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Une multitude d’actes sur près de Mille communautés : Des choix s’imposent

nos connaissances du groupe marchand dans les campagnes d’Ancien Régime.

B. Une multitude d’actes sur près de Mille communautés : Des choix s’imposent

1) Du public au privé : La richesse des actes notariés

Les archives notariales se situent en Sous-série 3 E aux Archives départementales de l’Isère. Afin d’utiliser les actes notariés, nous pouvons nous reporter à l’ouvrage de G. Letonnelier, qui est un Répertoire des minutes de notaires conservés aux archives départementales de l’Isère19.

Officiers publics chargés de dresser les actes et les contrats des habitants d’une communauté, les notaires royaux étaient à peu près partout présents dans les campagnes du royaume de France. La capacité du notaire royal à donner aux actes une valeur authentique faisait accéder jusqu’à lui des individus qui venaient y faire rédiger des clauses de nature extrêmement diverse. C’est toute la richesse des documents notariés de se trouver au carrefour des actes à caractère public et des actes à caractère privé.

Les actes à caractère public font du notaire un agent de liaison privilégié entre divers groupes sociaux. Ils abordent surtout des questions financières ou de patrimoine et nous renseignent sur la circulation de l’argent. Parmi ces actes, nous trouvons des baux de toutes sortes, des obligations (c’est-à-dire des obligations de paiement autrement dit des contractions de dettes), des quittances (qui sont des reçus de remboursement, souvent de ces mêmes dettes), des cessions de dettes, des arrentements et constitutions de rentes....Bref, une multitude d’actes ou de contrats mettant en relations des individus ou des groupes sociaux au village, parmi lesquels figurent les marchands ruraux.

19 Letonnelier, G, Répertoire des minutes de notaires conservés aux Archives départementales de l’Isère,

Archives départementales de l’Isère, archives civiles, Série III E (notaires), Grenoble, Imprimerie Allier, 1930,

Les actes notariés offrent également au chercheur des écrits à caractère privé, qui nous plongent un peu plus dans l’univers et l’intimité du marchand. C’est le cas des contrats de mariage, scellant publiquement l’union de deux parties, des actes de baptême ou, au contraire, des testaments rédigés en fin de vie, et qui sont eux-mêmes parfois suivis d’inventaires après décès. Ces inventaires sont des descriptions précises des biens possédés par le défunt, et qui interviennent lors de la succession de ce dernier. Il est à noter également que les inventaires de biens peuvent être effectués en cours de vie, leur rédaction n’intervenant pas nécessairement au moment du décès d’un individu. Au final, les notaires intervenaient tout autant comme acteur public officialisant les contrats des villageois, que comme confident de la famille, plongé par nécessité au cœur des rebondissements familiaux, qu’il couche sur le papier afin de pérenniser ces moments forts de la vie privé.

A la jonction du public et du privé, du quantitatif et du qualitatif, les documents notariés offrent une très grande diversité d’actes, aptes à éclairer un peu plus les activités, les réseaux professionnels ou amicaux et la vie privée des marchands en milieu rural. Or, face à cette multitude d’actes divers, rapportée qui plus est aux quelques neuf cent cinquante communautés rurales qui entrent dans notre champs d’étude, il convient d’opérer des choix, afin d’exploiter au mieux ces documents d’une grand richesse pour notre sujet.

2) Le choix de communautés types pour étudier les marchands ruraux en Dauphiné sous l’Ancien Régime.

Etudier les actes notariés des quelques neuf cent cinquante communautés dauphinoises n’étant évidemment pas possible, nous nous sommes décidés à concentrer nos efforts sur quelques communautés types, choisies pour la richesse de leur corpus tout autant que pour leur localisation et leurs spécificités économiques et sociales. Si nous avons pris le parti de dépouiller les documents fiscaux dans leur totalité afin d’en tirer différentes études sérielles, nous nous sommes cantonnés à quelques communautés, préalablement triées, pour les archives notariales. Par la multitude de leurs actes, les sources notariales nous permettent d’éclairer plus avant les activités, la vie publique ou privée de nos marchands et, ce faisant, d’approcher de plus près la figure du marchand dans ses campagnes. A ces fins, nous dépouillerons intégralement les minutes notariales des communautés sélectionnées, afin

d’embrasser un maximum d’actes permettant de mettre au jour le marchand dans sa « vie quotidienne ».

Quatre communautés types ont ainsi été retenues dans nos filets : Les communautés de Chirens, de Crolles, de Saint-Baudille-et-Pipet et de Vénissieux. Très différentes par leur situation géographique comme par leurs activités, l’étude de ces quatre communautés a pour finalité d’observer les marchands ruraux dans leur diversité puisqu’ils relèvent d’espaces bien distincts. En outre, ces communautés ont été en partie choisies par la constance ou l’importance numérique des marchands ruraux relevés dans les rôles de capitation de ces localités.

Le village de Chirens est situé aux portes des Terres Froides, dans le bas-Dauphiné, au Nord de Voiron. Le corpus notarié de Chirens se montre très complet. Les actes notariés correspondants s’étendent de la fin du XVIè siècle jusque la deuxième moitié du XVIIIè siècle, les minutes des différents notaires de la communauté couvrant l’étendue de la période20. Communauté très orientée vers l’activité artisanale et profondément intégrée au système proto-industriel textile, l’étude de ses actes notariés a pour finalité d’appréhender l’évolution des marchands dans cet environnement économique particulier. Elle vise également à cerner les liens que peuvent tisser les marchands avec les artisans ruraux, en amont comme en aval de la production artisanale.

La communauté de Crolles se situe au Nord de la capitale provinciale, sur la rive droite de l’Isère. Les minutes dressées et conservées par les différents notaires couvrent les XVIIè et XVIIIè siècles de manière continue21. D’abord écartée au profit de La Tronche, dont les rôles de capitation laissaient entrevoir un grand nombre de marchands aux activités très diverses, la communauté de Crolles a finalement été préférée pour sa plus grande distance avec Grenoble et ses caractéristiques davantage rurales. Communauté que nous pourrions néanmoins qualifiée de « périurbaine », Crolles a le double avantage d’être localisée sur deux grands axes de communication l’un terrestre, l’autre fluviale avec la rivière Isère. Ces deux voies de passage pointent en direction de Grenoble et du Sud de la province d’un côté, et du Nord de la province et jusque la Savoie de l’autre. L’étude des actes notariés de la communauté de Crolles pourrait ainsi éclairer l’activité de marchands tournée vers le transport de marchandises selon différentes aires commerciales, depuis l’échelle locale ou régionale avec

20 Les actes notariés de la communauté de Chirens s’étendent de 1592 (3 E 6427) à 1762 (3 E 6580). 21

la capitale provinciale et le reste de la province, ou à plus petite échelle avec le duché de Savoie voisin22.

A l’inverse, nous avons voulu solliciter les minutes notariales de la communauté de Saint- Baudille-et-Pipet. Située dans le sud de la province, aux confins du Trièves, la communauté de Saint-Baudille-et-Pipet est très éloignée de la capitale provinciale. Elle se trouve également éloignée des grands axes de communications terrestres ou fluviaux qui traversent la province ou qui relient le Dauphiné aux autres provinces du royaume. Cette communauté rurale, à priori à l’écart de tout ferment de changement et qui apparaîtrait facilement hermétique aux innovations venues de l’extérieur a pourtant retenu notre attention en ce qu’elle a abrité l’une des plus fameuses familles dauphinoises : La famille Perier. Les premières sources manuscrites mentionnant les Perier comme étant des marchands ruraux, il nous a paru opportun d’éclairer l’environnement et les conditions qui ont pu orienter les premiers membres de la dynastie vers l’activité commerciale. L’étude des actes notariés de Saint- Baudille-et-Pipet permettrait d’appréhender le milieu marchand dans un milieu de prime abord hostile à l’activité commerciale, mais dont l’exemple de l’illustre famille dauphinoise tendrait prouver un dynamisme des campagnes plus important qu’il n’y paraît. Les documents notariés de Saint-Baudille couvrent l’ensemble du XVIIIè siècle, depuis 1693 jusque 1797, avec néanmoins quelques espaces laissés vacants entre les rédactions des différents notaires de la communauté. Afin d’entamer l’étude plus précocement dans la chronologie, il est possible de compléter les actes notariés de Saint-Baudille-et-Pipet par ceux de la communauté rurale voisine de Tréminis, dont les archives notariales débutent dans la première moitié du XVIIè siècle et se prolongent sans interruption jusqu’à la Révolution23.

Enfin, nous avons retenu dans notre corpus de sources notariales la communauté de Vénissieux. Située aujourd’hui dans le département du Rhône, dans la proche banlieue Sud de Lyon, Vénissieux appartenait sous l’Ancien Régime à la province du Dauphiné. Communauté rurale localisée aux portes Lyon, Vénissieux subit logiquement l’attraction de cette grande ville française aux activités multiples. L’analyse des documents notariés de Vénissieux pourrait ainsi nous éclairer sur les activités de marchands évoluant dans milieu encore rural mais dont les influences artisanales, commerciales et bancaires de la seconde ville du

22 Ainsi, Jean Nicolas a-t’il mit en évidence les nombreux trafics des marchands dauphinois avec la Savoie

voisine. Nicolas, Jean, La Savoie au XVIIIè siècle. Noblesse et bourgeoisie, Paris, éd Maloine, 2 vol, 1978, 1244p.

23

Les actes notariés de la communauté de Saint-Baudille-et-Pipet s’étendent de 1693 (3 E.055) jusque 1797 (3 E.059).

Les actes notariés de la communauté voisine de Tréminis pourraient combler les lacunes de ceux de Saint- Baudille pour le XVIIè siècle, en débutant en 1624 (3 E. 098) en se prolongeant sans interruption jusque 1789 (3 E 15.147).

royaume bouleversent considérablement les modes de vie des campagnes. En outre, les documents notariés de Vénissieux couvrent une période large, depuis la fin du XVè jusque la période révolutionnaire.

Au total, l’étude notariale de ces quatre communautés types nous permettra d’analyser des marchands ruraux dont l’environnement et les activités apparaissent bien distincts afin d’appréhender ce milieu socio-professionnel dans toute sa diversité.

Il convient désormais d’aborder succinctement les différents actes rédigés par les notaires de ces communautés, afin d’en dégager les apports et les limites pour l’étude du groupe marchand.

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