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Le marchand est urbain, pas campagnard

1) La campagne ne pouvait pas nourrir le marchand

« Les campagnes et les villes forment deux pays ennemis depuis qu’il y a une civilisation ». C’est ainsi que le philosophe et sociologue français George Sorel exprimait l’idée selon laquelle les campagnes et les villes formaient deux espaces antagonistes, en confrontation permanente, mais dont l’un, dominant, imposait sa loi au second, dominé. L’historiographie ruraliste française a longtemps partagé cette vision de campagnes françaises largement subordonnées au commandement des villes du royaume. L’assujettissement des premières vis-à-vis des secondes prenait alors toute son ampleur en matière d’économie et d’échanges. La domination des villes sur leurs campagnes en matière commerciale a en effet été largement mise en avant par des générations d’historiens.

Si, dès la fin du Moyen Age, Georges Duby affirmait ainsi que la France a connu une ouverture progressive des relations économiques et une circulation plus active des produits et des biens, la cause était à chercher dans l’augmentation de la consommation des produits de luxe par les seigneurs et les bourgeois, animés par la volonté grandissante de paraître. Ces derniers délaissant les campagnes et peuplant de plus en plus les cités, ce sont les villes qui, dès le Moyen Age finissant, se révélaient être les promotrices de l’accroissement commercial. Selon Georges Duby, c’est donc avant tout « l’expansion urbaine qui impulse le renouveau du commerce et qui absorbe une grande partie des produits de la terre »86. Cette vision classique des campagnes productrices et des villes consommatrices s’est renforcée à l’époque moderne. Partout les campagnes ont été perçues à travers le prisme du ravitaillement urbain. Le poids toujours grandissant des villes sous l’Ancien Régime nécessitait la sujétion de leurs campagnes, dont les milliers de bras œuvraient péniblement pour nourrir des cités avides de produits agricoles, notamment les denrées alimentaires de qualité supérieure. La capitale du royaume gagnait ainsi près de 240 000 habitants entre 1637 et 1789, la ville de Lyon passait de 100 000 à 150 000 habitants entre le début et la fin du XVIIIè siècle. Plus proche de nous, les villes du Dauphiné étudiées par René Favier87, bien que n’ayant en aucun cas un poids démographique comparable, croissaient elles aussi progressivement, pour atteindre quelques

86 Duby, Georges, L’économie rurale et la vie des campagnes dans l’Occident médiéval, op.cit., p226.

87 Favier, René, Les villes du Dauphiné aux XVIIè et XVIIIè siècles, Grenoble, PUG, Collection « La pierre et

20 000 habitants pour la capitale de la Province à la veille de la Révolution française. Autant de bouches, par conséquent, qu’il fallait bien nourrir et qui dépendaient en grande partie des campagnes plus ou moins proches pour assurer le ravitaillement urbain. A cet égard, l’article correspondant au « commerce » dans le Dictionnaire de l’Ancien Régime, sous la direction de Lucien Bely est particulièrement éloquent. Eludant rapidement le commerce proprement rural, l’article s’attache essentiellement aux échanges de denrées agricoles soumis à la consommation urbaine. Le marchand y est avant tout décrit sous les traits du négociant, c’est- à-dire un marchand de grande envergure, tandis que les produits agricoles prennent presque toujours la direction des centres urbains. Ainsi, selon l’auteur de l’article, Jean Pierre Poussou, les viandes de boucheries, les grains (notamment les blés) ou encore le vin, donnaient lieu à une foule d’échanges locaux ou régionaux avant tout destinée à ravitailler les villes88.

La ville drainait d’autant plus les produits agricoles des campagnes alentours –ou lointaines-, qu’elle était le lieu où se rassemblaient tous les segments sociaux les plus importants de la société rurale. Elle était le lieu de vie du seigneur ou de son châtelain, du curé, du bourgeois propriétaire, du coq de village ou encore du maître de poste, bref de tous ceux pour qui comptait la tradition du « paraître » et du « bien vivre ». Les denrées alimentaires et les produits qu’ils consommaient étaient de première qualité et induisaient toujours des courants d’échange partant des campagnes en direction des villes. A cet égard, les campagnes ne fournissaient pas seulement les produits alimentaires nécessaires aux sociétés urbaines. Elles étaient également pourvoyeuses de matières premières ou de produits transformés finis, issus de l’artisanat rural. Les campagnes françaises d’Ancien Régime n’étaient donc pas seulement agricoles mais aussi industrieuses. Par leur main d’œuvre abondante et bon marché, elles contribuaient largement à alimenter les villes en produits de consommation courante dont avaient besoins les populations citadines.

Dans le cadre géographique qui nous concerne, René Favier a parfaitement montré la domination des villes dauphinoises sur leurs campagnes plus ou moins proches, selon la taille des cités et la qualité de leurs terroirs. Les dix grandes villes du Dauphiné, ainsi que la trentaine de gros bourgs ruraux, commandaient leurs terroirs limitrophes et ponctionnaient dans ces espaces les denrées agricoles nécessaires à l’alimentation de leurs populations.

88 Poussou, Jean-Pierre, « Commerce », Dictionnaire de l’Ancien Régime (sous la direction de Lucien Bely),

Lorsque la qualité des sols empêchait la production en volumes suffisants ou en cas de mauvaises récoltes, les villes dauphinoises faisaient appel aux campagnes voisines afin de compléter leurs propres productions. Certaines d’entre elles, comme Grenoble ou Briançon, étendaient même leurs aires d’approvisionnement dans un rayon de plusieurs dizaines de kilomètres 89.

Dans la province du Dauphiné comme à l’échelle de l’ensemble du royaume, l’historiographie a très longuement mis en avant l’inégalité des échanges entre les villes et leurs campagnes. Les villes qui, décidemment, dominaient juridiquement et institutionnellement leurs campagnes, imposaient également leur mainmise économique et commerciale sur des espaces ruraux soumis à leur autorité.

Ainsi, et selon l’expression de Daniel Roche, les villes étaient « le centre d’une organisation économique fondée sur l’accumulation et la redistribution des profits du commerce »90. La ville dominait donc l’échange et dictait sa conduite à des campagnes qui se révélaient toujours subordonnées aux centres urbains.

Dans le cadre de notre étude, il nous importe de comprendre que ces échanges unilatéraux laissent apparaître en filigrane l’impossibilité pour les campagnes françaises d’Ancien Régime de nourrir leurs marchands. L’historiographie a abondamment commenté la capacité des villes à structurer l’espace rural et à entretenir des cohortes de marchands dans leurs murs. Le marchand est ainsi décrit par l’historiographie comme étant essentiellement urbain, pas campagnard. Non que le milieu professionnel marchand soit totalement coupé de l’espace rural. Au contraire, ses rapports avec les campagnes sont nombreux. Mais dans la grande majorité des cas, le marchand est perçu comme le lien privilégié entre la campagne ravitailleuse et la ville consommatrice. Nombre d’études urbaines ont, en effet consacré un chapitre au moins au milieu professionnel marchand, analysant finement les activités de leurs membres et leur rôle prépondérant dans l’approvisionnement des villes. Ces villes grâce auxquelles vivent les marchands, mais aussi dans lesquelles ils vivent puisqu’ils délaissent dès qu’ils le peuvent les campagnes pour s’installer dans les murs de la ville.

A tous les niveaux, depuis les petits coquetiers, marchands de lait, menus regrattiers, marchands ambulants déposants leur maigre balle sur le parvis des églises, jusqu’au marchand

89 Favier, René, Les villes du Dauphiné aux XVIIè et XVIIIè siècles, Grenoble, PUG, 1993, pp 188-192.

90 Roche, Daniel, Histoire des choses banales. Naissance de la consommation dans les sociétés traditionnelles

de gros, approvisionneurs en grains et notamment en froment, en vin ou en viande, gros boutiquiers présentant étoffes ou ustensiles de valeur... les marchands urbains se sont imposés comme les approvisionneurs essentiels des cités.

La quasi-totalité des études urbaines a ainsi mis en avant l’accaparement des produits campagnards au profit des villes, par l’intermédiaire des marchands urbains. Les grandes villes de France telles que Lyon, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Strasbourg ou les villes dauphinoises pour ne citer que quelques exemples, ont toutes été l’objet d’études mettant en valeur l’importance des ressources campagnardes dans la subsistance des populations urbaines et le rôle crucial des marchands urbains dans l’approvisionnement de ces cités91. Les marchands étudiés ne sont par conséquent que rarement coupés du monde rural, mais ils en sont détachés. S’ils ponctionnent les campagnes, ce ne sont pas elles qui les font vivre mais bien les villes, dont la population toujours grandissante nécessite l’accroissement quantitatif et qualitatif des denrées alimentaires et des divers produits de consommation courante.

En négatif, les campagnes françaises, semblent implicitement incapables de nourrir leurs marchands. Economiquement et commercialement assujetties aux villes, les campagnes françaises d’Ancien Régime ont été moins analysées dans les processus d’échanges qui les liaient aux villes. Conséquemment, le groupe professionnel des marchands ruraux a été évincé au profit de l’étude de leurs homologues urbains, sensés être les seuls à pouvoir s’épanouir dans un milieu dynamique et porteur. Traditionnellement présentées en position de vente forcée vis-à-vis des autorités économiques, juridiques, religieuses urbaines, les campagnes ont longtemps été perçues sous l’angle de l’herméticité en matière de commerce. Ainsi, la dichotomie entre la richesse des cités et la pauvreté relative des campagnes qui ne profitaient que trop peu des fruits de la terre, a suffit à évincer les marchands des campagnes puisque celles-ci semblaient ne pas être en mesure de nourrir les membres de ce groupe socio- professionnel. Si d’aventure les ruraux allaient au marché pour y vendre quelque partie de leur

91 Entre autres exemples : Abald, Reynald, Le Grand Marché : L’approvisionnement alimentaire de Paris sous

l’Ancien Régime, Paris, Fayard, 2002, 1030p.

Bondois, Paul.M, « Les difficultés du ravitaillement parisien. Le commerce des beurres et des bœufs sous l’Ancien Régime », Mémoires et document J.Hayem, 8è série, Paris, 1924, pp 214-320.

Favier, René, Les villes du Dauphiné sous l’Ancien Régime aux XVIIè et XVIIIè siècles, Grenoble, PUG, 1993, 505p.

Gascon, Gérard, Grand commerce et vie urbaine au XVIè siècle. Lyon et ses marchands, Paris, éd Mouton-la- Haye, 1971, 2.t, 1000p.

Léon, Pierre, Aires et structures du commerce français au XVIIIè siècle, Colloque nationale de l’association française des historiens économistes, Paris, éd CNRS, 1973, 352p.

Poussou, Jean-Pierre, Bordeaux et le Sud-Ouest au XVIIIè siècle. Croissance économique et attraction urbaine, Paris, éd de l’EHESS, 1983, 653p.

production, c’étaient toujours des propriétaires ou des exploitants, très rarement des individus qui se faisaient profession de vendre. On les trouvait en grand nombre dans les villes aux facultés d’enrichissement parfaitement mises en lumière, on ne pouvait les rencontrer dans les campagnes, incapables à priori de telles qualités.

Si l’historiographie a présenté le marchand comme essentiellement urbain, elle a tout particulièrement étudié la sanior pars de ce milieu socio-professionnel, ignorant plus largement les plus petits d’entre eux, ce qui tendait à exclure encore un peu plus nos marchands ruraux des études historiques susceptibles de s’y intéresser.

2) La domination des élites marchandes dans l’historiographie

Dans son introduction à l’étude des Marchands et banquiers du Moye Age, l’historien Jacques Le Goff posait d’emblée les limites de ses recherches en sacrifiant délibérément les petits marchands au profit des gros marchands, des hommes d’affaires et des brasseurs d’argent. Symptomatiquement, Jacques Le Goff concédait la rareté des documents concernant les strates inférieures du groupe marchand et, par là, la difficulté qu’a l’historien à saisir parmi eux des figures individuelles. L’étude est donc centrée sur les marchands les plus importants, ceux dont la puissance économique a permis de jouer un rôle de premier plan sur les marchés d’abord, mais aussi sur les plans politiques ou artistiques. Si les recherches abordent ici les marchands les plus visibles, l’auteur admet cependant que les plus petits d’entre eux sont tout aussi importants que leurs homologues plus puissants et plus accessibles à l’historien. Ainsi, selon Jaques Le Goff, « il ne faut pas oublier qu’à l’ombre des negociatores, les humbles et les petits constituaient le tissu conjonctif d’un monde qu’on ne peut comprendre sans eux »92, avant d’espérer un peu plus loin que la masse de ces marchands anonymes obtiendront un jour « le droit à l’Histoire », selon l’expression de Lucien Febvre.

Le constat quelque peu amer de Jacques Le Goff pour la période médiévale ne s’arrête pas à la découverte des Amérique par Christophe Colomb et pourrait être étendu pour l’époque moderne.

Sous l’Ancien Régime, en effet, les négociants sont davantage étudiés que les simples marchands. Bien que variant étymologiquement selon les régions, le terme de négociant

92 Le Goff, Jacques, Marchands et banquiers du Moyen Age, Paris, PUF, collection « Que sais-je ? », 1962,

désigne avant tout les grands marchands, dont les horizons s’étendent aux frontières du royaume voire au-delà des mers. De fait, une grande partie des travaux consacrés au milieu professionnel marchand s’attache au grand commerce national et international, dont les figures les plus emblématiques multiplient les relations avec les principales places commerciales et bancaires d’Europe et n’hésitent pas à braver les océans pour aller commercer en Orient comme aux Amérique. Ces marchands au long court, qui parcourent le monde en quête des meilleurs profits, ont été particulièrement étudiés par l’historien Pierre Jeannin. Ses Marchands du XVIè siècles93 ou ses Marchands d’Europe94 mettent en lumière l’idéal type des grands négociants, accumulant les contrats sur les grandes places bancaires situées aux quatre coins de l’Europe du temps, favorisant sans cesse leurs réseaux de relations commerciales et regardant de plus en plus au-delà des mers, pour s’assurer les profits issus du commerce colonial. Ce sont les figures très connues des Ruiz, des Fugger ou des Rem qui, outre leur poids économique et commerciale considérable, s’immiscent dans le cercle étroit des milieux politiques tout en se faisant grands promoteurs des arts. Si ces exemples parmi les plus fameux font écho dans nombre de travaux historiques, ils n’éclipsent pas pour autant la grande masse des marchands qui par l’intensité de leurs activités commerciales ont largement contribué à l’expansion économique des villes, des provinces ou du royaume. Ainsi les Danse et les Motte du Beauvaisis étudiés par Pierre Goubert, la dynastie Le Couteulx issus de Normandie ou, plus proche de nous, les Dolle et les Raby étudiés par Pierre Léon pour la province du Dauphiné95. Encore ces exemples font-ils de l’ombre à la multitude de marchands de gros et brasseurs d’argent qui, par l’entremise de leur activité ont réussi à accumuler des fortunes considérables, sans que leurs noms ne passent à la postérité. Au final, les negociatores, de part leur domination en matière commerciale, économique, politique ou artistique et par la très forte visibilité qui découle de leur influence en leur temps, ont largement été mis sur le devant de la scène par des générations d’historiens96. Leur main mise sur les activités marchandes, leur prestige et leur rayonnement ont, par là même, quelque peu

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Jeannin, Pierre, Les marchands du XVIè siècles, Paris, éd Le Seuil, 1957, 192p.

94 Jeannin, Pierre, Marchands d’Europe : pratiques et savoirs à l’époque moderne. Textes réunis par Jacques

Bottin et Marie-Mouise Pelus Kaplan, Paris, éd rue de l’ULM, presses de l’ENS, 2002, 480p.

95 Goubert, Pierre, « Familles marchandes sous l’Ancien Régime. Les Danse et les Motte de Beauvais », in

Affaires et gens d’affaire, Paris, SVENPEN, 1959.

Zylberberg Michel, Capitalisme et catholicisme dans la France moderne. La dynastie Le Coulteux, Paris, PUPS, 2001, 380p.

Léon, Pierre, Marchands et spéculateurs dauphinois dans le monde antillais du XVIIIè siècle. Les Dolle et les

Raby, Paris, éd Les Belles-Lettres, 1963, 215p.

96 Angiolini, Franco, Roche, Daniel (sous la direction de), Cultures négociantes dans l’Europe moderne, Paris,

EHESS, 1995, 593p.

Crouzet, François, Le négoce international (XIII_XXè siècles), Paris, Economica, 1989, 249p. Daudin, Guillaume, commerce et prospérité. La France au XVIIIè siècle, Paris, PUPS, 2005, 612p.

éclipsés les individus appartenant aux strates inférieures du groupe marchand, parmi lesquels figurent les marchands ruraux. La place réservée à l’élite négociante est alors d’autant plus prégnante que la figure du négociatores rejoint très souvent celle du marchand urbain dans l’historiographie propre à l’économie d’Ancien Régime.

L’idéal type du marchand dans la France moderne est donc le grand négociant au long cours ou le marchand citadin, dont la boutique ouverte sur la rue ou sur une place, offre à la vue de tous les marchandises qu’il propose à sa clientèle. L’historiographie a ainsi figé les représentations mentales concernant le milieu socio-professionnel marchand à l’époque moderne. Que l’on s’imagine un instant le marchand dans ses campagnes et vient à l’esprit l’image du paysan-laboureur vendant une partie des fruits de sa terre au marché ou celle bien connue du colporteur sortant de sa balle et déposant sur le parvis des églises des menues marchandises susceptibles de plaire aux badauds de passage. Mais de marchands professionnels en milieu rural les ouvrages scientifiques n’en font que peu écho, pour la simple raison que la campagne, arrivant à peine à nourrir ses propres habitants une fois toutes les ponctions effectuées, ne risquait pas de nourrir un groupe professionnel dont l’activité reposait sur l’état de richesse de sa clientèle. L’historiographie a ainsi participé à enfermer l’activité marchande dans les murs de la cité. Et si le commerce se déploie en milieu rural, c’est avant tout sous l’égide et la domination de la ville qui, par un jeu de ramification, vient drainer à elle les produits agricoles ou industriels venus des campagnes. René Favier dans son étude des Villes en Dauphiné sous l’Ancien Régime a parfaitement montré la prédominance des marchands urbains sur leurs homologues ruraux, le poids de la ville sur les campagnes étant considérable en matière de commerce97.

Paradoxalement, pourtant, la genèse de la réussite économique et sociale des marchands est fréquemment liée au monde proprement rural. Combien de marchands, en effet, avant de parfaire leur réussite en s’installant en ville, ont-ils débutés dans les campagnes ? Nombreux sont les exemples de marchands dont l’activité proprement commerciale a commencé en dehors des murs de la ville. Or, nous devons constater que l’essor commercial de ces marchands en milieu rural est très souvent ignoré par les études historiques, qui se concentrent rapidement sur « l’essentiel » dans la trajectoire des ces individus, à savoir leur installation en ville.

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La Province du Dauphiné est ici parfaitement représentative de cet état de fait. Nombreux sont en effet les marchands dont la réussite économique et sociale fut parfois éclatante, mais dont les premiers pas, loin de l’agitation urbaine, ont peu retenu l’attention des historiens. Citons ici les familles Dolle et Raby, Mandrin, Pâris ou encore les Perier. Ces marchands, dont l’ascension sociale fut parfois foudroyante, ont été l’objet de multiples travaux historiques retraçant leurs parcours, les conditions de leurs réussites, leurs choix et décisions en matière de commerce et, pour certains d’entre eux, leur intégration à la sphère politique. Si ces grandes figures marchandes dauphinoises ont connu des essors commerciaux différents en fonction de leurs activités respectives, toutes ont en commun d’avoir vu leur envol coïncider avec leur installation en ville. S’il est vrai que l’activité commerciale de ces grands marchands dauphinois a connu un dynamisme nouveau en se rapprochant des centres urbains, il nous faut également constater que sans le premier élan insufflé dans les campagnes, leur ascension économique et sociale aurait été davantage incertaine. Pour autant la genèse marchande des Mandrin à Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, ou celle des Pâris aux alentours de

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