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Chapitre 4 : Résultats de l’analyse

4.5 Interprétation de l’analyse

4.5.2 Les entreprises de presse sont divisées

4.5.2.2 Les entreprises indépendantes et communautaires demandent de l’aide

Les points de vue des entreprises de presse indépendantes et communautaires sont très différents de ceux des groupes de presse. Elles sont inquiètes du déséquilibre occasionné par la concentration de la propriété (mais aussi d’autres phénomènes de concentration notamment dans la distribution et l’imprimerie) et demandent une intervention de l’État pour contribuer à

rééquilibrer les conditions du marché, fortement perturbées par la constitution de monopole et de

duopole dans différents secteurs du milieu de la presse au Québec.

Le créneau qu’occupe un journal comme Le Devoir est différent de celui des journaux comme le Journal de Montréal, La Presse ou Le Soleil. Néanmoins, nous allons ressentir les effets de la guerre que Quebecor et Gesca se livreront pour se partager le marché des lecteurs et celui des annonceurs. Il faut craindre à cet égard certaines pratiques commerciales qui seront dommageables pour le maintien de la diversité de la presse. (Le Devoir, 2001 : 11)

Pour des représentants de la presse indépendante, il en va de la survie même de médias indépendants des grands groupes de presse.

Les principaux acteurs de la presse indépendante risquent de plus en plus de perdre leur identité, leur autonomie, leur indépendance par une union à ces quelques géants médiatiques, à moins d’une oreille attentive de la part de nos élus et une aide minimale en garantie à leur survie. (La

Relève, 2001 : 1)

La situation de la presse indépendante locale et régionale retient l’attention des intervenants en faveur du soutien public à la presse indépendante.

De trop rares indépendants survivent et se battent encore sur le front de la qualité de l’information pour assurer leur survie face aux consortiums. Les groupes de presse ont tué la presse locale et régionale qui animait la vie communautaire autrefois. Ne restent plus que des cahiers d’annonces. Plusieurs membres de la députation ont pu constater la détérioration de l’information locale dans pratiquement toutes les régions du Québec.

(Recto Verso et l’aut’jourmal, 2001 : 15)

En 1969 et en 2001, pratiquement toutes les organisations — à l’exception des groupes de presse — appuient donc la revendication de mise en œuvre de mesures publiques de soutien à la presse indépendante et communautaire. Le Syndicat des travailleurs de l’information de La

pour venir en aide au Conseil de presse, en plus de financer le maintien et la création de médias à faibles revenus publicitaires. Les grandes centrales syndicales et les organisations de journalistes (FPJQ,2001 ; FNC, 2001 ; Syndicat de la rédaction du Devoir, 2001) recommandent que des mesures soient adoptées rapidement pour assurer la diversité des voix médiatiques au Québec. Tout comme les journalistes et les groupes de presse, les médias indépendants et communautaires se soucient de bien baliser l’aide publique de manière à éviter le moindre contrôle étatique sur leur contenu, mais on peut noter que leurs principales préoccupations portent sur leurs conditions économiques dans un marché de plus en plus dominé par un petit nombre de joueurs.

Certains feront valoir qu’il faut faire confiance aux forces du marché qui sanctionneront l’éditeur qui manquera à ses responsabilités sociales. Nous sommes d’avis, à la lumière de l’expérience passée, qu’il faut se méfier de ces raisonnements qui ont toujours conduit à plus de concentration. Il nous apparaît que les gouvernements doivent adopter certaines mesures pour assurer la pluralité et la diversité de la presse. Elles peuvent être réglementaires ou de soutien, ou les deux. (Le Devoir,

2001 : 13)

Dans l’élaboration de nos catégories initiales, nous avions distingué les associations d’entreprises de presse commerciales et communautaires. Cette distinction ne s’avère pas concluante à l’analyse. Les Hebdos du Canada, qui regroupent des entreprises de presse commerciales, ont participé à la commission de 1969, mais pas à celle de 2001, alors que seules les associations de médias communautaires ont présenté un mémoire à la commission de 2001. Pourtant, même si l’époque ainsi que le type d’entreprises diffèrent leurs arguments en faveur d’une aide de l’État à la presse indépendante sont semblables.

Si les États de libre entreprise ont adopté des mesures pour garantir la libre concurrence sur le marché des biens de consommation, nous ne comprenons pas pourquoi l’État n’adopterait pas des mesures en vue d’assurer cette concurrence dans un domaine aussi vital que l’information, que cette concurrence se fasse entre les moyens d’information de même genre, ou entre des moyens d’information différents. (Hebdos du Canada, 1969 : 10)

En 2001, les associations de médias communautaires appellent à une intervention publique au nom des mêmes principes. « La consolidation de ces entreprises [les radios communautaires] et la mise en place d’un financement adéquat pourraient donc constituer une des pierres de fondation

d’une politique visant à contrer les effets de la concentration de la presse au Québec. » (ARCQ, 2001 : 20)

La situation de 2001 comporte tout de même des différences, ne serait-ce que parce que les radios et les télévisions communautaires n’existaient pas encore en 1969. Nous avons écrit plus tôt qu’il fallait tenir compte du contexte particulier de la transaction Quebecor-Vidéotron et des audiences du CRTC au moment de la commission parlementaire de 2001. Les télévisions communautaires, comme les radios communautaires, relèvent en effet du gouvernement fédéral et sont soumises aux règles gérées par le CRTC. Les associations d’entreprises communautaires (télévisions et radios) se soucient de présenter leurs membres comme des contrepoids à la concentration de la presse, spécialement dans l’offre d’information locale et régionale.

La résistance à la concentration et à la mondialisation des réseaux appelle à la multiplication des efforts de diffusion de contenus locaux et régionaux. Les radiodiffuseurs communautaires du Québec constituent une réponse valable à la concentration de la presse. (ARCQ, 2001 : 3)

Même si la situation des télévisions communautaires n’est pas la même que celle des radios communautaires, les associations ont développé des solidarités qui mènent les radios à déplorer la fermeture de plusieurs télévisions communautaires. « Plusieurs régions du Québec sont ainsi très pauvres en matière d’information régionale. Récemment, la fermeture ou l’arrêt des opérations de plusieurs télévisions communautaires ont contribué à aggraver la situation. » (ARCQ, 2001 : 3) La situation des télévisions communautaires est fragilisée par la concentration de la propriété des entreprises de télédistribution et de télédiffusion. Au moment de la commission parlementaire de 2001, la transaction Quebecor-Videotron suscite de vives inquiétudes chez les artisans de la télévision communautaire.

En raison de la dérèglementation et du laxisme des autorités fédérales et provinciales à intervenir afin de garantir le pluralisme des sources d’information, c’est l’entreprise privée qui détermine la place des citoyens au sein de la télévision communautaire, qui fixe le type de contenu de la programmation communautaire et édicte comment ce contenu doit être produit. (Fédération de TVC autonomes, 2001 : 3)

Un autre argument rassemble les associations de médias communautaires : la concentration de la presse est déjà une réalité au Québec. L’État ne devrait donc pas chercher à l’empêcher, mais

plutôt à appuyer les médias qui contribuent à la diversité de la presse, surtout dans le domaine de l’information locale et régionale.

Nous souhaitons que les télévisions communautaires autonomes demeurent. Elles sont des outils de démocratisation pour les citoyens, des voix pour nos régions, des formations pour les jeunes, des emplois pour le Québec. C’est à l’ensemble du Québec d’y voir. (Télévision

communautaire du grand St-Jérôme, 2001 : 2)

Au nom des citoyens et de collectivités que ces médias desservent, les médias communautaires (radios et télévisions) demandent donc à l’État de contribuer financièrement au fonctionnement et au développement des médias membres comme des associations. Des programmes de soutien aux médias existent déjà au Québec, les associations demandent au gouvernement québécois de les bonifier.

La concentration de la presse au Québec est déjà un phénomène bien avancé. On assiste à l’uniformisation des contenus et les citoyens ont de moins en moins accès à leur monde. Ce que nous proposons au gouvernement du Québec constitue un moyen original et abordable de garantir la présence de médias locaux de qualité. (ARCQ, 2001 : 22)

Les médias indépendants et communautaires, tout comme leurs associations, demandent donc à l’État de les aider à contrer les effets de la concentration à l’aide de différentes mesures de soutien. Mais plus encore, ils demandent à l’État de rompre avec son attitude historique non interventionniste dans le milieu de la presse.

L’attitude attentiste adoptée par les gouvernements par le passé à l’égard de la concentration de la presse pouvait peut-être se justifier. […] Il faut constater qu’un seuil a désormais été franchi. Il y a un risque réel que la qualité, la diversité et la circulation de l’information en soient lourdement affectées à moyen terme. (Le Devoir, 2001 : 13)