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Le concept de la légitimité est développé successivement durant des années. Même la légitimité de l'OMC a été remise en question. L'acceptation publique de l'autorité et des décisions qui proviennent de l'Organisation mondiale du commerce ne peut plus être prise pour acquis dans de nombreux pays.

La légitimité est un concept complexe dans le contexte de la gouvernance. Elle peut être issue des élections et des votes à la majorité pour les représentants qui reflète la volonté politique d'une communauté313. Alternativement, les gouverneurs peuvent avoir l'autorité et l'accord public fondé sur la raison et l'efficacité des résultats qu'ils génèrent. La souveraineté populaire et l'efficacité sont dans une certaine mesure fongibles. Ainsi, certains gouvernements maintiennent leur domination sur le pouvoir parce qu'ils continuent à gagner des élections, même si leurs résultats dans les bureaux ne sont pas importants comme c’est le cas des régimes politiques en Argentine au cours des derniers siècles. Dans d'autres cas, il existe des gouvernements nommés démocratiquement mais qui perdent le pouvoir comme c’est le cas de Singapour. Malgré le soutien public et la reconnaissance de l’efficacité de leurs actions, plusieurs gouvernements n’ont pas pu être réélus314

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En règle générale, les gens semblent plus disposés à céder les pouvoirs aux experts de prise de décision dans les domaines qui sont perçus comme techniques ou scientifique. Le peuple

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Ibid. p. 54.

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américain, par exemple, a semblé tout à fait disposé à laisser la politique monétaire entre les mains des dirigeants peu démocratiques de la réserve fédérale sous la direction d’Alan Greenspan à la condition que l'économie reste forte315.

La légitimité a également une dimension systémique. L'autorité d'un organe particulier de la prise de décision dépendrait non seulement de la responsabilité électorale de ceux qui prennent des décisions ou de la rationalité des choix perçus qui émergent, mais aussi de la souveraineté populaire et de l'efficacité de l'ensemble du système dans lequel une entité de prise de décision est disposée316. Ainsi, par exemple, la Cour suprême américaine possède un haut degré de légitimité, bien que ses juges ne soient pas élus et que ses décisions semblent parfois en deçà de la pleine rationalité. Mais la Cour suprême des États-Unis est intégrée dans une structure plus large comprenant des mesures législatives, exécutives et d’organes de décision judiciaire qui fournissent un réseau dense de contrôles et de contrepouvoirs « checks and balances ». Pris dans son ensemble, ce système fournit une connexion assez forte entre les citoyens américains et leurs politiques ou leaderships et offre généralement des bons résultats au fil du temps317.

Jusqu'à récemment, le régime commercial a bénéficié d'une impression que l'économie internationale et l'élaboration des politiques commerciales ont été des domaines très techniques qu'il vaut mieux laisser entre les mains d'un corps d'élite d'experts qualifiés. Il semblait que les liens entre les responsables nommés du commerce au niveau national et international et les gouvernements élus étaient solides. Mais les perceptions du public à propos du commerce et de l'élaboration des politiques commerciales ont changé. Le commerce n'est plus considéré comme un domaine politique inconnu qu’il vaut mieux laisser aux experts techniques. Au lieu de cela, les questions commerciales et les initiatives sont désormais devenues une préoccupation majeure des citoyens et la discussion de ces sujets s’est répandue à travers le monde. La fonction du régime commercial ne s’appuie plus seulement sur une rationalité technocratique et des réalisations pures.

De nos jours, la légitimité est basée sur la vraie souveraineté publique. L'OMC a donc besoin d'un nouveau pilier pour sa légitimité. L'organisation a besoin de rétablir sa réputation

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Il sera intéressant de voir si cette acceptation de l’ «expert» de contrôle sur un domaine important de la politique se poursuit avec une économie chancelante.

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HURD (I.), « Legitimacy and Authority in International Politics», International Organization, vol. 53, 1999, pp. 385-390.

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d'efficacité et d’établir de nouvelles connexions avec les peuples du monde entier au nom d’une politique commerciale moderne. Il s’agit de renforcer l'ensemble de la structure institutionnelle de contrôle et d’équilibre « checks and balances » au sein de l'OMC318

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Daniel Esty voit le monde plus granulaire. Selon lui, la légitimité n'est pas simplement une fonction de la souveraineté populaire et de la prise de décision par vote à la majorité. Les institutions obtiennent également une légitimité et une autorité en raison de leur capacité à fournir des bons résultats et de leurs liens systématiques avec d'autres institutions « checks

and balances » ce qui enrichit la légitimité obtenue par des élections démocratiques. L'OMC

doit aller de l'avant sur tous ces fronts.

Les connexions doivent être améliorées à l'échelle nationale et locale avec les citoyens à travers le monde, en particulier avec les organisations non gouvernementales (ONG) qui peuvent fournir un degré de réseau social reliant tous les citoyens319. De plus, les ONG peuvent transmettre des informations provenant de l'OMC vers leurs électeurs, assurant une meilleure compréhension par le peuple du fonctionnement du régime commercial. L’OMC pourrait aussi se rapprocher plus directement des politiciens au niveau national. Une idée serait d’établir des réunions régulières de l’ensemble des législateurs afin de discuter la performance de l'OMC. Alors que l'OMC ne peut pas obtenir la pleine crédibilité engendrée par des dirigeants élus directement, les débats politiques avec les nations et les interactions intellectuelles entre eux peuvent enrichir sa légitimité.

L’OMC doit se concentrer sur ses principales activités de libéralisation des échanges. En s’abstenant de jouer son rôle actuel de règlement des différends, l'OMC ne peut pas rétablir sa réputation d’autorité, d'efficacité et d'équité. Chaque fois que cela est possible, l'OMC devrait éviter de prendre des décisions qui sont considérées comme allant au-delà de son champ d'application du commerce. Sa légitimité serait renforcée dans la mesure où les problèmes environnementaux, par exemple, pourraient être redirigés vers une organisation mondiale à vocation environnementale.

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ESTY, (D. C.), « The World Trade Organization’s Legitimacy Crisis», op. cit., p. 10

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Certains opposants à une OMC plus ouverte craignent qu'une présence accrue des ONG au sein de l'OMC expose l’organisation à de plus grandes pressions d'intérêts spéciaux et aggrave le déséquilibre entre le Nord et le Sud en raison de la supériorité d'ONG du Nord. Pourtant, la logique fonctionne dans l'autre sens. Les ONG du Nord critiquent largement leurs gouvernements, ce qui améliore les déséquilibres existants. Voir, NICHOLS (P. M.), « Participation of Nongovernmental Parties in the World Trade Organization», op. cit., pp. 295-330.

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La raison, comme un élément essentiel de la légitimité de l’OMC, dépend aussi de sa perception de l’équité et de l’engagement pour la justice. L’équité se divise en deux branches : procédurales et substantives. Un des principes fondamentaux de l’équité procédurale est l'ouverture : l’identification de celui qui prendra les décisions, la divulgation des hypothèses sur lesquelles le processus tourne, l’explication des valeurs, l’influence et les sources d'information qui sont mises à profit. L'équité procédurale exige également des possibilités appropriées pour les parties intéressées à contribuer au processus de décision ainsi que des garanties pour que les intérêts spéciaux ne soient pas en mesure de manipuler les résultats. L’équité substantive est une fonction de cohérence entre les circonstances et le temps ainsi que les changements de comportements de la communauté en ce qui concerne les valeurs et les traditions. L'institution doit se montrer capable de trouver un équilibre entre le commerce et les autres valeurs (par exemple les préoccupations environnementales)320.

La prise de décision de l'OMC serait également renforcée dans la mesure où elle serait comprise dans une structure plus vaste de contrôles réciproques et de contrepouvoirs (check and balances). Les institutions tirent la force en coopérant et concourant avec des systèmes plus vastes dont elles font partie. Une telle architecture serait dote d'un système multi-niveau de la gouvernance internationale qui engendre une concurrence verticale entre national et international. En même temps, l'OMC gagnerait le renforcement de sa légitimité par des liens horizontaux renforcés avec les autres organisations internationales et organismes qui ont une autorité politique et une certaine légitimité.

Nous remarquons que l'ancien courant ne semble pas suffisamment représentatif. Par exemple, l'exclusion de Seattle de la plupart des représentants des pays en développement des chambres « vertes », et un cercle restreint de pays clés ont réellement dévoilé l’insuffisance de légitimité au sein de l’OMC. Cette crainte pourrait être partiellement compensée par un élargissement des liens avec les ONG, mais une limitation de cette évolution existe. En effet, les ONG ne sont qu’une expression parmi d’autres de la société civile et ne peuvent de ce fait représenter le point de vue de cette dernière en intégralité.

L'OMC est capable de retrouver une large acceptation des citoyens en ce qui concerne sa légitimité. Mais une restructuration des règles de fond du régime commercial et des procédures sera nécessaire.

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Dans le sous-paragraphe suivant, nous allons aborder l’importance de l’intervention des ONG au sein de l’OMC vis-à-vis de l’expertise amenée à ses organes (B).

B - Le besoin croissant à l’OMC des expertises et

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