais il est refusé, probablement du fait de ses méthodes pédagogiques nouvelles qui ne devaient guère être du goût de ses confrères de cette institution3

. Si le maître est connu du milieu musical, le compositeur l’est beaucoup moins du grand public. Sa musique est peu jouée. Pour y remédier, Désormière décide en 1932 d’organiser un festival Kœchlin avec l’Orchestre symphonique de Paris à la salle Pleyel. A l’issu de l’événement, le public est mitigé et Kœchlin bénéficie d’une certaine notoriété, mais sans la renommée qu’il escomptait. Cela dit, à partir des années 1930 jusqu’à ses derniers jours, on peut dire que l’attribution de différents prix et la nomination à la tête d’organismes musicaux sont une reconnaissance pour le travail du compositeur, du pédagogue, du savant

1 CAILLET Aude, Charles Kœchlin, l’art de la liberté, Anglet, Séguier, « carré musique », 2001, p. 114-117. 2 Étude sur les notes de passage (1920), Étude sur le choral d’école (1920-1922), Précis des règles du

contrepoint (1926), le célèbre Traité de l’harmonie (1923-1926) en trois volumes, Étude sur l’écriture de la fugue d’école (1933), Théorie de la musique (1932-1934), Abrégé de la théorie musicale (1935), le fameux Traité de l’orchestration (1935-1943) en quatre volumes, ou encore une monographie sur Les instruments à vent (1927) parue aux Presses Universitaires de France (P.U.F.) pour la collection « Que sais-je » n° 267.

musical qu’il était. En effet, aux États-Unis il reçoit le Hollywood Bowl Prize1

en 1929 pour « La joie païenne », dernière partie de ses Études Antiques op. 462

. En 1936, le Prix Cressent3

lui est attribué pour sa Symphonie d’hymnes, et sa Première symphonie op. 57 bis est récompensée par le prix Halphen en 1937. Lui sont également décernés les prix Laguerre (1942), Chabrier (1946) et le Grand Prix de la musique française de la SACEM en 1949. Entre-temps, il refuse cependant la Légion d’Honneur en 1940. D’autre part, il se voit attribuer la responsabilité d’organisations musicales. Influencé par les idées de gauche et du communisme, Kœchlin tente de promouvoir une musique pour le peuple. Ses idées sociales et sa sympathie pour le parti communiste, sans jamais y adhérer, le conduisent à devenir le président de la Fédération Musicale Populaire (F.M.P.) en 1937 à la mort de Roussel. Il se retrouve aussi à la tête de la section française de la Société Internationale de Musique Contemporaine (S.I.M.C.). Plus tard, avec Elsa Barraine (1910-1999), Louis Durey (1888-1979), Serge Nigg (1924-2008) et Désormière, Kœchlin participe à la fondation de l’Association Française des Musiciens Progressistes. Celle_ci fut créée à l’issue du Congrès International des Compositeurs et Musicographes qui eut lieu à Prague en 1948, à l’initiative du soviétique Andrei Jdanov (1896-1948), qui invite les musiciens à exprimer « les sentiments et les hautes idées progressistes des masses populaires »4, idée qui animera l’association dans un engagement social et politique de la musique. Par ailleurs, il obtient une charge de cours à la Schola Cantorum et en 1938 enseigne à l’École Normale de Musique. Enfin, durant les deux dernières décennies de sa vie, alors que Paris ne jouait pas les œuvres du maître, la musique de Kœchlin résonnait à Bruxelles, grâce à l’engagement de Paul Collaer (1891-1989)5

pour faire connaître la musique de Kœchlin dans la capitale belge. C’est dans cette

1 D’après le Pacific Coast Musical Review d’Octobre 1927, p. 12, il a été créé en 1928 par le Hollywood Bowl Association. C’était un concours annuel de composition qui récompensait une œuvre orchestrale telle une suite, un poème symphonique et une symphonie. D’abord destiné aux compositeurs nationaux, il s’élargit aux compositeurs internationaux dès 1929. L’œuvre primée est interprétée par le Bowl Symphony Orchestra lors de son annuelle saison estivale.

2 L’œuvre a été composée entre 1908 et 1913.

3 Riche avocat et mélomane, Anatole Cressent (1824-1870) légua à l’État la somme de 100 000 francs, augmentée de 10 000 par la famille, pour créer un concours récompensant un opéra composé par un jeune compositeur. Ayant acheté un titre de rente avec la somme léguée par le défunt, l’administration de l’Académie des Beaux-Arts était en charge du Prix Cressent ouvert tous les trois ans. Le premier concours eut lieu en 1875, et la somme attribuée au compositeur était une aide importante. À partir de 1906, le concours s’ouvre aux œuvres symphoniques. Le Prix Cressent semble subsister jusque 1951. (Source : http://www.siv.archives-nationales.culture.gouv.fr/siv/rechercheconsultation/consultation/ir/consultationIR. action?udId=d_23&consIr=&irId=FRAN_IR_000794&frontIr=&auSeinIR=false [consulté le 10/08/2016]) 4 PORCILE François, « Flux et reflux d’un demi-siècle de musique « nouvelle » », Le dossier de la Lettre de

l’Académie des Beaux-Arts, Académie des Beaux-Arts, disponible via

http://www.academie-des-beaux-arts.fr/lettre/minisite_lettre74/Flux_et_reflux_d%E2%80%99un_demi-si%C3%A8cle_de_musique_%C2% A B_nouvelle_%C2%BB.html [consulté le 10/08/2016].

5 Musicologue, pianiste et chef d’orchestre belge, il fut le directeur des émissions musicales à l’Institut belge de radiodiffusion (1937-1953), professeur d’histoire de la musique à la Chapelle musicale de la reine Élisabeth (1956-1960), vice-président de l’Orchestre national de Belgique (1959-1965) et président du

ville que son Quintette pour cordes et piano op. 80 fut créé en 1934 avec Collaer au piano et le Quatuor de Bruxelles. Sous la direction de Franz André (1893-1975)1

, Kœchlin put entendre par l’Orchestre symphonique de l’Institut national de radiodiffusion belge La Course de

printemps, op. 95 en 1938 ; La Méditation de Purun Bhagat, op. 159, La loi de la jungle, op.

175 et Les Bandar-log, op. 176 en 1946. Un an avant son décès, il eut l’occasion d’entendre à Bruxelles la création de son grand poème symphonique Le Docteur Fabricius, op. 202 en 1949, sa dernière œuvre symphonique.

6.1.2. Aperçu de l’œuvre

L’œuvre de Charles Kœchlin comprend 226 opus, dont la musique de chambre et celle pour le piano représentent une grande partie. En outre, il a composé une centaine de mélodie pour voix et piano ou voix et orchestre, des symphonies, des poèmes symphoniques, la musique de scène et de ballet. Au cours de sa carrière, l’écriture de Kœchlin change d’esthétique et dans une même pièce il peut se faire succéder différents styles de langage : tonal, atonal, modal, néo-classique, polytonal. Cet éclectisme marque la volonté du compositeur de suivre les évolutions musicales de son temps, de les expérimenter, les comprendre, les assimiler, sans jamais s’y enfermer2

. À ce propos, Émile Vuillermoze écrit :

« Tous les styles lui furent familiers, il pratiqua avec une égale aisance tous les systèmes d’écriture, et si l’on peut suspecter la sincérité d’un apprenti qui se réfugie dans la polytonalité, l’atonalité ou le dodécaphonisme pour masquer son impuissance à inventer une mélodie et à l’harmoniser correctement, on ne saurait conserver cette méfiance vis-à-vis du musicien qui s’est montré aussi apte à confectionner, par jeu, dans sa jeunesse, de ravissants bibelots comme Si tu le veux ou Le Thé qu’à utiliser les vocabulaires les plus intimidants des âpres linguistiques de nos avant-gardes. »3

Selon Otfrid Nies4

, l’œuvre de Kœchlin peut se diviser en six périodes créatrices. Les vingt premiers opus composés par Kœchlin entre 1890 et 1899 sont essentiellement des mélodies sur des poèmes de Charles d’Orléans (1394-1465), Rondels op. 1 (1890-1895) ; Théodore de Banville (1823-1891), Rondels op. 8 (1891-1898) ; Sully Prudhomme (1939-1907), Leconte de Lisle (1818-1894) et Edmond Haraucourt (1856-1941) dans Poèmes

d’Automne op. 13 (1894-1899) par exemple. Certaines de ces mélodies sont transcrites pour

voix et orchestre, dans lesquelles le compositeur montre ses talents d’orchestrateur. Kœchlin

conseil scientifique de l’Institut international de musique comparée (Berlin). 1 Compositeur et chef d’orchestre belge.

2 MACHART Renaud, « Kœchlin », Le mitan des musiciens, France Musique, 15-19 septembre 2014, disponible

via

http://www.francemusique.fr/emission/le-mitan-des-musiciens/2014-2015/charles-koechlin-1-5-ombres-et-lumiere-1-09-15-2014-13-00 [consulté le 10/08/2016].

3 VUILLERMOZE Émile, Histoire de la musique, édition complétée par Jacques LONCHAMPT, mise à jour en 1996, Paris, Librairie générale française, « Le livre de poche », 2000, p. 460.

travaille sur plusieurs œuvres simultanément. Son langage musical se caractérise par l’opposition ou le rapprochement de tonalités très éloignées, une grande liberté de modulations, l’utilisation des quartes et des quintes, de dissonances, de retards non résolus, d’accords de neuvièmes parallèles.

Sa deuxième période, entre 1900 et 1909 (op. 21 à 48) voit naître ses premières œuvres symphoniques telles Au loin op. 20 (1900), L’Automne op. 30 (1896-1906), Deux poèmes

symphoniques (Soleil et danses dans la forêt, Vers la plage lointaine) op. 43 (1898-1916).

Certaines de ces pièces ont pour particularité une harmonie relativement immobile et l’utilisation de notes pédales. Kœchlin continue de composer des mélodies comme Quatre

poèmes op. 24 (1901-1902) extraits de La bonne chanson de Paul Verlaine (1844-1896), ou La chute des étoiles op. 40 (1905-1909), pour chœur de femmes et piano sur un poème de

Leconte de Lisle. De cette période datent Quatre petites pièces op. 32 (1894-1907) pour cor, violon ou alto et piano, Nocturne op. 33 (1907) pour harpe, la pastorale biblique en acte sur un texte de Kœchlin lui-même Jacob Chez Laban op. 36 (1894-1908), Esquisses op. 41 (1905-1915) pour piano, ou encore le ballet La forêt païenne op. 45 (1905-1920).

À l’issue de ses deux premières périodes d’exploration, Kœchlin améliore sa technique du développement et se libère davantage de la tradition romantique dès 1908. La troisième période créatrice (1910-1921, op. 49 à 80) est celle où le compositeur s’exprime dans son propre langage musical qui se caractérise par un équilibre entre l’harmonie et la conduite des voix, la clarté de l’instrumentation avec une plus grande importance des couleurs orchestrales. En 1913, Kœchlin se tourne davantage vers la polytonalité et l’atonalité. Il compose alors essentiellement des sonates pour piano, ou instruments seuls, des mélodies, des pièces pour piano comme le cycle Les heures persanes op. 65 (1913-1919, orchestré en 1931). Citons encore trois quatuors à cordes - dont le deuxième écrit entre 1911 et 1915 fut orchestré en 1926 pour devenir sa Première Symphonie – un Quintette op. 80 pour piano et cordes (1908-1921). Composés dans différents styles, les œuvres de cette période font de Kœchlin l’un des précurseurs de la musique française.

Intéressé par les œuvres d’Arnold Schoenberg (1874-1951), notamment son Pierrot

lunaire op. 21 (1912), Kœchlin suit avec une ouverture d’esprit et avec intérêt l’évolution

musicale de son temps, curiosité technique et stylistique qui s’exprime dans les œuvres de cette nouvelle période correspondant aux op. 81 à 128 (1922-1932) : Quatre nouvelles

sonatines op. 87 (1923-1924) pour le piano, Trio pour flûte, clarinette et basson op. 92

(1924), Deux mélodie op. 104 (1923-1928) sur des poèmes de Paul-Jean Toulet (1867-1920) et Pierre Corneille (1606-1684), La course de printemps op. 95 (1908-1927) d’après Le livre

de la jungle (1894) de Rudyard Kipling (1865-1936) – où Kœchlin utilise à la fois la

bitonalité, la polytonalité, la modalité –, Vingt chansons bretonnes op. 115 (1931-1932) pour violoncelle et piano, L’ancienne maison de campagne op. 124 (1922-1933), Choral fugué de

style modal op. 128 (1933).

L’avant dernière période de création de Kœchlin est inspirée en partie par l’univers du cinéma. En effet, après avoir vu en 1933 pour la première fois L’Ange bleu (1930) de Josef von Sternberg (1894-1969), avec Marlène Dietrich (1901-1992) et Emil Jannings