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Chapitre 4 : Résultats de l’analyse

4.1 Quelques thèmes récurrents

4.1.2 Un climat général de doute pour les tenants de l’intervention publique

Les tenants d’une intervention publique expriment un fort doute sur la capacité et la volonté réelle des parlementaires québécois de s’attaquer aux problèmes de liberté et de concentration de la presse.

Nous sommes parfaitement conscients de n’avoir pas en main toutes les données du problème, de n’en pas connaître toutes les dimensions. Nous sommes au surplus convaincus que votre commission elle-même ne possède pas tous ces renseignements, qu’elle ne les recevra pas tous des organismes qu’elle entend présentement. De même que nous ne nous estimons pas en mesure de vous proposer des solutions à un problème qui nous apparaît fort complexe et inquiétant, ainsi nous ne croyons pas que vous soyez vous-mêmes, au terme de vos travaux, en mesure de le faire beaucoup mieux que ceux qui se présentent devant vous. (FTQ et CEQ,

1969 : 8)

Évoqué en 1969 et raffermi en 2001, ce doute se fonde principalement sur trois idées : l’impression que les élus ne souhaitent réellement pas s’attaquer aux problèmes étudiés; l’histoire qui démontre l’absence de suites aux commissions et études précédentes et, (dans le cas spécifique de la commission de 2001), le fait que les transactions récentes étaient exclues du mandat de la commission et des affirmations de ministres en appui à ces transactions font douter que l’exercice débouchera sur des mesures réelles.

Dès 1969, le Syndicat des journalistes de Montréal exprime un doute sur la volonté des parlementaires de contrer la concentration de la propriété de la presse au Québec. Si ce doute est

conforté parfois par des affirmations et des exemples concrets — notamment dans les mémoires de 2001 — il repose parfois sur des impressions.

[…] l’avenir ne serait pas tellement rassurant pour les journalistes

syndiqués, surtout si l’on tient compte de l’attitude adoptée à ce jour, nous semble-t-il, par votre comité : se résoudre à changer très peu de choses pour que le tout demeure comme auparavant dans le monde de l’information au Québec. (Syndicat de journalistes de Montréal, 1969 : 1)

Dans d’autres cas, les organisations s’appuient sur l’histoire récente pour exprimer leurs doutes quant à une suite concrète à la commission parlementaire devant laquelle elles se présentent. Un très grand nombre d’organisations retracent dans leur mémoire les différentes commissions et les groupes d’étude menés par les gouvernements québécois et canadien qui n’ont pas eu de suites concrètes.

Force est de constater qu’à l’égard du phénomène de la concentration de la presse, les gouvernements au Canada se sont toujours révélés impuissants et qu’ils ont accepté comme fait accompli les regroupements d’entreprises. Toujours, c’est a posteriori qu’ils réagissent, généralement sous la pression publique. […] Dans les faits, l’importante réflexion qu’a faite cette commission [la commission Kent en 1980] n’aura rien changé. Nous espérons que ce ne sera pas le cas avec les travaux de la Commission de la culture. (Le Devoir, 2001 : 3)

D’autres organisations se demandent plus explicitement si les dés ne sont pas pipés. Elles déplorent que la commission (2001) ait exclu les transactions récentes dans son mandat.

Bien que ces transactions soient considérées comme un fait accompli, leur impact n’en demeure pas moins discutable, voire inquiétant en regard du droit du public à une information pluraliste et diversifiée. Ce droit, faut-il le préciser, fait désormais partie intégrante de la liberté de la presse. (CPQ, 2001 : 2)

Certaines organisations y voient une soumission de l’État aux diktats de l’économie marchande et du pouvoir des grands propriétaires des groupes de presse.

Il est particulièrement préoccupant de constater que la logique marchande ne constitue pas seulement la ligne directrice des dirigeants d’entreprise, mais aussi celle du pouvoir politique. La meilleure illustration de cette démission est, sans nul doute, les travaux mêmes de cette commission parlementaire qui ne porteront nullement sur la transaction Quebecor-Vidéotron ou celle Gesca-Unimédia. (CSQ, 2001 :

Il semble que l’État n’ait pas jugé bon d’intervenir dans le déroulement des transactions majeures menées par Quebecor et Power Corporation. Force nous est de constater que les dirigeants des États sont de plus en plus soumis à l’autorité des marchés financiers. Nos politiciens obéissent maintenant aux impératifs de la mondialisation, laissant le pouvoir entre les mains des nouveaux maîtres du monde, ces puissants intérêts économiques transnationaux. (ALQ, 2001 : 5-6)

Des citations de ministres québécois qui ont déjà signifié que selon eux, la concentration est inévitable et que l’État ne doit pas se mêler des questions de la concentration de la propriété des entreprises de presse appuient, notamment pour la CSN, l’idée que le gouvernement québécois a déjà pris position et que la commission parlementaire (2001) n’aura pas de suites.

25 ans plus tard, le premier ministre Lucien Bouchard et le ministre des Finances Bernard Landry, loin de s’inquiéter de la chose. voient même cette transaction d’un bon œil, disant faire confiance en « l’Éthique capitaliste »… Et quand Monsieur Bouchard ajoute que le pire danger, pour la liberté de l’information, c’est que l’État s’en mêle, il fait ainsi passer l’ancien premier ministre libéral pour un dangereux gauchiste, tout en soutenant a contrario, que le monde des affaires est mieux habilité pour veiller sur l’intérêt général et le bien commun. Belle mentalité que celle-là! (CSN, 2001 : 10)