5.2 Prévision des crues
5.2.6 Assimilation de données
Nousavonsvuà traversl'étapeprécédentequelemodèle TGRpermetde bien(voire trèsbien)
représenter les comportements hydrologique et hydraulique des diérents sous-bassins, malgré
les résultats mitigés pour le BV 1.Seulement, en contexte opérationnel, nousne disposons que
de prévisions de pluies. Le débit amont utilisé dans les modèles des sous-bassins 2, 3 et 4 est
donc celui calculé par les modèles des sous-bassins 1, 2 et 3 respectivement. Ainsi, l'erreur de
modélisation sepropage entre les sous-bassins, et les performances à l'aval risquent d'être très
mauvaises.
L'assimilation de données paraît dans ce cas indispensable an de corriger ces erreurs à partir
des mesures de débits en temps réel. Par contre, dès lors que l'on cherche à prévoir les débits
futurs, onne peutéviter leserreurs de modélisationetleur propagation, ce qui auraun impact
sur lesperformances deprévision.
Nousdévelopponsici quelquesrésultatsde l'application dultre de Kalmanprésentéeen début
de chapitre.
Corriger l'hydrologie ou l'hydraulique?
L'undesintérêtsfondamentauxdelathéoriedultredeKalmanestquel'onpeutchoisiràtravers
lescoecientsdelamatricedecovariance(quenousappelleronscoecientsdepondération)quel
poids attribuer à l'erreur sur le débit aval par rapport à chacun des états internes du système
(voirpartie5.1.1).End'autrestermes,sil'onporteunegrandeconancesurlapartiehydraulique
du modèle, ilestpossibled'attribuerauxétats correspondant uncoecient de pondérationtrès
faible dans lamatrice de covariance. Dans ce cas, les corrections apportéesaux états relatifs à
l'hydrologie seront plusimportantesquecellesapportéesauxétats hydrauliques.Chaqueétatse
voitainsiattribueruncoecient depondérationquitraduitlaconancequel'onpeut luiporter.
Nous dénissons les états hydrauliques comme étant ceux relatifs aux paramètres
τ 0
etK 0
. Ils'agit des états
x p i
àx p i +n i
sur la gure 5.2. Les autres états,x p i +n i +1
àx p i +n i +m i +3
, serontappelés états hydrologiques.
Ceci permet de tester diérentes congurations an d'évaluer la conance que l'on peut avoir
dans la partie hydraulique et dans la partie hydrologique respectivement. Trois congurations
sont testées :
C
1
:Seulslesétatshydrauliquessontcorrigésavecunpoidségal.Lescoecientsdepondération sontégauxà1pourlesétatshydrauliqueset0pourlesétatshydrologiques.Cettecongurationtraduituneconance totale danslapartie hydrologique dumodèle.
C
2
: Seuls les états hydrologiques sont corrigés avec un poids égal. Les coecients de pon-dération sont égaux à 1 pour les états hydrologiques et 0 pour les états hydrauliques. Cettecongurationtraduitune conance totale danslapartie hydraulique dumodèle.
C
3
:Tous les états sont corrigés avec unpoidségal. Lescoecients de pondération sont tous égaux à 1. Cette conguration traduit une conance égale dans les parties hydraulique ethydrologique dumodèle.
Pour comparer ces trois congurations, nous utiliserons un critère nommé NME calculant la
norme moyenne de l'erreur. Cecritère estdénipar :
NME
= 1 N
X N k=1
k y(k) − C x(k ˆ | k − 1) k 1
(5.22)où
N
estlenombredepasdetemps,y(k)
lamesureaupasdetempsk
etx(k ˆ | k − 1)
l'étatestiméaupasdetemps
k
àpartirdesmesuresaupasdetempsk − 1
.Rappelonsquek y(k) k 1 = P
i | y i (k) |
.Le critèreNMEreprésentedonc l'erreurmoyenne entrelesdébits mesurésauxquatrestationset
lesdébitsestimésaprèscorrectiondesétatsantérieurs.LavaleurducritèreNMEtraduit
l'impor-tancedescorrectionseectuées àchaquepasdetemps. Ainsi,une valeur faible(encomparaison
à unevaleur forte)signiequele modèlereprésente assez bienladynamiquedusystème, etque
de faiblescorrections ont sut àcorriger les erreursde modélisation.
Résultats
Chaque conguration a été testée sur la période de validation. Les valeurs des critères NME
sont rassemblées dans le tableau 5.5. Nous n'avons pasprécisé le critère de Nash obtenu après
correction carilatteint systématiquement desvaleurssupérieuresà99.9%.Notonsquedetelles
valeurs du critère de Nash indiquent que les corrections appliquées sur les états internes par
l'algorithmedeKalmanont permisdereconstituerledébitavalpresqueparfaitement.Toutefois,
rien n'indique que les états corrigés sont les mêmes pour les diérentes congurations, ce qui
peutavoir une inuence nonnégligeable sur laprévisiondesdébits futurs.
Calagesur C
1
C2
C3
P1 2.65 0.42 0.88
P2 2.92 0.53 0.90
TABLEAU 5.5 CritèreNMEpour lestrois congurationstestées
Cesrésultatsmontrentclairement quelacongurationayantnécessitélesplusfaiblescorrections
est la conguration C
2
pour laquelle seuls les états hydrologiquesont été corrigés. Onpourrait noter quecette congurationne présentequedeuxétats àcorrigerpar sous-bassin(puisquel'onne considèreici quedesapportslatéraux uniformément distribués),alors quelesdeux autresen
présentent unnombrebienplusimportant(dufaitdeladiscrétisationduretard
τ 0
quiintroduitE
(τ 0 /∆t)
états), ce quipourraitaugmenterle critère NME.Mais lacorrection de l'erreur étantrépartieentrelesdiérentsétats,unnombreimportantd'étatsàcorrigerimpliquedescorrections
plus faiblessurchaque état.
En conclusion, ces résultats montrent querecaler les états hydrauliques en conservant les états
hydrologiques(conguration C
1
) requiert un eort plus important quel'inverse. Cecilaissesupposer que l'on peut avoir une plus grande conance dans la partie hydraulique du modèle.
Dans la suite, lors de l'application du modèle pour la prévision, ces trois congurations ont
égalementététestées.Ilen ressortquelacongurationC
1
produitlesplusfaiblesperformances.Quant auxcongurations C
2
etC3
,leurs performances sont très proches, avec toutefois untrès léger avantageàlacongurationC3
,c'estàdirelorsque touslesétats sontrecalés. Lesrésultatsprésentés danslapartie suivante ont étéobtenus avec lacongurationC
3
.5.2.7 Prévision
Implémentation
Laprévisiondesdébitsauxquatrestationsdemesureesteectuéedansuncontexteaussiproche
quepossibleducontexteopérationnel.Achaquepasdetemps,lesétatsinternesdusystèmesont
misàjouràpartirdesnouvellesmesuresdisponiblesparl'algorithmedeKalman.Unesimulation
estalorslancéeaveclesdeuxscénariosdepluieconsidérés,àsavoirpluiesparfaites(PP)oupluies
nulles(P0). L'état initial pris pour lasimulation est l'état recaléavec les dernières mesures.La
simulation court sur une période de 72 h, qui représente le plus grand horizon de prévision
considéré. Lesrésultatssontensuitestockéspourêtreanalysésparcomparaisonavec lesmesures
relevéesauxpasde temps suivants. La gure5.12schématisela prévisionavec le modèleTGR.
Q (k+1) i x(k|k−1)
x(k+L|k) x(k+1|k) x(k|k) P(k)
E(k) Q (k) i
P(k|k) E(k|k)
P(k+L|k) E(k+L|k)
x(k+1|k)
x(k+1+L|k+1) x(k+2|k+1) x(k+1|k+1) P(k+1)
E(k+1)
P(k+1|k+1) E(k+1|k+1)
P(k+1+L|k+1) E(k+1+L|k+1)
temps
horizon de prévision
instant k instant k+1
données
prévisions
recalage recalage
Figure 5.12Schémadelaprévisionavec lemodèleTGR(
L
:horizon deprévisionmaximum)L'analysedesrésultatsesteectuéeparlecalculducritèreRMSE, enne retenant quelesdébits
supérieurs à
Q 95
.La gure 5.13 présente les courbes desdébits classés pour les quatrestationsconsidérées. Le calculde
Q 95
conduitaux valeursindiquéessur lagure.0 10
Figure 5.13 Courbesdesdébits classés pour les quatresous-bassins
Analyse des résultats et comparaison avec GR3P
Lesgures5.14et5.15présententlesrésultatsdeprévisionsurlescruesdemars2006etdécembre
1999, obtenus avec les modèles TGRet GR3P pour les quatre stations età diérents horizons
(6 h, 24 het48 h).Pour lemodèleTGR,les scénarios PPetP0 sontreprésentéspar leslimites
supérieures et inférieures de la zone grisée, respectivement. Pour les modèle GR3P, la courbe
supérieure représente lescénario PPtandis quelacourbeinférieure représente lescénarioP0.
Onpeutvoird'emblée queles résultatssont bonspour lesdeux modèlesà l'horizon de 6h puis
qu'ilssedégradentlorsquel'horizonaugmente.Onremarqueégalementquelefaisceauatendance
à s'élargir surles périodesde crue, età seretrécir surles périodes de décrue, ce qui s'explique
par le fait qu'en période de décrue, les pluies sont généralement nulles (ou quasi-nulles) et les
scénarios PP etP0sont alors semblables.
Globalement,lorsquel'horizondeprévisionaugmente,lesrésultatssontmeilleursaveclemodèle
TGR, notamment surlastation avalqui semble poserproblème au modèle GR3P. En outre, la
prévision avec le modèle TGRs'améliore de lastation amont à la station aval. Pour la cruede
1999, lesrésultats dumodèle GR3Psont bienmeilleurs surles stations amont.
Lagure5.16donnelecritèreRMSEenfonctiondel'horizondeprévision,pourlesdeuxmodèles
etpour lesdeux scénarios.
Pour le BV 1, les résultats du modèle GR3P sont légèrement meilleurs que ceux du modèle
TGR, ce qui pouvait être attendu. En eet le modèle TGR n'utilise pas sa partie hydraulique
pour cesous-bassin puisqu'aucun débitamontn'est disponible.Lesdeuxmodèlesutilisent donc
les mêmes données en entrée et ont une structure du même type. La diérence réside dans la
méthode d'assimilationetlalinéarisationdu réservoirde routagepour lemodèle TGR.
PourleBV2,letempsdetransfertentrel'amontetl'avalestdel'ordrede16h(
τ 0 +K 0
).Onpeutvoir que jusqu'à l'horizon de 16 h, les performances du modèle TGR sont équivalentes à celles
du modèle GR3P. Au-delà, le modèle GR3P conserve des performances légèrement meilleures.
Demême,letemps detransfertduBV3estde 26hetlesperformancesdeTGRsontmeilleures
03/03 0 08/03 14/03 20/03
03/03 0 08/03 14/03 20/03
50 100 150
débit (m 3 /s)
03/03 0 08/03 14/03 20/03
50 100 150
débit (m 3 /s)
03/03 0 08/03 14/03 20/03
50 100 150
débit (m 3 /s)
03/03 0 08/03 14/03 20/03
50 100 150
Crue mar 06 − Prévision à 24 h
03/03 0 08/03 14/03 20/03
50 100 150
03/03 0 08/03 14/03 20/03
50 100 150
03/03 0 08/03 14/03 20/03
50 100 150
03/03 0 08/03 14/03 20/03
50 100 150
Crue mar 06 − Prévision à 48 h
03/03 0 08/03 14/03 20/03
50 100 150
03/03 0 08/03 14/03 20/03
50 100 150
03/03 0 08/03 14/03 20/03
50
Figure 5.14 Résultat de prévision pour la crue de mars 2006 (calage sur P1) avec les deux
scénarios de pluies(PP etP0).Du haut vers lebas:BV1 à4.
jusqu'à un horizon d'environ 50 h, ce qui correspond à peu près à la somme des temps de
transfert des BV 2 et 3. Enn, le temps de transfert du BV 4 est de 17 h, et l'on peut voir
que les performances du modèle TGR se dégradent fortement à partir de 60 h environ, soit la
somme des temps de transfert des BV 2 à 4. Ceci montre clairement que la prise en compte
dans le modèle TGR des débits intermédiaires en tant que données supplémentaires a permis
d'améliorer laprévisionjusqu'àun horizon correspondant au temps àpartir duquel cesdonnées
n'ont quasiment plus d'inuence. Au-delà de ce temps, seules les pluies inuent sur le débit à
l'exutoire dessous-bassins.
Par ailleurs, on peut noter que les temps de transfert mis en évidence correspondent plus ou
moins aux temps de réponsedes diérents sous-bassins. En eet, pour un horizon de prévision
inférieur au temps de transfert, les scénarios PP et P0 conduisent à des performances égales,
aussibienpour lemodèleGR3Pquepourlemodèle TGR.Au-delà dece tempsde transfert,les
performances duscénario P0se dégradent bienplus vite.
Enn, on remarque que les performances du modèle GR3P sont moins bonnes sur leBV 4 que
sur lestrois autres,notamment pour lescénario PP. Le modèleGR3P estun modèleglobal qui
considère le bassin versant dans sa totalité (contrairement au modèle TGR qui considère des
24/12 0 29/12 04/01 10/01
24/12 0 29/12 04/01 10/01
50 100 150
débit (m 3 /s)
24/12 0 29/12 04/01 10/01
50 100 150
débit (m 3 /s)
24/12 0 29/12 04/01 10/01
50 100 150
débit (m 3 /s)
24/12 0 29/12 04/01 10/01
50 100 150
Crue dec 99 − Prévision à 24 h
24/12 0 29/12 04/01 10/01
50 100 150
24/12 0 29/12 04/01 10/01
50 100 150
24/12 0 29/12 04/01 10/01
50 100 150
24/12 0 29/12 04/01 10/01
50 100 150
Crue dec 99 − Prévision à 48 h
24/12 0 29/12 04/01 10/01
50 100 150
24/12 0 29/12 04/01 10/01
50 100 150
24/12 0 29/12 04/01 10/01
50
Figure5.15Résultatdeprévisionpourlacruededécembre1999(calagesurP2)aveclesdeux
scénarios de pluies(PP etP0).Du haut vers lebas:BV1 à4.
sous-bassins délimités par une station amont etune stationaval). Cemodèle faitimplicitement
l'hypothèse que le comportement hydrologique est uniforme sur tout le bassin. Or nous avons
vulorsde l'analysedesparamètres dumodèleTGRobtenus paridentication queleBV4avait
un comportement hydrologique particulier par rapport aux trois autres. Cette analyse met en
évidence une variabilité spatiale du comportement hydrologique entre les BV 1 à 3 et leBV 4,
variabilité que le modèle GR3P ne peut pas prendre en compte. Ceci permet de comprendre
pourquoice modèle estmis enéchec sur leBV4 etpas surlesautres.