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Les questions préjudicielles contenant des observations formulées par les États, les institutions, les operateurs privés parties (qui ont provoqués la question), peuvent s’ajouter aux moyens de l’article 40 du Statut de la Cour qui offre une autre voie d’intervention160

. En effet, ce texte permet également l’intervention, dans le cadre de la procédure des recours directs, de toute personne privée, des États membres, des institutions des Communautés, selon des conditions souples pour les États et les institutions (plein droit), et à l’opposé plus rigides pour les opérateurs privés qui doivent démontrer un intérêt juridique pour rejoindre le procès. Désormais, ces nouveaux intervenants acquièrent le statut de partie, ce qui est différent par rapport à la participation dans le cadre de l’amicus curiae161

. Cette tendance doit être amplifiée car la définition de l’intérêt capable de justifier leur intervention englobe l’intérêt collectif et, par conséquent, la jurisprudence doit se montrer plus favorable aux demandes d’interventions émanant des organisations de la société civile.

Depuis l’affaire Confédération nationale des producteurs de fruits et légumes, la Cour a montré une certaine souplesse à propos de l’admission des demandes d’intervention formées par les organisations de la société civile162. De ce fait, la Cour a bâti ce qu’elle appelle une

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Article 40 du statut de la Cour de justice de la communauté européenne (CJCE), « Les États membres et les institutions des Communautés peuvent intervenir aux litiges soumis à la Cour. Le même droit appartient à toute autre personne justifiant d’un intérêt à la solution d’un litige soumis à la Cour, à l’exclusion des litiges entre États membres, entre institutions des Communautés ou entre États membres, d’une part, et institutions des Communautés, d’autre part ».

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L’article 40 du Statut dispose que les personnes ne peuvent intervenir que dans les recours introduits par des particuliers à l’exclusion des litiges institutionnels, et toujours au soutien des conclusions de l’une des parties et que, contrairement aux intervenants privilégiés, elles doivent justifier d’un intérêt à la solution du litige.

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Ordonnance de la Cour du 24 octobre 1962, Confédération nationale des producteurs de fruits et légumes, Fédération nationale des producteurs de fruits, Fédération nationale des producteurs de légumes c. Conseil de la Communauté économique européenne, Aff. Jointes 16/62 et 17/62, Rec. 1962, p. 937. Ce litige était la première affaire soumise à la CJCE introduite par une organisation fondant son intérêt à agir en annulation sur l’intérêt collectif qu’elle s’était donnée pour objet de défendre. L’avocat Général justifiait l’irrecevabilité de ce recours en soulignant que si les organisations n’auront guère l’occasion d’agir directement, « leur rôle peut en revanche être important dans le domaine de l’intervention ».

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« jurisprudence relative au droit d’intervention des associations représentatives »163. Elle a distingué les demandes formulées par les groupements privés de celles formulées à titre personnel164. Un groupement qui manifeste sa volonté d’intervenir doit soumettre sa demande à la Cour et justifier de son propre intérêt quant aux conséquences de la solution du litige. Ledit intérêt est considéré comme prouvé du moment que trois conditions sont réunies : le groupement doit agir afin de défendre les intérêts collectifs de ses membres, l’intérêt doit être suffisamment représentatif d’un point de vue juridique et l’affaire dans laquelle le groupement souhaite participer doit soulever une problématique essentielle dont la solution présente un intérêt immédiat et direct pour ses membres représentés165. Par conséquent, la représentation remplace l’intérêt166

.

Par ailleurs, certains auteurs comme O. de Schultter appuient cette ouverture pratiquée par la cour en parlant même d’ « une nostalgie d’un statut d’amicus curiae que les textes ne reconnaissent pas comme tel »167, et pourquoi pas un besoin flagrant du mécanisme. Reste à savoir si le fondement des interventions associatives sur l’article 40 du Statut de la CJCE (contrairement au dépôt d’observations sur le fondement de l’article 23) accorde intelligemment la qualité de partie tout en excluant la qualification d’amicus curiae168.

À vrai dire, la position de la CJCE reste plus ou moins ambiguë, voire hésitante, car elle ne souhaite pas fermer la porte face aux tiers puisqu’elle met en place des moyens pour récolter les observations des États et des institutions des Communautés et qu’elle admet que les opérateurs interviennent dans certains affaires et sous certaines conditions. Les incertitudes qui existent sont relatives notamment à l’absence d’un mécanisme incontestable de participation des acteurs privés en qualité d’amicus curiae169. Ce rejet ressenti de la Cour

d’accorder les mêmes prérogatives aux acteurs privés est difficile à justifier. Certains éminents auteurs voient cette exclusion de l’amicus curiae des juridictions interétatiques et même des tribunaux arbitraux comme étant liée à l’incapacité juridique et matérielle des

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Formule sans cesse répétée depuis l’Ordonnance du 17 juin 1997, British Coal (National Power et PowerGen), C-151/97 p(I) et C-157/97 P(I), par. 66.

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Ordonnance du 26 juillet 1997, dans l’affaire T-201/04 R, Microsoft : « Les demandes en interventions présentées par des associations d’entreprises et celles présentées à titre individuel, notamment par des sociétés, seront examinées successivement », par. 36.

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Ordonnance du 28 septembre 1998, C-151/98 P, Pharos, SA.

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Ordonnance du 28 septembre 1998, C-151/98 P, Pharos, SA, par. 7.

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de SCHUTTER (O.), « Le tiers à l’instance devant la Cour de Justice de l’Union européenne », op. cit., p. 98.

168

« L’intervention est l’acte par lequel une personne, jusque-là tierce à l’instance, va devenir partie au procès », (PICOD F., « Cour de Justice (procédure) », Encyclopédie Dalloz Communautaire, II, avril 1992, n° 73). Si l’association représentative exerce une fonction similaire à celle de l’amicus curiae, elle n’en a pas le statut procédural.

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acteurs privés devant les premières et par la nature contractuelle impérative qui caractérise les seconds. Il semble pourtant évident de rappeler que non seulement les acteurs privés sont suffisamment aptes à ester devant la justice européenne, mais aussi que la compétence de cette dernière est obligatoire tant à l’égard des États que de leurs ressortissants170

. De plus, il est inutile de préciser que les décisions de la Cour peuvent avoir des effets importants sur les intérêts des parties au litige mais aussi sur d’autres parties. En effet, de nombreux praticiens soulèvent ce problème incitant la CJCE à manifester une ouverture significative dans cet ordre international171.

Cependant, cette ouverture devra être accompagnée par une volonté politique et une avancée législative majeure en adoptant par exemple un texte communautaire clair et non équivoque qui permettra de bien encadrer et organiser l’action de l’amicus curiae des acteurs privés. Une telle évolution provoquera une relance de la question de l’intervention des acteurs privés à l’échelle internationale et mettra fin aux hésitations de certains accords internationaux comme l’ALENA (Paragraphe II).

Paragraphe II - L’hésitation de l’ALENA quant à l’intervention privée

L’accord de l’ALENA est un exemple intéressant à examiner, car il organise un certain nombre d’échanges commerciaux au niveau de l’Amérique du nord et pose des règles assez claires pour améliorer l’intégration régionale ; toutefois, étant interétatique, il n’accorde pas une importance particulière aux opérateurs privés et se montre hésitant à reconnaitre l’intervention de ces derniers (A) sauf en matière d’investissement (B).

170

MENÉTREY (S.), op. cit., p.150.

171

HARLOW (C.), « A Community of Interests? Making the Most of European Law», Modern Law Review, 1992, vol. 55, p. 349.

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A - L’hostilité de principe de l’ALENA à l’égard

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