• Aucun résultat trouvé

connaître, comprendre, agir et évaluer

3.3. L’ETUDE DE L'APPRENTISSAGE EN FORMATION

De quels outils dispose-t-on pour étudier l'apprentissage dans le cadre de la formation ? Leplat (1992) a proposé un cadre de conception, d’analyse et de contrôle des situations de formation, basé sur l’analyse du travail et sur la prise en compte des facteurs cognitifs de l’apprentissage. Ce cadre comprend quatre grandes phases : l’analyse des conditions initiales, le diagnostic, l’élabo-ration et la mise en œuvre de la formation et l’évaluation de la formation.

Figure 3.4. Les quatre grandes phases de l'élaboration d'une formation, adaptée de Leplat (1992)

Analyse des conditions initiales

L'analyse des conditions initiales à la formation porte sur la description de la population à former en termes d’un certain nombre de variables (âge, expérience, niveau d’étude, statut

socio-Pour conclure

Nouve lle com péte nce Déterm iner les techniques pour le s accomplir, ainsi ques

E VALUER Valid ité in tern e

D écision de formation : conditions initiales

Diagnostic des besoins en f ormat ion

Élaboration et

professionnel, etc.). Cette description peut nous renseigner sur l’homogénéité du groupe auquel s’adresse la formation et sur la présence ou l’absence de prérequis ou connaissances de base pour suivre la formation.

L’objet de la formation concerne les tâches à faire apprendre et les connaissances qui y sont associées. L’analyse des tâches devrait être l’étape préalable à toute conception de formation à visée professionnelle. Celle-ci permet de déterminer les connaissances dont dispose un opérateur pour travailler sur son poste et leur effi-cacité ainsi que l’effieffi-cacité de la formation reçue pour occuper ce poste. L’analyse des tâches permet également de concevoir la formation à donner (car souvent cela implique l’usage d’une forma-lisation du contenu qui doit être transmis) et d’avoir des critères d’évaluation et de validation de la formation qui a été dispensée.

Diagnostic

Cette phase permet de préciser quels sont les objectifs de la formation en termes de compétences à acquérir, en fonction de l’écart entre les compétences que possèdent déjà les opérateurs et celles qui sont requises pour exécuter les nouvelles tâches. Il faut cependant signaler, que malgré l’usage courant de la notion de compétence, celle-ci manque d’une définition claire et d'opératio-nalisations univoques.

Les travaux consacrés à l'étude des compétences et à l'usage qui est fait de cette notion dans le domaine du travail se partagent en deux grandes tendances : celle qui étudie les compétences du point de vue de leur mise en œuvre dans une tâche (il s’agit des connais-sances finalisées et fonctionnelles) et celle qui les étudie du point de vue des ressources ou capacités. Ceci s’applique aussi bien à l’analyse des compétences que possèdent les sujets à former, à l’analyse des compétences requises pour réaliser les nouvelles tâches, qu’à l’analyse des compétences à faire acquérir.

La première tendance aborde la notion de compétence comme un savoir-faire stabilisé du point de vue des résultats qui doivent être obtenus. Cela se traduit dans la pratique par la rédaction et l'usage de «référentiels de compétences», où celles-ci sont définies de façon minimale en utilisant le terme générique « il faut être capable de… ». Cela s’est traduit aussi par une « pédagogie par objectifs » qui a conduit à atomiser les tâches, laissant à la charge de l’opéra-teur de faire le lien entre celles-ci, et leur insertion dans le contexte technologique et organisationnel. Dans cette approche, que Leplat (1997) appellerait «béhavioriste», l'accent est mis sur les

«activités / actions» que les sujets doivent savoir effectuer correcte-ment (la tâche prescrite) sans que pour autant les termes «activité et action» soient clairement définis et sans que l'on se donne les moyens d'analyser et de formaliser les tâches ; ce qui pose le pro-blème de la «valeur descriptive» de ces référentiels.

La seconde tendance revient à considérer les compétences comme

«un ensemble de dispositions, ressources, capacités cognitives ou instruments cognitifs» qui permettent et engendrent l'action. Cette conception de «la compétence», qui se rapproche de la notion de

Définition de l’objet de la formation : les tâches à apprendre

Définition des compétences à acquérir

Evaluation des compétences chez l’opérateur

«compétence chomskienne», se traduit dans la pratique par la passation de «bilans de compétences» qui servent à fournir des indicateurs sur l'aptitude à exercer un certain type de travail. Cette manière de concevoir la compétence conduit à l'envisager comme étant quelque chose de stable, qu'on peut prédire à partir de procé-dures d'évaluation psychométriques. Toutefois, un certain nombre de recherches, notamment Pellegrino (1983), Regian et Schneider (1990), ont montré que certaines aptitudes/capacités (par exemple, les aptitudes spatiales), qui ont été longtemps considérées comme ayant des effets stables sur la performance, peuvent évoluer consi-dérablement avec la pratique. Cela amène à reconsidérer la «validi-té prédictive» de certains outils d'évaluation de la compétence et, plus généralement, à tenir compte de «la plasticité» des compéten-ces, c'est-à-dire de l'effet que peut exercer l'expérience sur la pratique.

Les limites de ces deux approches peuvent être surmontées puisqu'on dispose actuellement, d’une part des moyens, qui ont fait l’objet d’une validation scientifique, pour décrire les compétences en termes d’exigences ou d’aptitudes, et d’autre part, de moyens d'analyse et de formalisation des tâches (Weill-Fassina, Rabardel &

Dubois, 1993 ; Kirwan & Ainsworth, 1993 ; Annett & Stanton, 2000). qui permettent d'intégrer deux dimensions importantes des compétences en général, et des savoir-faire en particulier, qui sont habituellement délaissées dans l'étude et l'évaluation des compé-tences. La première dimension est le caractère structurel du savoir-faire, tel qu'il est appréhendé par les courants de recherche cogniti-vistes sous l'angle de l'étude des représentations. La seconde dimension est le caractère dynamique du savoir-faire, dont les théoriciens essaient de rendre compte en termes de processus et mécanismes d'élaboration et d'utilisation de connaissances (utilisa-tion d'heuristiques, produc(utilisa-tion d'inférences, etc.) à travers des situations d'apprentissage, de résolution de problèmes et d'exécu-tion de procédures. Si l'on veut rendre compte de ces deux proprié-tés essentielles, en accord avec Leplat (1991), il faut ici encore faire précéder l'étude de la compétence par une analyse de l'activité.

Elaboration et mise en œuvre de la formation La revue de la littérature montre que les pratiques de formation sont très nombreuses et variées, liées souvent à des effets de mode, sont plus ou moins empiriques et influencées par des approches théoriques différentes qui conduisent inévitablement à des opératio-nalisations déterminées.

Il faut s'interroger sur le type de connaissances dont l’opérateur a besoin. Il semble évident que le type d’information à fournir à l’opérateur ne sera pas le même selon qu’il s’agisse d’une tâche de routine ou d’une activité complexe, d’une activité d’exécution de procédures typiques ou d’une activité de diagnostic, que les sujets sont expérimentés ou novices.

On peut cependant recenser un certain nombre de catégories de connaissances qui pourront être adaptées en fonction de la com-plexité de la tâche à transmettre :

Ces informations permettent de préciser les objectifs de la forma-tion en présentant le cadre général dans lequel s’insèrent les tâches à apprendre et les liens existant entre les différentes connaissances à faire acquérir. Cette étape est primordiale car elle permet à l’apprenti d’avoir une vue d’ensemble du contexte dans lequel s’in-sère son activité future et de donner un sens aux différentes étapes et contenus de la formation.

Ce type d'information concerne l'emplacement des éléments du matériel, les commandes utilisées, le type d’affichage, les valeurs et informations importantes à prendre en compte et éventuellement les aides dont dispose l’opérateur.

Ces informations permettent de comprendre les relations entre la structure physique des systèmes, les actions réalisées par les opéra-teurs, et les résultats produits. Elles sont d'autant plus importantes pour les systèmes à nouvelles technologies. En effet, un système technique est un objet qui se compose d'un ensemble de parties dont l'agencement concourt à la production d'un résultat. Avec le développement technologique, tout en offrant de plus en plus de fonctions pour des résultats de plus en plus riches, le système technique réalise de plus en plus des enchaînements de fonctions de manière automatique, si bien que l'agencement des parties (de plus en plus miniaturisées) et la réalisation des chaînes causales fonc-tionnelles (de plus en plus intégrées) sont de plus en plus cachées à l’opérateur. Il faut cependant fournir un minimum de connaissances sur le fonctionnement car celles-ci sont indispensables pour com-prendre les situations d’incident ou de dysfonctionnement. Ces explications permettent aussi de comprendre comment un produit ou une information est transformé lorsqu’il passe d’une structure du système à une autre. Elles concernent :

– Les prérequis à prendre en compte peuvent être des indices ou des événements qui apparaissent dans le système technique qui sont censés déclencher l’exécution de la tâche, mais les prére-quis peuvent être en eux-mêmes des tâches secondaires indis-pensables à la réalisation de la tâche principale (tâches de véri-fication ou de contrôle, tâches de préparation, etc.),

– La description de la tâche est une série d’actions à réaliser avec des instruments ou des objets techniques, en respectant un certain nombre de contraintes temporelles ou conditionnelles.

Cette description doit montrer également le lien avec d’autres tâches que l’opérateur devra éventuellement réaliser et com-ment elles sont coordonnées,

– Ces informations permettent à l’opérateur de se situer par rapport à ce qu’on attend de lui en termes de performances requises : actions, communications, décisions, vitesse, préci-sion, attention ; et du niveau de complexité et de difficulté de la tâche,

– Ces informations sont indispensables car l’opérateur ne se limite pas seulement à exécuter des tâches mais de plus en plus on demande à l’opérateur des activités de contrôle,

Les informations

– Les incidents et les erreurs qui ont été constatés par le passé, les incidents et les erreurs les plus typiques ou les plus probables, sur les conséquences des erreurs et des incidents, et sur les conditions prédisposant à l’apparition d’une erreur ou d’un dysfonctionnement.

Comment structurer le contenu de la formation ? L’élaboration d’une situation de formation résulte d’un compromis entre différentes sortes de paramètres :

– Les possibilités matérielles, organisationnelles offertes par le milieu de la formation ou par l’entreprise et les contraintes temporelles qui déterminent le temps et le rythme de la forma-tion.

– La complexité de la tâche, du fonctionnement des systèmes techniques, du processus de production : un problème classi-que en formation est celui de la décomposition d'une tâche complexe en parties assez petites pour qu’elles puissent être apprises par un débutant, et la recomposition de ces parties qui doivent être intégrées par l'apprenti. Autrement dit, comment déterminer la progression des contenus ? La modélisation des tâches et du fonctionnement de systèmes techniques permet d’orienter un découpage des tâches ou des fonctions en unités ou programmes pouvant constituer des entités autonomes d’en-seignement, pour les mettre ensuite en relation dans des phases d’apprentissage ultérieures en allant du plus simple au plus complexe.

– Le type de contenu du point de vue des mécanismes d’appren-tissage en jeu : l’apprend’appren-tissage d’un signal, de discrimination de données, d’associations, de concepts, de règles, de la plani-fication, sont des connaissances qui s’emboîtent pour former un corpus d'informations portant sur les tâches et les systèmes techniques, et dont la transmission doit être également struc-turée en allant du plus simple au plus complexe : avant de planifier, il faut connaître les règles, et avant de connaître les règles, il faut connaître les concepts véhiculés par les règles.

– Les formes ou conditions de l’apprentissage que l’on choisit : par l’action, par le tutorat, en résolvant des problèmes, en co-action, etc. La forme de l’apprentissage est déterminée par le type de contenu à acquérir, mais aussi par les hypothèses du formateur sur les effets attendus des conditions de formation.

– Les outils et les techniques de formation : la question de la forme d’apprentissage et de la structuration des contenus est tributaire des outils et des techniques d’apprentissage mis à la disposition du formateur et de l’apprenti : entretiens, simu-lations réalistes et manuelles de la tâche, simusimu-lations informa-tiques, Enseignement Assisté par Ordinateur, apprentissage en situation réelle, modélisations graphiques des tâches et du fonctionnement des systèmes techniques, etc.

Les informations sur les erreurs et les dysfonctionnements et leurs

conséquences

Evaluation

Les pratiques d’évaluation de la formation développées par les entreprises restent rares, et lorsque l’évaluation est faite, elle se limite souvent à un questionnaire d’appréciation ou de satisfaction soumis à la personne formée portant sur les points suivants : durée de la formation, adaptation à votre niveau de connaissances, adap-tation à votre activité professionnelle, presadap-tation de l’intervenant, apport de nouvelles connaissances, organisation matérielle (lieu, salle, matériel) qualité des échanges et réponses aux questions, documentation (contenu, présentation).

Le problème parfois est de savoir ce qu’on évalue : l’action du formateur, l’action de formation, le résultat de ces actions, le com-portement obtenu chez les formés, etc.

Une évaluation efficace des résultats de la formation requiert qu’on ait défini préalablement des indicateurs ou des critères opération-nels sur les contenus à apprendre et sur leur manifestation en termes de performances ou de conduites. On peut distinguer deux types d’indicateurs qui renvoient à deux types d’évaluation :

– Des indicateurs internes (évaluation interne) portant sur la situation pédagogique, et dont la mesure doit pouvoir répondre aux questions du type : « la formation a-t-elle bien rempli les buts qu’elle s’était fixés ? », « les apprentis ont-ils appris ce qui correspondait aux objectifs pédagogiques ?».

– Des indicateurs externes (évaluation externe) portant sur les situations de travail, et dont la mesure doit pouvoir répondre aux questions du type : «ce qui est nécessaire à l’exécution de la tâche professionnelle, est-ce bien ce qui a été acquis ? », «des changements dans les pratiques professionnelles et dans les performances ont-ils été observés ? », etc.

Ces deux types d’indicateurs peuvent être mis en relation pour mesurer leur fidélité et la corrélation avec la réussite profession-nelle.

La validation peut porter aussi sur la stabilité temporelle à court terme et à long terme des connaissances acquises, et parfois sur la capacité chez les apprentis à transférer ce qui a été appris à d’autres situations que celles qui ont fait l’objet de la formation, surtout lorsque la formation à pour visée de faire acquérir des capacités d’ordre général (cas des pédagogies de remédiation cognitive).

Enfin, la situation d’évaluation fait apparaître souvent de nombreux biais qui ont bien été décrits par les psychologues (Guingouain, 1996) et envers lesquels il faut se prémunir en adoptant certaines précautions méthodologiques.

3.4. LES ENJEUX DE LA FORMATION