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L’article 17.6 du Mémorandum d’accord précise que tout appel est limité aux questions de droit indiquées dans le rapport du groupe spécial et aux interprétations du droit données par celui-ci555. Par conséquent, les questions non transcrites dans le rapport du groupe spécial et les conclusions relatives au fait ne peuvent pas être appelées556.Toutefois, la distinction entre fait et droit n’est pas toujours aisée. Dans l’affaire CE - Hormones, l’Organe d’appel a ainsi décidé que la détermination d’un fait et l’appréciation d’un évènement constituent des questions de fait; par contre le contrôle de la qualification d’un fait par le groupe spécial notamment dans le cadre d’une évaluation objective est considérée comme une question de droit, qui peut être examinée en appel, si elle est correctement soulevée.

En vertu de l’article 17.13 de Mémorandum d’accord, l’Organe d’appel a l’aptitude de « confirmer, modifier ou infirmer les constatations et les conclusions juridiques du groupe spécial ». Dans de nombreux cas, l’Organe d’appel a confirmé les conclusions juridiques du groupe spécial malgré les constatations de plusieurs erreurs de droit dans son raisonnement, à la condition qu’elles ne soient pas déterminantes et qu’elles ne menacent pas la justice et l’équité des conclusions définitives. En effet, la majorité des rapports des groupes spéciaux a subi des exigences d’infirmations ou de modification par l’Organe d’appel557

. En plus, le Mémorandum d’accord n’a aucune disposition permettant le renvoi d’une affaire, si certaines conclusions du groupe spécial sur cette affaire ont été rejetées par l’Organe d’appel, afin qu’un nouvel examen par le groupe spécial soit opéré558. Afin d’achever l’analyse juridique et aboutir à une solution équitable pour le règlement, l’Organe d’appel se permet parfois de statuer sur une question de droit même si elle n’avait pas été expressément soulevée par le groupe spécial. Néanmoins, il n’assume ce rôle que lorsque les conclusions de fait du groupe spécial l’autorisent.

L’Organe d’appel a pu, dans un seul cas, s’estimer apte à continuer l’analyse parce qu’elle est considérée comme une suite logique à la disposition étudiée559. Pourtant, cette démarche a

555

Conformément au paragraphe 6 de l’article 17 du Mémorandum d’accord, l’Organe d’appel examinera

chacune des questions soulevées.

556

Sur ce point, voir CE - Volaille, rapport de l’Organe d’appel, paragraphe, 107.

557

Brésil -Noix de coco et E.-U.-Chemisiers et blouses de laine.

558

CANAL - FORGUES (E.), Le règlement des différends à l’OMC, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 82.

559

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connu des limites surtout dans l’affaire Amiante où l’Organe d’appel a renversé la conclusion du groupe spécial qui prévoit que l’Accord sur les obstacles techniques au commerce (OTC) n’était pas applicable en l’espèce ; toutefois l’organe ne s’est pas contenté de l’analyse, mais il examiné l’ensemble du fondement de cet accord560

. Pour mieux clarifier sa décision, l’Organe d’appel a mentionné le manque flagrant du contrôle opéré par le groupe spécial et plus gravement a soulevé le fait que cet accord n’ait jamais été appliqué par aucun groupe spécial auparavant561. En conséquence, cet argument prouve qu’un examen d’un accord entièrement nouveau durant l’appel implique nécessairement de priver les parties du bénéfice d’un tel examen en première instance, et par la suite, de la possibilité de faire appel. L’argument est général et justifié ; une raison de plus pour comprendre l’embarras de l’Organe d’appel confronté à une telle hypothèse.

En réalité, le litige s’est terminé par une solution concrète, puisque l’Organe d’appel a ensuite examiné les deux autres moyens d’appels fondés sur les articles III et XX du GATT. Même si les conclusions du groupe spécial sur l’Article III ont été renversées, il a évidemment confirmé le caractère justifié des mesures au titre de l’Article XX. L’Organe d’appel vient donc de légitimer la mesure, sans parler des fondements et dispositions de l’accord OTC. Ce cas d’espèce témoigne de la complexité de cette procédure due à l’inexistence de renvoi dans le système de règlement des différends de l’OMC562

.

Même si la question du renvoi est prioritaire, elle reste un sujet traité insuffisamment dans les débats relatifs à la réforme du Mémorandum d’accord. Ce moyen mériterait une réflexion approfondie afin de s’assurer que le mécanisme de règlement des différends est toujours capable d’apporter une solution adéquate aux litiges. À ce jour, l’Organe d’appel est parvenu à maintenir un certain équilibre entre la continuité de l’analyse et le respect nécessaire du domaine réservé du groupe spécial, mais cet équilibre pourra changer dans le futur.

Les parties au litige possèdent seules le droit de faire une demande en appel, y compris la partie qui a gagné devant le groupe spécial. Dans l’affaire États-Unis - Chemisiers et blouses, l’Inde qui avait eu gain de cause en première instance a fait appel concernant trois questions de principe. Au contraire, les tierces parties et les autres Membres de l’OMC ne peuvent pas jouir de ce droit d’appel sauf exceptions particulières. Cette intervention conditionnelle amène l’Organe d’appel à mieux appréhender l’affaire.

560

CE-Amiante, paragraphes 81 à 83 du rapport de l’Organe d’appel.

561

CANAL-FORGUES (E.), Le règlement des différends à l’OMC, Bruxelles, Bruylant, 2003, p. 80.

562

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L’appel, nous le rappelons, est possible depuis le jour de la distribution du rapport du groupe spécial mais impérativement avant l’adoption du rapport par l’ORD qui doit avoir lieu dans les soixante jours. Des soupçons d’erreurs dans les questions de droit mentionnées dans le rapport du groupe spécial et dans ses interprétations peuvent être intégrés dans la déclaration d’appel563

. Cependant, toutes les allégations d’erreurs non intégrées dans la déclaration d’appel ne peuvent pas être examinées. Une autre partie au litige absente dans le procès initial peut, dans les 15 jours après la date de dépôt de la déclaration d’appel auprès du secrétariat de l’Organe d’appel, en faire partie ou présenter un appel sur la base d’autres éléments erronés concernant les questions de droit couvertes par le rapport du groupe spécial et ses interprétations du droit564. En vérité, cette procédure d’appel croisé est courante.

La procédure en appel est assez encadrée ; en effet, des règles et des principes organisent l’intervention des parties et clarifient les délais imposés à l’Organe d’appel. D’abord, les parties au différend peuvent dans un délai de 25 jours répondre aux allégations formulées dans la communication de la partie appelante. La communication de la partie au différend doit contenir un exposé précis des motifs de l’opposition aux allégations spécifiques d’erreurs soutenues par l’appelante. Les parties tierces peuvent également dans le même délai déposer une communication écrite mentionnant leur intervention dans la procédure d’appel.

La section de l’Organe d’appel responsable de l’affaire tient ensuite une audience à 30 jours après la date de dépôt de la déclaration d’appel dans laquelle les participants présentent oralement leurs arguments et répondent à toutes les questions juridiques. Cette rencontre dure en général un ou deux jours, voire trois comme cela fut le cas dans l’affaire Bananes.

Les communications présentées par les parties sont en principe écrites et confidentielles ; toutefois, rien n’empêche un intervenant de communiquer au public ses propres positions. En réalité, presque toute la procédure est confidentielle et secrète ; ainsi, les travaux de délibérations, les rapports et les renseignements fournis ou récoltés au sein de l’Organe d’appel sont secrets. De même, pour des raisons de neutralité et d’impartialité, il est interdit à un membre de la section d’être en contact avec l’une des parties participantes sans déclaration préalable. La règle 3 des procédures d’appel exige que les membres doivent se forcer à trouver un consensus ou une majorité qualifiée ; toutefois ils doivent rester anonymes sur leurs prises de position dans les rapports.

563

Règle 20(2) (d) des Procédures d’appel.

564

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Le processus d’appel doit s’achever dans un délai de 60 jours, qui est la durée maximale. Si l’Organe d’appel n’arrive pas à respecter cette exigence, il doit informer l’ORD des raisons de ce retard et lui indiquer le délai nécessaire pour accomplir sa mission. Dans tous les cas, la procédure ne devra jamais dépasser les 90 jours565, ce qui assez peu compte tenu de l’importance des enjeux économiques en question. Dans quelques affaires, l’Organe d’appel a été obligé de dépasser le délai prévu, comme c’est le cas de l’affaire CE – Bananes dans laquelle il a informé l’ORD qu’ « il ne serait pas en mesure de distribuer son rapport dans les délais impartis en raison de la nature exceptionnelle de cette affaire et du temps nécessaire pour la traduction ». Enfin, le rapport doit être accepté sans condition par les parties et adopté par l’ORD à moins que celui-ci n’en décide autrement par consensus566

.

La phase d’appel couronne les espoirs attendus des pères fondateurs à voir un système de règlement des différends plus complet et plus équitable. Toutefois, des faiblesses demeurent toujours, en quête de solutions pratiques.

Après avoir parlé du rôle important des panelistes et des juges et des conditions de leur travail et nominations au sein de l’OMC, nous allons nous pencher sur les différents aspects de l’arbitrage et les recours multiples à ce mode de règlements des différends à plusieurs stades et époques (Section II).

Section II - Le statut des arbitres participants au

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