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Des modalités disparates de pilotage selon les régimes

Dans le document Etude d’impact (Page 76-80)

F. U N SYSTÈME RENDU PEU PILOTABLE DU FAIT DE L ’ HÉTÉROGÉNÉITÉ DES ACTEURS ET DES MODALITÉS DE GOUVERNANCE

III. Des modalités disparates de pilotage selon les régimes

Le pilotage des régimes de retraite est morcelé entre plusieurs acteurs, qui utilisent des vecteurs différents pour déterminer les paramètres applicables.

1. UNE PART IMPORTANTE DES RETRAITES ÉCHAPPE AUJOURD’HUI AU CONTRÔLE DU

PARLEMENT

Les lois de financement de la sécurité sociale (LFSS), créées par la révision constitutionnelle du 22 février 1996 et réformées par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale (LOLFSS) du 2 août 2005, visent à déterminer les conditions nécessaires à l’équilibre financier de la sécurité sociale et fixent les objectifs de dépenses en fonction des prévisions de recettes.

En matière de retraite, elles retracent chaque année les dépenses et les recettes de l’ensemble des régimes légaux obligatoire de base.

Depuis 1996, le Parlement a donc un droit de regard sur les grandes orientations des politiques en matière de retraite, ainsi que sur leur mode de financement, à travers le vote annuel de la LFSS. Toutefois, les régimes complémentaires ne sont pas intégrés dans le champ des LFSS. Le tableau d’équilibre ne donne ainsi pas une vision complète de la situation et la LFSS ne constitue pas un levier de pilotage de l’ensemble du système de retraite. Or, en 2017, les régimes complémentaires représentent 27 % des dépenses de prestations vieillesse-survie.

2. LE RÔLE DE L’ÉTAT DANS LE PILOTAGE DES RÉGIMES DE BASE

Dans les régimes de base et intégrés, l’État joue un rôle essentiel dans la définition des objectifs assignés au système de retraite.

La loi et le règlement déterminent les règles applicables aux pensions de retraite des régimes alignés, du régime des non-salariés agricoles et du régime de base des professions libérales (salariés et travailleurs indépendants du régime général, salariés agricoles) : règles de cotisations, d’ouverture des droits et de calcul de la pension.

Le conseil d’administration de la branche vieillesse du régime général et de certaines autres caisses paritaires est consulté sur les projets de textes qui ont un impact financier sur leur régime ou qui contiennent des dispositions spécifiques à leurs assurés. Par ailleurs, le conseil d’administration dispose du pouvoir de proposition mentionné plus haut. Les réformes des retraites successives ont fait l’objet de larges concertations auprès des partenaires sociaux qui émettent des avis sur les textes qui leur sont soumis mais en l’état actuel du système ils ne disposent pas de levier de pilotage sur les paramètres des régimes.

Le régime de la fonction publique d’État est piloté directement par l’État. Les règles législatives et réglementaires applicables au régime de la fonction publique de l’État sont déterminées par le code des pensions civiles et militaires de retraite. Les règles relatives aux autres régimes sont, sauf exception, fixées par des décrets spécifiques à chacun de ces régimes, en vertu de l’habilitation permanente prévue à l’article L. 711-1 du code de la sécurité sociale.

3. LE RÔLE DES PARTENAIRES SOCIAUX ET DES REPRÉSENTANTS DES PROFESSIONS DANS LE PILOTAGE DES RÉGIMES COMPLÉMENTAIRES

Le pilotage des régimes complémentaires relève de modalités et de règles de compétence disparates, qui retracent notamment les effets de leur histoire et de leur institution.

Ce sont les partenaires sociaux et représentants des professions qui en assurent pour une large part la gouvernance et la gestion.

3.1. Le régime Agirc-Arrco, institué par des accords nationaux interprofessionnels, relève de la compétence des partenaires sociaux

Le régime de retraite Agirc-Arrco, issu de la fusion depuis le 1er janvier 2019 des régimes AGIRC (cadres) et ARRCO (ensemble des salariés cadres et non-cadres), est géré par les organisations syndicales et patronales représentatives au niveau interprofessionnel.

Ces derniers négocient des accords qui fixent les grandes orientations pour les retraites complémentaires, arrêtent des mesures pour assurer l’équilibre financier du régime sur le long terme et veillent à ajuster les orientations de long terme en fonction des évolutions constatées.

Ces accords sont ensuite étendus et élargis par arrêté ministériel.

Ils sont mis en œuvre par la fédération Agirc-Arrco qui fédère les caisses de retraite du régime complémentaire.

Les ANI qui en assurent le pilotage stratégique font l’objet d’un arrêté d’extension et d’élargissement qui n’est soumis qu’à un simple contrôle de légalité.

3.2. Le pilotage du régime Ircantec relève de la compétence du conseil d’administration

L’Ircantec a fait l’objet d’une réforme, en 2008, qui a modifié substantiellement les règles de gouvernance et renforcé les compétences du conseil d’administration. Jusqu’en 2017, les paramètres du régime (valeur d’achat du point, valeur de service du point, rendement, cotisations ainsi que les autres paramètres) étaient déterminés par voie réglementaire.

Depuis le 1er janvier 2018, le conseil d’administration de l’Ircantec est en charge du pilotage à long terme du régime. Il doit prévoir, dans un plan quadriennal les conditions de réalisation de l'équilibre de long terme du régime. À ce titre, il détermine les règles d'évolution de la valeur du point de retraite et du salaire de référence et en fixe, chaque année, la valeur. La fixation de ces paramètres doit permettre au régime de respecter des critères de solvabilité à long terme déterminés par arrêté. À défaut de plan quadriennal remplissant les critères de solvabilité précités, les valeurs du point de retraite et du salaire de référence évoluent annuellement selon des modalités fixées par arrêté, l'évolution des taux de cotisation étant fixée par décret. Les taux de cotisation applicables pour la période resteront fixés par décret, sur proposition du conseil d’administration et après avis de celui- ci.

3.3. Les règles relatives au régime complémentaire des travailleurs indépendants du régime général sont déterminées par règlement

Le régime général a repris progressivement à compter du 1er janvier 2018 la gestion du régime complémentaire des indépendants.

Les conditions d’attribution et de service des prestations sont précisées par un règlement du conseil d’administration du CPSTI approuvé par arrêté ministériel. Ce règlement détermine notamment les conditions dans lesquelles les pensions sont revalorisées et fixe les principes de fonctionnement et de gestion financière du régime. Le conseil d’administration délibère tous les 6 ans sur les règles d’évolution du revenu de référence et de service du point applicables pour les six années suivantes, qui doivent respecter des règles prudentielles (déterminées à l’article D.635-9 CSS).

3.4. Les règles relatives aux régimes complémentaires des professions libérales résultent de leurs statuts ainsi que de dispositions réglementaires

Les sections professionnelles des professions libérales assurent la gestion de régimes complémentaires propres à chacune de ces sections. Elles en assurent notamment le pilotage de long terme.

Le niveau des prestations est fixé dans les statuts des régimes complémentaires des sections professionnelles, les modifications apportées aux statuts étant soumise à l’approbation de l’État. Toutefois, la valeur de service est fixée annuellement par délibération du conseil d’administration des sections professionnelles. De plus, l’assiette et le taux des cotisations sont fixés par décret, sur proposition des sections professionnelles et après avis de la CnavPL.

3.5. Le régime complémentaire des non-salariés agricoles

La gestion du régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles est assurée par les caisses de mutualité sociale agricole (MSA). Les règles du régime sont définies par la loi et le règlement.

La loi du 20 janvier 2014 a renforcé le cadre de pilotage du régime, en prévoyant notamment l’élaboration de projections actuarielles tous les trois ans et la remise au gouvernement, par le conseil d’administration de la CCMSA, de propositions relatives à l’évolution des paramètres du régime sur les trois années à venir (valeurs de service et d’achat du point, taux de cotisation).

4. EN CONSÉQUENCE, LE SYSTÈME EST PEU PILOTABLE DANS SON ENSEMBLE

Depuis une vingtaine d’années, les réformes n’ont pas permis de remédier à la complexité du système. Tandis que le suivi de la trajectoire financière et son analyse ont été largement améliorées grâce à la création du COR, puis du CSR, le pilotage demeure néanmoins fragmenté et peut même parfois donner lieu à des effets croisés non anticipés.

Un exemple illustratif de cette situation concerne la concurrence entre régimes de base et complémentaire dans la fixation des taux de cotisation, soulignée dans le rapport thématique de la Cour des Comptes « Garantir l’avenir des retraites complémentaires des salariés (AGIRC et

ARRCO) »1. Ainsi, la loi du 20 janvier 2014 a prévu que les taux de cotisation déplafonnée augmenteraient progressivement de 0,6 point supplémentaire à l’horizon 2017 pour le régime général. Entre 2012 et 2017, les taux de cotisation vieillesse au régime général ont augmenté de 1,1 point sous plafond (soit + 0,55 point pour la part patronale comme pour la part salariale) et de 0,6 point au-delà du plafond. Peu de temps auparavant, afin de réduire l’ampleur des déficits prévisionnels, les régimes complémentaires avaient de leur côté décidé en mars 2013 d’augmenter de 0,25 point les taux de cotisation (taux d’appel compris) en deçà et au-delà du plafond. D’après la Cour des Comptes, « dans une certaine mesure, les augmentations de taux de cotisation du régime

général ont ainsi préempté les marges de manœuvre dont auraient pu disposer les partenaires sociaux pour relever les cotisations à l’AGIRC et l’ARRCO ».

Le manque de coordination entre régimes entraîne également des difficultés pour piloter les dispositifs multi-régimes. Une note du Conseil d’analyse économique2 cite ainsi l’exemple révélateur du minimum de pension. Alors que ce dispositif a été créé en 1983 afin de garantir une pension supérieure au minimum vieillesse aux salariés ayant cotisé sur une longue durée, ce n’est qu’en 2007 qu’une étude de la DREES a mis en lumière le fait qu’un nombre important des bénéficiaires du MICO était des polypensionnés, bénéficiant d’une retraite globale nettement supérieure aux revenus visés à l’origine. L’écrêtement du MICO3 a certes permis de remédier au problème pour le minimum de pension servi par les régimes de base du privé, mais cet écrêtement n’a pas été mis en place pour le minimum des régimes intégrés du secteur public. De plus, le calcul de cet écrêtement, qui nécessite de connaître le montant de l’ensemble des retraites servies par les régimes légalement obligatoires, engendre une complexité en gestion préjudiciable pour les assurés, qui sont exposés à de longs délais de traitement pour le calcul du MICO.

Par ailleurs, l’organisation en plusieurs étages du système de retraite des assurés du secteur privé limite de fait la couverture assurée par le minimum de pension par rapport aux assurés relevant exclusivement du secteur public.

1 « Garantir l’avenir des retraites complémentaires des salariés (AGIRC et ARRCO) », Rapport thématique de la Cour des comptes, décembre 2014.

2 Gouverner la protection sociale : transparence et efficacité, Les notes du Conseil d’analyse économique, Antoine BOZIO et Brigitte DORMONT, n°28, janvier 2016.

LA NÉCESSITÉ D’INSTAURER UN SYSTÈME UNIVERSEL DE

RETRAITE

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