2.2 aux réalités locales
3.2. Critères et indicateurs typomorphologiques
Sur la base des enjeux du périurbain durable formulés, nous cherchons à expliciter les conditions d’une zone étudiée par des critères et des indicateurs typomorphologiques. Les critères résultent de la combinaison des enjeux du périurbain durable à différentes échelles spatiales constituant des niveaux de lecture urbaine (Fig. 4.11) ; tandis que les indicateurs relèvent de mesures physiques et matérielles ainsi que d’évaluations techniques liées aux usages établis sur la base d’une démarche d’observation des opérations sélectionnées.
Figure 4. 11 : Critères associés aux enjeux du périurbain durable en fonction des échelles spatiales sélectionnées.
Compte tenu des différences culturelles entre la France et les Etats-‐Unis, les critères ne sont pas associés à des valeurs idéologiques auxquelles ils auraient pu être affiliés par le passé. Leur but est de représenter dans la mesure du possible une valeur objective rendant compte d’une réalité sociale afin d’alimenter une comparaison raisonnée. Cette étude qualitative sert ainsi plusieurs objectifs :
§ Recenser les typologies des formes d’habitat individuel et étudier les modes de découpage du sol, les formes d’organisation et les figures de groupement,
§ Faire ressortir des ratios d’équipements et d’infrastructures afin de mesurer la proportion d’espace public, de voirie et évaluer les facilités de liaisons entre divers points du tissu, le confort et la sécurité du piéton,
§ Établir des rapports d’occupation du sol entre espace public et privé afin de saisir l’intérêt porté à des espaces à valeur d’usage ou commerciale,
§ Mettre en évidence le rapport entre une opération et son contexte métropolitain. Le choix des indicateurs est explicité (Fig. 4.12), cependant, certains critères et indicateurs appellent quelques commentaires et références. En effet, si notre étude compare deux contextes culturels différents, nous empruntons aux Etats-‐Unis des notions qui nous semblent importantes à introduire dans le cadre d’une telle étude typomorphologique.
Figure 4. 12 : Indicateurs et leurs objectifs associés aux critères typomorphologiques.
L’articulation « connectivité, perméabilité, accessibilité, proximité » indique un rapport à l’espace public en fonction de niveaux de lecture urbaine. Les indicateurs liés à la connectivité permettent de mettre en évidence la figure de ville privilégiée par le concepteur du modèle sélectionné et sa localisation au sein d’un espace urbain plus large. Le critère de perméabilité a pour objectif de distinguer et de caractériser des espaces extérieurs afin de comprendre qui peut y accéder, comment ils sont perçus et quels en sont les usages. Nous mesurons la perméabilité par la possibilité de pénétration dans le tissu. Ian Bentley se réfèrent à la perméabilité comme à une quantité et à une variété d'accès possibles pour et par les différents modes de transports (Bentley, 1985). Un quartier perméable offre à son usager un choix varié de trajectoires, plus ou moins directes, pour chaque destination. Ce critère résulte d'un découpage de l'espace entre accessibilité physique, pénétration visuelle et perceptibilité sensorielle. L'espace accessible correspond généralement à l'espace public, libre d'accès et gratuit. Il représente l'espace où la pénétrabilité est la plus grande puisqu'elle peut être physique. Il s'agit d'espaces ni fermés, ni contrôlés. L'espace visible non accessible n'est plus pénétrable que visuellement depuis l'espace accessible. Enfin, l'espace perceptible correspond aux espaces dont on perçoit le volume général sans les distinguer en entier, en particulier là où le sol est invisible depuis l'espace accessible.
La typologie des espaces urbains anglo-‐saxons (Fig. 4.13) nous permet de sortir de la simple dualité intérieur/extérieur et public/privé afin d'introduire un critère d’accessibilité plus complet. De plus, selon Mike Biddulph, cette typologie permet une finesse d'analyse
Critères Indicateurs Objectifs
distance au centre localiser l'ensemble étudié en fonction de sa position dans les couronnes de la ville centre situation géographique décrire la géographie du site d'implantation
nombre de logements nombre d'habitants
hauteur déterminer la perception du tissu par le promeneur et représenter un paramètre de grande influence sur la densité COS
CES
densité brute de logements densité brute d'habitants
surface des parcelles comprendre la situation foncière et permettre d'apprécier les potentiels des différents types de tissu nombre de place de
stationnement sur voie distance au stationnement
linéaire de voirie évaluer l'importance de l'automobile distance au transport en
commun
fréquence des transports en commun
espace accessible représenter la pénétrabilité physique d'espaces ni fermés, ni contrôlés espace visible non accessible représenter le spectre de la pénétration visuelle depuis l'espace public
espace perceptible non visible représenter la perception de volumes généraux que l'on ne voit pas en entier (en particulier le sol) depuis l'espace public espace public
espace semi-public espace semi-privé espace privé
rapport privé/public présenter les dispositifs de proximité à différentes échelles
articulation et limites interroger la notion de seuil à travers les stratégies de relation à l'espace public densité commerciale
densité tertiaire densité industrielle surface agricole
rayonnement des activités mesurer par classement et destination des biens et produits l'échelle d'influence de la fonction (autre que résidentielle) Mixité recensement des activités mesurer la diversité fonctionnelle et typologique
Continuité coupe architecturale et paysagère indiquer un rapport entre les creux et les pleins
comparer les facilités de liaison entre les divers points du tissu et la part de sol accessible affecté aux différents modes de circulation
évaluer le confort et la sécurité du piéton ainsi que la facilité de connexion entre la zone étudiée et une centralité majeure
Fonctionnalité mesurer la diversité fonctionnelle Perméabilité
Accessibilité caractériser une typologie extérieure afin d'évaluer la qualification des espaces prendre en compte la différence d'usage et de fonction sur une zone suffisamment large Étalement
mesurer l'intensité d'utilisation du sol et du volume bâti saisir la compacité et la quantité réelle de logements et d'habitants Densité Proximité Gestio n éco no me de l'espace Amélio ratio
n des espaces publics
Diversificatio
n des
fo
rmes et usages
généralement absente des ensembles pavillonnaires et dont le but est de faire émerger les potentiels d'espaces de projet plus subtils (Biddulph, 2007).
Figure 4. 13 : Typologie anglo-‐saxonne des espaces urbains (Biddulph, 2007, p.45).
Les espaces publics font alors référence à des espaces urbains ouverts, accessibles à l'ensemble de la population à n'importe quel moment de la journée. Le degré de sécurité et de contrôle est influencé par les lois et la culture, tandis que la forme physique de la rue indique son usage (circulation douce, motorisée, récréation, etc.). Quoiqu'on y fasse, l'accès y est toujours garanti. Les espaces semi-‐publics correspondent à des espaces de statut public. Toutefois, leurs fonctions, plus ou moins déterminées (sportive, récréative, etc.), engendre un degré de contrôle plus élevé et un accès contraint. Ces espaces garantissent néanmoins un accès généralisé réglé par des temporalités pouvant tomber sous le joug d'un contrôle plus strict. Il s'agira, par exemple, d’un square dont la grille est fermée à certaines heures. Les espaces semi-‐privés sont des espaces de statut privé souvent localisés entre les espaces publics et les espaces privés, créant ainsi une zone de contrôle. Il s'agit généralement d'un espace de l'environnement urbain issu d'une propriété privée et qu'une personne extérieure pénètrera que si elle a une raison particulière. L'exemple le plus limpide est le jardin avant d'une maison non clôturée mais distinctement séparé de la rue par une limite suggérée non matérialisée. Bien qu'il se rapproche dans sa forme urbanistique de l'espace semi-‐public, l'accessibilité à l'espace semi-‐privé est strictement réservée à ses propriétaires et aux personnes invitées ou autorisées par un éventuel règlement. Les espaces privés désignent les espaces d'une propriété qui sont uniquement à l'usage de ses résidents.
Le critère de proximité vise à mettre en évidence les dispositifs de transition, à l'échelle de l'îlot (dispositif de relation à la rue), de la parcelle (dispositif de proximité) et du logement (dispositif d'entrée), élaborés par les habitants des zones étudiées et de les mettre au regard des typologies d’espaces caractérisant l’accessibilité.
Le critère de continuité rapporte une perception du tissu urbain en indiquant un rapport entre les volumes bâtis. Bien que cette perception varie en fonction de la position et de la vitesse de
déplacement de l'observateur, nous la mesurons au regard de la position du bâti sur la parcelle (Fig. 4.14). Nous espérons ainsi exprimer un rapport à l’espace résiduel et envisager une évaluation de l'urbanité de la forme bâtie. En effet, selon les préceptes de la ville durable, la continuité procure des espaces mieux déterminés, plus lisibles et facilement appropriables (Laigle, 2007 ; Duany, Plater-‐Zyberk, Speck, 2000).
Figure 4. 14 : Quatre formes d'occupation de la parcelle périurbaine ayant un impact sur ce critère : (1) un bâti situé au centre de la parcelle où le jardin est accessible des quatre côtés, (2) un bâti qui occupe un côté de la parcelle en faisant face à l'espace non bâti, (3) un bâti qui occupe l'ensemble du front de rue, éliminant les bandes latérales et dégageant un vaste espace privé sur l'arrière, et (4) un bâti disposé sur les quatre côtés de la parcelle tout en dégageant une cour intérieure (adapté de Duany, Plater-‐Zyberk, Speck, 2000).
La définition et la caractérisation d'un ensemble de critères et d'indicateurs typomorphologiques montrent comment nous passons du concept abstrait de modèle urbain et architectural à une proposition concrète d'analyse du territoire.
L'emboîtement des échelles et l'interdépendance de nombreux critères illustrent une configuration externe, architecturale et urbanistique, complexe dont l'analyse peut parfois reposer sur une certaine subjectivité. Certains critères dépendent de l'appréhension du terrain par l'observateur et de sa position dans l'espace. Par exemple, le critère « connectivité » relève d'une volonté de tester l’ensemble des modes de déplacements pour accéder à la zone d'étude. Ou encore, la pénétration visuelle et la perceptibilité d'espaces non accessibles sont en partie assujetties à la taille de l'observateur et à sa vitesse de déplacement. Enfin, les relevés concernant la proximité proviennent d'interprétations basées sur l'observation d'espaces privés depuis l'espace public. Nonobstant la subjectivité de certains critères, leur interdépendance à d’autres critères plus objectifs nous permet de vérifier et de remettre en question la représentation d'éléments issus d’interprétations.