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ANNEXE B Résumé d'une monographie de Gérin illustrant sa méthode

AU CROISEMENT DES ROUTES ET DES VALLÉES

3. Moyens d'existence

Le lieu, le travail, la propriété de la famille sont tour à tour étu-diés : « Le lieu, c'est- à-dire l'ensemble des conditions ou des ressour-ces présentées spontanément par le milieu physique ; le travail, c'est-à-dire le parti que l'homme a pu tirer de ces conditions par l'exercice de sa propre activité : enfin, la propriété, c'est-à-dire les produits de l'exercice de cette activité accumulés sous forme d'immeubles, de biens mobiliers, d'épargnes

quelconques. » 123. A. - LE LIEU

La nature du sol. - Vallée de formation laurentienne ; effets des eaux, dépôts géologiques suivants trois zones : argile, terre franche, terrain sablonneux. Le massif montagneux du sud, près de Saint-Dominique, en se désagrégeant, a livré des sols assez abondants et fertiles.

Voici avec quelle précision l'emplacement même de Saint-Dominique est décrit : « Saint-Dominique, sur le cours mitoyen et sur la rive sud du Saint-Laurent, à 34 milles à l'est de Montréal (exactement 45° 34' lat. N. par 72° 50' 30" long. O. de Greenwich), est situé dans la val-lée... où elle atteint sa plus grande largeur, et où parallèlement les ar-giles et les terres franches acquièrent le plus d'extension. On obser-vera, d'un autre côté, que Saint- Dominique n'est pas au coeur de cette zone de la vallée qui est la mieux partagée au point de vue de la nature du sol, la zone argileuse, mais sur sa bordure extérieure, et à cheval sur la zone sablonneuse moins fertile. Sa situation à cet égard est in-termédiaire entre celle de paroisses situées complètement dans la zo-ne argileuse et connues pour la fertilité de leur

sol, comme Saint-Simon et Saint-Hugues, et celle d'endroits compris dans la zone sa- blonneuse et à sol pauvre, comme certaines parties de Saint-Liboire.

La terre de C..., à proximité du village de Saint-Dominique, sur un ex-haussement de la vallée, se compose d'un sol de consistance moyenne, suffisamment profond et

calcaire, mais où déjà l'assise rocheuse af-fleure sur certains points formant des bassins d'un drainage diffici-le. » 126.

Moyens de transport. - Facilités par la configuration plane de cette région depuis longtemps déboisée. - Le fleuve Saint-Laurent est, en face, une voie maritime d'importance. Le Richelieu communique par canal avec l'Hudson ; ce fut longtemps la principale artère entre le Canada et les États-Unis. D'autres rivières, bien qu'assez peu naviga-bles, jouèrent un rôle important en offrant des tracés naturels pour les voies ferrées construites sur leurs rives : rivières Yamaska, Saint-François, Coaticook, Massawippi, etc. Ces lignes de chemins de fer vont aboutir aux ports du Maine et du Massachusetts. Saint-Dominique n'a pas encore à cette époque de ligne de chemin de fer. Mais, 6 milles au nord-ouest, la ville manufacturière de Saint-Hyacinthe est desser-vie par 4 lignes ferroviaires.

Productions spontanées. - Les développements de la culture, du commerce, des transports, l'accroissement de la population tendent à faire disparaître les fruits sauvages et de production spontanée. C... essaie de compenser par la culture des fraisiers et des

pommiers, dont il vend les produits en ville. Certaines essences forestières ont dispa-ru. C... doit acheter des commerçants une partie de son bois de cons-truction. Le bois de chauffage même est moins abondant. C... possède un domaine forestier de 40 arpents comprenant une riche érablière. Pour économiser son bois, il commença, dès 1887, à utiliser de la tour-be comme combustible.

LE TRAVAIL

a) La simple récolte tient peu de place.

b) Les industries domestiques tendent à disparaître : les femmes ont cessé de tisser, de filer. Elles cousent mais en s'inspirant des « cahiers de modes » et en utilisant des matériaux achetés. Les hom-mes ne fabriquent plus leurs outils ni leurs instruments aratoires.

c) Des travaux d'extraction sont en cours à proximité de la ferme de C ... : chaux, travaux de carrière.

d) On note un commencement de spécialisation agricole vers 1887 : production laitière et élevage. C... nourrit 25 vaches, vend son lait à la fromagerie. Le sérum du lait lui sert à engraisser des porcs pour la vente et les besoins domestiques.

C... élève aussi des chevaux, et possède un étalon pur sang. Il pos-sède un petit verger et un rucher. La culture du sol se fait en vue de l'alimentation du troupeau.

xxiii e) La spécialisation entraîne l'activité commerciale : C... fait le commerce des vaches, des porcs et des chevaux. Il achète de grandes quantités de grains moulus. Il loue son reproducteur. Il achète un sur-plus de fumier. Il se procure chez les grainetiers diverses graines de semence.

f) On observe même certaines méthodes de culture avancée : drai-nage souterrain, qui permet un ensemencement plus hâtif au prin-temps ; luzernières, donnant trois coupes par année ; instruments ara-toires perfectionnés ; main-d'oeuvre assez nombreuse au moment des grands travaux : C... engage des hommes pour ses travaux de charpen-te, pour la plantation des pommiers, la rentrée du bois de chauffage. Il est en rapport avec le

commerçant d'animaux, l'apiculteur, le boucher, le boulanger et plusieurs cultivateurs. g) La spécialisation et la commercialisation de la culture s'obser-vent dans toute la plaine du sud, à cette hauteur : culture potagère et fruitière ; production laitière ; culture du foin ; production du fromage et du beurre, dans des installations coopératives, en vue de l'exporta-tion.

C. - LA PROPRIÉTÉ

C..., possède une terre de 30 arpents par 7, portant la maison et une dizaine de bâtiments de ferme : valeur globale 8,000 dollars.

Il a comme bétail : 25 bêtes à cornes, 7 chevaux, 25 porcs. Son matériel de ferme est très complet : charrues, herses, rouleau, se-moir, faucheuse, houe et râteau à cheval,

plusieurs voitures, batteuse mécanique. Valeur du troupeau et du matériel : 2,500 dollars. La richesse mobilière, par rapport à la propriété foncière, tient une place plus importante que dans l'économie de l'habitant traditionnel.

En 1887, on notait encore dans la région les vestiges d'un ancien système de redevances seigneuriales. En 1854, la Législature avait aboli le régime et permis aux fermiers de se libérer de leurs charges annuelles en versant un acquittement total aux concessionnaires des seigneuries. C... ne s'était pas encore prévalu de ce droit et continuait à payer une redevance annuelle de quelques dollars. On voit que le « groupement supérieur » de la vie publique n'avait pas encore réussi complètement à changer la formation

traditionnelle et communautaire des habitants.