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3 Chapitre trois : Méthode

3.2 Enquête contemporaine Chaudière-Appalaches (E2)

3.2.2 Grille d’entretien (E2)

L’entretien compréhensif de Jean-Claude Kauffman (2007b), dans lequel l’enquêteur s’engage activement dans les questions pour provoquer l’engagement de l’enquêté, a servi de modèle pour la planification et la tenue des entretiens auprès des 32 familles dont le cas sélectionné est extrait. L’entretien compréhensif a fait appel à une variété de méthodes qui peuvent être ramenées à deux dominantes : la compréhension et la mesure. Selon Gotman cité dans Kauffman (2007b : 18), dans le premier cas l’entretien est un « support d’exploration »; dans le second, une « technique de recueil d’information ». Nous avons utilisé l’entretien support d’exploration en tant qu’instrument souple qui nous a permis de découvrir une richesse de matériau propre à poursuivre la démarche.

Le premier outil utilisé sur le terrain a été la fiche signalétique qui a servi de base pour la sélection des candidats. Cette fiche a été utilisée lors du premier contact avec le répondant potentiel pour assurer la représentativité des répondants selon divers critères préétablis : localité de résidence, âge, sexe, situation d’emploi, revenu familial et langue maternelle.

Une controverse existe en sciences sociales en ce qui concerne l’entrevue semi- dirigée ou sa version compréhensive. Certains chercheurs croient que l’entrevue ne peut- être que de nature non directive ou directive, parce dès que l’on pose une question ça implique nécessairement une orientation. Pour éviter cet écueil, la grille d’entretien propose

d’amorcer chacun des thèmes par l’énoncé « Parlez-moi de… ». Cette amorce laisse le champ libre à l’enquêté de lancer son intervention par le volet de la réponse qu’il veut.

Dans la partie gauche de la grille d’entrevue47 le grand thème qui amorcera le « Parlez-moi de… » est inscrit. Dans la partie droite se détaillent les informations que nous voulons recueillir. Nous laissons la personne parler tout en gardant en tête les informations à recueillir, celles qui se trouvent dans la section de droite de la grille. Il ne s’agit pas ici de diriger chaque intervention du répondant avec une question précise, mais bien de lui ouvrir une porte et de lui laisser le choix de la direction à prendre par la suite. Ce n’est pas totalement absent de direction non plus, parce qu’en ayant en tête les informations que nous devons recueillir, il est possible de relancer et de modifier la direction. La grille a été construite à partir du cadre théorique et des concepts de la revue de littérature préalablement montée, il est important d’ajouter que cette grille est un « guide » souple. Kauffman (2007b) recommande quatre grandes dimensions et plusieurs sous dimensions. Notre grille comporte six dimensions pour couvrir adéquatement le vaste champ de la recherche. Afin de créer une dynamique relationnelle intéressante et d’être capables de rebondir facilement, nous avons bien maîtrisé le contenu de la grille au préalable. Il était important d’adapter les échanges selon la personne qui était devant nous, par exemple, ne pas parler de la proximité des parents à une personne de 90 ans. La grille a été testée avant de nous présenter en entrevue.

Au début de chaque entretien, les modalités de la rencontre ont été présentées : la durée, la confidentialité, le consentement, l’enregistrement, etc. Nous avons veillé à formuler les questions dans un langage commun, non sociologique, afin d’éviter les problèmes d’interprétation chez l’interviewé. Nous avons rencontré le responsable d’Alphare48, un organisme d’alphabétisation de la région, avec la grille pour qu’il relève tout jargon de sociologue ou mots qui pourrait porter à confusion pour des personnes qui n’ont pas un niveau universitaire. Lors des entretiens, nous avons opté pour un style de conversation courant, sans toutefois nous laisser aller à une vraie conversation. Tout

47 Jointe au rapport de la recherche-action en annexe E 48http://alphare.alphabetisation.ca

comme nous l’avons souligné sur la première page de notre grille d’entretien, « la meilleure question n’est pas dans la grille, elle se trouve dans ce que l’interviewé vient de dire. »

Le genre d’amorce ouverte (Parlez-moi de …) rompt le rapport hiérarchique de la question / réponse. Comme la recherche portait sur la famille, souvent les entretiens se faisaient auprès du couple. Nous avons noté qu’à ce moment, l’entretien restait plus factuel, moins en profondeur, moins d’émotions. Une expérience difficile a été celle d’une entrevue avec une personne sourde par l’entremise d’une traductrice par signes. À ce point de l’enquête, même si nous maîtrisions bien notre grille d’entrevue, nous avons perdu le rythme et les repères qui nous venaient habituellement si facilement. Nous ne sentions plus ce que cette personne nous disait. Nous recevions le discours en décalage du ton de la voix, des gesticulations, des soupirs, des rires. C’est dire à quel point le langage corporel fait partie de la communication relationnelle.

Les entretiens étaient enregistrés pour en faciliter la retranscription et repérer des éléments qui auraient pu nous échapper autrement. Dès le départ, l’interviewé était avisé de la situation et lors de la mise en marche de l’appareil, son autorisation était enregistrée. Il est arrivé de recueillir des informations pertinentes à notre objet qui ont été dites en dehors de l’enregistrement. Ces informations ont été enregistrées par l’interviewer à la suite de l’enregistrement le plus tôt possible.