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Collecter les papiers privés des marchands rurau

nos connaissances du groupe marchand dans les campagnes d’Ancien Régime.

A. Collecter les papiers privés des marchands rurau

Il convient ici de citer les travaux menés sur « Les écrits du For privé de la fin du Moyen Age à 1914 », opérés par un collectif de chercheurs à l’échelle nationale et auxquels participe madame Clarisse Coulomb pour la province du Dauphiné sous l’Ancien Régime32. Dans ce cadre, Clarisse Coulomb a recensé la totalité des livres de raison et des livres de comptes rédigés à l’époque moderne dans l’ancienne province dauphinoise. Si les travaux de Clarisse Coulomb nous ont été précieux, nous avons néanmoins dû étendre nos recherches à un maximum de sources, les papiers des marchands ruraux ne se limitant pas aux seuls livres de raison ou livres de comptes. Afin de faciliter la compréhension pour nos lecteurs, nous présenterons les différentes sources par ordre alphabétique.

Une première approche des papiers privés des marchands peut être menée à partir du fond des familles dauphinoises, dont les documents sont classés en Sous-série 2 E aux

32 Coulomb, Clarisse, Les écrits du For privé de la fin du Moyen Age à 1914, Grenoble, éd du CNRS, collectif de

archives départementales de l’Isère (fond des familles, XIIè-XIXè siècles). Le fond des familles regroupe tous les papiers privés des familles dauphinoises, qui y sont classées selon l’ordre alphabétique de leurs noms de famille. Seuls les noms de famille sont indiqués, rarement leurs communes d’origine et jamais la profession des membres des familles recensées. Le nombre pléthorique de fiches rendant le dépouillement systématique de ces dernières impossible, il nous a fallu chercher une autre entrée afin d’utiliser ce fond d’archives avec un maximum d’efficacité. Pour cela, il nous a paru davantage évident de partir d’autres sources, telles que les rôles de capitation ou les actes notariés, afin d’en extraire les noms des marchands ruraux les plus influents de leurs communautés puis d’aller vérifier l’existence de fiches susceptibles de leur correspondre dans la Sous-série 2 E (le fond des familles). Cette démarche s’est révélée relativement concluante puisque la riche famille marchande des Trouilloud de Chirens, qui ressortait des rôles de capitation, nous a livré quelques-uns de ses livres de comptes, retrouvés dans le fond des familles dauphinoises. Le va-et-vient opéré entre les sources majeures de notre étude et le fond d’archives des familles dauphinoises, quoi que par définition incertain, semble néanmoins capable de guider le chercheur vers les papiers privés des familles marchandes dauphinoises en milieu rural.

Classés en Série J aux archives départementales de l’Isère, les fonds entrés par voie extraordinaire permettent également au chercheur d’approcher les papiers privés des marchands ruraux dauphinois. La Série J concerne les fonds entrés aux Archives départementales de l’Isère par actes d’achat, de don ou de dépôt. Elle renferme des sources de nature très différente émanant d’une entreprise, d’un syndicat, d’une société de secours mutuel comme d’une famille aux origines anciennes, d’une seigneurie ou d’une institution ecclésiastique. En outre, le classement aléatoire effectué au gré des entrées aux A.D.I ne sépare pas les archives en fonction des grandes époques historiques, médiévale, moderne, contemporaine. De ce relatif imbroglio archivistique, ressort la nécessité d’aborder la Série J méthodiquement.

Ainsi avons-nous dans un premier temps concentré nos recherches sur les livres de raison inventoriés par Clarisse Coulomb dans la Série J, afin de dégager ceux ayant appartenu aux marchands ruraux. Nous avons dans un second temps élargi notre étude à l’ensemble des papiers privés hors livres de raison et livres de comptes. A ces fins, nous avons passé en revue toutes les côtes de la Série J dans le but de guetter les mentions de marchands ruraux. Dans la masse des sources de nature différente, les Fonds des familles ont essentiellement retenu notre attention, apparaissant comme seuls susceptibles de renfermer des papiers privés concernant

notre groupe socio-professionnel. Au final, sur deux cent cinquante côtes comprises dans la Série J, seules huit d’entre-elles ont été retenues33. Si certaines côtes renvoient à des livres de raison et des livres de comptes rédigés par des marchands de campagnes, la plupart d’entre- elles correspondent à des papiers mentionnant des marchands et compris dans les fonds particulièrement volumineux d’anciennes familles dauphinoises. Les inventaires ne mentionnent malheureusement pas toujours la nature des papiers concernant les marchands. Lorsque c’est le cas, nous retrouvons des règlements familiaux, des comptes, des créances, des reconnaissances de dettes, des actes notariés ou judicaires... soit autant de sources diverses aptes à éclairer plus avant la figure des marchands dauphinois en milieu rural.

Parallèlement aux documents tirés de la Série J, nous pouvons également utiliser les sources issues de la sous-Série 1 J. La Sous-série 1 J correspond au « Fond d’archives entrés par voie extraordinaire » mais dont la particularité est de contenir des « pièces isolées » c’est- à-dire comprenant moins de dix articles. Nous y avons retrouvé des livres de raison de marchands parmi ceux inventoriés par Clarisse Coulomb. Loin de renfermer uniquement des livres de raison, nous avons voulu extraire de la sous-Série 1 J l’ensemble des documents mentionnant les marchands ruraux. Ainsi avons-nous pu approcher les papiers privés des marchands ruraux à travers une dizaine de côtes évoquant les membres du groupe marchand par le biais de correspondances, de pièces de procès, d’actes notariés divers voire d’inventaires de bibliothèques et de mémoires relatant les persécutions des protestants par les catholiques dans les montagnes de l’Oisans. En sus des documents mentionnant les marchands ruraux dauphinois, de nombreux fonds de la sous-Série 1 J concernent des familles dont la profession des membres n’est pas indiquée, mais dont le dépouillement intégral pourrait révéler davantage de renseignements sur le groupe socio-professionnel marchand.

La troisième démarche nous permettant d’approcher les papiers privés des marchands consiste à manier les documents de l’Hôpital de Grenoble, compris dans la Série H (clergé régulier) des Archives départementales de l’Isère. Notons dès à présent l’utilité de l’ouvrage

33 5 J1-5 J105 (Collection Maignien, XIVè-XVIIIè siècles), 8 J1- 8 J273 (Fond des archives du château du Pin,

XVIè-XVIIIè siècles), 11 J28 (Documents familiaux de Jacques Perier, Archives du château de Vizille), 12 J1- 12 J 51 (Fonds de la famille Berthin, marchands bourgeois de Beaurepaire), 13 J1-13 J81 (Fond Lombard de Buffières, XVIè-XVIIIè siècles), 15 J1-15 J214 (Archives du château de Chapeau-Cornu, XVI-XVIIIè siècles), 28 J31-28 J43 (Collection du docteur Paul Birsh. Familles dauphinoises, XIVè-XVIIIè siècles), 32 J96-32 J143 (Collection Saint-Olive. Archives du château du Gûa. Familles dauphinoises, XVè-XVIIIè siècles)

de M.A Prudhomme, qui a inventorié les papiers de famille de l’Hôpital de Grenoble, et dont l’utilisation s’est avérée fort précieuse34.

Les archives privées de la Série H proviennent majoritairement des familles ayant fait un don à l’Hôpital de Grenoble ou des familles des pauvres décédés à l’Hôpital. Ces papiers de famille sont classés par ordre alphabétique nominal dans la Série H, sur un corpus de mille- cent quarante quatre côtes, depuis la côte H 1 jusque la côte H 1144.

Afin de prolonger la démarche utilisée plus haut, nous avons dans un premier temps passé en revue les livres de raison inventoriés par Clarisse Coulomb dans la Série H afin d’en extraire ceux intéressant les marchands ruraux. Dans un second temps, nous avons encore une fois voulu élargir nos recherches à l’ensemble des papiers privés concernant les marchands, hors livres de raison et livres de compte. A ces fins, nous avons dépouillé la totalité de l’inventaire de la Série H en guettant les mentions de marchands en milieu rural. Au final, sur un total de mille cent quarante-quatre côtes, nous avons pu comptabiliser quatorze côtes intéressant les marchands ruraux, chacune d’entre-elles renfermant plusieurs centaines de pièces. Parmi elles, nous retrouvons des livres de comptabilité tenus par les marchands, des mémoires, de nombreux actes de vente ou d’achat, divers actes notariés et notamment de nombreuses quittances et obligations, et une multitude de pièces de procédures judiciaires concernant plus ou moins directement les marchands ruraux.

Au total, trois entrées s’offrent au chercheur en quête des papiers privés des marchands ruraux dauphinois. Par le biais du fond des familles, des archives privées entrées par voie extraordinaire ou via les archives de l’Hôpital de Grenoble, nous avons pu rassembler toute une série de documents privés mentionnant les marchands et offrant au chercheur la possibilité de s’introduire dans l’univers et la vie quotidienne de ces derniers. A travers les mémoires, les livres de raison, les comptabilités, les correspondances, les divers actes notariés ou encore les pièces de procédures judicaires les mentionnant, le chercheur est en mesure d’appréhender plus finement des pans entiers de la vie des marchands. Depuis la nature précise de leur activité marchande jusque l’ampleur financière et l’étendue géographique de leur commerce, de l’influence du groupe marchand en matière de crédit jusque la reconstitution des ses réseaux de clientèles professionnels et privés... Les archives du For

34 Prudhomme, M.A, « Série H. Papiers de famille provenant des bienfaiteurs de l’Hôpital ou des pauvres qui y

sont morts », Inventaire sommaire des Archives Historiques de l’Hôpital de Grenoble, Grenoble, 1892, pp 149- 278.

privé permettent d’éclairer toujours plus avant le quotidien des membres de ce milieu socio- professionnel.

Au terme de ce rapide inventaire des matériaux disponibles dans le cadre de notre recherche, nous pouvons souligner le nombre et l’hétérogénéité des sources manuscrites et imprimées qui se trouvent à disposition de l’historien. Leur grande diversité autorise le chercheur à croiser et comparer les informations qu’elles délivrent ainsi qu’à compléter les sources entre-elles, les unes prenant le relais des autres lorsque ces dernières montrent leurs propres limites. De l’étude statistique nombrée à l’analyse fine de figures individuelles, des recherches larges menées à petite échelle, aux études locales centrées sur une ou quelques communautés, de l’analyse sociale des membres de notre milieu socio-professionnel à l’étude économique ou financière liée à leur activité commerciale, les sources énumérées plus haut permettront, nous l’espérons, d’appréhender le groupe marchand dans toutes ses composantes, en variant l’angle d’analyse ou le jeu d’échelle selon les nécessités de l’étude.

Afin de cerner davantage l’importance numérique des marchands ruraux ainsi que leur poids économique et social au sein du village, nous nous proposons d’exploiter dans un troisième temps l’une des principales sources de notre corpus archivistique : les rôles de capitation.

Chapitre III.

: Premiers résultats de recherche : Les

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