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1.5.2 — Multiples et sous-multiples

Dans le document POIDS ET MESURES DE L’ÉGYPTE MUSULMANE (Page 35-38)

lieu par Morton 1985, p. 14 et Bates 1993. En effet, les raṭl et wuqiyya en verre attestés ne sont des multiples d’aucun des dirhams poids en verre attestés. Selon Bates 1991, p. 58, ils ne pouvaient donc être utilisés pour peser les paie- ments. Il suggère la possible coexistence de poids métalliques et de poids en verre (ci-dessous § 1.5.2.2.). Bates 1993, p. 545, ajoute que des multiples ne sont pas forcément nécessaires, que pour des valeurs moyennes (par exemple 7 ou 8), il est plus facile et plus clair pour le peseur et le client d’utiliser des unités (7 poids = 7 dinars) que des multiples, surtout pour des pesées rapides de valeurs successives et variées.

Bernard 1825, p. 77, écrivait déjà : « Si nous n’avons pas encore parlé du dynâr, du mitqâl et du qirât, c’est qu’il paraît évident qu’à l’époque à laquelle écrivait Maqryzy, comme de nos jours, ces poids formaient un système séparé et dis- tinct, qui ne faisait point partie du système général de poids que nous avons fait connaître. On peut les comparer à nos poids d’essai, ou à nos poids médi- caux, qui ont des noms, des subdivisions et un usage particulier ».

1.5.2.1. — Les multiples et sous-multiples en verre

On ne connaît aucun multiple en verre du dinar ou du dirham dans les séries officielles de l’Égypte du Ier et du IIesiècle de l’hégire. Au début du IIIe/IXe siècle,

des jeux de multiples et de sous-multiples en verre basés sur le dirham kayl ap- paraissent (§ 1.5.3.2.d). Sont attestés : des poids en verre de 1/2 dirham (Morton 1985, n° 392), 1 dirham (Miles 1948, n° 124) ; 2 dirhams (V.Stras. 108 et 123), 5 di- rhams (V.Stras. 124-126), 10 dirhams (Morton 1985, n° 351), 20 dirhams (Balog 1976, n° 126, voir Morton 1985, p. 19) et 50 dirhams (Morton 1985, n° 412). Ces poids sont rares et n’apparaissent sans doute pas avant la réforme monétaire attribuée au caliphe al-Ma’mūn (c. 206/821). Leur caractère officiel n’est pas certain. Les poids de cette série sont usés et semblent avoir beaucoup servi. Contrairement au Ieret au IIesiècle de l’hégire, multiples et sous-multiples en

verre sont bien attestés à l’époque fatimide. Pour le dirham poids, sont connus des 1/8, 1/4, 1/2, 1 dirham, 2, 5 et 10 dirhams. Certains multiples sont estam- pillés au nom du calife al-Ẓāhir 411-427/1021-1036 (Jungfleisch 1929a, n° 6 ; Morton 1985, p. 20). Pour le dinar, sont connus des 1/4, 1 et 2 dinars, il n’y a pas de demi-dinar poids (collection de la BNU, § 1.9., figure 24).

Quelques multiples en verre de dirham d’une masse plus importante sont at- testés. Ils sont rares :

– un poids en verre de 70 miṯqāl / 100 dirhams au nom d’un gouverneur de Mossul, Muḥammad ibn Marwān (73-91/692-709) (Baldwin’s [Londres], Clas-

sical Rarities of Islamic Coinage, Islamic Coin Auction 19, 25 April 2012, n° 6,

282,13 g) ;

– un poids en verre au nom du sultan mamelouk Qā’itbāy (873-901/1468-1496 ; photographie sur le site Eternal Egypt) dont les dimensions correspondent à un poids de c. 100 dirhams ;

– trois poids en verre de 200 dirhams au nom du même sultan Qā’itbāy et du sultan Ottoman Selim I que Bates 1991, p. 58, dit avoir vus au musée d’Art is- lamique du Caire en 1984 ;

– « Plusieurs boules en cristal (sic) pesant différents poids, tels que 1 000 di- rhams, 500 dirhams, etc., qui se trouvent en la possession des notables peseurs publics du Caire et dont ils se servent comme étalons pour les vérifications des poids depuis des siècles, ont été mises à la disposition de la commission avec

tous les poids étalons de la monnaie » (Mahmoud Bey 1873, p. 74, Deuxième commission chargée de déterminer le rapport du dirham au gramme, décri- vant la situation vers 1845).

1.5.2.2. — Les multiples et sous-multiples métalliques

De très nombreux poids métalliques sont attestés en Égypte et au Moyen- Orient (Bates 1991, p. 58). La bibliographie sur les poids de verre est mince, celle sur les poids métalliques l’est encore plus (Balog 1970, 1973, 1980-1981 ; Bates 1981, p. 79-81 ; Holland 1986 ; Whitcomb 1994).

Les fouilles archéologiques ont livré une quantité impressionnante de mul- tiples décimaux et divisions duodécimales du dinar (10, 5, 2, 1, 1/2, 1/3, 1/6, 1/12, 1/24) et du dirham (50, 20, 10, 5, 2, 1, 1/2, 1/3, 1/6, 1/12, et peut-être 1/24) en bronze et acier. Les poids métalliques précisément datés sont rares car, à la différence des poids en verre des époques umayyade et abbasside, ils ne portent aucun nom ni légende officielle qui permettent de dater les poids en verre. Holland 1986 décrit 602 poids métalliques pris parmi les milliers trouvés à Caesarea Maritima (en Israël, entre Tel Aviv et Haïfa). Il s’appuie pour la datation sur Balog 1980-1981, p. 121-135 qui, cataloguant un groupe de poids similaires trouvés en Israël, les date pour la plupart des époques fa- timide, ayyubide et mamelouke. Extrapolant à partir du nombre de poids re- trouvés, il estime que la quantité réellement fabriquée pouvait se monter à quelques dizaines, voire à quelques centaines de milliers (sic) (ibid., p. 191). Bates 1991, p. 58, signale la présence de poids métalliques pré-fatimides dans tous les niveaux archéologiques de Fustat. Whitcomb 1994, p. 37 et p. 42-43, rend compte de trouvailles de poids en verre et de poids métalliques d’époque fatimide à Aqaba (port aux confins de l’Égypte, du Hedjaz et de la Grande Sy- rie). La majorité des poids en verre ayant été trouvée près des murs et des portes de la cité, il les associe à un commerce de détail hors du souk. Il s’in- terroge sur la raison de la présence de poids égyptiens à Aqaba, se demandant s’ils ont été apportés par des marchands ou s’ils témoignent d’un contrôle administratif, donc politique, local.

Goodwin 2012, p. 173-175, condamne l’ensemble de ces datations car elles sont dépourvues de références archéologiques précises. Il considère que les poids en verre des trois premiers siècles et la grande masse des poids métalliques ne sont pas contemporains et n’ont pas été utilisés sur le même territoire. Il semble pourtant qu’ils puissent être contemporains, les poids métalliques, moins fragiles, étant les poids usuels, les poids en verre servant plus rarement (ou servant d’étalons ?).

Une trouvaille archéologique, devenue mythique pour la discipline, montre- rait en effet que des poids métalliques ont bien été utilisés en complément des poids en verre. Sauvaire 1884 (avril-mai-juin), p. 444-445, rapporte cette trouvaille dans le Fayyoum c. 1880, par E. Th. Rogers, d’une boîte en bois. À l’intérieur, « deux compartiments, l’un contenant les poids en acier sur les- quels il n’est fait mention que du derham, et l’autre les poids en verre, qui portent au contraire comme empreinte le mot dinâr (exprimé ou sous-enten- du)... ». Les poids en verre portant le mot dinar n’allant pas au-delà de l’unité,

p. 350 ; Morton 1985, p. 19). Morton 1985, p. 19, étudie de près le contenu de la boîte publiée par Sauvaire, surtout la série de poids métalliques de 1/2, 5 et 20 dirhams poids de c. 2,90 à 2,98 g (proches du dirham kayl). Un poids de 5 et les deux poids de 20 portent une mention que Sauvaire traduit « poids de sept », qui semble renvoyer au dirham kayl, dans un rapport des masses de 10 dirhams pour 7 dinars. Morton en conclut à l’existence, sans les dater, de jeux de dirhams poids métalliques contemporains des poids en verre. Comme il ne les considère pas comme émanant d’une autorité officielle, il s’interroge sur les raisons de l’absence de ces multiples dans les séries de poids en verre : avaient-ils une fonction différente des poids officiels ordinaires ?

Personne ne semble avoir remarqué que les conditions d’utilisation des poids métalliques et des poids en verre peuvent correspondre à des usages différents. Les poids métalliques sont solides, presque incassables. Ils conviennent pour un usage fréquent, au marché ou au souk, par exemple. Mais ils ne sont pas fiables : leur masse peut varier car ils peuvent être corrodés, oxydés ou rognés. Et n’im- porte quel orfèvre peut en fabriquer. Les poids en verre sont fragiles, mais ils ne craignent pas la corrosion et ne peuvent être rognés ; leur fabrication doit se faire dans des ateliers spécialisés. Leur authenticité et leur masse sont mieux assurées que celle des poids métalliques, qu’ils peuvent servir à contrôler.

Dans le document POIDS ET MESURES DE L’ÉGYPTE MUSULMANE (Page 35-38)