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Chapitre 4 : Résultats de l’analyse

4.1 Quelques thèmes récurrents

4.2.4 Des moyens pour contrer d’éventuels effets négatifs de la concentration

Les avis divergent profondément sur l’efficacité de différents moyens et structures qui existent déjà pour contrer de potentiels effets négatifs de la concentration. Mentionnons ici le Conseil de presse (qui n’existait pas en 1969, mais dans lequel les organisations fondaient déjà beaucoup d’espoir) et la Loi sur la concurrence et la culture entrepreneuriale en vigueur au sein des groupes de presse.

Créé en 1973, le Conseil de presse du Québec (CPQ) comporte une structure de représentation tripartite — entreprises de presse, journalistes et représentants du public — et constitue un tribunal d’honneur chargé d’évaluer la qualité de l’information offerte à la population québécoise. Par son statut d’organisme d’autorégulation, le CPQ s’inscrit dans les principes qui animaient la doctrine de la responsabilité sociale des médias. Les auteurs des mémoires s’interrogent sur son rôle et son influence : le CPQ est-il efficace et reconnu ou inopérant et fragile? Quelle est l’utilité de cette instance contre les problèmes soulevés par la concentration de la presse?

Un organisme à adhésion volontaire (certains médias ont toujours refusé d’y adhérer), il souffre d’un sous-financement chronique et il n’a qu’un pouvoir moral sur quiconque agirait de façon contraire au droit à l’information; ces dénonciations répétées de certaines pratiques journalistiques sont toujours restées sans effet. (Devirieux, 2001 : 7)

Qualifiant le Conseil de presse de « chien de garde édenté », le Syndicat des travailleurs de l’information de La Presse souligne que Quebecor « n’a jamais participé au financement du conseil. » D’ailleurs en 2001, plusieurs organisations déplorent la fragilité financière et organisationnelle et recommandent un meilleur financement du CPQ.

Les entreprises de presse une évaluation plus positive du mandat et des réalisations du CPQ. « Les quotidiens de Gesca, qui participent aux activités du Conseil, endossent ces principes et les respectent dans leurs activités quotidiennes. » (Gesca, 2001 : 19) Des groupes de presse s’emploient plutôt à le présenter comme un organisme reconnu et respecté, tout à fait habilité à assumer sa fonction. « Le dossier Transcontinental au Conseil de presse est impeccable. » (Transcontinental, 2001 : 6)

Et quiconque — individus, institutions, organismes, gouvernements — considère son droit lésé à ce chapitre peut faire appel à un organisme québécois qui existe depuis une trentaine d’années, est respecté par le

milieu et connu dans de larges segments de la population, soit le Conseil de presse. (Transcontinental, 2001 :12)

La Loi sur la concurrence et le Bureau de la concurrence ne trouvent pas davantage grâce aux yeux des organisations qui s’inquiètent de la situation de la presse en 2001. « Il faut constater que la Loi sur la concurrence n’est pas le bon outil pour garantir la diversité dans le “marché des idées.” » (STIP, 2001 : 22) Pour Le Devoir, le problème réside dans le fait que « [l]e Bureau de la concurrence traite les entreprises de presse sans regard particulier. Jamais on n’examinera l’impact d’une transaction sur la diversité des sources d’information ». (Le Devoir, 2001 : 3)

Une fois de plus, les groupes de presse estiment au contraire que le Bureau de la concurrence suffit pour étudier les transactions dans le milieu de la presse. Dans ce cas-ci, Transcontinental ajoute que les moyens pour étudier et réguler l’industrie de la presse sont en place et qu’en créer de nouveaux représenterait un excès de réglementation.

Ce droit ne doit surtout pas servir de prétexte au gouvernement pour s’ingérer de façon abusive dans les transactions légales entre deux entreprises seulement parce qu’elles appartiennent à l’industrie des médias. Il existe déjà un organisme qui étudie de près les mouvements d’entreprises dans l’ensemble de l’économie : je parle du Bureau de la concurrence. L’excès de réglementation reviendrait rapidement à jeter le bébé avec l’eau du bain, si vous me permettez l’expression.

(Transcontinental, 2001 : 13)

L’argument de la culture entrepreneuriale des entreprises est aussi utilisé pour rassurer les parlementaires, alors que les syndicats et les organisations l’utilisent au contraire pour les inquiéter. Pour les groupes de presse, le choix de la qualité de l’information relève en tout premier lieu des propriétaires des médias et la réglementation pour la protéger est inutile. « Notre histoire démontre que même sans réglementation, une entreprise de presse du Québec peut être consciente de ses responsabilités, et les assumer pleinement, dans tous ses marchés. (Transcontinental, 2001 : 14) Même point de vue chez Quebecor :

Nous considérons qu’il existe au Québec et au Canada un nombre considérable d’organismes de réglementation de l’industrie de la communication, auxquels s’ajoutent les comités de surveillance mis sur pied volontairement par les entreprises du secteur. En conséquence, il ne nous apparaît ni opportun ni nécessaire de créer de nouvelles structures

administratives ou bureaucratiques chargées de réglementer et de surveiller les intervenants de l’industrie. (Quebecor, 2001 : 4)

Gesca estime tout autant que la réglementation est superflue. L’entreprise ajoute cependant une nuance à propos de difficultés et de comportements de concurrents dont elle ne pourrait être tenue responsable. Une nuance qui nous semble significative dans le contexte de 2001 où les transactions autour de Quebecor et leurs résultats de concentration verticale, horizontale et croisée soulèvent le plus grand nombre de questions, voire suscitent des commentaires virulents.

Pas une loi, pas un règlement ne pourraient favoriser la qualité et la diversité d’opinions dans un journal. Les mesures visant à assurer la qualité d’une publication sont tributaires de la volonté des propriétaires. Gesca a pris un engagement à l’égard de la qualité il y a 30 ans sans que rien ni personne ne l’y oblige. Dans le contexte changeant que nous avons décrit, Gesca demeure un acteur qui ne peut être tenu responsable ni des difficultés de ses concurrents ni des actions des autres. (Gesca,

2001 : 34)