2.2 aux réalités locales
1. Le New Urbanism : principes et outils au service du renouvellement périurbain américain
1.2. c Deux modèles pour deux visions du territoire ?
Sans revenir sur l’origine du New Urbanism qui repose, comme le rappelle D. Kelbaugh89, sur la
création d’un nouvel ordre visuel basé sur la confusion de la ville moderne, et comme nous le soulignions plus tôt, il existe au sein du New Urbanism deux écoles de pensées.
86 J. Grant (2006, p.68) cite notamment A. Duany « community flourishes best in traditional
neighborhoods » (Duany, 2000, p. 243) ou encore M. Pateman « poor design – or no design – can discourage human interaction, reduce feelings of community, and provide a sterile, monotonous environment that creates social disassociation and behavioral problems associated with crime and poverty » (Pateman, 2004, p. 17).
87 « New Urbanism is not a panacea, but that its design principles are consistent with broader policies
aimed at revitalizing and improving living conditions and opportunities for inner-‐city residents. New Urbanism needs to be viewed as one strategy to be integrated within the larger array of economic, social, and community development programs attempting to revitalize and improve the quality of life in inner-‐ city neighborhoods » (Bohl, 2000, p. 799).
88 « The use of the notion of community has opened the door wide to critics of otherwise laudable town-‐
planning theories (such as traditional neighborhood design), critics who are quick to point out that physical determinism has never been morally or practically supportable » (Talen, 2000, p. 179).
89 « What is new about the New Urbanism is its totality. It attempts to promote a sort of unified design
theory for an entire region – from the small scale (building block, street) through the intermediate scale (corridor, neighborhood, district) to the large scale (regional infrastructure and ecology) » (Kelbaugh, 1997, p. 132).
La première est portée par le couple DPZ très largement influencé par le travail de L. Krier, notamment par ses idées concernant l’architecture néo-‐rationaliste, qui ont conditionné l’aspect néo-‐traditionnel du modèle auquel le couple rajoute l’approche vernaculaire du village90. Commentant Seaside — premier projet sur lequel se base le modèle du traditional neighborhood development de DPZ — A. Christoforidis (1994) décrit un développement organisé autour d’une centralité commerciale et civique matérialisée par un espace public central ouvert et un bâti qui retrouve une organisation verticale (rez-‐de-‐chaussée commerciaux surmontés d’appartements). DPZ répartit méthodiquement une gamme variée de logements selon une densité décroissante du centre vers la périphérie (Fig. 3.3). Ils emploient également le modèle traditionnel du damier et suppriment le cul-‐de-‐sac au profit d’un choix directionnel plus large pour l’automobiliste et le piéton. Le garage passe d’une ouverture sur la rue à une ouverture sur l’arrière du bâti dans des allées afin de réduire son impact visuel, d’améliorer l’architecture et l’esthétique du bâti91. Cette
esthétique est soulignée par T. Bressi qui décrit une « impression romantique historique » (Bressi, 1994, p. xxxvi). L’échelle limitée des développements est ainsi favorable au piéton, permet de réduire la taille de la voirie et la vitesse automobile, tout autant qu’elle contribue à limiter l’étalement urbain (Duany, Plater-‐Zyberk, Speck, 2000). Toutefois, bien que le modèle est censé être appliqué en dent creuse, il est majoritairement utilisé en extension urbaine92, ce qui lui vaut un certain nombre de critiques, notamment du point de vue du développement durable (Zimmerman, 2001 ; Till, 2001). D’autres critiques fustigent une tendance à la nostalgie rétrograde illustrée par un modèle prônant le retour à « la vie de petits villages93 » (Ellis, 2002).
Inversement, le modèle développé par P. Calthorpe n’apporte que peu d’importance au dessin classique et à l’architecture néo-‐traditionnelle mais favorise plutôt une approche basée sur la responsabilité environnementale des villes. Le transit oriented development s’articule ainsi autour des transports en commun qui permettent de connecter plusieurs centralités régionales
90 « Krier’s work had an immense impact on Duany and Plater-‐Zyberk. The classical revival ideas of neo-‐
rationalism clearly inspired the search for traditional principles of design for the building of Seaside. […] to the classical revival ideas of rational architecture they added a focus on the local vernacular of the regional small town or village » (Grant, 2006, p. 55‑57).
91 « What does traditional neighborhood design require of homebuilders? First, that they adjust their
house plans so that the garages are located on a rear alley, or at least set back behind the house fronts, to avoid dominating the street. It also asks them to calm down the architecture: to simplify roofs and to limit the amount of variety within the house facade, recognizing that variety should instead occur at the urban scale, among different houses. In some cases, it demands that they supply front porches, stoops, and picket fences, to better define the transition between the public and the private realms » (Duany, Plater-‐ Zyberk, Speck, 2000, p. 141).
92 « Although the proponents of TND suggested that it could be used in urban or suburban areas, most of
the projects were greenfield developments » (Grant, 2006, p. 58).
93 « The term nostalgia appears in almost every discussion of the New Urbanism. […] Critics claim that New
Urbanists want to return to a fantasy of small-‐town life, a false past purged of all its unpleasant elements and patterns of domination and exclusion, an illusory world of the imagination » (Ellis, 2002, p. 266‑267).
entre elles (Fig. 3.3). Leur localisation est minutieusement choisie à l’intérieur de systèmes urbains existants afin d’éviter un maximum la dépendance automobile des usagers du centre intermodal. Ainsi, les principales qualités de ces centres reposent sur l’échelle piétonne, l’instauration d’une ceinture verte et une occupation des sols variée94 (Calthorpe, 1993).
Figure 3. 3 : Comparaison des deux principaux modèles du New Urbanism (Christoforidis, 1994, p. 433).
Au-‐delà de ces divergences, ces deux modèles s’accordent sur un certain nombre d’éléments convergents95 reconnaissant les vertus d’une ville compacte et diverse défendant les valeurs
d’un urbanisme plus durable. Toutefois, arrivé à ce niveau de détail des formes urbaines, que reste-‐t-‐il aux acteurs locaux participant aux ateliers d’urbanisme mis en place par le New Urbanism ?
94 « The fundamental qualities of real towns: pedestrian scale, an identifiable center and edge, integrated
diversity of use and population, and defined public space » (Calthorpe, 1993, p. 33).
95 « Common elements of community design in all models: mixed use, mix of housing types, compact
form, walkable environment (400 meters center to edge), transportation alternatives, attractive public realm, quality urban design, centre with commercial and civic uses, clear edges, narrow streets, design charrettes » (CNU, 2000).