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Les méthodes, outils et techniques d’évaluation psychologique

PSYCHOLOGIQUE EN EVALUATION

4.2.2. Les méthodes, outils et techniques d’évaluation psychologique

Si les modélisations théoriques sont les premiers outils du psycho-logue, comme source des connaissances mobilisées pour l’activité d’expertise, leur mise en œuvre s’exprime par des formes d’instru-mentation très variées mais pas nécessairement spécifiques à l’usage de la psychologie. Par exemple, « l’entretien » est une for-me de technique d’observation couvrant un champ très large de pratiques professionnelles. Nahoum (1971) a bien montré ses spéci-ficités d’utilisation dans l’orientation, la sélection et le recrutement professionnel, les enquêtes ou la recherche. Nous présenterons sous une forme très succincte les catégories d’outils ou de techniques que l’on peut mettre utilement en relation avec les perspectives théoriques qui viennent d’être présentées ci-dessus.

Les tests et les questionnaires de personnalité

Pour Reuchlin le test est une « épreuve, utilisée notamment en psychologie différentielle, qui permet de décrire le comportement d’un sujet dans une situation définie avec précision (« consignes du test ») par référence au comportement d’un groupe défini de sujets placés dans la même situation ». De même, selon cet auteur, un inventaire de personnalité (ou questionnaire de personnalité) est un

« ensemble d’items regroupés sous forme d’échelle, destiné à mesurer la personnalité d’un sujet » (Reuchlin, 1991, Grand Dictionnaire de la Psychologie, Larousse). Les tests et question-naires sont donc caractérisés par un ancrage scientifique explicite, par un système standardisé de recueil de données, et par l’exploi-tation de ces données à partir de comparaisons interindividuelles (principe de l’étalonnage des tests). En outre, chaque « test » ou

Qu’est-ce qu’un test et qu’est-ce qu’un inventaire de personnalité ?

« questionnaire » est, dans son principe de construction, une hypo-thèse de différenciation dont la réalité, la pertinence et l’utilité doivent être démontrées.

La construction, la validation et l’utilisation de tests et de question-naires reposent sur une longue tradition nationale et internationale.

Ouvrages de méthodologie (Cronbach, L.J., 1990 ; Cardinet &

Tourneur, 1985 ; Anastasi, 1990 ; Dickès et al, 1994 ; Dillon, 1997 ; Laveault & Grégoire, 1997 ; Kline, 2000) ; revue de questions (Anderson & Herriot, 1997) et articles scientifiques dans des revues spécialisées (comme Applied Psychological Measu-rement, Applied Psychology : An International Review, European Journal of Psychological Assessment, Journal of Applied Psycho-logy, Psychometrika, Psychologie et Psychométrie, Revue Euro-péenne de Psychologie Appliquée, Travail Humain, etc.) permettent de développer, d’entretenir et d’adapter la passation des tests à l’évolution des technologies nouvelles.

Plusieurs manuels (parmi lesquels Hood & Johnson, 1991 ; Lowman, 1991 ; Seligman, 1994 ; Walsh & Osipow, 1995 ; Watkins & Campbell, 2000) et certains articles (paraissant dans des revues comme International Journal for the Advancement of Counseling, Journal of Career Assessment, Journal of Counseling Psychology, Journal of Vocational Behavior, L'Orientation Sco-laire et Professionnelle, Measurement and Evaluation in Coun-seling and Development, The Career Development Quartely, The Counseling Psychologist) traitent spécifiquement de la question de l'utilisation des tests et des questionnaires dans le cadre de la psychologie du conseil en orientation (vocational and career counseling), domaine qui fait l'objet de nombreux ouvrages américains (parmi lesquels Walsh & Osipow, 1990 ; Peterson, Sampson, & Reardon, 1991 ; McDaniels & Gysbers, 1992 ; Schlossberg, Waters, & Goodman, 1995 ; Brown & Brooks, 1996 ; Savickas & Walsh, 1996 ; Sharf, 1997 ; Gysbers, Heppner &

Johnston, 1998 ; Isaacson & Brown, 2000), et de quelques publications françaises récentes (Blanchard, 2000 ; Bujold &

Gingras, 2000 ; Guichard & Huteau, 2001 ; Lhotellier, 2001).

L’usage des tests concerne à la fois les domaines cognitifs (intelli-gence, aptitudes) et conatifs (facteurs de personnalité, motivations, intérêts professionnels, estime et images de soi, locus de contrôle, sentiments d'efficacité personnelle, etc.). Une première approche du monde des tests et des questionnaires pourra être faite à partir des ouvrages d'Aubret (1989) et de Blanchard (1990). Néanmoins, pour comprendre l’intérêt de l’approche des caractéristiques des indivi-dus par les tests nous invitons le lecteur à analyser l’exemple ci-après (voir l'encadré 4.c).

La méthodologie et le contenu des tests se sont adaptés à des appro-ches de l’évaluation des caractéristiques humaines en rapport avec les situations de travail. Le Questionnaire d'analyse des emplois (Position Analysis Questionnaire - PAQ) de McCormick, Mecham et Jeanneret (1977), récemment adapté en France (Loarer, Vrignaud

& Loss, 2000), permet de comparer les informations recueillies au cours d'un entretien individuel (guidé par un questionnaire structuré

de 200 questions), aux profils de 2 200 emplois-types mémorisés dans une base de données. A partir d’une description de postes en termes de comportements, on peut inférer les caractéristiques indi-viduelles requises pour prétendre occuper le poste. Le F-JAS (Fleishman & Reilly, 1998 ; Fleishman, Reilly, Chartier, & Lévy-Leboyer, 1993) aide à déterminer respectivement les aptitudes (cognitives psychomotrices, physiques, perceptives) et les compé-tences sociales requises.

Ces exemples illustrent la pertinence d’une double analyse : analy-se des caractéristiques individuelles et analyanaly-se des profils de poste ou d’emploi.

Encadré 4.c : Exemples d’épreuves de raisonnement

L’exemple illustre une approche classique de la mesure de l’aptitude à raisonner. Les sujets soumis au test doivent élaborer une règle qui structure une série de nombres, de figures, de mots. L’analyse de la tâche à exécuter pour produire la réponse peut montrer la complexité et la diversité des opérations psychologiques en jeu : segmentation d’une série en sous-structures pertinentes, mise en relation des nombres à l’intérieur de chaque sous-structure, et entre les sous-structures, élaboration de la loi de série, production à titre d’hypothèses de réponses, vérification de l’application de la loi à ces réponses.

Trouver une loi de série : Raisonnement sur du matériel numérique : 36 31 33 28 30 25 27 .. ..

( Le sujet doit trouver des nombres qui complètent la série)

Trouver une loi de série : Raisonnement sur du matériel figuré :

(Le sujet doit trouver parmi les cinq figures à droite du trait vertical, celle qui continue la série des trois figures à gauche)

Catégoriser : élaborer un concept

Penser Réfléchir Imaginer regarder douter

(Le sujet doit exclure le mot qui ressemble le moins aux autres en fonction du sens des mots de la série)

L’analyse des expériences professionnelles, sociales et personnelles

L’analyse de l’expérience professionnelle est l’un des éléments constituants du bilan de compétences. Les différentes formes de modélisation de l’activité humaine construites dans le cadre de la psychologie du travail justifient le recours à l’observation

psycho-logique et la valeur ajoutée qu’elle peut apporter par rapport à des observations souvent fondées sur l’intuition.

Ces interventions partent du principe que l’observation doit se faire dans des conditions aussi proches que possible de la réalité sociale ou professionnelle. On peut donc observer le travailleur dans son emploi ou sur son poste de travail. On peut aussi construire des situations d’observations qui reproduisent les conditions des situations habituelles de travail. Ce principe évoque les tentatives de Munsterberg aux Etats-Unis en 1910 et de l’allemand Tramm.

Le premier synthétise les différentes aptitudes à la conduite des tramways en « une seule aptitude » et fait construire un appareil complexe qui doit mesurer ce qui pour lui représente l’ensemble des comportements du conducteur. Cet appareil sera utilisé pour la sélection des conducteurs de tramways. Tramm adopte une attitude beaucoup plus analytique. Il catégorise les différentes activités d’un conducteur de tramways sous neuf rubriques (neuf aptitudes) et utilise autant de tests pour les évaluer. Il aboutit à la création d’un « profil psychologique » dans lequel chaque point est constitué par une aptitude spéciale (compréhension, estimation de la rapidité, jugement, raisonnement, accoutumance au danger...).

L’observation des personnes au cours de l’activité a été utilisée dès les années 1920 pour observer les comportements des sujets en groupe (pratique des jeux de rôle). A cette époque, Moreno met au point une technique quantitative (le sociogramme) permettant de décrire avec des méthodes statistiques les liens et les répulsions qui existent entre des individus d’un groupe restreint. Kurt Lewin (psychologue gestaltiste) considère comme un tout structuré l’en-semble formé par l’individu et son environnement. Son nom reste attaché à celui de la dynamique des groupes. A partir de 1936, Bavelas et Leavitt développent des recherches sur les groupes, les communications, l’information, l’autorité, le pouvoir.

Le principe d’observation en situation de simulation est largement utilisé dans les pratiques des centres d'évaluation (assessment centers) apparues aux Etats-Unis et au Royaume-Uni à partir des années 1950 et qui ont commencé à pénétrer en France à partir des années 1980. Beaujouan (2001) définit un centre d'évaluation (assessment center) comme une situation d'évaluation des per-sonnes qui a lieu dans un contexte professionnel et qui comporte : la définition préalable de critères d'évaluation, de dimensions et de compétences en rapport avec l'objectif de l'évaluation ; l'utilisation de méthodes d'évaluation différentes et le recours à différents évaluateurs ; l'utilisation d'exercices variés de simulation ou de mise en situation (en groupe, en binôme, en individuel) qui donnent lieu à des observations comportementales conduites par les évaluateurs ; et enfin, un entretien de restitution sous la forme d'un dialogue entre les évaluateurs et les évalués. Ces centres d'évaluation ont une validité prédictive élevée mais les recherches rapportées par Beaujouan (2001) et Kline (2000) tendent à montrer que cette validité repose essentiellement sur l'utilisation des tests psychométriques. En France, ce principe a été repris dans le cadre du bilan comportemental, (Ernoult, Gruere & Pezeu, 1984).

Observer

la personne dans l’activité

Des pratiques de simulation sont aujourd’hui développées sous l’égide de l’ANPE, selon une méthode dite des « tests d’habiletés » où, par exemple, pour des recrutements de conseillers-vente en magasin, on reconstitue un magasin avec des linéaires, des produits en rayon, une musique d’ambiance et des bruits de fond. Des élé-ments (performances, comporteélé-ments, réalisations) préalablement définis sont systématiquement recherchés par un ou plusieurs observateurs, voire présentés par la personne évaluée. L’évaluation qui peut en résulter prend en compte la présence ou l’absence de ces observables auxquels on applique, le cas échéant, des critères de qualité, eux-mêmes définis préalablement.

L’observation en situation constitue la base de la certification des compétences professionnelles de type « Qualifications Profession-nelles Nationales » (National Vocational Qualifications/ NVQs), système né en Grande Bretagne et utilisé aujourd’hui dans plus de 40 pays.

Si cette dernière approche de l’évaluation ne mobilise guère la spécificité disciplinaire du psychologue, il en va autrement de l’usage des techniques qui visent, sur la base d’entretiens appro-fondis, à faire expliciter par le sujet les différents éléments de ses expériences, et les opérations cognitives qui ont encadré cette expérience dans sa préparation, sa réalisation, ses effets. Comme les compétences sont le plus souvent des savoirs implicites, tacites, il s'agit d'aider la personne à les expliciter. C’est l’objectif de l’entretien d’explicitation de Vermersch (1996). L’entretien de recherches des compétences génériques, mis au point aux Etats-Unis par le Council for Adult and Experiential Learning (CAEL) et la société McBer and Company créée par deux psychologues, D.

McClelland et D. Berlew, est une technique fondée sur l’entretien qui vise à mettre en évidence des faits à partir du témoignage détaillé de l’individu. A partir des données recueillies, l’inter-viewer recherche les indicateurs du mode de fonctionnement de l’individu. Un code d’interprétation permet de catégoriser les infor-mations selon une grille dite de « compétences génériques » dans le but d’établir avec l’individu un profil de compétences utilisable dans la préparation d’un entretien d’embauche, d’un curriculum vitae, d’un travail sur le projet professionnel.

Ainsi se réalise un vœu de psychologues du début du siècle tels que Ribot, Janet ou Binet : ils pensaient qu’il fallait observer pendant longtemps, de façon approfondie, des individus particuliers aux prises avec leurs problèmes, connaître de façon aussi complète que possible les circonstances de leur vie tout entière, de façon à pouvoir interpréter chaque fait à la lumière de tous les autres. Ils exprimaient ainsi leur défiance à l’égard des méthodes statistiques et de l’illusion que peut suggérer la référence à la certitude mathé-matique.

Les pratiques d’histoires de vie

Il n’est probablement pas très classique d’évoquer les histoires de vie dans un manuel de psychologie du travail et des organisations où la part la plus belle est généralement consacrée aux tests et aux questionnaires. Le terme de pratiques d’histoire de vie ou de récits

Expliciter les contenus de l’expérience

de vie renvoie à une diversité de formes orales ou écrites de présentation par une personne, pour elle-même ou pour autrui, des événements de sa vie et des liens sémantiques qu’elle établit entre ces éléments. Si l’orientation professionnelle se limitait à des formes d’anticipation des pratiques de recrutement professionnel, et si le recrutement professionnel n’était que le résultat de décisions autoritaires sur la seule base d’une évaluation extérieure des personnes, il serait de peu d’utilité de s’intéresser au sens que les personnes donnent ainsi à leur vie. Toutefois, une société qui valo-rise, d’une part, l’autonomie et la responsabilisation des personnes dans la gestion de leur parcours professionnel, et, d’autre part, la créativité, la flexibilité, l’adaptabilité dans l’emploi, ne peut puiser ces qualités attendues que dans la mobilisation des ressources personnelles de chacun. Les techniques d’histoire de vie sont présentées dans le cadre d’activité de formation et d’autoformation (Delory-Momberger, 2000). Elles constituent une extension logique de l’analyse de l’expérience de vie et s’accordent bien avec les objectifs d’élaboration de projet professionnel dans le cadre du bilan de compétences. En outre, elles sont en quelque sorte un préalable à la mise en œuvre de techniques de présentation de soi qui vont de la préparation d’un curriculum vitae à la réalisation d’un portfolio (dossier de preuves de réalisations professionnelles) en vue de la négociation sociale (Aubret, 1992).

Lorsque Sandrine va réaliser son bilan de compétences, plusieurs types d’activités impliquant l’utilisation de tests ou de question-naires, une analyse de ses expériences personnelles, sociales et professionnelles, un retour réflexif sur sa vie, lui seront proposés.

Elle pourra choisir, en fonction de son projet de bilan et des conseils qui lui seront donnés, ce qui lui paraît pertinent. Il est bien évident que cet ensemble requiert un temps de maturation qui peut s’étaler sur plusieurs mois et un travail personnel conséquent.

4.3. L A QUESTION DE LA VALIDATION