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La multiplicité et la complexité des règles en vigueur rendent le système peu lisible, inéquitable et inadapté à

Dans le document Etude d’impact (Page 59-65)

E. E N DÉPIT DU RAPPROCHEMENT DES RÈGLES , LE SYSTÈME GÉNÈRE DES INÉGALITÉS DE MOINS EN MOINS ADMISES

I. La multiplicité et la complexité des règles en vigueur rendent le système peu lisible, inéquitable et inadapté à

À la complexité institutionnelle et financière, s’ajoutent des règles d’acquisition des droits et des formules de calcul de la pension qui sont très différentes d’un régime à l’autre. Cette situation est source d’insécurité et d’iniquités pour les assurés, qui sont confrontés pour leur retraite à plusieurs organismes appliquant des règles de calcul distinctes. Le rapport du COR sur les polypensionnés (2011) et le rapport de la commission Moreau (2013) ont déjà souligné la complexité des mécanismes en jeu et les paradoxes auxquels ils conduisent.

1. LES MODES DE CALCUL DE LA RETRAITE VARIENT FORTEMENT SELON LES RÉGIMES

Deux techniques différentes de calcul de la retraite coexistent dans notre système, l’une fonctionnant en annuités et l’autre en points.

Dans les régimes de base du secteur privé et dans les régimes spéciaux, dont ceux de la fonction publique, la retraite se calcule en annuités, c’est-à-dire par référence à une durée d’assurance. La pension de retraite dépend de trois éléments : le taux de liquidation, le salaire de référence et le coefficient de proratisation, qui rapporte la durée d’assurance validée dans le régime à la durée d’assurance requise pour le taux plein.

Dans tous les régimes complémentaires et à la CnavPL, la pension se calcule en points. Les points acquis par les assurés au cours de leur carrière sont convertis en montant de pension au moment de la liquidation, en les multipliant par la valeur de service du point à cette date. Un coefficient d’abattement peut en outre s’appliquer en cas de départ avant la date à laquelle le taux plein prend effet.

Ces deux systèmes qui se superposent fonctionnent selon des logiques très différentes et conduisent ainsi à l’impossibilité pour les assurés d’évaluer l’impact de la modification d’un paramètre sur le montant et les conditions de liquidation de leurs futures pensions, les assurés étant nécessairement affiliés à la fois à un régime de base (généralement en annuité) et à un régime complémentaire (en points)

1.1. La durée d’assurance est décomptée selon des modalités hétérogènes

i. Les règles de validation de l’activité varient, conduisant à des droits différents pour un même effort contributif

Dans les régimes alignés, la durée d’assurance acquise au titre d’une activité professionnelle est calculée à partir du montant de la rémunération perçue pendant l’année. Depuis le 1er janvier 2014, un revenu d’un montant équivalent à 150 fois le SMIC horaire (soit environ 1523€ brut en 2020) permet de valider un trimestre, dans la limite de quatre trimestres par année civile. Auparavant (pour

les périodes comprises entre le 1er janvier 1972 et le 31 décembre 2013), il était nécessaire d’avoir cotisé sur la base d’un revenu équivalent à 200 heures SMIC.

Cette règle, qui vise à favoriser l’acquisition des droits pour les assurés aux plus modestes rémunérations, permet ainsi à tout assuré dont l’activité annuelle est rémunérée au moins l’équivalent de 600 heures de SMIC (soit environ 6090€ brut annuel en 2020) de valider le nombre maximum de trimestres possible au titre de cette année, soit 4. Elle induit de ce fait une linéarité dans l’acquisition des droits pour les assurés percevant des rémunérations au-delà de ce seuil. Néanmoins, cette règle induit de forts effets de seuil pour les assurés dont l’activité est très incomplète puisqu’un euro de revenu cotisé en moins peut dans certains cas engendrer la perte d’un trimestre entier de cotisations. Par ailleurs, même en validant le maximum de trimestres possibles par année civile et en disposant d’une carrière complète, les travailleurs à faibles revenus disposent

in fine de faibles revenus de référence. Cela peut se traduire, sous réserve de l’existence d’un

minimum de pension, par des niveaux de retraite faibles.

Dans certaines situations, la validation de droits peut s’effectuer sur la base d’une assiette forfaitaire notamment pour certains travailleurs indépendants du régime général, les exploitants agricoles et leurs conjoints, les marins et les assurés de la CAVIMAC. Chez les exploitants agricoles, cette assiette minimale, applicable dès lors que l’exploitant est en activité au 1er janvier, leur permet de valider quatre trimestres au titre de cette année.

Dans les régimes de la fonction publique et la plupart des autres régimes spéciaux, la durée d’assurance correspond à une période calendaire (exemple : un trimestre est validé pour une durée de service de 45 jours dans la fonction publique).

ii. La prise en compte du travail à temps partiel peut conduire à des montants de pension différents

Dans les régimes du secteur privé, le travail à temps partiel est soumis aux mêmes règles de validation que les autres activités rémunérées classiques (règle des 150 heures SMIC). Le salaire porté au compte est proportionnel à la durée travaillée.

Dans les régimes de la fonction publique, les assurés bénéficiant d’un temps partiel voient le calcul de leur durée de service calculée au prorata de la quotité de travail. Le salaire de référence qui sera pris en compte au moment de la liquidation est néanmoins le traitement indiciaire des 6 derniers mois à temps plein.

Ainsi deux assurés travaillant selon la même quotité de temps de travail disposeront in fine de montants de retraite extrêmement différents.

iii. Les périodes non cotisées font également l’objet de règles diverses

À ces périodes cotisées peuvent s’ajouter, dans l’ensemble des régimes, mais de façon plus ou moins étendue et selon des modalités diverses, des périodes validées au titre de la solidarité, sans contribution directe de l’assuré. Il s’agit notamment des périodes assimilées attribuées au titre de la maladie, de la maternité, du chômage. Des périodes peuvent également être accordées au titre des enfants (majoration de durée d’assurance).

1.2. Le taux de liquidation de la pension varie selon que le régime est intégré ou non

La pension est servie en proportion d’un taux de liquidation, déterminé en fonction de l’âge à la liquidation et de la durée d’assurance tous régimes. Le taux plein est égal à 50 % dans les régimes de base des salariés et non-salariés du secteur privé, et à 75 % dans les régimes spéciaux, dont ceux des fonctionnaires.

Cette différence de taux s’explique notamment par le fait que les fonctionnaires cotisent principalement sur la base de leur traitement indiciaire.

Par ailleurs, depuis l’ordonnance n° 82-270 du 26 mars 1982 relative à l’abaissement de l’âge de la retraite des assurés du régime général et du régime des assurances sociales agricoles, les assurés qui ne remplissent pas les conditions pour bénéficier du taux plein se voient appliquer une décote. Aujourd’hui, pour les salariés et les non-salariés du secteur privé nés à compter de 1953, la décote est fixée à 1,25 % par trimestre manquant pour atteindre la durée d’assurance du taux plein ou l’âge d’annulation de la décote (dans la limite de vingt trimestres). Le mode de calcul induisant le nombre de trimestres manquants le moins pénalisant pour l’assuré est retenu.

Dans la fonction publique, une décote a été mise en place en 2006. Son taux a augmenté progressivement au fil des générations et a rejoint celui du secteur privé en 2015.

La surcote sous sa forme actuelle a été instaurée par la réforme de 2003 et remplace le dispositif antérieur de majoration de durée d’assurance pour les trimestres accomplis au-delà de soixante-cinq ans et qui ne tenait pas compte de la durée d’assurance tous régimes. Elle permet aujourd’hui de majorer la pension en fonction du nombre de trimestres cotisés tous régimes confondus, après l’âge légal d’ouverture des droits et au-delà de la durée d’assurance requise pour le taux plein. Depuis 2009, le taux de la surcote est de 1,25 % par trimestre et les conditions applicables dans les régimes de la fonction publique ont été alignées sur celles du secteur privé.

1.3. La périodicité prise en compte pour déterminer le salaire de référence diffère selon les régimes

Dans le secteur privé, jusqu’à la réforme des retraites de 1993, le salaire de référence servant au calcul de la retraite était celui des dix dernières années d’assurance précédant le 60ème anniversaire ou l’âge de la liquidation s’il était plus avantageux. Depuis cette date, la période prise en compte a progressivement été élargie jusqu’à 25 années. Ainsi, depuis la génération 1948 pour les salariés du secteur privé et agricole et la génération 1953 pour les travailleurs indépendants, le salaire de référence est calculé sur la moyenne des 25 meilleures années de revenus, dans la limite du plafond de la sécurité sociale (41 136 € au 1er janvier 2020). Ces revenus sont actuellement revalorisés tout au long de la carrière, le 1er janvier de chaque année, en fonction de l’évolution de la valeur moyenne des indices des prix mensuels hors tabac calculée sur les 12 derniers mois.

Dans la fonction publique et la plupart des régimes spéciaux, le salaire de référence est le traitement indiciaire, hors primes, du dernier emploi occupé durant au moins six mois. Les primes qui représentent en moyenne 23% de leur rémunération sont donc exclues du calcul.

Certains régimes spéciaux conservent une base de calcul spécifique : la moyenne des 10 meilleurs salaires annuels pour les clercs et employés de notaire, la moyenne des 3 meilleures années

consécutives pour les artistes de l’Opéra de Paris et de la Comédie française et un salaire forfaitaire pour les mineurs et les marins.

Depuis 1993, les revenus reportés au compte dans les régimes de base des salariés du secteur privé sont désormais indexés sur l’inflation et non plus sur le salaire moyen. Cette réforme d’apparence technique aboutit à une revalorisation moins dynamique des droits constitués tout au long de la carrière et in fine à des montants de retraite moins élevés. Sont particulièrement pénalisés par ce changement les assurés dont les revenus ont peu augmenté au cours de leur carrière c’est-à-dire des assurés aux revenus plutôt modestes et ceux qui ont connu des difficultés en fin de carrière (chômage, activité partielle, maladie).

1.4. Une coordination dans la liquidation des droits des polypensionnés a été mise en place sur le seul champ des régimes alignés

Les pensions de retraite de base de droit propres des assurés polypensionnés des régimes alignés (salariés et travailleurs indépendants du régime général et salariés agricoles) liquidées depuis le 1er juillet 2017, font l’objet d’une liquidation unique afin de simplifier les démarches des assurés. Ces modalités concernent également les pensions de réversion lorsque le droit propre relève, ou aurait relevé de la liquidation unique.

Les retraites auparavant liquidées et versées séparément, malgré des règles proches, sont depuis cette date remplacées par une seule retraite qui fait l’objet d’une liquidation unique selon un seul calcul, à partir d’une carrière unifiée qui retient un revenu annuel moyen agrégeant l’ensemble des rémunérations année par année (et non plus calculé au pro rata temporis) et des trimestres écrêtés de façon globalisée. La retraite ainsi liquidée fait l’objet d’un plafond global.

Toutefois, ce mécanisme ne concerne que la retraite de base des trois régimes alignés et ne s’applique pas aux autres catégories de polypensionnés (salarié du privé / fonctionnaire, salarié du privé / professionnel libéral, etc.).

1.5. Les pensions liquidées ne sont pas revalorisées selon les mêmes modalités dans les régimes en annuités et en points

Au cours de la retraite, la pension évolue en fonction du coefficient de revalorisation des pensions. Dans les régimes de base en annuités, avant 19871, la revalorisation des pensions prenait en compte l’évolution du salaire moyen des assurés. Cette indexation sur les salaires a été remplacée par une indexation sur les prix.

Dans les régimes en points, les pensions évoluent selon la valeur de service du point. Cette valeur de service du point est également désormais indexée le plus souvent sur l’inflation, même si les régimes fonctionnant en points ont pu utiliser diverses formules (taux de revalorisation différencié en fonction de leur année d’acquisition, indexation de l’inflation diminuée d’un coefficient…).

2. CES MODES DE CALCUL PÉNALISENT OU AVANTAGENT SANS JUSTIFICATION LES ASSURÉS SELON LEUR SITUATION ET LES EMPÊCHE DE COMPRENDRE LEURS DROITS

2.1. Des iniquités liées au déroulement de la carrière

La complexité des règles en vigueur, outre la faible lisibilité qu’elle offre aux assurés, est également à l’origine de différences de traitement injustifiées entre les assurés.

Les récents travaux du COR ont montré que pour les assurés polypensionnés, les règles de détermination de la durée d’assurance tous régimes peuvent constituer selon les cas, soit un avantage, en permettant la validation de plus de quatre trimestres par an au total ou en portant le coefficient de proratisation au-delà de un, soit un désavantage (validation d’années incomplètes du fait des effets de seuil et de leur appréciation régime par régime) en particulier pour les pluriactifs affiliés au régime général et au régime des professionnels libéraux (CnavPL).

Par ailleurs, un assuré débutant sa carrière au régime général avant d’être affilié à un autre régime, hors régime aligné, sera défavorisé par la règle de détermination du salaire de référence (25 meilleures années) conduisant à retenir les années de début de carrière, par hypothèse les moins rémunératrices et revalorisées selon l’évolution des prix.

Ainsi, à carrière identique, le montant des retraites d’un polypensionné peut varier selon l’ordre dans lequel se sont succédé les périodes d’affiliation, notamment en raison des différentes règles de détermination du salaire de référence qui consistent à retenir soit la moyenne sur une période donnée (25 meilleures années au régime général), soit la dernière rémunération perçue (fonction publique et la plupart des régimes spéciaux).

2.2.Des iniquités dans la prise en compte des évènements de la vie

L’hétérogénéité de la législation, particulièrement marquée en matière de droits non contributifs, aboutit à traiter de façon incohérente et inéquitable les changements de situations personnelles survenant au cours de la vie professionnelle.

i. La naissance des enfants ne donne pas les mêmes droits dans tous les régimes

Aujourd’hui la naissance d’un enfant est inégalement prise en compte selon les régimes.

Dans le secteur privé, la naissance d’un enfant permet d’acquérir 8 trimestres de majoration de durée d’assurance (4 trimestres au titre de l’accouchement réservés aux femmes et 4 trimestres au titre de l’éducation), contre deux dans le secteur public (pour les enfants nés à compter de 2004). Par ailleurs, ces derniers ne comptent que pour le calcul du taux de liquidation (atteinte du taux plein) et pas pour le calcul du coefficient de proratisation, contrairement aux règles en vigueur pour le secteur privé. De même, la naissance d’un troisième enfant est inégalement prise en compte selon les régimes. Dans le secteur privé, les parents bénéficient d’une majoration de 10 % de leur pension. Dans le secteur public, les parents bénéficient d’une majoration supplémentaire de 5 % par enfant au-delà de trois.

L’Agirc-Arrco prévoit une majoration de 10 % des points de retraites des parents d’au moins trois enfants1, dans la limite d’un plafond de 2 000 € par an ou une majoration de 5 % par enfant à charge, la majoration maximale étant retenue.

ii. La pension de réversion est calculée selon des modalités très disparates

La pension de réversion existe dans tous les régimes de retraite sous condition de mariage, mais elle s’applique néanmoins de manière très disparate selon le régime auquel appartenait l’assuré décédé. Comme l’a souligné le COR dans des travaux du 31 janvier 20192, malgré de nombreuses évolutions réglementaires (suppression puis rétablissement de l’allocation veuvage entre 2003 et 2010 ; suppression puis rétablissement progressif de la condition d’âge pour la réversion entre 2004 et 2008 ; suppression des majorations de pension pour conjoint à charge versées par la Cnav et les régimes alignés en 2011, etc. ), il existe toujours une grande hétérogénéité dans la prise en charge des événements de la vie conjugale en fonction des régimes de retraite. Il existe en effet 13 dispositifs différents de réversion dans le système actuel.

L’âge, les ressources, le statut conjugal, la durée de mariage, le taux de réversion, l’existence d’un minimum et d’un maximum de réversion, sont autant de paramètres qui distinguent les modalités de calcul entre régimes.

Le schéma ci-dessous illustre de façon explicite les différences de calcul de la pension de réversion entre salariés du privé et fonctionnaires :

1 Des règles distinctes subsistent pour les périodes antérieures à la fusion des deux régimes

Encadré : illustration sur cas-type

Un assuré, disposant d’une retraite globale de 1 800 €, est marié à une retraitée qui dispose d’une retraite de 1 800 €.

Si le conjoint était fonctionnaire de l’État, sa conjointe toucherait à son décès une pension de réversion de 900 € (1 800 € X 50 %), portant son revenu à 2 700 €, soit 75 % des revenus antérieurs du couple.

En revanche, si l’assuré était un ancien salarié du secteur privé (sa retraite se répartissant en 1 300 € en base et 500 € en complémentaire), sa conjointe toucherait uniquement une pension de réversion au titre de la retraite complémentaire de son ex-conjoint, de 300 € (500 € x 60 %) car elle dépasserait la condition de ressources fixée pour la retraite de base. Son revenu serait de 2 100 € (58 % des ressources avant décès).

iii. Les périodes d’interruption d’activité ne sont pas compensées de façon identique dans tous les régimes

En cas d’interruption d’activité liée à certains aléas de la vie, tels que le chômage, la maladie, la maternité, l’invalidité ou encore les accidents du travail et maladies professionnelles, différents dispositifs permettent aux assurés d’acquérir des droits à retraite.

Ceux-ci reposent sur une multiplicité de règles distinctes, en fonction du régime d’affiliation de l’assuré, des modalités d’indemnisation du risque par les régimes de sécurité sociale, et du type de risque considéré.

A titre d’exemple, en cas de maladie, les salariés du secteur privé se voient attribuer au régime général un trimestre dit « assimilé » (sans contrepartie directe de cotisation) pour chaque période de 60 jours de perception d’indemnité journalière maladie, qui compte pour leur durée d’assurance mais ne donne pas lieu à un report au compte. Dans les régimes statutaires, les congés maladie sont pris en compte de la même façon que si l’agent était en activité. Pendant ces périodes, la rémunération est maintenue en tout ou partie et soumise à cotisations.

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