• Aucun résultat trouvé

« Hollywood dreams of Hollyworld ». Par ces mots, l’auteur Kerry Segrave semble résumer son ouvrage277 et une certaine approche du cinéma américain. Comme Upton

Sinclair avant lui (« Grâce au cinéma, le monde s’unifie, c’est-à-dire qu’il s’américanise »278), les

années 1990 semblent américaines. Si au début de son mandat Bill Clinton est un « shérif réticent »279, le cinéma américain ne l’est pas.

                                                                                                               

Fugue (1975). Voir TULARD J., Dictionnaire du cinéma. Tome I : Les Réalisateurs, Robert Laffont, 2007, p.745.

Réalisateur inclassable (westerns, policiers), ses films sont néanmoins parcourus par la même Idée : la démystification du « Rêve américain », notamment dans son chef d’œuvre Little Big Man (1970), où il

« déboulonne la figure patriotique du tueur d’indiens George Armstrong Custer (qui verra son image de héros à jamais ternie) ». VIVIANI C., « Hommage à Arthur Penn », Positif, n°598, décembre 2010

274 Cité dans BENEZET E. & COURMONT B., Hollywood-Washington. Comment l’Amérique fait son cinéma,

op.cit., p.91

275 Expression d’Hubert Védrine dans Face à l’hyperpuissance, Fayard, 2003

276 « C’est (…) parce qu’il est vu dans le monde entier que le cinéma d’Hollywood a des moyens et c’est aussi parce qu’il a des

moyens, qu’il est vu dans le monde entier. » MITTERRAND F., « Analyse géopolitique du cinéma comme outil de soft power des États », Géoéconomie, n°58, 2011/3, pp.9-15 ; « By driving the cost of a film higher and higher, Hollywood made it impossible for anyone to compete on that level. Toward the end of the 1980s, the negative cost for an average film from one of the majors stood around $20 million. Added to that were $10 million or so for advertising and distribution cost. » SEGRAVE K., American Films Abroad: Hollywood’s Domination of the World’s Movie Screens from the 1890s to the Present, McFarland, 1997, pp.246-247

277 Ibid., p.236

278 Cité dans FRODON J-M., La Projection nationale : Cinéma et Nation, op.cit., p.205

279 « During his first year in office, Clinton carelessly allowed the United States to get involved in nation building in Somalia.

But when eighteen American soldiers were killed in a firefight in Mogadishu in October 1993 (famously rendered in Black

Hawk Down), he immediately pulled U.S. troops out of the country. In fact, the administration was so spooked by the fiasco

that it refused to intervene during the Rwandan genocide in the spring of 1994 (…). » MEARSHEIMER John J.,

« Imperial by design », The National Interest, n°111, January-February 2011 ; « À son entrée à la Maison Blanche,

en janvier 1993, Bill Clinton promit de cesser de se préoccuper de la politique étrangère et de se concentrer sur l’économie (…). Mais le magnétisme de l’unipolarité était fort. Lors de son second mandat, il devint exclusivement ou presque un président de politique étrangère, consacrant l’essentiel de son temps, de son énergie et de son attention à des situations comme celles du Moyen-Orient ou la crise des Balkans. (…) Tout au long des années Clinton, la puissance américaine devint plus apparente

Critère ou enjeu de puissance280, le cinéma est au cœur des négociations des accords

du GATT de 1994, qui confirment cette tendance : l’Europe protectionniste se confronte à l’Amérique libérale. En septembre 1993, l’industrie cinématographique et audiovisuelle française est au Parlement européen afin de la protéger contre la domination hollywoodienne. Ce cycle de négociations du GATT propose en effet d’appliquer les règles du commerce international aux services audiovisuels (cinéma, télévision, radio).

« La culture devrait être l’exception dans le commerce mondial… Si le cinéma est inclus dans le GATT, nous ne pouvons pas nous battre sur un pied d’égalité avec la puissance Américaine », estime Gérard Depardieu.281 Carla Hills, négociateur du GATT pour les États-Unis sous George H.

Bush, déclare alors aux réalisateurs et producteurs français : « Faites des films aussi bons que vos fromages et vous les vendrez ! »282 Le ministre de la Culture et de la Francophonie, Jacques

Toubon (qui lui rétorque que la « Culture c’est de la diversité et du pluralisme… Les règles du GATT ne sont pas compatibles avec un système culturel autonome »283) et l’ensemble de la profession

française et européenne font face aux politiques et réalisateurs américains ; le Président de la République François Mitterrand intervient et statue : « Les créations de l’esprit ne peuvent être assimilées à de simples marchandises. »284 Deux conceptions de la profession ainsi

s’affrontent : « la marchandise contre l’œuvre, l’industrie contre la culture ».285

En effet, les cinémas italien et allemand peinent à exister, de même que 93 % des films distribués en Grande-Bretagne sont des productions américaines286. La France résiste

mieux que ses voisins tant par sa production (première en Europe) que par les entrées réalisées par les films hexagonaux. Mais l’on doit cette « résistance » au système français et non au marché : de fait, les aides financières et les quotas sont au cœur des discussions avec les États-Unis. De plus, alors que l’Europe distribue 60 % de films américains, ces derniers ne diffusent que 3 % de films étrangers – mais accusent les Européens d’être                                                                                                                

280 BENEZET E. & COURMONT B., Hollywood-Washington. Comment l’Amérique fait son cinéma, op.cit. ; « At the

end of the 1980s, when the Japanese electronics giant Sony bought a Hollywood studio, Columbia Pictures, the takeover was splashed ominously on the cover of Time and Newsweek. Many Americans feared that the Japanese – the perpetrators of Pearl Harbor – were deploying their stray currency to buy the ‘’soul’’ of America. » FRASER M., Weapons of Mass Distraction: Soft Power and American Empire, Bargain Price, 2005, p.21

281 Cité dans SEGRAVE K., American Films Abroad: Hollywood’s Domination of the World’s Movie Screens from the

1890s to the Present, op.cit., p.271. Traduit par l’auteure

282 Ibid., p.272. Traduit par l’auteure 283 Ibid.

284 Discours de M. François Mitterrand, Président de la République, sur la marche vers le développement et

la démocratie, la défense de l’identité culturelle dans les négociations du GATT et la mise en œuvre de « l’entente francophone », 16 octobre 1993

285 REVEL R. & COSTE P., « Quand Hollywood se joue du Gatt », L’Express, 14 avril 1994 286 Ibid.

« protectionnistes ». Les Européens veulent défendre l’exception culturelle et non les biens culturels, les Américains se battent pour un marché qu’ils ont déjà largement conquis.287 Cette

domination financière et culturelle tend à nier la diversité des productions cinématographiques ; les histoires nationales ou individuelles s’effacent devant l’homogénéité – l’uniformité – américaine.288 « Faut-il penser un monde où il n’y aurait qu’une

seule image ? », s’inquiète à juste titre le réalisateur Alain Corneau.289

Si l’idée d’hégémonie est présente ou acquise, une déclaration comme celle d’Arthur Cohen, alors président du marketing international chez Paramount, est particulièrement révélatrice : « L’américanisation du monde n’est pas près de s’arrêter ».290

« L’illustration la plus fréquemment citée du soft power des États- Unis est celle de l’impact des valeurs, des modes de consommation, de la culture populaire et des stéréotypes qui y sont fabriqués, et irriguent le monde par les films, par les séries télévisées, par l’information – déversées à jet continu dans le monde entier. »291

La mondialisation – « mot-clef des années 1990 »292 – se retrouve dans la production de

films, et principalement dans les films d’action. L’industrie cinématographique étant la                                                                                                                

287 Deux conceptions différentes que l’on retrouve dans les négociations pour le Traité de libre-échange

transatlantique (The Transatlantic Trade and Investment Partnership) en 2013. Voir RICARD P., « Paris impose l’exception culturelle à Bruxelles », Le Monde, 15 juin 2013 ; « TTIP and Culture », European Commission, 16 juillet 2014 : http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2014/july/tradoc_152670.pdf

288 « (…) l’industrie cinématographique américaine réalise un taux de pénétration qui varie entre 65 et 85 % sur le marché

européen, et excède la moitié dans le reste du monde, à l’exception de l’Inde. Quant à la production audio-visuelle dans son ensemble, la domination américaine est encore plus massive, probablement entre 80 et 90 %. (…) Cette hégémonie a nourrie et continue de nourrir un courant continu de contestation, qui s’est exprimé sous différentes formes. (…) Désormais, c’est derrière la bannière de la ‘’diversité culturelle’’ que s’organise la résistance aux pressions visant à soumettre les productions de l’industrie audiovisuelle au droit commune des échanges commerciaux [La « Convention sur la protection et la

promotion de la diversité des expressions cultuelles » a été adoptée le 20 octobre 2005 à l’UNESCO]. » BUHLER P., La Puissance au XXe siècle. Les nouvelles définitions du monde, CNRS Éditions, 2011, pp.289-290

289 Déclaration faite en présence de plusieurs personnalités du cinéma et du ministre de la Communication

Alain Carignon au Parlement de Strasbourg. Journal télévisé de France 2, 16 septembre 1993

290 The Wall Street Journal, 26 mars 1993. Cité dans MINGANT N., Hollywood à la conquête du monde : Marchés,

stratégies, influences, CNRS Éditions, 2010, p.222 ; « It is in the interests of the United States to ensure that if the world is moving toward a common language, it be English. If the world is moving toward common telecommunications, safety, and quality standards, they be American; that if the world is becoming linked by television, radio, and music, the programming be American; and that if common values are being developed, they be values with which Americans are comfortable. These are not simple idle aspirations. English is linking the world. American information technologies and services are at the cutting edge of those that are enabling globalization. Access to the largest economy in the world is the primary carrot leading other nations to open their markets. Indeed, just as the United States is the world’s sole remaining military superpower, so is it the world’s only information superpower. » ROTHKOP D., « In Praise of Cultural Imperialism? », Foreign Policy, 22 juin 1997

291 « Dans quelle mesure la masse de ces ‘’signes’’ qui irriguent la planète sert-elle véritablement les intérêts, la politique, la

stratégie du gouvernement américain, en ‘’façonnant ce que les autres désirent’’ ? Non seulement cette immense machinerie produit des images et des représentations davantage formatées par le marché que par les priorités politiques du moment. Mais surtout elles déclenchent des réactions de rejet autant que de sympathie. » BUHLER P., La Puissance au XXIe siècle. Les nouvelles définitions du monde, op.cit., p.273

deuxième source de revenus du commerce extérieur après l’aéronautique293, le cinéma est un

paramètre majeur de l’hégémonie américaine.294

À l’instar du cinéma reaganien, Hollywood s’empare de la présidence de Bill Clinton, d’autant que « l’image cinématographique » du Président et sa relation avec Hollywood sont excellentes, au point que la capitale est rebaptisée « East Hollywood » pendant sa présidence.295 Ainsi, en 1997 et 1998, deux films évoquent des épisodes difficiles de la

présidence de Bill Clinton.

Des hommes d’influence (Wag the Dog) de Barry Levinson, raconte l’histoire d’un candidat à l’élection présidentielle éclaboussé par un scandale sexuel. Son équipe de conseillers en communication décide alors de détourner l’attention de l’opinion publique en « fabricant » une guerre en Albanie, faisant appel à un producteur hollywoodien, qui va jusqu’à tourner des scènes (en studio) d’une jeune mère fuyant les bombardements. À l’image de Bill Clinton qui lance une opération contre Saddam Hussein au moment où celui-ci est accusé de « mauvaises conduites sexuelles » (sexual misbehavior) avec Paula Jones et Monica Lewinsky, le film atteste de l’efficacité (et de la véracité) de ce genre de diversion. Quatre jours après avoir reconnu devant l’Amérique sa relation avec Monica Lewinsky, Bill Clinton lance des frappes contre des camps terroristes au Soudan et en Afghanistan ; quelques mois plus tard, alors qu’il fait face à une possible destitution (impeachment), il lance des frappes aériennes contre l’Irak. S’agit-il d’une coïncidence ou était-ce encore un effort de la part des conseillers du président pour détourner l’attention de ses accusations ?296 En

                                                                                                               

293 PANCRACIO J-P., « Les États-Unis ou l’invention d’une puissance planétaire (1776-1919) », CREC

Saint-Cyr, 2004

294 Sous cet angle, nous pouvons considérer les États-Unis comme un « Empire sans frontières et sans

souveraineté, invisible et omniprésent ». ARON R., République impériale. Les États-Unis dans le monde : 1945-1972,

Calmann-Lévy, 1973, p.283 ; « Dans ce contexte, le National Research Group, un institut d’études créé en 1978, devient

une pièce maîtresse de l’industrie hollywoodienne. Il vend à ses clients deux prestations : la première consiste en des sondages et études d’opinion sur les films à venir, permettent de définir le niveau de notoriété d’un film annoncé, et son attrait pour les différents groupes démographiques et sociologiques (selon des critères de sexe, âge, couleur et revenu). Chaque studio peut ainsi évaluer le potentiel de ses films à venir sur leurs cibles. La règle officieuse veut que si, à la même date de sortie prévisionnelle, deux films visent la même cible (par exemple les adolescentes blanches de 15 à 25 ans), le film ayant le moins bon score mesuré par le NRG voit sa sortie reportée par son studio. » DEHÉE Y., « L’argent d’Hollywood », Le Temps des médias, n°6, 1/2006, pp.129-142

295 « Cela ne fut pas sans conséquence. Ainsi, un groupe de pression républicain força la chaîne CBS à renoncer à la diffusion

de la série The Reagans en novembre 2003, car l’acteur principal et interprète de Ronald Reagan, James Brolin, était marié à Barbara Streisand, elle-même proche de Bill Clinton et démocrate militante ». BENEZET E. & COURMONT B., Hollywood-Washington. Comment l’Amérique fait son cinéma, op.cit., pp.80-81 ; « In the 1990s you had a definitive cinematic presidential image with Bill Clinton – very much attracted to the traditional Hollywood leading man role, in some ways fulfilling it in his presidency. » MORELLA M., « Hollywood at the White House », US News and World Report, 8 novembre 2012

296 GIGLIO E., Here’s Looking at You: Hollywood, Film & Politics, Peter Lang Publishing Inc., 4e édition, 2014.

ce sens, « le cinéma permettrait (…) de configurer les représentations dans l’opinion publique de manière particulièrement efficace, spécialement lorsqu’il s’agit de conflits dans des régions par ailleurs peu connues ».297 Sur ce point, si Les Rois du désert (Three Kings) de David O. Russell (1999) qui

parle de la guerre du Golfe est une fiction, Bill Cliton confia au réalisateur – après sa projection à la Maison Blanche – que le film avait « confirmé » les rapports du Pentagone sur l’Irak. « If so, art had informed a président. »298

En 1996, le roman Primary Colors: A Novel of Politics raconte la campagne présidentielle de Bill Clinton de 1992. L’adaptation cinématographique est réalisée par Mike Nichols et sort en 1998 sous le titre Primary Colors, au moment de l’affaire Lewinsky. Le film raconte la campagne présidentielle d’un gouverneur démocrate du Sud des États-Unis (qui ressemble à Bill Clinton, lui-même élu de l’Arkansas)299 qui se voit accusé d’abus

sexuels.

Mais ce sont surtout les films d’action à gros budgets qui marquent la décennie. Sortis à l’aube des années 2000, le recours à la force est non seulement omniprésent, mais est représenté comme légitime : « après tout, il est pratique courante à Hollywood de supposer que les étrangers ne comptent pas, que les ennemis de l’Amérique sont implacablement mauvais, et que la puissance des États-Unis est par définition altruiste et bonne. »300 Sous cet angle, le « cinéma de

sécurité nationale »301 – vu ici comme un miroir de la « nation indispensable »302 – est un

concept qui suppose que certains films reflètent « un univers mental où fusionnent l’imaginaire dramatique et la culture américaine de stratégie. (…) Pour les Américains, la guerre [et] l’armée (…) ne correspondent pas à un vécu historique, mais représentent une référence mentale ininterrompue. »303

                                                                                                               

297 CORTEN O., « Mais où est donc passée la Charte des Nations Unies ? Représentations et sous-

représentations des règles sur l’usage de la force dans les films d’action », in CORTEN O. & DUBUISSON F. (dir.), Du droit international au Cinéma, op.cit., p.122

298 EPSTEIN Edward J., The Big Picture: The New Logic Of Money And Power In Hollywood, Random House,

2005, p.301

299 De surcroît, la femme du candidat, interprétée par Emma Thompson, ressemble fortement à Hillary

Clinton

300 ALFORD M., Reel Power: Hollywood Cinema and American Supremacy, Pluto Press, 2010, p.149. Traduit par

l’auteure

301 Concept développé par Jean-Michel Valantin dans Hollywood, le Pentagone et le monde : Les trois acteurs de la

stratégie mondiale, Éditions Autrement, 2010

302 Formule de Madeleine Albright, secrétaire d’État de Bill Clinton : « (…) if we have to use force, it is because we

are America; we are the indispensable nation. We stand tall and we see further than other countries into the future ». Citée

dans MEARSHEIMER John J., « Imperial by design », op.cit.

303 VALANTIN J-M., Hollywood, le Pentagone et le monde : Les trois acteurs de la stratégie mondiale, op.cit., pp.22-23.

Mais dans cette décennie marquée par plusieurs grosses productions hollywoodiennes mettant à l’écran la puissance américaine, Forrest Gump (Robert Zemeckis, 1994) fait figure d’exception. Ici, la seconde moitié du XXe siècle est racontée par un « simple d’esprit », qui se retrouve au cœur de plusieurs événements

La prédominance de l’Amérique sauvant le monde est particulièrement significative dans les films apocalyptiques tels que Armageddon de Michal Bay (1998), dans lequel un astéroïde « de la taille du Texas » s’apprête à frapper la Terre. La NASA fait alors appel à une équipe de forage afin de creuser un trou dans l’astéroïde et y placer une bombe avant que celui-ci ne détruise la planète. Peu avant le décollage des deux fusées, baptisées Freedom et Independence, les citoyens du monde entier écoutent religieusement le discours du président des États-Unis.304 Une accumulation d’images et de clichés, comme la représentation de la

France au moment où l’astéroïde s’apprête à la frapper : après une vue aérienne sur des enfants jouant au milieu d’un troupeau de moutons à côté du Mont Saint-Michel, nous voyons un Paris suranné sous le feu des météorites.305 Ici encore, Hollywood nous donne à

voir une humanité « unifié[e] dans une prière mondiale pour le succès des États-Unis (…) sauvé[e] [grâce à] l’individualisme héroïque américain »306, tandis que le reste du monde est dénigré.307

La première des grandes caractéristiques du cinéma américain des années 1990 est la représentation d’un monde manichéen dans lequel le héros – personnification de la nation américaine – sauve sa famille, son pays et par ricochet le monde. Et l’exemple le plus significatif de ce biais idéologique se situe dans les films où le héros est le président des États-Unis lui-même.308

                                                                                                               

Klan –, il raconte cette anecdote à une jeune femme noire qui attend le bus à côté de lui, il grandit dans l’Alabama aux côtés de sa mère. Le 11 juin 1963, il assiste au blocage de la porte d’entrée de l’Université de l’Alabama (The Stand in the Schoolhouse Door) par le Gouverneur de l’État, pour empêcher l’entrée de deux étudiants noirs. Plus tard, il est envoyé au Vietnam. Une fois démobilisé, Forrest Gump devient champion de ping-pong. Envoyé en Chine pour jouer contre l’équipe nationale, il participe ainsi à la reprise des relations diplomatiques entre les États-Unis et la Chine (ping-pong diplomacy). En outre, il est reçu à la Maison- Blanche par trois présidents, rencontre des membres du Black Panther Party, et révèle malgré lui le scandale du Watergate

304 « I address you tonight not as the président of the United States, (…) but as a citizen of humanity. »

305 D’autres séquences frôlent le racisme, notamment au début du film. Un couple de Japonais se trouve dans

un taxi à New York, lorsqu’une pluie de météorites s’abat sur la ville. Les rues ressemblent à un terrain de guerre, mais la femme se plaint au chauffeur et insiste : « I want to go shopping! »

306 VALANTIN J-M., Hollywood, le Pentagone et le monde : Les trois acteurs de la stratégie mondiale, op.cit., p.103 ;

« [Le film est] un long et ennuyeux moment spot publicitaire à la gloire de l’Amérique blanche (…) et protestante

[promouvant] un nouvel état du monde que seuls les États-Unis pourraient sauver. » BLUMENFELD S., « La fin du monde approche et seuls les États-Unis peuvent sauver la terre », Le Monde, 12 juillet 2000. Cité dans BIDAUD A-M., Hollywood et le rêve américain. Cinéma et idéologie aux États-Unis, op.cit., p.306

307 « Non-Americans are reduced to faceless stereotypes, mostly seen in large crowds. (…) Antinuclear protesters get the

Greenpeace treatment. A bumbling Russian cosmonaut (…) is presented as if somebody wanted to restart the cold war. »

Critique de MASLIN J., The New York Times, 1er juillet 1998

308 D’une façon générale, la représentation du président des États-Unis au cinéma est ancienne. Mais sa

profusion dans les années 1990 peut s’expliquer par deux événements qui ont marqués les Américains :