2.2 aux réalités locales
1. Le New Urbanism : principes et outils au service du renouvellement périurbain américain
1.2. a L’approche du territoire par le transect
D’abord défini dans le Lexicon of the New Urbanism77 (2000), l’approche du territoire par le
transect révèle une séquence d’environnements naturels et anthropiques organisant les
75 « The principles of smart growth reiterate new urbanism principles, but with less said about design
strategies (Smart Growth Network 2004). The extra element added by the smart growth movement involved the idea of using government incentives to encourage the private sector to adopt the principles » (Grant, 2006, p. 64).
76 Ces principes reconnaissent des principes déclinés à l’échelle de la région (la métropole, l’agglomération
et la ville), le neighborhood*, le district* et le corridor* et le block*, la street* et le building* (CNU, 1996).
77 « A system of classification deploying the conceptual range rural-‐to-‐urban to arrange in useful order the
typical elements of urbanism. The transect is a natural ordering system, as every urban element easily finds a place within its continuum. For example, a street is more urban than a road, a curb more urban than a swale, a brick wall more urban than a wooden one, an allee of trees more urban than a cluster. This
composants de l’environnement bâti à l’échelle régionale. Précisé en 2002 par Duany accompagné de Talen, le transect devient un outil d’analyse et d’aménagement spatial au service des principes écologiques du New Urbanism. La construction de l’article (définition de l’approche, ascendance et héritage, cadre théorique et déclinaisons opérationnelles) et l’association d’Andrès Duany (un des fondateurs du New Urbanism) à Emily Talen (universitaire associée au mouvement) montre la volonté de sortir de la doctrine environnementaliste du New Urbanism en émettant des hypothèses soumises à la vérification expérimentale.
Dans cette perspective, les auteurs raccrochent les principes du transect aux travaux préliminaires de P. Geddes78 (1915), de I. McHarg (1969) et plus récemment de P. Calthorpe et
W. Futlton sur la ville régionale (2001). Cet ancrage théorique leur permet de développer quatre arguments en faveur d’une application des principes écologiques du New Urbanism :
« Le transect est lié à une théorie environnementaliste plus large car il poursuit l’équilibre entre les environnements humains et naturels. […] Il considère des éléments physiques et des organismes vivants complémentaires. […] Chaque habitat exige son degré de diversité interne. […] Et, chacun de ces habitats dépend de logiques plus larges, fonctionnant simultanément à différentes échelles » (Duany, Talen, 2002, p. 249‑251).
Ainsi, les auteurs sont amenés à présenter un schéma organisant six « écozones » et la nomenclature d’éléments typomorphologiques les caractérisant (Fig. 3.1). Cette approche diffère sensiblement de l’approche de smart growth dans la mesure où elle crée un contexte plus permissif, basé sur l’intuition79, à l’échelle régionale et plus prescriptif à l’échelle du
quartier. Toutefois, c’est sur ce flottement entre approche régionale et locale que s’appuie A. Garde — chercheur spécialiste de la ville durable — pour affirmer que les outils du New Urbanism ne soutiennent pas assez les professionnels dans l’implémentation de stratégies régionales80 (Garde, 2004). C’est pourtant tout l’enjeu du Smart Code, dont l’objectif est
gradient when rationalized and subdivided, becomes the urban Transect, the basis of a common zoning system » (Davis, Duany, Plater-‐Zyberk, 2000, p. 10).
78 « The connection with Geddes is most direct, since his theory of settlements was based on the idea of
the valley section, which is essentially a transect. […] Like transect planning, Geddes used the valley section to relate geography and settlement pattern to an understanding of existing cities as well as the laying out of new ones » (Duany, Talen, 2002, p. 247‑249).
79 « The first condition is intuitive, particularly for planners » (Duany, Talen, 2002, p. 254).
80 « New Urbanist principles that focus on neighborhood design are most likely to be promoted and are
expected to influence public policy, while principles that focus on regional planning may not generate enough support and are least likely to be implemented » (Garde, 2004, p. 168).
d’organiser les éléments de l’environnement bâti le long du continuum urbain/rural défini par le transect81.
Figure 3. 1 : Schéma du système de transect (Davis, Plater-‐Zyberk, Duany, 2009, p. 56).
1.2.b. Le Smart Code, déterminisme spatial ou bien commun ?
En partant effectivement de l’échelle la plus fine (l’îlot, la rue et l’immeuble), le New Urbanism s’appuie sur une ingénierie règlementaire pour organiser l’ensemble du territoire. La dernière version en date du Smart Code (2009) illustre la volonté d’associer les principes initiaux du New Urbanism définis par un règlement basé sur les formes (form based code) à ceux du smart growth82, relativement proches et faciles à combiner83. Il semble dans l’intérêt des New
Urbanists d’associer leur démarche à celle du smart growth développée en parallèle depuis les années 1960 sur la base de l’Urban Design. À la différence du New Urbanism, qui cherche encore à se forger une vision politique84, « le smart growth est devenu un véritable mouvement, car il
connaît une popularité grandissante et une diffusion rapide en Amérique du Nord, particulièrement aux Etats-‐Unis. Un réseau national, le Smart Growth Network (SGN), fut créé en 1996 par l’Agence fédérale de la protection de l’environnement (EPA) et ses partenaires, et un
81 « The challenge, then, is this: to apply a new system of land regulation that is comprehensive, simple,
and technically worded, but at the same time is able to create a range of human environments that are internally coherent as well as diverse, reflecting the ecological principles in which it is based. This is the promise of the transect system » (Duany, Talen, 2002, p. 254).
82 « The Smart Code is a form-‐based code that incorporates Smart Growth and New Urbanism principles. It
is a unified development ordinance, addressing development at all scales of design, from regional planning on down to the building signage. It is based on the rural-‐to-‐urban transect rather than separated-‐ use zoning, thereby able to integrate a full range of environmental techniques » (Davis, Plater-‐Zyberk, Duany, 2009, p. iv).
83 « Le smart growth tire son origine des théories de la gestion de l’urbanisation des années 1960 et a
évolué vers sa forme actuelle dans la foulée du paradigme du développement durable à la fin des années. […] Dans son acceptation et sa définition les plus courantes, il peut être identifié à une série de principes d’aménagement et de développement qui visent essentiellement la préservation des ressources (naturelles et financières) ainsi que la réduction de la ségrégation spatiale sous ses diverses formes (fonctionnelles, sociales, etc.) par la priorité donnée au redéveloppement urbain ; il s’oppose ainsi fondamentalement à l’étalement urbain » (Ouellet, 2006, p. 176).
84 « Le New Urbanism se présente comme une théorie en quête d’une vision politique du développement
nombre croissant d’acteurs publics, de tous les paliers, mettent désormais de l’avant des politiques basées sur le smart growth » (Ouellet, 2006, p. 176).
Contrairement à l’urbanisme d’après-‐guerre, le Smart Code plaide pour un retour de la ville construite sur la base d’une définition préalable d’un résultat final85. Cela passe donc par
l’articulation de quatre types de critères : la disposition, la configuration et la fonction du bâti, auxquels s’ajoutent des normes réglementant le nombre de places de parking, le style architectural, les essences végétales et la signalétique. À l’image de la définition des façades privées (fig. 3.2), le Smart Code détermine le rôle de l’espace situé entre la limite de parcelle et l’entrée du bâti en fonction de la zone du transect dans laquelle il se situe.
Figure 3. 2 : Types de façades possible en fonction de l’écozone dans laquelle se trouve le bâti (Davis, Plater-‐Zyberk, Duany, 2009, p. 50).
Par exemple, un environnement urbain dense (T5 et T6) accueille une plus grande diversité de façades (terrasse, cour avant, perron, vitrine de magasin, galerie et arcade) tandis qu’un quartier
85 « It is a form-‐based code, meaning it envisions and encourages a certain physical outcome — the form
of the region, community, block, and/or building. Form-‐based codes are fundamentally different from conventional codes that are based primarily on use and statistics — none of which envision or require any particular physical outcome » (Davis, Plater-‐Zyberk, Duany, 2009, p. v).
suburban (T3), ou exurban (T2), ne dispose que de deux types de façade (ouvert ou clôturé avec porche) soulignant par ailleurs un profond retrait par rapport à la voirie.
Selon J. Grant, Harvey (1997) est le premier à souligner que le New Urbanism relève d’une forme de déterminisme spatial, notamment au regard de l’entêtement de certains professionnels à affirmer que de « bonnes » formes urbaines soutiennent la qualité sociale d’un environnement urbain86 (Grant, 2006). Toutefois, pour C. Bohl — spécialiste du community building — qui
considère l’argument du déterminisme spatial comme un « faux-‐fuyant », et si le New Urbanism n’est pas la « panacée », ses principes sont suffisamment consistants pour permettre aux espaces urbains de soutenir des activités sociales positives 87. L’auteur parle plutôt
d’environmental affordance* afin de désigner cette capacité à créer un environnement favorisant les opportunités sociales (Bohl, 2000). E. Talen refuse également l’idée de déterminisme spatial et avance que c’est l’utilisation du terme community* qui pose problème88.
D’après elle, la notion de community n’est pas suffisamment élaborée et son utilisation par certains professionnels New Urbanists a tendance à fausser le débat. En contrepartie, elle propose d’utiliser la notion de « bien commun* » qui supporte plutôt l’idée qu’un dessin approprié constitue des espaces urbains de qualité laissant place à l’interaction sociale (Talen, 2000).