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connaître, comprendre, agir et évaluer

3.1.4. La modélisation de l'apprentissage

A partir de l'étude de la prise de décision, les modélisations qu’on peut effectuer de l’activité de l’opérateur sont nombreuses.

Certaines sont centrées sur la description du fonctionnement des systèmes techniques et de leur résultat (diagrammes de fluence de produits et d’informations, graphes de processus, etc.), d’autres mettent plutôt l’accent sur les objectifs de l’opérateur (arbres de décisions, analyses hiérarchiques de taches : cf. encadré 3b).

Certaines s’appliquent à la description d’une tâche isolée, d’autres permettent de mettre en évidence les relations existant entre plu-sieurs tâches, ou encore les relations entre les tâches et les systèmes utilisés pour les accomplir. Ces modélisations peuvent être utilisées dans une perspective de formation. Leur choix dépendra du contenu à transmettre et de sa complexité. Comment procéder ?

Encadré 3b. La décomposition des procédures : un modèle hiérarchique de la tâche

Un but peut être décomposé dans un ensemble de sous-buts, et leur exécution, conduit à l'obtention du but principal. Cet ensemble de sous-buts est organisé hiérarchiquement. Il est nécessaire de dissocier le but de l'action qui permet de l'accomplir, car il arrive souvent que l'expression du but soit différente de l'action qui le réalise, ou qu'un but puisse être réalisé par des actions différentes.

Un modèle hiérarchique de tâches et de procédures comporte la décomposition d’une tâche en sous-tâches et les contraintes d’organisation définies par des relations logiques (ET = plusieurs sous-tâches sont requises pour atteindre un objectif général ; OU = on a plusieurs alternatives pour atteindre un même but), et des relations temporelles (séquentialité, simultanéité, etc.).

TACHE (but)

Sous-tâche (sous-but)

PROCEDURE 1 PROCEDURE 2

Contraintes temporelles

(autre tâche) EVENEMENT

PROCEDURA Post-requis

Action Etat Source Agent instrument Etat Résultat

ET ET ET

I.

ET I.1.

Sous-tâche

(sous-but) Sous-tâche

(sous-but)

I.2. I.3.

Une procédure en elle-même requiert la vérification des conditions d'exécution de la procédure (conditions et prérequis), l'exécution proprement dite de la procédure ou de l'événement procédural, et la vérification de post-requis (tâches annexes).

Parfois il est nécessaire de préciser la description de l’événement procédural ou de l'environnement de l’action. Dans le monde du travail, on se rend compte de la difficulté qu'ont les opérateurs à expliquer des termes comme débrider, démouler, etc. Expliquer ce que ces actions impliquent, consiste à décrire son environnement par un certain nombre de composantes : la description de l'action motrice, l'agent (machi-ne ou opérateur humain), l'instrument utilisé, l'état initial de l'objet sur lequel porte l'action, l'état final attendu, etc. C’est l'ensemble de ces composantes qui donne un sens à ce qui est fait par l’opérateur.

Le point de départ du psychologue ergonome étant le travail, son premier objectif est la connaissance des tâches à réaliser. L’obser-vation, l’observation participante, dont celle de se mettre dans la situation de l’apprenti, est la première étape de sa démarche. Il s’agit de comprendre de quoi il s’agit, sans compter qu'on devra justifier son intervention devant les spécialistes du domaine. La seconde étape consiste à analyser la tâche qui doit être réalisée.

Pour cela, on dispose de méthodes, dont les méthodes d’analyse de la tâche (Annett & Stanton, 2000 ; Frederiksen, 1989 ; Tijus, 1995), et de logiciels qui lui permettent de décrire la tâche (Poitrenaud, 1995 ; Scapin, 1988). Enfin, la troisième étape consiste à recueillir le savoir-faire, les méthodes d’apprentissages, les pratiques d’en-seignement et de formation lorsqu’ils existent.

Ces étapes n’ont pas à être faites si un didacticien peut transmettre ce savoir au psychologue. A ce stade, le psychologue dispose du savoir sur un domaine qui relève de la didactique de ce domaine.

L'effort du psychologue peut porter alors sur la didactique, à savoir

La première étape est l'analyse de la tâche à apprendre

les méthodes de présentation du savoir et du savoir-faire à acquérir, en explicitant et en détaillant les procédures, mais il peut direc-tement étudier les apprentissages, concevoir des méthodes d’ap-prentissage, ou évaluer celles qui sont utilisées. Son effort d'analyse peut porter aussi sur le domaine (objets et procédures) pour favoriser l’utilisation et l’apprentissage. En effet, lors de la réa-lisation de tâches, des choses inutiles sont souvent faites et on apprend ainsi à les faire parce que les objets, les pratiques et les procédures ne sont pas toujours organisées de manière optimale. Il s’agit alors d’ergonomie cognitive des systèmes techniques, par exemple, lorsqu’on intervient pour améliorer « l’utilisabilité de dispositifs ». Enfin, son effort peut porter sur les apprentis. Que savent-ils ? Que doivent-ils savoir ? L'efficacité de son intervention s'accroît lorsque son effort porte à la fois sur le domaine, la didactique et les apprentis.

Quelle que soit la direction de ses efforts, le psychologue a un modèle de l’apprenti et des processus d’apprentissages et dans un certain nombre de cas, il peut procéder à des simulations infor-matiques (Mayer, 2000 ; Samurçay & Rogalski, 1998). On peut distinguer trois niveaux de simulation : la modélisation de l'envi-ronnement (e.g. le fonctionnement d’un système technique plus ou moins complexe), la modélisation de l’activité de l’opérateur, et la modélisation de la transposition didactique entre tâches, entre situations, ou encore entre domaines.

Lorsqu’on utilise le terme de simulation en ergonomie, dans la plupart des cas on se réfère à la simulation physique du fonction-nement de systèmes techniques. Celle-ci est parfois nécessaire pour rendre possible l’apprentissage de dispositifs qui n’admettent pas, pour des raisons de sécurité et de fiabilité, - mais aussi pour des raisons économiques -, des conduites inadaptées de la part de l’opé-rateur (situations d’apprentissage de pilotage d’avion, de conduite de centrales nucléaires, etc.).

Le rôle du psychologue ergonome est capital pour la conception d’un simulateur et pour la mise en œuvre de la formation. Il réalise une analyse fine du fonctionnement du système technique et des tâches que ce système permet d’accomplir. Il participe au recueil de l’expertise (Amalberti, 1991) en vue de l’élaboration de scénarios réalistes à proposer à l’apprenti et qui peuvent être des situations d’exécution, mais surtout de résolution de problèmes. Il analyse les stratégies adoptées au cours d’apprentissage et évalue leur effica-cité. Enfin, il peut lui-même avoir la fonction de tuteur et de médiateur entre l’outil informatique et l’apprenti.

Avec la modélisation-simulation informatique, on peut simuler l’apprentissage lorsqu’on a des idées très précises sur les processus cognitifs en jeu. On a pu ainsi simuler l’apprentissage de la com-préhension de textes (Mannes & Kintsch, 1991), de la résolution de problème (Newell & Simon, 1972), de problèmes géométriques (Anderson, 1982), de l'utilisation de logiciels de traitement de textes (Poitrenaud, Richard, Pichancourt, Tagrej & Tijus, 1990), de logiciels de communication (Tijus, Poitrenaud & Barcenilla, 1997).

Ces modèles sont des modèles utilisateurs. Leur avantage est de

La troisième étape est d'avoir des hypothèses ou un modèle qui fournit des prédictions et de les tester

La simulation de systèmes techniques

La modélisation de l’activité

d’apprentissage

pouvoir mesurer les effets de l’apprentissage, de tester diverses versions d’un dispositif, ou encore divers modes de présentation de l’information sur les procédures à mettre en œuvre, ou encore de tester la description d'un apprenti, ou d'un groupe d’apprentis, par un ensemble de paramètres. L’intérêt des modèles utilisateurs, qui n’ont rien à voir avec ce qu’on connaît sous le label de systèmes-experts1, est de faire faire par la machine des simulations prédic-tives qui seraient impossibles, sinon très longues à faire autrement.

Ce qui désavantage actuellement les modèles utilisateurs, c’est la lourdeur de la programmation. Toutefois, avec l’accroissement de

«l’intelligence» des langages de programmation (de plus en plus proches du langage naturel), la modélisation-simulation de l’apprentissage est de moins en moins coûteuse.

La transposition d’une situation didactique sous un support infor-matique vise à tirer profit des possibilités techniques des nouvelles technologies, notamment en matière de multimodalité (présentation d’images, sons, textes, images 3D) et d’interactivité (animations, possibilité d’agir sur certains paramètres et de modifier ses répon-ses en fonction des résultats obtenus). On peut également enregis-trer le comportement de l’apprenti (temps, choix effectués, réponses fournies) en vue de reconstruire sa démarche d’appren-tissage. La transposition didactique peut être de nature analogique en conservant certains aspects de la situation de référence tout en y associant des données de nature symbolique (informations sur les notions ou concepts à acquérir). L’utilisation de ce type d’outil requiert qu’elle soit guidée par une démarche didactique (proposi-tion d’exercices, défini(proposi-tion d’une progression) et l’assistance d’un tuteur. L’encadré 3c présente une illustration de ce type d’appli-cation.

Encadré 3c : Conception d’un simulateur multimodal d’aide a l’apprentissage du traitement des tableaux de charge chez des grutiers faiblement lettrés (Boucheix, 2000)

Cette recherche présente une illustration concernant un cas de formation continue des conducteurs de grues à tour, ayant un faible niveau lettré et qui ont des difficultés de traitement de l’écrit. Se situant dans une perspective d’ergonomie cognitive des apprentissages professionnels, l’auteur a appliqué une démar-che de « transposition didactique » d’une situation de référence, issue de l’analyse du travail, à une situa-tion interactive simulée par ordinateur, pour faire acquérir les connaissances techniques de la nositua-tion de courbe de charge (relation proportionnelle poids-distance). La principale caractéristique de cette interface est de combiner de façon intégrée un format de représentation fonctionnel analogique (interactif et animé), les effets de l’action (fonctionnement de la grue, incluant les indicateurs physiques des cadrans -distance-poids-hauteur-, pendant le transport de charge), et une représentation symbolique (courbe et tableau) de ces mêmes effets.

Le logiciel est accompagné d’une série de séquences didactiques avec des objectifs pédagogiques bien définis. De la sorte, la conception du logiciel permet de pallier les difficultés de traitement de l’écrit, notamment par l’intermédiaire (i) de formats de représentations analogiques où l’environnement de travail visuellement représenté (grue, cadrans, consignes) correspond à l’environnement habituel de l’expert, (ii) d’animations graphiques, mais aussi (iii) par la possibilité donnée à l’opérateur d’agir sur le système pour modifier les paramètres comme en situation réelle, et (iv) par le fait que les messages sont principalement de nature sonore, (v) par les effets de rétroaction que le système d'apprentissage délivre à l’opérateur sur sa performance après chaque exercice.

La réussite de l’apprentissage réalisé ici par des professionnels peu lettrés montre l’intérêt du recours à la multimodalité des informations (auditives, écrites, imagées ou animées) pour les communications homme-machine.

1 Les systèmes-experts classiques simulent l’expert après avoir recueilli le savoir et l'ensemble des règles qui permettent de prendre des décisions.

Les transpositions didactiques informatiques

3.2. LES CONTENUS ET LES FORMES