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4 Résultats : deux familles – deux temps

4.4 Mode d’existence – le mode de vie Nourriture

(F1) La famille Causabon prend trois repas par jour composés principalement de pain, soupe aux pois, pommes de terre, lard, un peu d’autre viande et d’œufs.

(F2) Nous ne détenons pas les informations de cette famille pour ce thème. Selon les informations obtenues lors de l’enquête plus large, il est clair que la consommation d’aliments frais de proximité est une préoccupation majeure de la région. Actuellement, la culture dans la Chaudière-Appalaches en est une de grandes surfaces, pour l’exportation en volume.

Observations :

La famille Casaubon tire de l’exploitation de la ferme à peu près tous les aliments nécessaires à sa subsistance. Quelques aliments sont achetés du marchand : le thé, le sucre, la mélasse et, à l’occasion, le sel. L’habitant Casaubon ne pratique pas la pêche. Pour les jours maigres69, il a recours au marchand de poisson : les jours maigres, si le marchand de

69 Jusqu'au milieu des années 1960, l'Église catholique défend aux fidèles de manger de la viande le vendredi, jour de la crucifixion du Christ. En guise de pénitence, elle leur suggère de se nourrir plutôt de poisson et d'éviter la gourmandise. L'obligation de faire maigre le vendredi commençait à l'âge de 7 ans.

poisson ne s’est pas présenté, on se contente de pain et de beurre, de pâtés de pommes de terre et de mélasse, à moins que la provision d’œufs ne soit assez abondante pour faire une omelette. Le médecin déclare que les maladies pour lesquelles il est le plus souvent appelé sont les embarras gastriques, surtout en hiver, époque où les cultivateurs font moins d’exercice tout en maintenant une alimentation grasse et excédentaire.

La famille Belhumeur a recours aux grands marchés d’alimentation qui se trouve au village voisin pour ses besoins alimentaires. Une coopérative y est en exploitation dans le village : Puis l’épicerie, bien c’est une coopérative. Ça fait que c’est un petit peu plus cher qu’ailleurs, mais on a une épicerie dans le village puis c’est à nous autres. La tentation est forte toutefois de se rendre dans les grands centres pour les achats : Ça prend vingt minutes aller au Maxi.

Lors de la vaste enquête de 2010 dans la région, les répondants ont fait état à plusieurs reprises de la nécessité de ramener les fermes locales à des dimensions plus humaines, tout en favorisant la diversité des cultures et le « virage vert ». Les témoignages valorisent la terre et ses produits comme une contribution au bien-être des familles.

Mais, il faudrait aussi casser la tendance - mégaferme - qui rend la chose difficilement accessible. Un virage vers de plus petites entreprises plus vertes et diversifiées serait également bienvenu. (formu-056)

Nous sommes dans un milieu agricole très actif, mais pourtant l’achat d'un produit frais d'ici demeure parfois difficile. Diversifier nos entreprises est souhaité. (formu-293)

Actuellement, les productions de la ferme sont pour la plupart, règlementées par l’État. Par exemple, le lait ne peut être vendu à la ferme sans avoir été soumis aux services d’inspection des aliments, sans avoir été pasteurisé. De plus la quantité et les conditions de production du lait sont soumis à des quotas, il ne serait donc pas question de les livrer directement au consommateur sans passer par l’agent régulateur. Le zonage municipal aussi pourrait venir interférer à un projet de vente aux consommateurs. La ferme se situe en zonage agricole et non en zonage commercial. Plusieurs initiatives locales tentent toutefois de répondre au désir des habitants.

Habitation

(F1) La maison de la famille Causabon est située sur le bord du chemin, mesure 34 x 24 pieds, elle est blanchie à l’extérieur à la chaux, ses murs à l’intérieur sont de crépis. Le rez-de-chaussée est divisé en quatre, l’étage en deux. La plus grande pièce de la maison est celle qui sert de cuisine et de salle commune. Plusieurs autres bâtiments servent aux besoins de la ferme. Elle était considérée comme spacieuse et confortable, en avance pour son temps.

(F2) La famille Belhumeur habite une maison ancestrale qui est située sur le bord du rang. Elle a été rénovée à plusieurs reprises. Elle est spacieuse, comprend toutes les installations modernes et nous la trouvons dans un état impeccable.

Observations :

Au rez-de-chaussée de la maison de la famille Casaubon se situe la pièce principale, la cuisine. Cette pièce est à la fois cuisine, salle à manger, lieu de travail et de réunion. C’est là que les femmes cousent, tricotent et filent. C’est là que se prennent les repas et que se passent les heures de repos. C’est aussi dans cette pièce que l’on reçoit les voisins qui viennent causer le soir en fumant la pipe. P.96. Les douze personnes habitant la maison se partagent les quatre chambres, dont l’une d’elles sert aussi de salon à l’occasion. Le mobilier y est fort simple et de fabrication domestique. Il n’y a ni eau courante, ni électricité et le chauffage est au bois ramassé sur le domaine.

La jeune famille Belhumeur a fait l’acquisition de leur maison qui est une partie intégrante de l’exploitation. La maison est avec la ferme. Ça fait que ce n’est pas des mégas paiements. C’est un avantage. Si on avait eu une maison à paiements, on n’aurait probablement pas eu quatre enfants. Le couple associe directement la possibilité de se loger à bon prix à la capacité d’avoir une grande famille.

La maison, on a agrandi là ; là, il nous reste rien qu’à finir ça ici. Ça là, ce n’était pas là. C’est des nouvelles parties. Là ce n’était pas grand. La salle à manger va s’en aller là. On va refaire un îlot puis on va refaire nos armoires.

Le salon était là, mais il est rendu de l’autre bord. On s’est fait un mur. Puis l’entrée, bien on n’avait pas de rangement. Ça fait qu’on s’est fait un beau mur de rangement. Ça fait qu’on a fait comme le tour de la maison. C’est sûr là qu’on n’est pas encore arrêté. Quatre [enfants] c’est le chiffre final pour l'instant, mais, cinq c’est l’objectif (rires). (Entretien avec Franco)

Pour l’exécution de certains travaux, les familles peuvent bénéficier de certaines subventions gouvernementales, par exemple pour améliorer l’efficacité énergétique de leur demeure.

Vêtements

(F1) La famille Casaubon, grâce à son nombreux personnel féminin, est une de celles qui ont le mieux résisté à l’envahissement des vêtements du commerce. Dans la région, les toiles et les étoffes du pays sont graduellement remplacées par les cotonnades, les indiennes, les tweeds et les draps du commerce.

(F2) Nous n’avons noté aucune différence d’apparence entre les vêtements de cette famille et celle de familles urbaines rencontrées. Ils sont modernes, de bon goût et bien mis. Nos notes se limitent à cette observation, ce thème n’a pas été abordé lors de la rencontre.

Observations :

L’ancien costume de l’habitant ne se porte plus, mais on retrouve tout de même certains vestiges dans la garde-robe, par exemple, les femmes de l’ancienne génération, continuent de porter la chemise de toile. En 1886, la mère (53 ans) et la tante Marguerite (74 ans) étaient les seules à les porter, Tante Julie (55 ans) l’avait remplacé par la cotonnade.

Hygiène (Santé)

(F1) On manque de bains et autres facilités pour les soins de propreté du corps, une difficulté qui se complique d’une modestie pseudo religieuse outrée. Les médecins reprochent aussi aux étoffes domestiques d’être trop lourdes, de favoriser la transpiration

sans en permettre l’évaporation normale. Les légères indispositions sont soignées à la maison, les familles ont recours aux ramancheurs70 dans le cas de fractures.

(F2) Toutes les installations modernes sont présentes dans la maison de cette famille. La famille bénéficie comme tous les Québécois et les Québécoises d’un régime universel de soins de santé et de médicaments défrayés par l’État.

Observations :

Nous remarquons que déjà en 1886, les médecins faisaient l’adéquation du manque d’exercice et de l’abus de nourriture grasse avec les problèmes de santé. Une constatation que les recherches modernes confirment. À l’époque, le médecin ne pouvait que constater la situation et conseiller le patient. Aujourd’hui, la société québécoise s’est dotée de l’Institut national de Santé publique du Québec et d’Universités qui voient à la recherche sur la prévention et l’information concernant la santé et le bien-être. Un réseau de santé publique applique les leçons tirées de ces recherches auprès de toute la population.

Les témoignages recueillis lors de cette enquête font aussi ressortir une préoccupation transversale : les saines habitudes de vie.

Récréations (loisirs)

(F1) À la fin du XIXe siècle, les hommes fument la pipe. Hommes et femmes chantent ou chantonnent en travaillant. Les veillées, les jeux de cartes, les dames et les tours de force, les promenades en voiture sont des activités courantes. S’y ajoutent les cueillettes et les corvées récréatives. Les curés, par crainte des excès, interdisent plus ou moins formellement ces activités. Beaucoup de délassements se rattachent à la religion : messes, première communion, mariages, baptêmes, etc.

(F2) Au début du XXIe, Les loisirs se font surtout en famille autour d’activités sportives ou intellectuelles : vélo, camping, patin, natation, bibliothèque. Le père a fait de l’athlétisme de compétition lors de ses études. La mère joue dans un club de balle féminin et le père dans une ligue de soccer et une ligue de hockey. Les fêtes avec la famille élargie sont aussi parmi les activités de loisirs. Les activités religieuses n’ont pas été abordées lors de l’entretien.

Observations :

Au temps de l’habitant de Saint-Justin, décrit par Gérin, les loisirs étaient une continuité de la vie quotidienne c'est-à-dire que le temps loisirs et le temps travail se confondaient. La famille était au cœur de toutes ces activités. Parmi les récréations les plus simples et les plus constantes sont la pipe et la chanson (p.101). Fumer la pipe pour prendre le temps de relaxer était réservé aux hommes. Par contre, la chanson s’adressait à tous. L’on chantait en travaillant, au champ ou dans l’étable. Les longues soirées d’hiver étaient agrémentées de soirées de chansons chantées en chœur ou de chansons à répondre. Ces chansons sont d’origine française, mais aussi teintées d’influences variées : anglaises, états-uniennes, irlandaises ou autre. Un thème qui revenait souvent dans ces chansons, est le fait d’aimer boire un p’tit coup, un thème peu ou pas abordé dans la monographie de Gérin. Bien sûr, le thème de la séduction de la belle revient aussi très souvent :

LE BON VIN M'ENDORT En passant par Paris En vidant les bouteilles (bis)

Un de mes amis me dit à l'oreille, ah oui buvons, REFRAIN:

Le bon vin m'endort et l'amour me réveille encore. Un de mes amis me dit à l'oreille (bis)

Viens-tu avec moi, On v'aller voir la belle, ah oui buvons,

(…)

Ces soirées chantées étaient ponctuées de gigues ou de sets carrés accompagnés du violon, des cuillères et, quelques fois, de l’accordéon. Elles se tenaient dans les maisons privées et l’on disait qu’elles s’organisaient sans faire de cérémonies, c'est-à-dire sans

imiter la ville, à la bonne franquette. Ce qui donne à penser qu’au même moment, les choses avaient changé dans les grandes villes. Parmi les jeux de délassement les plus ordinaires se trouvaient les jeux de cartes, les dames et les tours de force. Les vieilles racontaient des contes qu’elles avaient entendus de leur grand-mère, des histoires de peur, des histoires de revenants. Ces histoires de revenants étaient teintées des craintes véhiculées par la religion catholique de la peur de l’enfer, du purgatoire, du diable, de la damnation, de la peur des morts aussi. Gérin nous mentionne que des vieilles tiraient aussi les horoscopes (p.102). L’auteur ajoute qu’en ce temps, les contes naïfs de l’ancien temps sont en partie remplacés par certaines lectures pieuses, les annales de la Propagation de la Foi ou de la Sainte-Enfance sont présentes dans plusieurs foyers (p.102). La lecture des journaux, particulièrement des feuilletons, des récits et des nouvelles à sensation tendent aussi à faire tomber en désuétude les contes et les histoires des veilles (p.102). Les promenades en voiture et les visites aux parents qui habitent les paroisses voisines sont aussi parmi les périodes de récréation privilégiées. Ces sorties se faisaient surtout en hiver alors que les travaux de la ferme étaient au ralenti et que les routes de neige favorisaient les déplacements aisés en traîneau. En été, les cueillettes et les corvées étaient aussi des occasions de réjouissances familiales et entre voisins. Une coutume qui a passé l’épreuve du temps, les épluchettes de blé d'Inde, occasions de festoiement et de rencontres entre les jeunes gens.

Le curé ne voyait pas toujours cette activité d’un bon œil, les jeunes gens avaient tendance à abuser un peu du petit whiskey blanc; les curés les plus déterminés allaient jusqu’à les interdire. Même chose pour la danse, les curés, par crainte des excès, interdisaient d’une manière plus ou moins formelle ces réunions. Plusieurs délassements sont rattachés à la religion. La première communion est l’une de ces cérémonies qui se font avec grand apparat selon les traditions religieuses les plus rigoureuses. S’ajoutent les mariages, la confirmation, les fêtes religieuses et la veille au corps qui sont aussi l’occasion de se rassembler et de partager des repas. Ainsi, plusieurs délassements se rattachent à la religion, l’assistance à la messe et aux divers exercices religieux à l’église paroissiale, est un plaisir très recherché. On se rend à l’Église en famille, par pleine voiturée, et on ne

laisse à la maison qu’un gardien pour avoir soin des plus jeunes enfants (p. 103). Le curé de paroisse exerce une très grande influence sur les loisirs de ses fidèles canadiens français, on ne saurait à cette époque organiser une soirée dansante sans l’assentiment du curé. On l’y invite d’ailleurs. Quelques indices, on l’a vu, laissent penser que dans les grandes villes en ce même temps, s’amorcent d’autres courants culturels.

La pratique de loisirs en 2010 s’est affranchie des normes rigides dictées par la religion et de ses lectures sanctifiées. Un fait demeure, sous un jour nouveau toutefois, la famille est toujours centrale dans l’organisation des loisirs. À l’exception de la première communion, l’on remarquera que les loisirs du temps de l’habitant de Saint-Justin gravitaient autour des activités des adultes : la danse, le p’tit boire. Une toute nouvelle approche structure les loisirs de la famille en 2010. Le temps est centré sur les activités des enfants : les congés scolaires, les activités adaptées à l’âge des enfants, etc. Dans cet ordre d’idée, la famille Belhumeur choisit des types de cultures maraîchères qui leur permettront de passer du temps de qualité avec leurs enfants durant les congés scolaires de l’été. Ils vont faire du camping en famille, de la randonnée sur la piste cyclable et ils aiment bien aller à la bibliothèque. Dans le discours, les enfants sont toujours présents. À la question sur les activités disponibles dans la municipalité, spontanément, le discours se dirige vers les enfants : … les activités, on est quand même bien servi là. Les enfants, ils ont droit à une activité (…) Vous choisissez : c’est la piscine, la gymnastique ou le patin. Puis l’été, bien on va au camping… Lors des entretiens de la recherche-action, le même discours a été entendu à plusieurs reprises.

4.5 Phases d’existence – l’historique