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Le débat sur les relations entre OMC et ONG s’est accéléré au cours des dernières années211. Celui-ci « a reçu une attention significative lors des premières tentatives infructueuses de créer l’Organisation Internationale du Commerce (OIC) »212

.

Sous l’influence des États-Unis, le Comité exécutif de la Commission intérimaire pour l’OIC s’est référé au paragraphe 87(2) de la Charte de La Havane disposant que :

« l’Organisation pourra conclure les arrangements propres à faciliter les consultations et la coopération avec les organisations non gouvernementales intéressées à des questions relevant de la présente Charte »213.Ainsi, le projet de Charte pour l’OIC, article 71 paragraphe 3, dépasse les dispositions de l’article 71 de la Charte des Nations Unies lorsqu’il prévoit, en plus de la consultation, une coopération plus effective entre l’OIC et les ONG214. En fait, les États-Unis étaient les premiers qui ont proposé l’article visant à établir des relations avec les ONG. Eux-mêmes avaient une politique de longue date de la consultation avec les acteurs

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ROSA (P. B.), « Non-Governmental Organizations and the World Trade Organization: The Good Side and the Bad Side », Nouveau Monde, vol. 14, 2004, pp. 65-66.

211

HOUGET (J. W.), « La Participation des ONG au Mécanisme de Règlement des différends de L’OMC: Une Perspective Environnementale », Revue Québécoise de Droit International, Vol. 18, n°2, 2005, p.137.

212

MARCEAU (G.), Pedersen (P.), « 1999, Is the WTO Open and Transparent? A Discussion of the Relationship of the WTO with Non-governmental Organisations and Civil Society's Claims for more Transparency and Public Participation», Journal of World Trade, vol. 33, n°1, p. 8.

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OMC, Commission intérimaire de l’Organisation internationale du commerce, Charte de La Havane instituant une organisation internationale du commerce (1948) à la p. 91, en ligne : OMC

<http://www.wto.org/french/docs_f/legal_f/havana_f.pdf>.

214

KIEFFER (B.), L’organisation mondiale du commerce et l’évolution du Droit international public, sous dir. PETIT (Y.), Univ. Robert Schuman; Strasbourg III, soutenu le 13 juillet 2006, p. 181.

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privés et des ONG avant de conclure des accords commerciaux, en vertu de l'Accord réciproque des échanges de 1934215.

De plus, le secrétariat de la Commission intérimaire avait prévu une note servant à la concrétisation et la réalisation de ces arrangements. Ce document souhaitait inviter les ONG en tant qu’observateurs aux conférences de l’OIC. Ces ONG devaient aussi disposer du droit de proposer l’ajout de certains sujets à l’ordre du jour, et en cas d’accord, le droit de discuter devant la conférence. De même, le secrétariat recommandait la création des comités consultatifs composés de représentants d’ONG. Ces recommandations n’ont jamais pu être transposées en raison de l’hostilité de nombreux États et de l’échec de l’aboutissement de l’OIC216

.

Par ailleurs, les évolutions politiques et économiques internationales exigeaient que l’OIC profite des connaissances et de l’expertise conférée par les ONG. Paradoxalement, les États n’avaient pas la motivation suffisante pour réaliser les objectifs attendus. Par ailleurs- le copiage du système onusien n’était pas évident. En effet, les procédures du modèle ECOSOC217 de 1946 étaient considérées effectivement comme trop rigides et peu utiles, car déterminer les différentes catégories d’ONG aurait éliminé la flexibilité des consultations

ad hoc et aurait soulevé la question vaine du classement des différentes ONG218.

En fait, l’article 71, paragraphe 3, du projet de Charte de l’OIC fut discuté dans le comité préparatoire de Londres. À la deuxième réunion du comité, le délégué de la Chine a demandé au délégué des États-Unis d’expliquer ce que l’on peut entendre par les termes utilisés dans la charte suggérant la possibilité pour les ONG d’entreprendre des tâches spécifiques pour le compte l’OIC. M. Kellogg219

des États-Unis a répondu qu’à défaut d’une interprétation formelle, ledit paragraphe peut être entendu comme faisant référence à la possibilité de demander des études220 aux ONG. Celles-ci possèdent les équipes de recherche et les installations qui peuvent être utiles pour le travail de l’OIC.

215

Reciprocal Trade Agreements Act of 1934

216

KIEFFER (B.), op. cit., p. 182.

217

Le Conseil économique et social (ECOSOC) est l’Organe Principal de Coordination des activités économiques et sociales des Nations unies.

218

MARCEAU (G.), Pedersen (P.), « 1999, Is the WTO Open and Transparent? A Discussion of the Relationship of the WTO with Non-governmental Organisations and Civil Society's Claims for more

Transparency and Public Participation», Journal of World Trade, vol.33, n°1, pp. 9-10.

219

M. Edmund H. Kellogg, conseiller spécial sur les affaires des organisations internationales au département d’État et conseiller de la délégation des États-Unis à la première session du comité préparatoire.

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Aucune autre discussion n’a eu lieu sur le paragraphe 3 de l'article 71. C’était pendant un sous-comité ad hoc où il était demandé d’approuver le paragraphe sans modification. Le comité a accepté la demande221, de sorte que le projet de Londres est donc apparu comme suit: « l'Organisation pourra conclure les arrangements propres à faciliter les consultations et la coopération avec les organisations non gouvernementales intéressées à des questions relevant de sa compétence et peut les inviter à réaliser certaines missions »222.

Plusieurs modifications à l’article 71 ont eu lieu. En raison de l’ajout de nouveaux articles, l’article 71 est devenu 81 et puis 84 avant de devenir finalement l’article 87 de la Charte de la Havane lors de conférences des Nations Unies. Egalement, le paragraphe 3 est devenu paragraphe 2 qui est apparu comme suit : « l'Organisation peut prendre toutes dispositions utiles pour la consultation et la coopération avec les ONG s'occupent de questions relevant du champ d'application de la présente charte »223.

Il est important de noter que les ONG ont joué un rôle substantiel à la conférence des Nations Unies à Havane, elles ont pris part au débat général. En outre, il a été décidé dès le début que les documents soumis par les ONG seraient distribués en tant que documents de la conférence, et que ses points de vue pourraient être parrainés par une délégation224. En outre, il a été généralement entendu que les ONG peuvent être sollicitées afin d'effectuer des études ou de donner des conseils à l’OIC sur des questions relevant de leur compétence, ce qui peut être considéré comme un précédent important.

La CIOIC, Commission Intérimaire de l'Organisation Internationale du Commerce, fut créée en 1948 par une résolution adoptée à la Conférence des Nations Unies sur le commerce et l'emploi à La Havane afin d’exercer des fonctions spécifiques en attendant l'établissement de l'Organisation Internationale du Commerce. Les termes de la résolution ont doté l’CIOIC de la personnalité juridique et d’une structure organisationnelle et d’un nombre d’avantages, de privilèges et d’immunités.

La commission intérimaire et son comité exécutif étaient assistés par un secrétariat. Son secrétaire exécutif a été Eric Wyndham White et le Secrétaire exécutif adjoint a été Julion

221

UN doc. E/PC/T/C.V/PV/4 (1946), at 17.

222

CHARNOVITZ (S.), WICKHAM (J.), « Non-Governmental Organizations and the Original International Trade Regime», Journal of World Trade, vol. 29, n° 5, 1995, p. 114.

223

CHARNOVITZ (S.), WICKHAM (J.), « Non-Governmental Organizations and the Original International Trade Regime», op. cit., p. 114.

224

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Lacarte. Le secrétariat de l’CIOIC a progressivement infiltré le secrétariat du GATT225 . M. White a suggéré que la conférence de l’OIC adopte une liste des ONG consultantes qui recevraient des invitations à envoyer des observateurs aux conférences de l’OIC. Ces ONG auraient le droit de recevoir les documentations des conférences et aussi le droit de proposer des sujets pour le programme de la conférence.

En mars 1949, le secrétariat de la CIOIC a préparé un projet de rapport proposé au nom de la Commission à la première conférence de l’organisation internationale du commerce. Ce rapport a proposé notamment des recommandations finales pour la relation de l’OIC avec les ONG. Les recommandations indiquaient que l’OIC visait à tirer pleinement parti des connaissances et de l’expérience des ONG226

.

Non seulement les ONG seraient en mesure d'assister aux séances de la conférence, mais il été également proposé qu'elles soient en mesure de soumettre des questions ou des suggestions aux conférences et qu'elles recevaient toutes documentations nécessaires pour la consultation efficace. Enfin, les documents soumis par les ONG seraient référencés dans une liste des communications reçues par les ONG consultatives. Il est intéressant de noter que la CIOIC est resté opérationnelle tout au long de l'histoire du GATT comme l'expression institutionnelle de l'accord du GATT et n’a cessé d’exister qu'à la fin de l’année 1994.

Evidemment, aucune procédure formelle pour des interactions entre l’OIC et les ONG n’a pu être constituée, et on a gardé toujours le principe des consultations non officielles. Ces éléments démontrent, même si l’OIC n’ait jamais vu le jour, que « dès le tout début, l’importance des ONG comme fournisseurs de connaissances et d’expérience a été prise en considération»227. Malheureusement, l’échec institutionnel de l’OIC a suspendu la notion de la participation des ONG pendant plus de quatre décennies ; compte tenu de l’insécurité institutionnelle, le GATT n’a pris, malheureusement, aucune mesure afin de développer les liens avec les ONG (B).

225

CHARNOVITZ (S.),WICKHAM (J.), op. cit., p. 117.

226

Interim Commission for the International Trade Organization ,EC.2/SR.8, septembre 1948, at. 2.

227

MARCEAU (G.), Pedersen (P.), « 1999, Is the WTO Open and Transparent? A Discussion of the Relationship of the WTO with Non-governmental Organizations and Civil Society's Claims for more Transparency and Public Participation», op. cit., p. 10.

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