1.3 Les objectifs de la gestion à court terme
2.1.2 Modélisation intégrée
Nousavonsvuquelagestiondescruescommecelledesétiages nécessitel'utilisation demodèles
d'écoulements, soit pour anticiper les débits futurs à l'aval du bassin, soit pour reconstruire
l'état interne du système en fonction des données entrées/sorties (par exemple reconstitution
desprélèvements).Pour répondreauxobjectifsdegestion, cesmodèlessont soumisà uncertain
nombredecontraintesquenousprécisonsici.Danscettepartieserontabordésletyped'approche
de modélisationetl'intégrationde plusieurstypesdetransfertsfaisant appelàplusieurs champs
disciplinaires. Lapartie suivante détaillerales contraintes liéesà lagestionen temps réel.
Les éléments constitutifs du modèle
Dans tous nos travaux, il sera fait référence à certains termes désignant les diérents éléments
constituant lemodèle, dont nousdonnonsici quelquesdénitionssommaires.
Entrées/Sorties : conditions aux limites du système (pluie, évapotranspiration potentielle,
débit).
Structure :ensemble deséquations permettant detraduire lemodèleen algorithmede calcul.
Paramètres :constantesdumodèleutiliséespourréglerlesprocessustraduitsenéquations.
Lesparamètres sont généralement calés àpartir d'unjeud'entrées/sorties.
Etats internes : variables du modèle, pouvant décrire des grandeurs physiques (par exemple
débits intermédiaires)ou n'ayant aucunesignicationparticulière.
Enn, le termemodèle désigneral'ensemblede tousces éléments.
De nombreuses approches de modélisation
Ilexistedenombreusesfaçonsdecatégoriserlamodélisation.Nousdiscutonsiciquelquescritères
permettant de préciser le cadre de modélisation ou auxquelsnous ferons référence au cours de
nostravaux.
1. Objectifde modélisation :modèlede simulation / opérationnel
Lesmodèlesdesimulationsontutilisésgénéralement pour étudierl'impactd'une
modica-tion surlesystème(installationd'infrastructures, changements climatiques, etc.),ou pour
améliorer lacompréhensiondesprocessusen jeu.
Lesmodèles opérationnels sont,quantà eux,mis en÷uvresurleterrainetutilisésparles
acteurs de l'eau (gestionnaire de bassin, services de prévision), le plus souvent en temps
réel.
Lesmodèlesdesimulationnesontpaslimitésparlacomplexité(entermesdestructure,de
niveau dediscrétisation, de temps decalcul, etc.).Au contraire, lesmodèles opérationnels
sont soumis à de nombreuses contraintes souvent liées à la complexité. Parmi elles, on
peut citerla robustesse face aux aléas du terrain (par exemple défauts et défaillances de
capteurs),lafacilitéd'interprétationparl'utilisateuroulescontraintesspéciquesautemps
réel (point détaillé plus loin). Ces contraintes rendent dicile l'adaptation de modèles de
simulationcomplexes àdesapplications opérationnelles.
Notre contexteétant celui dudomaine opérationnel, letermesimple sera donc un
maître-mot dans tous nos travaux. Il traduira à la fois la robustesse en contexte opérationnel,
l'interprétabilité par l'utilisateur oularapidité de calcul.
2. Utilisationdesconnaissances dusystème etdesdonnées:modèle physique / conceptuel/
métrique
Cette classication, utilisée notamment par Wheater et al. (1993), est liée à la structure
du modèleetà l'utilisation desdonnées.
Les modèles physiques possèdent une structure xe dénie par les lois de la physique
(équations diérentielles et/ou aux dérivées partielles). Les paramètres, mesurés, estimés
oucalésàpartir desdonnées,revêtentunsensphysiqueetorentainsiunelargepossibilité
d'interprétation desrésultats, ce qui rendces modèles particulièrement adaptés à la
com-préhension desprocessus physiques (Beven,1989). En revanche, lenombre de paramètres
etdedonnéesàtraiterestgénéralementimportant,etlarésolution deséquationspeut
pré-senter des instabilités numériques. La sur-paramétrisation peut engendrer des problèmes
d'identiabilité, rendant le calagedesparamètres délicat.
Lesmodèles conceptuels ont aussiunestructure xemaisdetype boîte noireélaborée
à partirdeloisempiriques ouarbitraires etdel'observation dusystème. Cesmodèles sont
plussimplesquelesmodèlesphysiques,maisl'interprétationdesrésultatsestplusdélicate
etils sont soumis àlaperceptiondu modélisateur.
Les modèles métriques (ou basés sur la mesure) sont également de type boîte noire .
Leur structure n'est plus basée sur des lois physiques maissur une analyse fréquentielle,
statistique ou autre des données. Cette approche permet une grande adaptibilité, mais
coupe danslemême temps toutlien avec laphysique;aucuneinterprétation physique des
résultatsn'est alors possible.
Chaqueapprochepossèdedespropriétésintéressantespourlagestionentemps réel
(inter-prétabilité, simplicité, adaptabilité). Desapprocheshybridespermettront de combiner ces
avantages.
3. Echelle de détails:Modèleditribué /semi-ditribué /global
Le niveau de détails du modèle traduit la taille de la maille élémentaire (ou niveau de
discrétisationdusystème)quipeutallerdubassinversantentier pourles modèlesglobaux
à dessurfacesde quelquesdizainesde m
2
pour les modèles distribuéshydrologiques,voire
moinspour lesmodèles distribués hydrauliques.
global semi−distribué distribué
Figure 2.3Approche globale, semi-distribuéeou distribuée
La plupart des modèles distribués correspondent à la logique mécaniste des modèles
phy-siques. Les processus sont représentés sur un grand nombre de mailles élémentaires de
petitetaille.Un teldegré dediscrétisation permetdeprendre encompte assez nement la
variabilité spatiale des processus (Renner et al., 2009), problème majeur de l'hydrologie,
notamment pour lephénomène dévastateurdescrueséclair(Estupina-Borrelletal.,2006).
Mais malgré leurs propriétés intéressantes, ces modèles sont gourmants en données eten
temps de calcul, ce qui limite leur application en contexte opérationnel aux cas d'étude
restreintsetfortementinstrumentés (Young,2002; Todini,2007).
Les modèles globaux correspondent plus à une vision systémique, ce qui les rapproche
des modèles conceptuels ou métriques. Ils ne cherchent pas à propager les phénomènes
à l'intérieur du système, ils ne s'intéressent qu'à la transformation entrées/sorties. Ces
modèles sont plussimplesetrobustesquelesmodèles distribués,maissont limitésdansla
prise encompte delavariabilité spatialedesphénomènes(parexemple enconsidérantune
pluie uniformesurle bassin).
Les modèles semi-distribués sont à mi-chemin entre les modèles distribués et les modèles
globaux. Le système est découpé en sous-systèmes caractérisés par les mêmes types de
processusetsurlesquelsunsous-modèle globalestappliqué. Cetyped'approche,
dévelop-péeentreautres parMoussa (1997)etRomanowiczet al.(2006), permet d'appréhenderla
variabilité spatiale touten conservant les propriétés requises par lagestion entemps réel.
Lerat (2009) a également suivi ce type d'approche en s'intéressant plus particulièrement
à la forme sous laquelle les transferts latéraux sont injectés dans le cours d'eau principal
(apports ponctuels oudistribués).
4. Linéarité :Modèlelinéaire / nonlinéaire
La linéaritéd'unmodèleestunepropriété intéressantecarelle proposeun trèslarge panel
d'outilsmathématiquesetautomatiqueséprouvés(résolutionanalytique,approche
fréquen-tielle,assimilationdedonnées,commanderobuste,etc.),généralementtrèspeucoûteuxen
temps decalcul. Lesapprochesbasées surlesfonctionsdetransfert(TF)ontétélargement
développéesdansles domainesdel'hydraulique(Doogeet al.,1987;Malaterre, 1994)etde
l'hydrologie (Young,1986).
Cependant, les phénomènes hydrauliques et hydrologiques sont connus pour leurs non
li-néarités importantes(variation duretard hydraulique en fonctiondu débit,débordements
lorsduremplissagedesnappes,etc.).Young(1974)adémontréqu'unmodèleTFlinéaire(à
coecientsconstants) permetdedécrireladynamiquedubassinversantseulement àcourt
terme (de l'ordre d'ununique événement), alors qu'un modèle non linéaire (à coecients
variables) permet de prendre en compte les eets à plus long terme du stockage dansles
réservoirs sols.
L'arrivée de l'informatique a rendu possible la résolution des équations non linéaires par
des méthodes numériques. De nombreux outils linéaires ont été étendus au non linéaire,
tels que les méthodes dérivées du ltre de Kalman dont il sera question plus loin.
Mal-heureusement, ces algorithmes restent coûteux en temps de calcul et introduisent parfois
erreurs etinstabilitésnumériques.
Pourlimiterceseetsincompatiblesaveclagestionopérationnelleetproteraumaximum
des avantages du linéaire, Young (1974) a proposé un modèle hydrologique avec une
par-tie non linéaire décrivant la production de la pluie (la pluie nette) et une partie linéaire
traduisant ladynamiquedetransfert.
Nous voyons que dans ces diérentes approches réside un compromis traduisant le degré de
complexité lié aux objectifs de modélisation. Ce compromis est à la base de nostravaux, dans
lesquels nous développons des approches hybrides conceptuelles et physiques, semi-distribuées
etsemi-linéaires (couplagelinéaire/nonlinéaire),danslebut de proterdesavantages des
dié-rentesapprochestoutenlimitantleursinconvénients.Ils'agitd'unepremièreformed'intégration,
mixantdes structuresetdeséchellesfondamentalement diérentes.
Des disciplines connexes
La deuxième forme d'intégration estcelle deschampsdisciplinaires mis en jeu.En eet,autant
la gestion des étiages que la gestion des crues nécessitent la modélisation de diérents types
d'écoulement etmettent en ÷uvredesdisciplines diverses :l'hydraulique, l'hydrologie et
l'auto-matique.Demanièregénérale,l'hydrauliquetraduitletransfertdanslescoursd'eau,l'hydrologie
la transformationde lapluie en débit,etl'automatique proposedes techniquesde régulation et
d'assimilationdedonnéesintéressantespourlagestionopérationnelle. Danscestroisdisciplines,
lalittératureprésente unegrandevariétédemodèlesettechniques (seréférerauchapitre 3pour
les modèles hydrauliques ethydrologiques,età lapartie 2.1.3 pour lestechniques d'assimilation
de données).
L'associationdeceschampsdisciplinairesapermisl'émergencedenouveauxmodèlesetnouvelles
applications. Le transferten cours d'eau estun processusqui participe àl'hydrologie du bassin
versant.Aussi,lecouplagehydraulique-hydrologieest-ilvenunaturellementavecl'apparitiondes
modèles physiques distribués. L'intégration de l'automatique à l'hydraulique a débuté dansles
années1980pourl'automatisation deladistributiondel'eau,permettantuncontrôledescanaux
bienplusecacequ'une gestionmanuelleentermedevolumesd'eauutilisés(HurandetKosuth,
1993). En outre, l'automatique a apporté à la gestion des crues des techniques d'assimilation
de données évoluées, notamment le ltre de Kalman (Kalman, 1960) aujourd'hui étendu sous
diérentesformesadaptées au contextenumérique actuel.
Pourtant la littérature surles modèles regroupant cestrois disciplines n'est que très récente, et
par conséquent assez réduite. Ceci peuts'expliquer en partie par lefait quechaque disciplinea
longtemps été associée à un objectif donné. Ainsi, les modèles se sont développés sur des axes
disciplinaires diérents,donnant naissanceàdescommunautés scientiques àpartentière.
L'hy-draulique peut être considérée comme millénaire, utilisée par de nombreuses civilisations pour
l'irrigation ou l'adduction d'eau. L'hydrologie a connu un essor important avec la gestion des
crues parl'importancedesdégâtsoccasionnéslors desinondations.L'automatique s'estimposée
commedomainescientiqueàpartir dumilieuduXX e
siècleavec ledéveloppementdes
télécom-munications et celui des servomoteurs. Ainsi, le couplage hydraulique-hydrologie-automatique
nécessiteune vision tripolairedu système, chaque disciplineayant ses propres termes, sapropre
conception dusystèmeetde lamodélisation, ses propres enjeuxetcontraintes.
Hydraulique
Hydrologie
Automatique
Figure 2.4 Des disciplines connexes