• Aucun résultat trouvé

Les marchands ruraux dans la province du Dauphiné sous l'Ancien Régime

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Les marchands ruraux dans la province du Dauphiné sous l'Ancien Régime"

Copied!
299
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: dumas-01147416

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01147416

Submitted on 30 Apr 2015

HAL is a multi-disciplinary open access

archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

Distributed under a Creative Commons Attribution - NonCommercial - NoDerivatives| 4.0 International License

sous l’Ancien Régime

Charles Calvat

To cite this version:

Charles Calvat. Les marchands ruraux dans la province du Dauphiné sous l’Ancien Régime. Histoire. 2010. �dumas-01147416�

(2)

Charles CALVAT

Les marchands ruraux dans la province du

Dauphiné sous l'Ancien Régime

Mémoire de Master II « Sciences humaines et sociales »

Mention Histoire et Histoire de l’art

Spécialité Sociétés et économies des mondes modernes et contemporains

Sous la direction de Monsieur Alain Belmont

(3)
(4)

Introduction 4

Remerciements : ... 10 Table des abréviations ... 11 Chapitre I. : Historiographie. Bilan et état de la recherche sur le groupe socio-professionnel des marchands ruraux ... 13 Chapitre II. : Les marchands ruraux dans les écrits contemporains : quel corpus pour quelles utilisations ? Sources et outils documentaires susceptibles d’enrichir nos connaissances du groupe marchand dans les campagnes d’Ancien Régime. ... 84 Chapitre III. : Premiers résultats de recherche : Les apports des rôles de capitation

133 Conclusion 196

Bibliographie : Les marchands ruraux dans la province du Dauphiné sous l’Ancien Régime 199

Chapitre I. Instruments de travail ... 199 Chapitre II. Ouvrages généraux sur l’histoire économique et sociale de la France d’Ancien Régime ... 206 Chapitre III. Pluriactivité professionnelle et diversité sociale dans les campagnes de la France moderne. ... 217 Chapitre IV. Marchands et commerce dans la France d’Ancien Régime ... 222 Chapitre V. Le Dauphiné sous l’Ancien Régime ... 232

(5)

l’Ancien Régime ... 241

Chapitre I. Archives départementales de l’Isère ... 241

Chapitre II. Archives départementales du Rhône ... 280

(6)

Introduction

Lorsque nous étions enfants, mon frère et moi avons été placés en nourrice. Travaillant beaucoup et faute de temps libre à l’époque, nos parents ont choisi de nous confier à une famille paysanne de Belledonne, non pas des agriculteurs mais des « paysans », vivant en grande partie de leur propre production.

Parmi les innombrables souvenirs de cette époque, un des plus clairs à notre esprit est celui où, une fois par semaine, le marchand ambulant s’arrêtait dans le petit hameau rural pour y vendre ce que les habitants d’alors ne produisaient pas. Un coup de klaxon informait son arrivée aux ménagères, qui accourraient au plus vite pour acheter du pain, du poisson ou des produits de consommation courante.

Plus encore, les discussions avec le marchand permettaient de s’informer de ce qui se passait dans les autres bourgs. Plus que de simples aliments et objets divers, c’est de la sociabilité que venait vendre ce marchand, dont le passage éphémère n’en était pas moins attendu par les habitants de ces hameaux isolés.

Quelques années plus tard, lors d’un entretien, Monsieur le professeur Alain Belmont, nous convainquit de consacrer nos recherches à un groupe social peu étudié, celui des marchands ruraux, dans la province du Dauphiné du XVIè au XVIIIè siècle.

Après avoir mis en lumière l’hétérogénéité sociale et professionnelle des campagnes dauphinoises par ses travaux sur les artisans ruraux, Monsieur Alain Belmont nous soumettait l’idée de prolonger ces recherches par l’étude sociale d’un milieu professionnel largement ignoré par la recherche historique.

Si, depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’histoire du monde rural fut un sujet privilégié de la nouvelle école historique française, très peu de travaux en effet ont été consacrés au groupe socio-professionnel des marchands ruraux. Non point que les marchands semblaient trop rares dans les campagnes d’autrefois pour qu’ils soient dignes d’intérêts, mais plutôt parce que l’analyse du monde rural a longtemps été confondue avec celle de l’agriculture, de ceux qui travaillent la terre et de ceux qui l’exploitent.

(7)

Si le champ d’investigation, toujours vierge, est immense, il fut tout autant déroutant pour le chercheur en herbe. Il convient par conséquent dans cette introduction de le préciser et de lui poser d’emblée des limites.

La première d’entre elles s’attache au terme de « marchand », qui, après minutieuse analyse, se révèle particulièrement vague. Les dictionnaires, récents ou anciens, ne permettent guère à l’historien de cerner avec précision l’activité des marchands. Ainsi, selon le Petit Robert, le marchand est l’individu « chez qui l’on achète une ou plusieurs sortes de marchandises (denrées, articles de consommation, d’utilité courante), qu’il fait profession de vendre ». Dans le même dictionnaire, le marchand a pour synonyme « commerçant », « négociant », « boutiquier », « fournisseur », « vendeur », « débitant », « détaillant », « camelot » ou encore « colporteur ». Autant d’acceptions, au final, pour désigner une même et unique activité professionnelle.

A lire le Dictionnaire de l’Académie Française1 (édition de 1778), la perception des marchands ne semblait pas beaucoup plus précise au XVIIIè siècle, puisque le marchand y est décrit comme celui « Qui fait profession d’acheter et de vendre », avant que les auteurs n’ajoutent quelques distinctions entre les marchands eux-mêmes. Le « Riche marchand » se distinguait ainsi du « Petit marchand, du Bon marchand, du Bon et Loyal marchand » ou encore du marchand qualifié de « Grossier ». Selon le dictionnaire d’Ancien Régime, c’est donc la réussite professionnelle, elle-même confusément empreinte de vertus morales, qui différenciait entre eux les membres de ce groupe socio-professionnel.

Le Dictionnaire universel françois et latin2, encore appelé Dictionnaire de Trévoux, met également en avant la réussite professionnelle et sociale comme distinction majeure entre les marchands. Les marchands y sont répertoriés en fonction du poids et de l’envergure de leur activité professionnelle. Dans l’ordre, le marchand est d’abord présenté comme celui « Qui fait manufacturer toutes sortes d’ouvrages pour les exposer en vente en boutique, en magasin ou en foires ». Vient ensuite l’ensemble des « revendeurs ou détailleurs, qui achètent des marchandises aux gros marchands ». Enfin, tout en bas de l’échelle sociale, viennent tous « ceux qui ramassent plusieurs marchandises à la campagne pour les apporter dans les foires et les marchés ». Sous l’Ancien Régime, c’est donc l’aisance financière qui fixait les distinctions entre marchands, selon l’idée que plus le marchand vendait plus il était considéré, sans que la nature des produits qu’il commerçait ne soit réellement déterminante.

1 Dictionnaire de l’Académie Française. Nouvelle édition, Nismes, 1778, Imprimerie Pierre Beaume, Imprimeur

du Roi.

2

(8)

Ces quelques définitions, aussi larges soient-elles, ont le mérite d’englober l’ensemble des professions exercées par les marchands d’Ancien Régime. Le terme générique de « marchand » cache en effet des activités professionnelles diverses au sein d’un milieu social qui se révélait particulièrement hétérogène. Si tous vendaient des produits agricoles ou transformés pour gagner leur vies, rares étaient néanmoins les points communs partagés par le négociant bien établi, l’apothicaire ou le boutiquier ayant pignon sur rue d’un côté et la masse des petits regrattiers, merciers, ferratiers, coquetiers qui parcouraient les chemins d’Ancien régime en quête de menus profit de l’autre. Ainsi, le terme englobant de « marchand » masque des réalités sociales et professionnelles particulièrement diverses à l’époque moderne.

En outre, la figure du marchand apparaît d’autant plus difficile à saisir par l’historien, que leur activité n’était pas toujours continue dans le temps et que certains individus pratiquaient partiellement le commerce au cours d’une année. Deux raisons principales expliquent la pratique partielle du commerce au cours de l’année. La première est que le marchand n’était pas systématiquement l’homme d’une unique profession à l’époque moderne, le commerce étant parfois pratiqué par les individus comme un complément d’activité ou de revenus, une partie de l’année seulement. Parallèlement, les oscillations de la conjoncture économique pouvaient expliquer la pratique partielle du commerce au cours d’une année, selon le principe que les marchands ne pouvaient exercer leur métier que lorsqu’ils disposaient de quoi vendre, avec des temps forts et des temps faibles en matière de commerce. Or, cette pratique professionnelle « mouvante » déconcerte parfois le chercheur, qui a du mal à distinguer la véritable profession d’un marchand, et qui ne sait pas toujours si le commerce était la principale profession d’un individu ou si l’action de vendre était davantage perçue par ce dernier comme un simple complément d’activité.

Chemin faisant, nous parvenons à préciser la définition du métier marchand en milieu rural. Si, en effet, le marchand est effectivement celui qui vend, tous les individus pratiquant le commerce à l’époque moderne n’étaient pas –loin s’en faut– considérés comme marchands. Ainsi, le petit propriétaire foncier, le tailleur d’habits ou encore le boulanger, s’ils vendaient le produit de leurs champs ou de leur artisanat, ne pouvaient rejoindre le groupe socio-professionnel marchand, l’essentiel de leur activité résidant dans la production ou la transformation des produits plutôt que dans la vente de ces derniers.

Afin de n’écarter aucun type de marchand dans le cadre de notre étude, nous avons voulu adopter une définition à la fois la plus large et la plus précise possible du milieu marchand. Seront considérés comme marchands dans les pages qui suivent « tous les individus qui se

(9)

font profession de vendre des denrées ou des articles de consommation, à temps plein ou à temps partiel, et dont le commerce est perçu comme leur activité professionnelle principale». Aussi étendue soit-elle, nous pensons que cette définition a le mérite d’englober l’ensemble des professions et des groupes marchands existant en milieu rural à l’époque moderne, tout en écartant les individus pour lesquels la vente épisodique de produits ne constituait qu’un complément de revenus et qui ne rentraient pas dans les cadres de la présente étude.

Le groupe socio-professionnel des marchands défini, il convient à présent de préciser les limites chronologiques et géographiques de notre recherche.

Le cadre chronologique a délibérément été choisi large afin d’englober les trois siècles d’Ancien Régime, du XVIè siècle au XVIIIè siècle. Notre propos est ici d’aborder le groupe des marchands dans le temps long afin de déceler les multiples évolutions qui ont pu affecter ce groupe socio-professionnel tout au long de l’époque moderne. Si, en effet, un grand nombre d’études rurales portent sur le XVIIIè siècle, il nous a paru essentiel de ne pas isoler le XVIIIè du reste de l’époque moderne afin d’approcher les premier temps du commerce rural au sortir du Moyen Age, d’analyser les diverses mutations qui touchent les marchands ruraux à mesure de leur avancée chronologique et, le cas échéant, de mettre en lumière les spécificités du dernier siècle de l’Ancien Régime par rapport aux siècles précédents. Le Siècle des Lumière correspondant à l’ouverture commerciale des campagnes du royaume de France, il nous a paru important d’étudier le milieu social des marchands ruraux dans la perspective des trois siècles composant l’Ancien Régime, afin de pouvoir comparer les évolutions du groupe professionnel marchand avec le décloisonnement progressif des campagnes à l’époque moderne. En ce sens, la confrontation entre le XVIIIè siècle et le desserrement économique des campagnes qui s’y opère et les deux siècles précédents, sera susceptible d’éclairer les transformations qui affectent le groupe marchand ainsi que le rôle tenu par les marchands ruraux dans l’expansion de l’économie globale à l’époque moderne.

Tous comme le cadre chronologique, les limites géographiques de notre étude ont été voulues larges. Nos travaux ont cherché à embrasser l’ensemble de la province du Dauphiné à l’époque moderne. L’ancienne province dauphinoise constituait en effet un espace de tout premier ordre pour l’étude sociale des marchands ruraux. Parmi les plus grandes provinces du royaume avec près de 30 000 kilomètres carrés, le Dauphiné s’étendait sur les actuels départements de l’Isère, de la Drôme, des Hautes-Alpes et une partie du département du Rhône. Dans ce cadre, la province du Dauphiné offre au chercheur une très grande diversité

(10)

de paysage, présentant d’Ouest en Est une succession de plaines (depuis la plaine de Lyon au Nord jusque celle du Tricastin en vallée du Rhône), de plateaux et de collines (du plateau des Chambaran au Nord jusque aux Baronnies et au Diois au Sud), avant de voir l’altitude s’élever avec les Préalpes (Chartreuse et Vercors) et les hautes montagnes constituées par les massifs de Belledonne, de l’Oisans, du Champsaur, du Gapençais, du Briançonnais, de l’Embrunais, et du Queyras dans sa partie la plus orientale (cf. voir carte n° 1).

Ajoutons à cela que la province partageait ses frontières avec la Savoie dans sa partie septentrionale, avec le Piémont dans sa partie orientale, avec la Provence au Sud et qu’elle était traversée par de grandes voies de communication terrestres et fluviales, dont l’immense vallée du Rhône, et le Dauphiné apparaît comme un observatoire privilégié, permettant l’étude d’un groupe social dans son infinie diversité.

Il convient toutefois de présenter deux bémols au tableau que nous venons de dresser. Nous devons tout d’abord écarter de notre recherche le massif de l’Oisans. Haute Terre des colporteurs qui sillonnaient l’Europe à la mauvaise saison, cet espace a parfaitement été analysé par Laurence Fontaine, qui a mis en avant dans ses travaux la nécessité pour les habitants de ce massif d’aller chercher ailleurs un complément de revenus imputé à la stérilité des sols3. Davantage peuplé de colporteurs que de « véritables » marchands ruraux, nous avons du rejeter cet espace hors de notre champ d’étude.

D’autre part, si le présent mémoire cherche à vérifier la possibilité de recherches sur les marchands ruraux à l’échelle du Dauphiné dans son entier, force nous est d’admettre que la somme de travail à fournir dans le cadre de notre Master II ne nous a pas permis de travailler sur l’ensemble de la Province. Ainsi, nos recherches se sont-elles concentrées sur l’actuel département de l’Isère. Nous sommes conscients du caractère imparfait de cette étude, qu’il conviendrait de généraliser à l’ensemble de la province dans le cadre d’un travail de plus grande envergure, en Thèse de Doctorat notamment.

Reste, enfin, à préciser un dernier point concernant nos travaux. Notre étude concerne spécifiquement le commerce rural et ignore par conséquent les villes. Il nous a donc fallu exclure l’ensemble des localités que Monsieur René Favier dans son ouvrage Les Villes du Dauphiné aux XVIIè et XVIIIè siècles4 désigne comme « villes » ( à savoir Briançon, Buis-les-Baronnies, Crest, Die, Embrun, Gap, Grenoble, Montélimar, Romans, Marcellin,

3

Fontaine Laurence, Histoire du colportage en Europe (XVè-XIXè siècles), Paris, Albin-Michel, 1993 334p. Fontaine Laurence, Le voyage et la mémoire. Colporteurs de l’Oisans au XIXè siècles, Lyon, P.U.L, 1984, 296p.

4 Favier René, Les villes du Dauphiné aux XVIIè et XVIIIè siècles, Grenoble, PUG, collection «La Pierre et

(11)

Paul-les-Trois-Châteaux, Valence, Vienne), ainsi que la trentaine de localités que Monsieur René Favier décrit dans le même ouvrage comme étant « de gros bourgs », soit, entre autres exemples, Beaurepaire, La Tour-du-Pin, Pont-en-Royans ou encore Serres-en-Gapençais. (cf. voir carte n°2). Les villes et les gros bourgs ainsi écartés de notre étude, restent quelques 950 communautés spécifiquement rurales, qui constituent les lieux privilégiés de nos recherches.

Au terme de ces quelques précisions sémantiques, chronologiques et géographiques, il nous reste à déterminer l’esprit et la démarche qui soutiennent nos travaux.

L’année de Master II est une année particulière dans le parcours d’un jeune chercheur. Le principal enjeu de cette année d’étude est de déterminer, par une approche méthodologique et critique, la faisabilité de notre sujet de recherche dans le cadre plus vaste d’une thèse de Doctorat. Sa seconde ambition est de révéler l’apport du sujet d’étude envisagé à la recherche historique.

Afin de répondre à ce double objectif, nous nous proposons dans un premier temps de préciser et cerner le courant historiographique dans lequel s’insère notre sujet. Notre démarche, ici, se voudra critique, afin de déterminer la pertinence et l’apport de notre thématique au sein de la veine historiographique qui la sous tend.

Une seconde étape nous amènera à dresser l’inventaire des matériaux et archives disponibles et susceptibles d’enrichir et d’étayer nos connaissances sur le groupe social des marchands ruraux. Ici encore l’esprit de cette étape se voudra critique afin de déterminer la pertinence, les apports et les lacunes de chacune des sources retenues dans le cadre de nos travaux.

Dans un troisième temps, enfin, nous nous efforcerons de reconstituer le réseau professionnel marchand dans les campagnes de l’ancien département de l’Isère, tout en prenant soin de replacer les membres du milieu socio-professionnel marchand au sein de la hiérarchie villageoise. Pour ce faire, nous nous appuierons sur l’étude d’une source fiscale majeure en histoire rurale : les rôles de capitations.

(12)

Remerciements :

Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont contribué à la réalisation de ce mémoire, depuis sa conception jusque sa finalisation.

Mes remerciements vont en premier lieu à mon directeur de recherche, Monsieur Alain Belmont, pour l’intérêt qu’il manifesta pour cette étude, pour les précieux conseils donnés à un jeune étudiant et plus généralement pour son attention et son entière disponibilité tout au long de ces deux années universitaires.

Je tiens également à remercier Madame Clarisse Coulomb, qui nous aura aimablement fait part de son travail universitaire et dont le concours nous aura été précieux dans le cadre de notre recherche.

Mes remerciements vont aux personnels des Archives Départementales de l’Isère ainsi que de la Bibliothèque Municipale de Grenoble, parfois fortement sollicités mais toujours disponibles et avenants. Mes remerciements vont particulièrement à Madame Hélène Viallet pour son aide dans mes recherches aux archives.

Je tiens, enfin, à remercier ma famille et mes amis qui m’ont soutenu tout au long de ces deux années de travail : Mes parents, Cathy et Jean-François pour leur soutien indéfectible et pour la relecture, mon frère William et Bertrand pour leur aide précieuse en informatique, Emilie, Célia et Seb pour leurs encouragements. Enfin, mes remerciements vont tout droit à Morgane pour la motivation constante qu’elle a su entretenir à mon égard et son soutien sans faille au cours de ces deux années de recherches.

(13)

Table des abréviations

a. : année. art. : article.

dactyl. : document dactylographié. dir. : sous la direction de.

f° : folio. pp : pages. s.d : sans date. t. : tome. vol. : volume.

A.D 38 : Archives départementales de l’Isère. A.D 69 : Archives départementales du Rhône. B.M.G : Bibliothèque municipale de Grenoble. A.B : Annales de Bretagne.

A.B.P.O : Annales de Bretagne et des pays de l’Ouest. A.D.H : Annales de démographie historique.

A.E.S.C : Annales, économies, sociétés, civilisations. A.M : Annales du Midi.

A.H.S R : Association d’histoire des sociétés rurales.

B.C.H.E.S.R.L : Bulletin du centre d’histoire économique et social de la région lyonnaise. B.P.H : Bulletin philologique et historique.

B.S.H.A.P : Bulletin de la société historique et d’archéologie du Périgord. B.S.S.D : Bulletin de la société scientifique du Dauphiné.

B.T.H.C.T.H.S : Bulletin philologique et historique du comité des travaux historiques et scientifiques.

(14)

C.H : Cahiers d’Histoire.

C.L.H.E.S : Centre lyonnais d’histoire économique et sociale. C.M : Cahiers de la Méditerranée.

C.N.R.S : Centre national de la recherche scientifique. C.T.H.S : Comité des travaux historiques et scientifiques. EHESS : Ecoles des hautes études en sciences sociales. E.R : Etudes rurales.

H.M : Histoire et mesure.

H.S.R : Histoire et sociétés rurales. R.G.A : Revue de géographie alpine. P.H : Provence Historique.

P.U.F : Presses universitaires de France. P.U.G : Presses universitaires de Grenoble. P.U.L : Presses universitaires de Lille. P.U.L : Presses universitaires de Lyon. P.U.M : Presses universitaires de Mirail. P.U.N : Presses universitaires de Nancy.

P.U.P.S : Presses universitaires de Paris-Sorbonne. P.U.S : Presses universitaires de Strasbourg. R.H : Revue historique.

R.H.E.S : Revue d’histoire économique et sociale. R.H.L : Revue d’histoire de Lyon.

R.H.M.C : Revue d’histoire moderne et contemporaine. S.H.A.M : Société archéologique et d’histoire de la Mayenne.

(15)

Chapitre I.

: Historiographie. Bilan et état de la

recherche sur le groupe socio-professionnel des

(16)

I.

Une historiographie des marchands ruraux ?

L’objectif de ce chapitre est de dresser un bilan, qui se veut le plus exhaustif possible, de la recherche historique sur le groupe social et professionnel des marchands dans les campagnes françaises d’Ancien régime.

Nous aurons soin, dans cette optique, de mettre en lumière les différents courants historiographiques qui se sont intéressés au commerce rural, afin d’appréhender les angles multiples sous lesquels notre sujet a été abordé par les différentes mouvances historiographiques

A.

Les marchands ruraux : Une présence discrète dans les

instruments de travail.

1) La Bibliographie annuelle de l’Histoire de France.

Afin de passer en revue le plus grand nombre possible de travaux susceptibles d’éclairer notre recherche, nous nous sommes tout d’abord appuyés sur les instruments de recherche historiographique et bibliographique mis à notre disposition. Précieux, ces outils de recherche historiographique permettent d’effectuer un premier tour d’horizon des parutions qui concernent notre sujet.

A ces fins, nous avons dans un premier temps épluché la Bibliographie Annuelle de l’Histoire de France.5 Publié annuellement depuis 1953, chacun des quarante-huit volumes de la collection recense l’ensemble des travaux parus dans l’année en cours. Le classement des parutions en catégories bien distinctes (Manuels généraux, Histoire politique, Histoire des institutions etc,) permet de rassembler en un temps relativement court les travaux intéressants notre sujet. Nous avons passé en revue un grand nombre de ces volumes et dépouillé systématiquement les trente derniers ouvrages, depuis 1990 jusque 2009. Le thème que nous abordons étant placé à la croisée de multiples champs d’études scientifiques, nous nous

5

(17)

sommes concentrés sur les chapitres « Histoire économique », « Histoire sociale » sans oublier la grande masse des « Monographies régionales et locales » propres à l’époque moderne. A la rubrique « Commerce », nous avons trouvé un très grand nombre de parutions concernant l’Ancien Régime. Néanmoins, très peu d’entre elles intéressaient le commerce rural. Lorsqu’il est évoqué, en effet, le marchand est avant tout le marchand au long court, pratiquant son activité par delà les mers et océans, vers de lointains horizons. Il apparaît également qu’un très grand nombre d’études intéresse au premier chef le marchand urbain, la diversité de ses activités, son ascension ou sa réussite professionnelle ou sociale. Peu d’études s’attachent au commerce rural. Lorsque c’est le cas c’est presque exclusivement par le biais des foires et des marchés, à l’échelle régionale ou nationale plus qu’au niveau local, ce qui tend à exclure une partie non négligeable des marchands ruraux. Quand, enfin, des travaux sont plus spécifiquement consacrés aux marchands ruraux, c’est souvent par le prisme de la « réussite politique » locale, l’étude étant alors davantage centrée sur la notion d’élite locale que sur le parcours ou la profession des individus concernés.

Au final, ce premier aperçu des recherches effectuées sur notre sujet met en lumière une abondante bibliographie concernant le commerce en général. Néanmoins, c’est avant tout le Grand Commerce, national et international, qui a passionné des générations de chercheurs. A l’intérieur des frontières du royaume, nous avons pu noter la prédominance du commerce urbain, dont le nombre croissant de travaux comme objet d’études depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale est le signe d’un vif intérêt de la part de la communauté scientifique. A l’inverse, le dépouillement des volumes de la Bibliographie Annuelle de l’Histoire de France nous a laissé entrevoir un étiolement de la recherche plus spécifiquement centrée sur le commerce rural et ses artisans, les marchands ruraux, qui ont, pour leur part, fait l’objet d’un nombre de publications beaucoup moins important, au regard des commerces maritimes et urbains.

2) Recueils bibliographiques intéressants les marchands ruraux.

A la suite de ce premier constat, notre démarche nous a amené à solliciter d’autres instruments de recherche, davantage spécialisés dans l’histoire rurale française. Dans cet esprit, nous avons consulté l’article rédigé par Jean-Marc Moriceau dans Histoire et Sociétés Rurales, à propos de « La terre et le paysans aux XVIIè et XVIIIè siècles en France et en

(18)

Grande-Bretagne »6. Rédigé en 1999, cet article est un recueil bibliographique initialement destiné aux étudiants préparant le concours de l’Agrégation, mais également très utile pour le chercheur en histoire rurale. L’auteur y a en effet compilé un grand nombre d’ouvrages spécialisés, de monographies régionales, de thèses et d’articles se rapportant à l’histoire des sociétés rurales de part et d’autres de la Manche et classés par grandes thématiques.

L’étude sociale des marchands ruraux se situant à la jonction de multiples courants de recherche historique, plusieurs dizaines de travaux intéressent notre sujet, sur les 2600 références citées dans ce guide d’histoire agraire. Ainsi, l’auteur met-il l’accent sur l’évolution agraire de la France d’Ancien Régime, l’insertion de l’agriculture dans l’économie du Royaume, l’ouverture commerciale des campagnes à l’échelle du Royaume, les progrès ou « faux-semblant » du décollage économique du XVIIIè siècle, la diversité sociale des campagnes de la France moderne ou sur les liens désirés ou subis entre les membres des sociétés rurales. Autant de champs d’études susceptibles d’éclairer un peu plus la vie, les activités, les multiples réseaux professionnels, sociaux ou amicaux tissés par nos marchands ruraux. Sur les 2600 références citées par Jean-Marc Moriceau, néanmoins, très peu touchent directement notre sujet. Si le commerce en milieu rural est évidemment présent dans ce recueil bibliographique, c’est encore une fois à travers l’étude des foires et des marchés ou du si précieux et périlleux ravitaillement urbain. Un seul article traite spécifiquement du commerce rural en tant qu’objet d’étude « intrinsèque »7, montrant par là même que le commerce rural est peu étudié pour lui-même. L’étude des principaux acteurs du commerce rural se révèle tout aussi maigre puisque une seule référence citée par ce spécialiste d’histoire rurale traite directement des marchands ruraux8. L’auteur le confesse lui-même : « La dimension économique de l’agriculture des XVIIè et XVIIIè siècles est loin d’avoir été oubliée dans l’historiographie [et a laissé place à une abondante production]. Moins étudié, le secteur du commerce et des transports, des foires et des marchés constitue un horizon indispensable pour comprendre le fonctionnement de l’économie agricole ancienne »9.

6 Moriceau Jean-Marc, « La Terre et les Paysans aux XVIIè et XVIIIè siècles, France et Grande-Bretagne.

Guide d’histoire agraire », Association d’Histoire et Sociétés Rurales, PUR, 1999, 317p.

7

Sée henri, « Le commerce des beurres et des salaisons en Bretagne au XVIIIè siècle », Mémoires et documents

J.Hayem, 10è série, 1926, pp 175-185.

8 Fontenay Michel, « Paysans et marchands ruraux de la vallée de l’Essonne dans la seconde moitié du XVIIè

siècle », Paris et Ile-de-Franc en Mémoires, IX, (1957-1958), 1958, pp 157-282.

9

(19)

Au final, cette première approche de l’historiographie propre à notre sujet fait état d’un très grand nombre de travaux intéressant l’économie en milieu rural ainsi que l’insertion de l’agriculture et des campagnes françaises dans l’économie d’Ancien Régime. Le plus souvent menée à petite échelle, la grande majorité de ces études est centrée sur les pratiques agraires, leurs évolutions en lien avec la croissance démographique, sur la productivité de l’espace rural, les oscillations du climat et, par là, des récoltes. Multiples sont ainsi les travaux cherchant à démonter les mécanismes qui ont permis à l’ancienne France de nourrir progressivement sa population en général et plus précisément sa population urbaine.

Paradoxalement, nombre des travaux portant sur l’économie rurale d’Ancien Régime ignore plus largement les moyens, les réseaux et les canaux qui ont permis le désenclavement économique des campagnes tout au long de l’époque moderne, en dehors des évolutions agraires proprement dites. Lorsque les historiens s’attardent sur le dynamisme commercial des campagnes d’Ancien Régime, c’est, le plus souvent, par les entrées bien connues des foires et des marchées, de l’ouverture des transports qui induisent l’ouverture commerciale ou encore par l’analyse des liens tissés entre les villes et leurs campagnes. Se dégage par conséquent de la bibliographie l’idée selon laquelle les campagnes ne pouvaient s’être insérées dans l’économie d’Ancien Régime que sous l’impulsion d’éléments extérieurs, excluant par définition les marchands ruraux qui ne pouvaient participer à cette évolution.

Désireux de cerner le plus précisément possible les différents courants historiographiques et champs historiques ayant traités notre sujet ou, à tout le moins, susceptibles de l’éclairer, nous avons souhaité interroger les revues historiques spécialisées dans l’histoire rurale. Leur étude devant, en outre, nous permettre d’élargir nos perspective de recherche afin d’englober tous les thèmes aptes à enrichir nos connaissances et nos réflexions sur le sujet traité.

(20)

B.

Des sociétés savantes muettes sur le groupe socio-professionnel des

marchands ruraux.

1) De rares études sur le sujet en comparaison de la masse d’articles analysant le monde rural à l’époque moderne.

Le premier tour d’horizon de l’historiographie se rapportant à notre étude a montré un vide relatif de la recherche historique sur les questions du commerce propre au milieu rural et sur ses principaux acteurs. Afin de préciser plus avant les recherches qui se sont penchées sur notre sujet, nous avons consulté un grand nombre de revues historiques spécialisées en histoire économique et sociale ou encore en histoire rurale. Les comptes rendus d’ouvrages, de thèses ou d’articles de ces revues spécialisées ont notamment l’avantage de rassembler en un court laps de temps un maximum de travaux relatifs au commerce rural ou à l’étude social du groupe des marchands ruraux. Ainsi avons-nous examiné des revues historiques telles que les Cahiers d’Histoire, la Revue d’histoire économique et sociale, Etudes rurales ou encore Histoire et Sociétés Rurales.

A l’issu de ce second dépouillement, nous pouvons souligner deux grandes tendances à propos de l’historiographie intéressant notre recherche. La première est, une fois encore, l’abondance des travaux abordant indirectement notre thème de recherche mais par ailleurs très largement susceptibles d’éclairer ou d’enrichir nos connaissances et réflexions sur les marchands ruraux. Entre dans ce cadre l’ensemble des études sur les élites sociales ou locales dans les campagnes d’Ancien régime, sur les liens de sociabilités villageoises, sur l’importance du crédit dans les campagnes, sur les spécialisations agraires tournées vers la commercialisation, sur l’histoire des objet, sur l’ouverture des transports, terrestres ou fluviaux ou encore sur la monétarisation réelle ou fictive des campagnes…Toutes ces études sont à même d’éclairer un peu plus la figure du marchand des campagnes de l’ancienne France. En ce sens, nous souhaitons attirer l’attention sur le fait que, bien que gravitant autour de notre sujet, tous les champs de recherches précédemment cités sont primordiaux pour aborder l’analyse d’un groupe humain, dont les dimensions ne sont pas uniquement professionnelles, mais aussi sociales, économiques et culturelles et qui, dans l’infinie complexité des trajectoires individuelles ou communes, s’interpénètrent à l’envie.

(21)

Si nous avons pu recenser un grand nombre de travaux correspondant partiellement à notre sujet, force nous est de relever un second constat plus amer.

Tout comme l’analyse des premiers instruments de travail, l’étude des sociétés savantes ne révèle au chercheur qu’un nombre limité de recherches plus directement centrées sur notre sujet. Alors que, depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, l’histoire du monde rural a connu un véritable engouement et a laissé place à une très abondante production scientifique, très peu d’ouvrages se sont penchés sur l’étude sociale des marchands ruraux.

Le commerce dans les campagnes, et notamment celui des grains, a certes suscité de nombreux travaux, mais ces derniers ont été fréquemment guidés par le souci de répondre à une crise de subsistance d’une région ou d’un « pays » à un moment donné.10 Dans le même sens, les campagnes et les réseaux commerciaux qui la traversent ont été très souvent perçus comme subordonnés aux besoins des villes qu’il fallait sans cesse ravitailler en produits divers.11 Rares sont ainsi les études urbaines qui ne consacrent au moins un chapitre au ravitaillement en provenance de leurs périphéries rurales, plus ou moins proches.

De la même manière, les travaux centrés sur l’économie rurale d’Ancien Régime et sur l’intégration des campagnes aux réseaux économiques, se font le plus souvent par l’entrée traditionnelle des foires et des marchés, dont les exemples foisonnants ont été analysés dans la plupart des régions françaises12. L’écueil de ces recherches est de se consacrer à une économie dont la forme la plus visible est, par définition, limitée dans l’espace et dans le temps, comme si le commerce dans les campagnes d’Ancien Régime se limitait à ces temps forts de la vie des communautés ou des régions de l’ancienne France.

10

Entre autres exemples : Letaconnoux, Joseph, Les Subsistances et le commerce des grains en Bretagne au

XVIIIè siècle, rennes, Oberthur, 1909, XXXVII, 396p.

Letaconnoux, Joseph, « Les Subsistances et le commerce des grains en Bretagne au XVIIIè siècle », Annales de

Bretagne, XX, 2, 1905, pp 126-135.

11

Entre autres exemples : Bondois, paul M, « Les difficultés du ravitaillement parisien. Le commerce des beurres et des œufs sous l’Ancien Régime », Mémoires et documents J.Hayem, 8è série, paris, 1924, pp 214-320.

Kaplan, Steven, Les ventres de Paris. Pouvoir et approvisionnement dans la France d’Ancien Régime, Paris, Fayard, 1988, 704p.

Lachiver, Marcel, « L »approvisionnement de Paris en viande au XVIIIè siècle », in La France d’Ancien Régime. Etudes réunies en l’honneur de Pierre Goubert, Toulouse, Privat, 1884, t.1, pp 345-354.

Vonglis, Bernard, Le commerce des céréales à Reims au XVIIIè siècle, Reims, Université de Reims, 1980, 238p.

12

Entre autres exemples : Foires et marchés dans les campagnes de l’Europe médiévale et moderne. Actes des

Quatorzièmes Journées Internationales d’histoire de l’abbaye de Flaran (Septembre 1992), Toulouse, Presses

Universitaires du Mirail, 1996, 252p.

Chassage, Serge, « Essai d’analyse d’un marché : L’exemple des foires du Poitou au XVIIIè siècle », in 97è

Congr. Nat.soc.sav. (Nantes 1972), Hit.mod., Paris, 1977, t.2, pp 137-151.

Margairaz, Dominique, Foires et marchés dans la France préindustrielle, Paris, EHESS, 1988, 283p.

Thomas, Jack, Le temps des foires. Foires et marchés dans le Midi toulousain de la fin de l’Ancien Régime à

(22)

Au final, il nous faut témoigner d’un nombre limité de recherches sur le commerce rural et les marchands ruraux en tant qu’objets d’étude définis, en comparaison de la masse d’ouvrages et d’articles analysant le monde rural à l’époque moderne.

Parmi elles, la grande majorité des travaux portent sur la figure unique d’un marchand dans ses campagnes, dont les archives qui nous sont parvenues ont permis de débrouiller un peu plus l’opacité qui entourait ses trajectoires, personnelles ou professionnelles13.

Plus rares encore sont les travaux cherchant à mettre au jour les aires et structures du commerce proprement rural à l’époque moderne, permettant d’éclairer les mécanismes et les différentes échelles auxquels se pratiquait le commerce dans les campagnes14.

Si de nombreux aspects de la vie économique des campagnes ont donc été parfaitement mis en valeur, il n’en reste pas moins que des pans entiers de ce champ d’étude attendent encore l’historien qui viendra les défricher. Parmi eux, le commerce rural étudié sur le temps long et à partir de ses principaux acteurs -les marchands ruraux-, semble le grand oublié de la nouvelle école des ruralistes français.

Le faible nombre d’études consacré au marchand rural est d’autant plus criant que son alter ego urbain a fait l’objet d’une somme de travaux beaucoup plus conséquente, preuve, s’il en fallait, d’un monde urbain mieux éclairé.

13 Entre autres exemples : Antoine, Annie, « Les comptes ordinaires de Pierre Duchemein du Tertre, marchand

de toile et seigneur dans la première moirié du XVIIIè siècle », Société Archéologique et d’Histoire de la

Mayenne, Laval, 1998, 248p.

Baratier, Edouard, « le notaire Jean Barral, marchand de Riez au début du XVè siècle », Provence Historique, t. VII, Juillet 1957, pp 254-274.

Cocula, Anne-marie, « A partir du livre journal de Jean Babut, Marchand de Bergerac », B.S.H.A.P, t. XVIX, 1972, pp 136-145.

Vallez, Jean-marie, « Un marchand-herbager augeron à l’action. Michel Londe est ses bœufs de 1774 à 1805 »,

Enquête Rurale, N°2, 1997, pp 37-62.

14

Entre autres exemples : Allix, André, « Le trafic en Dauphiné à la fin du Moyen-Age. Esquisse rétrospective de géographie économique », R.G.A, Allier imprimerie, 1923, pp 373-420.

Chomel, Vital, « Un mémoire inédit sur le commerce de Transit en Dauphiné au milieu du XVè siècle »,

B.T.H.C.T.H.S, Paris, 1960, pp 315-343.

Cocula, Anne-Marie, « Pour une définition de l’espace aquitain au XVIIIè siècle », Aires et structures du commerce français au XVIIIè siècle, Colloque national de l’association française des historiens économistes, Paris, éd du C.R.N.S, 1973, pp0301-330.

Coulet, Noël, « Commerce et marchands dans un village provençal du XVè siècle. La Leyde de Puyloubier »,

(23)

C.

Un monde urbain mieux éclairé

A l’inverse d’une économie rurale qui échappe par de nombreux aspects à notre connaissance, l’historiographie a fait une place beaucoup plus grande au commerce propre au monde urbain. La figure du marchand urbain a, en effet, été largement étudiée par les historiens modernistes d’après guerre, dont il résulte une très riche et foisonnante bibliographie centrée sur l’importance du commerce et des commerçants en milieu urbain mais aussi sur la place majeure tenue par ces derniers dans l’économie globale de la France d’Ancien Régime.

Le nombre de parutions concernant le commerce, le commerçant et la ville ne souffre aucune comparaison avec le faible nombre d’études intéressant le commerce et les « commerçants » ruraux.

Deux grandes tendances ont ainsi soutenu les recherches portant sur le commerce et la ville à l’époque moderne. Cette dernière a en premier lieu été souvent étudiée comme le cœur d’un vaste réseau commercial aux échelles nationales ou internationales. Ainsi les grandes villes françaises, et notamment les villes situées sur les façades maritimes du pays, ont-elles servi le Grand Commerce d’outre mers à destination des Indes du côté oriental ou des Antilles jusqu’au Canada, outre Atlantique. L’étude des artisans de ce commerce lointain (appartenant dans leur très grande majorité au monde urbain), de leur responsabilité dans la réussite ou l’étendue du Grand Commerce, de leurs modes de vies, de leurs aspirations économiques et sociales ainsi que l’impact de leur activité sur les sociétés urbaines elles-mêmes, a été menée sur la majorité des grandes places commerciales ou bancaires du pays.

La multiplicité des recherches menées en milieu urbain a ainsi permis de mettre au jour la figure du marchand urbain dans ses différentes facettes, depuis la densité et l’hétérogénéité de ses activités, l’étendue de ses réseaux professionnels, sociaux ou amicaux, jusque ses ambitions et trajectoires politiques. L’étude des villes françaises à l’intense activité commerciale a, de ce fait, largement contribué à la connaissance de ces grands marchands urbains, plus élogieusement dénommés commerçants ou négociants15.

15 Entre autres exemples : Butel, Paul, Les négociants bordelais, l’Europe et les îles au XVIIIè siècle. Paris,

Aubier, 1947, 427p.

Carrière, Charles, Négociants marseillais au XVIIIè siècle, Marseille, Institut Historique de Provence, 1973, 2.t., 1111p.

Crouzet, François, Le négoce international (XIIIè-XXè siècles), Paris, Economica, 1989, 249p.

Gardey, Philippe, Négociants et marchands de Bordeaux : De la guerre d’Amérique à la Restauration

(24)

Il est à noter, d’autre part, que de nombreuses études sociales ont fait la part belle à ces élites négociantes, sans attachement géographique marqué à telle ou telle ville. Si le décor urbain constitue leur toile de fond, ces travaux entendent analyser les négociants urbains pour eux-mêmes. A la suite du Parfait négociant16, retentissant ouvrage de Jacques Savary en son temps, de nombreux historiens modernistes se sont penchés sur la strate supérieure du groupe marchand, afin d’en éclairer les mentalités et les modes de vies, les multiples relations et réseaux professionnels et de parenté ainsi que la place tenue par ces élites négociantes dans les hiérarchies économiques et politiques locales, ou à plus grande échelle17.

Néanmoins, toutes les études concernant le commerce citadin ne sont pas tournées vers de lointains horizons marins, ni vers les membres les plus visibles de « l’aristocratie négociante ». Nombre de travaux envisagent en effet le commerce urbain à travers la question du ravitaillement des communautés urbaines. La ville est ainsi perçue en fonction d’un arrière pays destiné à la nourrir, plus ou moins grand selon le poids démographique de la cité dont il est question.

Ici, le marchand urbain est particulièrement mis en valeur puisque il organise et draine à lui tout ou partie des réseaux de commercialisation des produits alimentaires ou de nécessité courante, essentiels à la vie quotidienne des sociétés urbaines.

Dans ce cadre, le nombre d’études consacré au ravitaillement de Paris et à ses marchands est proportionnel au poids démographique, politique et culturel de la capitale dans la France d’Ancien Régime18.

Gascon, Richard, Grand commerce et vie urbaine au XVIè siècle, Lyon et ses marchands, Paris, éd. Mouton-La – Haye, 1971, 2.t, 1000p.

Lespagnol, André, Messieurs de Saint-malo. Une élite négociante au temps de Louis XIV, P.U.R, 1990, 2.t, 867p.

16

Savary, Jacques, Le parfait négociant, ou instruction générale pour ce qui regarde le commerce des

marchandises de France et des païs etrangers, Paris, éd. Robustel, 1721, 2 vol.

17 Entre autres exemples : Angiolini, Franco, Roche, Daniel (sous la direction de), Cultures négociantes dans

l’Europe moderne, Paris, E.H.E.S.S, 1995, 593p.

Deyon, Pierre, Le mercantilisme, Paris, Flammarion, 1969, 126p.

Jeannin, Pierre, Les marchands du XVIè siècle, Paris, Le Seuil, 1957, 192p.

Jeannin, Pierre, Marchands d’Europe : Pratiques et savoirs à l’époque moderne, Textes réunis par Jacques

Bottin et Marie Louise Pelus-Kaplan, Paris, éd de l’ENS, 2002, 480p.

Le Goff, Jacques, Marchands et banquiers au Moyen Ages, Paris, PUF, collec. « Que sais-je ? », 1962, 128p.

18 Entre autres exemples : Abald, Reynald, le Grand Marché : L’approvisionnement alimentaire de Paris sous

l’Ancien Régime, Paris, Fayard, 2002, 1030p.

Bondois, Paul M, « Les difficultés du ravitaillement parisien. Le commerce des beurs et des bœufs sous l’Ancien Régime », Mémoire et Documents J.Hayem, 8è série, Paris, 1924, pp 214-320.

Kaplan, Steven L, Les ventres de Paris. Pouvoir et approvisionnement dans la France d’Ancien Régime, Paris, Fayard, 1988, 704p.

Garnier, Bernard, « Viande et bêtes. Variations saisonnières de l’approvisionnement de Paris aux XVIIIè et XIXè siècles », in La vie, la mort, la foi. Mélanges offerts à Pierre Chaunu, Paris, PUF, 1993, pp 147-170.

(25)

Si la capitale du royaume et la problématique de sa subsistance ont suscité une très forte production historiographique, ces dernières années notamment, il n’en reste pas moins que la question du ravitaillement urbain s’est posée pour un très grand nombre de villes françaises, mettant sous les projecteurs des marchands urbains dont l’activité est apparue comme essentielle pour assurer le fonctionnement et la pérennité des communautés urbaines19.

Plus proche de nous, René Favier dans son ouvrage Les villes du Dauphiné aux XVIIè et XVIIIè siècles20 a parfaitement appréhendé les différents terroirs agricoles des villes de la province du Dauphiné, tout en soulignant l’emprise de ces cités sur les campagnes qui les environnaient.

Ainsi, que les villes du royaume aient eu besoin de grains, de farine, de pain, de fruits ou de légumes, de viande ou de poissons, de produits issus de la proto-industrie des campagnes alentours ou parfois de produits spécifiques et spécialisés21, elles ne pouvaient se passer de l’entremise des marchands urbains, dont le rôle primordial a été maintes fois soulevé par l’historiographie contemporaine.

Au terme de ce premier tour d’horizon de l’historiographie concernant notre sujet, il nous faut ainsi souligner la place prépondérante donnée aux marchands urbains, dont les activités et les sociabilités apparaissent mieux éclairées que celles de leurs homologues ruraux. La masse d’études centrée sur les villes dans la France d’Ancien Régime ne pouvait en effet ignorer tous ceux qui alimentaient matériellement et économiquement les communautés urbaines, donnant ainsi leurs lettres de noblesse aux marchands urbains.

Force est de constater qu’il n’en est pas de même pour les marchands ruraux. Si le visage de ces acteurs de l’économie rurale se révèle moins étudié, c’est d’abord parce que le commerce proprement rural est souvent resté dans l’ombre de son pendant urbain. Les études centrées sur le monde rural, et plus précisément sur l’intégration des campagnes dans l’économie

Lachiver, Marcel, « L’approvisionnement de Paris en viande au XVIIIè siècle », in La France d’Ancien Régime.

Etudes réunies en l’honneur de Pierre Goubert, Toulouse, Privat, 1984, t.1, pp 345-354.

Lachiver, Marcel, Vins, vignes et vignerons en région parisienne du XVIIè au XIXè siècles, Pontoise, Société Historique et Archéologique de Pontoise, du Val d’Oise et du Vexin, 1982, 957p.

Zephirin, Yolande, « Une famille de marchand de bois parisiens », in La forêt en Ile-de-France, Paris, éd. Du CTHS, 1978, pp 149-162.

19 Léon Pierre, Aires et structures du commerce français au XVIIIè siècle, Colloque national de l’Association

française des historiens économistes, Paris, éd. Du CNRS, 1973, 352p.

Vogt, Jean, « Quelques aspects du grand commerce de bœufs et de l’approvisionnement de Strasbourgs et de Paris », Francia, 1987, pp 281-297.

20 Favier, René, Les villes du Dauphiné aux XVIIè et XVIIIè siècles, op. cit., chapitre « Les villes et la terre », pp

184-199.

21 Clavairolles, Françoise, Sériciculture en Cévennes : essai d’anthropologie historique et sociale sur la

(26)

globale d’Ancien Régime, se sont davantage intéressées aux évolutions agraires et aux transformations techniques des moyens de production, qu’à la pluriactivité des campagnes dont dépend, par définition, le groupe socio-professionnel des marchands ruraux.

Il nous faut donc, au final, constater un vide historiographique concernant notre sujet. Nous n’avons décelé qu’un seul ouvrage consacré à l’étude sociale de ce groupe d’hommes dans leurs campagnes, et les travaux portants sur le commerce proprement rural se sont révélés peu nombreux au regard de l’abondante production concernant les campagnes et l’économie française d’Ancien Régime. A travers l’historiographie rurale transparait l’idée que les campagnes de l’ancienne France n’ont abrité que des agriculteurs, petits journaliers ou grands fermiers, ou des possesseurs de la terre. Si nous savons, depuis peu, que des artisans peuplaient (parfois en grand nombre) les campagnes de la France moderne22, tel ne semble pas être le cas des marchands, qui ne trouvent que peu d’écho dans l’historiographie contemporaine. Quand nous les croisons, au détour de quelques ouvrages bibliographiques, ce sont le plus souvent des marchands itinérants, des colporteurs, parcourant la France ou l’Europe afin de puiser par le commerce des subsides que leurs terroirs ne pouvaient apporter à la mauvaise saison23.

C’est, finalement, la perception d’une campagne immobile, où ne régnaient que des agriculteurs, qui explique en partie l’inexistence du groupe marchand dans l’historiographie de la France rurale d’Ancien Régime.

22 Belmont, Alain, Des ateliers au village. Les artisans ruraux en Dauphiné sous l’Ancien Régime, Grenoble,

PUG, coll. « La Pierre et l’écrit », 1998, 2 vol. 200+312p.

23 Fontaine, Laurence, Histoire du colportage en Europe (XVè-XIXè siècles), Paris, Albin Michel, 1993, 334p.

(27)

II.

La tradition d’une campagne immobile et

l’inexistence du groupe marchand

A.

A la campagne, que des agriculteurs.

1) La longue tradition de l’Ecole des Annales et la mono activité rurale.

En entrant au Collège de France en 1973, Emmanuel Le Roy Ladurie intitulait sa leçon inaugurale « L’histoire immobile ». A travers ce manifeste, l’auteur dressait le bilan de plus d’une décennie d’orientation de l’école historique des Annales. Le titre employé était éminemment symbolique. Depuis les années 1960, en effet, les historiens des « Annales » ont examiné les sociétés et leurs multiples activités dans le temps long, en privilégiant les permanences et les grandes structures qui ont façonné les sociétés anciennes. Ils ne s’intéressaient guère à l’histoire immédiate ou aux moments forts dans l’histoire des peuples qui, faute de recul suffisant, ne permettaient guère de les appréhender dans toute leur complexité.

L’histoire des campagnes n’a pas échappé à cette méthode historique et a également préféré l’étude des grandes structures par rapport aux oscillations conjoncturelles de l’histoire économique ou politique. En réaction aux « agitations de surface », qui avaient jusque là retenues l’attention, les historiens ont cherché, au contraire, à scruter les forces profondes qui animaient les sociétés et à donner leurs lettres de noblesses aux grandes stabilités. Si, au début des années 1970, certains historiens arguaient que cette histoire était « froide » ou « immobile », Emmanuel le Roy Ladurie rappelait en 1973 qu’elle n’en avait pas moins permis de saisir les sociétés anciennes dans leur globalité et leur complexité, en offrant à l’historien des clefs de compréhension des sociétés du passé.

(28)

Pour autant, les historiens ruralistes actuels émettent quelques critiques vis-à-vis des travaux issus de la tradition des Annales24, soutenant l’idée que si l’histoire large promue par les Annales fut nécessaire en biens des points, elle a malgré tout privilégié certains acteurs des sociétés anciennes et en a oublié d’autres.

Les historiens des Annales ont, en effet, largement étudié les sociétés rurales de la France d’Ancien Régime, avec pour postulat une vision structurelle statique. Dans ce cadre, les acteurs majeurs du monde rural ancien ont été passés au crible des historiens, qui ont mis en avant le poids de la terre et la prégnance des activités essentiellement rurales dans la France d’Ancien Régime. Ainsi, l’immense majorité des français vivait directement ou en grande partie de la terre et leur horizon se limitait pour l’essentiel au clocher de leurs paroisses. Le français sous l’Ancien Régime vivait donc de la terre, soit qu’il la possédait, soit qu’il l’exploitait ou les deux, concomitamment ou successivement. Depuis le Moyen Age avec George Duby, jusqu’aux prémices de la révolution industrielle qui a bouleversé les campagnes, les travaux des historiens ont avant tout cherché à saisir les différents modes d’exploitation de la terre ainsi et se sont centrés sur ceux qui la travaillaient. Le français d’Ancien Régime a par conséquent été essentiellement associé au laboureur ou au journalier, au fermier ou au métayer, au gros possesseur ou au micro-possesseur foncier. Les habitants de l’ancien monde rural ont par conséquent été longtemps perçus comme étant essentiellement des agriculteurs, la terre étant, pensait-on, l’unique source de revenus pour des millions d’hommes et de femmes peuplant les villages.

Il est symptomatique, à cet égard, que dans son introduction au chapitre de la société rurale, Gabriel Audisio, dans son ouvrage Les français d’hier. Des paysans25, définisse la ruralité à l’époque moderne comme « le caractère social propre et exclusif qui permettait de reconnaître les paysans, de les identifier, de les nommer ». Dans cette définition, les campagnes d’Ancien Régime ne pouvaient abriter que des agriculteurs, la terre procurant l’essentiel des subsistances à des individus attachés par la force des choses à l’araire pour les uns, à la faucille ou à la serpe pour les autres.

Il apparaît également symptomatique que, dans leur Histoire de la France rurale26, Georges Duby et Armand Wallon n’accordent pas une seule ligne au groupe sociale des marchands ruraux, ceux-ci semblant totalement absents des campagnes d’Ancien Régime. Ouvrage

24

Moriceau, Jean-Marc, Terres mouvantes. Les campagnes françaises du féodalisme à la mondialisation,

1150-1850, Paris, Fayard, 2002, pp 16-17 et 407-414.

25 Audisio, Gabriel, Les français d’hier. Des paysans (XVè-XIXè siècle), Paris, Armand Colin, 1993, p 229. 26 Duby, Georges, Wallon, Armand, Histoire de la France rurale. L’âge classique des paysans de 1340 à 1789,

(29)

faisant toujours autorité aujourd’hui, cette immense synthèse d’un monde rural balayé du Moyen Age finissant jusque la Révolution française, ne voit en la ruralité que le monde clos des paysans. La terre ne pourvoyant que fragilement et sporadiquement aux besoins des masses rurales, celles-ci préféraient dépenser leur énergie à pérenniser la fertilité des sols qui, faute de les enrichir, leur permettait à tout le moins de survivre. La mise en valeur des terres apparaissait toujours comme l’activité principale et obligée de millions de paysans, dont la survie dépendait essentiellement de la générosité du sol, ou du climat.

Au total, la perception du monde rural par l’école des Annales attachait les ruraux à la terre, dont ils étaient entièrement captifs puisque leur vie même en dépendait. Lorsque les études s’attachaient aux couches supérieures de la société, leurs membres revenaient toujours à la terre, qui permettait aux plus aisés de s’enrichir davantage. La possession et la mise en valeur des sols a donc longtemps été désignée comme l’unique préoccupation des populations anciennes, parce qu’elle apparaissait comme échappatoire à la mort pour les uns ou comme source d’enrichissement pour les autres.

La vision économique et sociale des sociétés anciennes léguée par les Annales ne laissait par conséquent guère de place à la pluriactivité professionnelle puisque les ruraux n’avaient pas la possibilité de diversifier leurs sources de revenus. Ce schéma classique d’une société rurale prisonnière, par la force des choses, des activités agricoles a conduit à écarter dans le même temps l’éventualité de pratiques para-agricoles, auxquelles se rattachent nos marchands ruraux.

Dans ce cadre, peu nombreux sont évidement les ouvrages approchant les marchands ruraux. Fernand Braudel et Ernest Labrousse, dans leur immense synthèse sur l’Histoire économique et sociale de la France27, n’accordent qu’une attention limitée aux marchands dans les campagnes d’Ancien Régime. Représentative est également l’étude d’Abel Poitrineau sur les métiers pratiqués à l’époque moderne28. L’auteur y dresse une typologie des différents métiers exercés sous l’Ancien Régime ainsi que l’image qui accompagne chacun d’entre eux, sans mentionner une seule fois le commerce dans les campagnes françaises.

De fait, le faible nombre de travaux intéressant la pluriactivité des campagnes à l’époque moderne reflète la place prépondérante faite à la mono-activité agricole, reléguant les milieux para-agricoles aux marges des activités économiques dans la France rurale d’Ancien Régime.

27 Braudel, Fernand, Labrousse, Ernest (sous la direction de), Histoire économique et sociale de la France, t.2,

« Des derniers temps de l’âge seigneurial aux prémices de l’âge industriel » (1660-1789), Paris, PUF, 1970.

28 Poitrineau, Abel, Ils travaillent la France. Métiers et mentalités du XVIè au XIXè siècle, Paris, Armand Colin,

(30)

Ainsi, Pierre Goubert dans sa Vie quotidienne des paysans français au XVIIè siècle29 soulignait-il que « la spécialisation des activités ne fut en rien le propre de ces temps là » et que les paysans, qui composaient l’écrasante majorité des multiples strates sociales à l’époque moderne, ne s’en référaient qu’à eux même lorsqu’ils avaient besoin de produire ou de vendre des marchandises, niant par là même l’existence d’autres groupes professionnels définis, comme les artisans ou les marchands ruraux. En outre, si les campagnes abritaient essentiellement des paysans c’était, selon Robert Mandrou, avant tout par réflexe psychologique, les contemporains étant bien plus attentifs à l’importance de la rente foncière et à la vie religieuse, qu’à la fortune « arrachée de la terre », des banquiers et des marchands30. Le poids des mentalités religieuses aurait donc également joué un rôle primordial dans la faiblesse numérique des marchands ruraux. L’Eglise s’étant montrée hostile aux marchands, depuis que Jésus les avait chassés du Temple ou depuis que Saint Thomas et Saint François d’Assises s’étaient repentis de leur ancien métier de marchand, cette dernière recommandait de n’user du commerce qu’avec modération voire condamnait cette activité.

Au final, la mono-activité rurale a longtemps imprégné l’étude des sociétés rurales, ainsi débarrassées de toute activité para-agricole. L’éviction du groupe marchand de l’historiographie rurale a été d’autant plus importante que cette dernière a abondamment présenté le commerce comme une activité « annexe » en milieu rural.

2) Le commerce : Une activité « annexe » en milieu rural.

Lorsque il abordait la diversité sociale du monde rurale dans sa Vie quotidienne des paysans français31, Pierre Goubert précisait d’emblée qu’« Il y a de l’artisan et du bricoleur dans chaque paysan [...] Mais aussi quelque peu du marchand, quand il va négocier son veau, ses agneaux ou, pour les femmes, le beurre, le fromage et les œufs ». Ainsi l’historiographie a-t-elle longtemps considéré la pluriactivité des campagnes comme un simple prolongement des activités agricoles du monde paysan. Si on a longtemps pensé que l’artisanat en milieu rural était en grande partie le fait de paysans cherchant à assurer un peu plus leur

29 Goubert, Pierre, La vie quotidienne des paysans français au XVIIè siècle, Paris, Hachette, 1982, p 182. 30 Mandrou, Robert, Introduction à la France moderne, essai de psychologie historique (1500-1640), Paris,

Albin Michel, 1961, pp 209-213.

31

(31)

autosubsistance lors des longues soirées d’hiver, il en allait de même pour l’activité commerciale dans les campagnes d’Ancien Régime.

L’école des Annales ignorant largement, dans ses multiples études sur les sociétés rurales, le groupe professionnel des marchands, a néanmoins consacré quelques une de ses lignes au commerce en milieu rural à l’époque moderne. Il ressort de ces travaux que le commerce dans les campagnes d’Ancien Régime ne pouvait être le fait que des paysans eux-mêmes, quelle que soit leur position au sein des différentes couches superposées qui formaient la société rurale de l’ancienne France. Le postulat de départ mettait en avant l’idée que l’on ne pouvait vendre que ce dont on disposait. Ainsi, le marchand rural sous l’Ancien Régime était celui qui possédait – toute ou partie de l’année- de quoi vendre, soit majoritairement des productions agricoles. Les tenants des Annales désignaient ainsi comme marchands les fermiers plus ou moins gros, les métayers et les gros ou micro possesseurs fonciers. Dans tous les cas, les marchands ruraux étaient définis comme ceux qui arrivaient à dégager des surplus agricoles destinés à la vente, c’est-à-dire d’abord et avant tout des exploitants. Ainsi, Pierre Léon et Charles Carrière, dans leur Histoire économique et sociale de la France, parlaient-ils « d’exploitants-marchands » pour caractériser les acteurs du commerce dans la France rurale d’Ancien Régime32. Le terme « d’exploitant » précédant celui de « marchand » précise justement que la détention de denrées agricoles était le préalable nécessaire à tout négoce en milieu rural à l’époque moderne. Toute une catégorie de personnages entrait dans le cadre de cette définition large de « marchands ruraux ». Qu’ils soient petits exploitants, bon propriétaire, métayer-marchand ou fermier-marchand, « tous disposaient d’un surplus négociable après s’être acquittés des frais de culture et des besoins d’auto-consommation domaniale et domestique »33.

L’école des Annales a ainsi longtemps présenté les marchands ruraux comme étant d’abord des paysans qui, par leur capacité d’épargne, prolongeaient leur activité proprement agricole par la vente de leur production. Si, comme l’affirmait Pierre Goubert à propos de l’époque moderne, « la spécialisation des activités ne fut en rien le propre de ces temps là »34, le marchand n’apparaît pas dans l’historiographie rurale comme un groupe professionnel défini et se voit, par là même, évincé de toute étude sociale susceptible de le concerner.

32

Léon, Pierre et Carrière, Charles, « Aperçu de la répartition sociale de l’expansion agricole », Histoire

économique et sociale de la France, sous la direction de Fernand Braudel et Ernest Labrousse, Paris, PUF, pp

481-487.

33 Léon, Pierre et Carrière, Charles, Histoire économique et sociale de la France, op.cit., p 481. 34

Figure

Tableau 1: Dénombrement des  marchands présents dans les villages isérois, 1695-1790
Tableau 5: Proportion de marchands dans les villages de l’ancien département de l’Isère  selon leur nombre d’habitants
Graphique 1 : Imposition moyenne du groupe marchand comparée à la côte moyenne des  communautés (d’après les rôles de capitation, 1701-1790)
Graphique 2 : Répartition des marchands dans la hiérarchie sociale villageoise d’après les  rôles de capitation, 1701-1790  05101520253035404550 0 à 0,4M 0,5 à 0,9M Moyenne +ou- 10% 1,1 à 1,4M 1,5 à 1,9M 2M et + Cote fiscaleRépartition de l’effectif (%) 17
+2

Références

Documents relatifs

Comité scientifique Jeanne CHIRON (U. Saint­Étienne) Rotraud VON

Mais toute sa vie elle aspire à un ailleurs mythique et quand, enfin, le docteur, à l’indépendance, propose de lui donner sa maison, elle refuse le cadeau malgré

Sorte de recueil manuscrit jurisprudentiel des peines capitales, corporelles et rnfamantes, et de la politique de censure de la République, ils concentrent en

On décompose le volume du liquide en rotation en couronnes cylindriques de rayon r, d’épaisseur dr et de hauteur z(r). Exprimer le volume dV d’une telle couronne. En supposant que

En plus de suivre le cours et d’effectuer les travaux demandés, les étudiant-e-s s’assureront d’avoir lu six œuvres parmi les titres énumérés ci-dessous. Ces

Si chacun d’entre nous faisait ce qu’il veut faire, ce pourquoi il est né, que ce soit être fermier, faire de la musique, être journaliste, produire un film … quel que

Au demeurant, l’approche retenue par la Commission des sanctions est d’autant plus discutable qu’il revient à l’émetteur de choisir qui appartient à la direction et, donc,

L’approvisionnement du monde rural en facteurs de production est un défi de taille pour la Nouvelle Politique Agricole au Sénégal. Le desengagement de 1’Etat se fonde