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11.2.1. Bref historique de son anatomie

À la fois un organe d’audition et d’équilibre, l’oreille a joué un rôle déterminant dans la survie et l’évolution de l’homme. Effectivement, même pendant le sommeil, l’appareil auditif reste toujours en éveil pour nous signaler un danger éventuel. Aussi, il joue un rôle déterminant dans les diverses activités sociales, notamment pour comprendre les informations que l’on nous transmet, ainsi que dans le développement intellectuel de l’homme. Cela dit, cet organe du corps humain est resté longtemps méconnu, malgré une connaissance de ses manifestations pathologiques depuis la plus haute Antiquité3

. En effet, c’est avec l’antique civilisation grecque que naissent la médecine scientifique et les premières descriptions de l’oreille4

. Parmi les scientifiques, le père de la médecine, Hippocrate (~460-~370 av. J.-C.), donne naissance à l’otologie5

– il découvre le tympan et les cavités osseuses qui se trouvent

1 LIÉGEOIS-CHAUVEL Catherine, LAGUITTON Virginie, CHAUVEL Patrick, « Le traitement musical au niveau du cortex auditif », Le cerveau musicien, Bernard LECHEVALIER, Hervé PLATEL, Francis EUSTACHE, Bruxelles, De Boeck, 2010, p. 47.

2 Id.

3 CONRAUX Claude, « Histoire de l’anatomie de l’oreille », Imagerie de l’oreille et de l’os temporal. 1 :

Anatomie et imagerie normales, Francis VEILLON et al., Cachan, Lavoisier-Médecine Sciences Publications, 2013, p. 3-9.

4 Alcméon découvre en 600 av. J.-C. chez la chèvre un canal réunissant l’oreille à la bouche. Il s’agit de la trompe d’Eustache, organe décrit vingt siècles plus tard par Bartolomeo Eustachi (mort en 1574) et nommé ainsi par Antonio Maria Valsalva (1666-1723). Empédocle (~490-~430 av. J.-C.) découvre le labyrinthe qu’il décrit comme un cartilage en forme d’escargot qui capte le son. Erasistrate (~320-~250 av. J.-C.) décrit le nerf auditif jusqu’à sa terminaison dans le tronc cérébral.

derrière cette membrane. Les premières découvertes anatomiques n’ont pu être vérifiées et poursuivies durant le Moyen-Âge en raison de l’interdiction de disséquer les humains qui prévalait chez les Chrétiens et les Arabes.

À la Renaissance, on assiste à un renouveau de l’anatomie permettant l’acquisition de nouvelles connaissances. Durant cette période, parmi d’autres découvertes importantes, ont décrit pour la première fois la chaîne des osselets grâce aux travaux de Jacopo Berengario Carpi (1470-1550), André Vésale (1514-1564) et Giovanni Filippo Ingrassia (1510-1580). Gabriel Fallope (1523-1562) découvre le processus lenticulaire de l’enclume, décrit la corde du tympan, les canaux semi-circulaires et le canal du nerf facial.

Le XVIIe siècle est l’âge d’or de la science. Avec l’invention du microscope, Marcel Malpighi (1628-1694) fonde l'anatomie microscopique à Bologne, permettant de nouvelles découvertes. À titre d’exemple, citons celles d’Antoine-Marie Valsalva (1666-1723). Considéré comme le père fondateur de l’anatomie et de la physiologie de l’oreille, il publie en 1705 son Traité de l'oreille où il distingue trois cavités dans l'oreille, à savoir le conduit auditif externe et le pavillon, la caisse du tympan, et le labyrinthe. Il signale également la présence de liquide dans l’oreille interne, décrit la veine occipitale, et nomme la trompe d’Eustache. Il est à noter que les travaux de Joseph Guichard du Verney (1648-1730) ont fait progresser l’otologie, notamment grâce à son Traité de l'organe de l'ouïe (1683), qui est resté une référence durant deux siècle1

.

Le siècle des Lumières assiste également à des découvertes menant à une meilleure connaissance de l’organe auditif et ses pathologies. Jean-Baptiste Morgagni (1682-1771) étudie les surdités, tandis que Domenico Cortugno (1736-1822) découvre les liquides de l’oreille interne. Cependant, le XIXe siècle marque la naissance de l’otologie en tant que discipline médicale. Ainsi, plusieurs écoles étudiant cette discipline émergent dans différents pays, faisant avancer les connaissances, et particulièrement durant la deuxième moitié de ce siècle grâce au développement de la micro-anatomie de l’oreille. Par exemple, Marie-Jean-Pierre Flourens (1794-1867) démontre qu’une lésion des canaux semi-circulaires entraîne un déséquilibre ; Alfonso Marchese Corti (1822-1888) décrit l’organe qui porte son nom et Ernst Reissner (1824-1878) le canal cochlaire en 1851 ; ou encore Otto Friedrich Carl Deiters (1834-1863) qui découvre les cellules ciliées internes. Au XXe siècle, la chirurgie de l’oreille se développe et les technologies de radiographie, dans un premier temps, puis, de nos jours, l’imagerie numérique moderne permettent une connaissance plus précise de l’anatomie de

1 GANDOLFO Gabriel, DESCHAUX Olivier, « Histoire de la découverte du cerveau et l’évolution des méthodes d’exploration », Biologie Géologie 2010-3, 2010, p. 180.

l’oreille et de ses pathologies.

11.2.2. Description et fonctionnement

L’oreille est composée de trois parties : l’oreille externe, l’oreille moyenne et l’oreille interne. L’oreille externe est faite du pavillon et du conduit auditif externe. Elle capte les sons qui nous entourent vers le conduit auditif. Au fond de celui-ci, c’est l’oreille moyenne, constituée de la caisse du tympan, des cavités mastoïdiennes et de la trompe d’Eustache. La caisse du tympan correspond à l’espace qui se trouve entre le conduit auditif externe et l’oreille interne, limitée par la membrane du tympan qui sépare l’oreille externe de l'oreille moyenne. Remplie d’air, elle contient la chaîne des osselets. C’est un ensemble de deux muscles et trois petits os (marteau, enclume, étrier) qui permet la transmission des vibrations du tympan jusqu’au liquides de l’oreille interne. La trompe d’Eustache a pour fonction d’équilibrer les pressions de part et d’autre du tympan. Cet équilibre des pressions s’établit grâce au passage de l’air dans la trompe d’Eustache, et donc dans l’oreille moyenne au cours de chaque mouvement de déglutition. Quant à l’oreille interne, également appelée le labyrinthe, elle est composée de la cochlée – organe destinée à l’audition qui transforme les informations mécaniques captées de l’extérieur en signaux nerveux – et du vestibule qui est responsable de l’équilibre.

Après ces considérations anatomiques, penchons-nous à présent sur le mécanisme de l’audition. Pour cela, à des fins de clarté, nous reproduisons un large extrait du premier chapitre de l’ouvrage dirigé par Emmanuel Bigand1

, Le cerveau mélomane, qui en donne une description éclairante :

« Chaque son parvenant à l’oreille entre dans le pavillon et se propage dans le conduit auditif où il rencontre le tympan. Les vibrations de l’onde sonore mettent en mouvement le tympan lié à trois petits os, nommés osselets : le marteau, l’étrier et l’enclume. Ces premières étapes amplifient les vibrations qui atteignent la cochlée, l’organe récepteur de l'audition. C’est la cochlée qui permet de transformer les vibrations acoustiques en impulsions nerveuses véhiculées par le nerf auditif.

L’étrier transmet ses vibrations au liquide qui emplit la cochlée, et chaque vibration, caractérisée par sa fréquence et son intensité, circule dans la spirale de la cochlée. Sous l’effet des mouvements du fluide, la membrane basilaire qui tapisse l’intérieur de la cochlée se déforme. Or, cette membrane porte des cellules ciliées. Les cils bougent au gré des déformations que subit la membrane basilaire, ce qui a pour conséquence d’ouvrir ou de fermer des canaux ioniques. Ainsi, les cellules ciliées transforment les vibrations en messages électriques, circulant dans le nerf auditif. La membrane basilaire réagit à toutes

1 Professeur de psychologie cognitive, membre de l’Institut universitaire de France, E. Bigand dirige le Laboratoire d’étude de l’apprentissage et du développement, UMR 5022, à l’Université de Bourgogne, à Dijon.

les fréquences audibles. »1

Par ailleurs, les travaux du médecin et chercheur français Alfred Tomatis (1920-2001) en oto-rhino-laryngologie autour des troubles de l’audition et du langage, menés dans les années 1950, auraient mis en évidence le rôle primordial d’une bonne écoute dans le bon développement de l’être humain2

. En effet, l’oreille capte un nombre incroyable d’informations sensorielles qui stimulent notre cerveau, et ayant un impact sur le corps. Cependant, A. Tomatis distingue deux façon de percevoir les sons : entendre, qui renvoie à une attitude passive dans le traitement de notre environnement sonore, et écouter, qui est une attitude participative et ouverte sur le monde sonore. Dès lors, il attribut à l’oreille trois fonctions importantes : équilibration, dynamisation et écoute3

. La première, décrite plus haut, joue effectivement un rôle dans la coordination des muscles moteur du corps et dans le maintient de l’équilibre corporel. La deuxième fonction de l’oreille, la dynamisation, est assurée par la cochlée qui, en percevant des fréquences aiguës, recharge le cerveau en énergie et l’aide à se mieux se concentrer. Ainsi, 90% de l’énergie dont a besoin le cerveau serait apportée par des sons, le reste provient de l’alimentation4

. Enfin, l’écoute qui permet d’être attentif et ouvert non seulement à notre environnement sonore mais aussi aux autres ; une mauvaise écoute peut compromettre l’équilibre du corps et le dynamisme du cerveau. C’est à partir de ces éléments qu’A. Tomatis a élaboré une méthode de stimulation sensorielle sonore qui consiste à rééduquer l’écoute, notamment avec la musique de W. A. Mozart. Grâce à des filtres sonores diffusé par un casque qui permet de faire vibrer les os du corps, la méthode vise à faire travailler les muscles de l’oreille afin d’améliorer leurs capacités de transmission et de message sonore. Sujette aux controverses, elle permettrait d’aider les personnes souffrant de problèmes relatifs à la voix, à l’écoute, de l’apprentissage et de la communication, des troubles affectifs, émotionnels et moteurs, ou encore les troubles envahissants du développement5

.

Quoiqu’il en soit, si nous pouvons entendre le monde qui nous entoure, c’est grâce à notre appareil auditif. Après la description anatomique et fonctionnelle de cet organe, penchons-nous sur la suite du chemin que parcourt l’information sonore vers un autre organe tout aussi

1 BIGAND Emmanuel dir., Le cerveau mélomane, Paris, Belin, « Cerveau&Psycho », 2013, p. 15-16.

2 « Alfred Tomatis », Wikipedia, disponible via https://fr.wikipedia.org/wiki/Alfred_Tomatis, [consulté le 11/07/2016].

3 GAUJARENGUES Thierry, TOMATIS Grégoire, « La méthode Tomatis, rééduquer l’oreille », Biocontact, Décembre 2010, disponible via http://www.tomatis.com/uploads/fckeditor/default/files/BC208%20D-Gr%C3%A9goire %20Tomatis%20M%C3%A9thode.pdf, [consulté le 11/07/2016].

4 Source : Centre MOZARTIS de Mulhouse http://www.dyslexie-mozartis.com/fonctions_oreille.htm, [consulté le 11/07/2016].

C

HAPITRE

XII

La musique au regard de la neurologie

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À la fois fascinant et mystérieux, le cerveau humain fut depuis l’Antiquité l’objet de nombreux débats. Les premiers concepts de cerveau et ses premières descriptions anatomiques remontent à l’Antiquité grecque. Au Moyen-Âge, l’interdiction formelle de disséquer mit un frein aux études anatomiques du corps humain, notamment pour des raisons religieuses. Le XVIe siècle marque le retour aux études anatomiques, mais c’est aux XVIIe et

XVIIIe siècles que les connaissances anatomiques et fonctionnelles vont se développer. Au XIXe

siècle, la phrénologie amène à considérer le cerveau comme le centre actif de toute connaissance et de toute émotion, avec une spécialisation des aires. Les études anatomo-cliniques se développent et font avancer les connaissances sur les fonctions du cortex. Au XXe

siècle, on découvre la plasticité cérébrale. Depuis une dizaine d'années, les technologies d’imageries modernes nous aident à mieux comprendre le fonctionnement du cerveau. Objet d’étude devenu fondamental, c’est l'un des grands défis de la neurobiologie moderne. En effet, structure vivante la plus complexe du corps humain, nous commençons à peine à comprendre plus précisément certains phénomènes complexes. Étant le siège des fonctions intellectuelles et sensitives, il a pour rôle de coordonner tous les organes et de permettre aux individus d’agir sur leur environnement. Autrement dit, c’est un organe qui perçoit, pense et agit. Le cerveau est alors responsable de nos comportements et interactions avec les individus. Dès lors, l’idée que le cerveau est à la base de tout ce que l’être humain peut faire, penser, inventer et créer, des chercheurs ont ouvert la voie à de nouveaux champs de recherches ayant pour ambition d’éclairer les sciences humaines et sociales grâce aux neurosciences. Ainsi, la neuroesthétique cherche à mettre au jour les processus neuronaux impliqués dans l’expérience artistique. Serait-ce que les muses ne sont qu’un ensemble complexe de structures neuronales ?