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On peut tout d’abord parler du théorème du jury de Condorcet, qui stipule que pour un choix binaire, si le vote se fait de manière indépendante entre les citoyens, que les individus ont plus de cinquante pour cent de chances d’avoir la bonne réponse et que le vote ne se fait pas de manière stratégique, mais en pensant à ce que la réponse au problème devrait être ; en raison de la dispersion du savoir et de la loi des grands nombres, la démocratie par le biais de ses procédures majoritaires va mathématiquement avoir tendance à découvrir la vérité. Il s’agit ici d’une théorie essentiellement agrégative de la démocratie, qui comporte un certain nombre de problèmes (Peter, 2007 : 330-333 ; Anderson, 2006 : 10-12).

Premièrement, dans le théorème du jury de Condorcet, contrairement à ce qui se passe dans les démocraties actuelles, il n’y a pas de consultations, d’échanges, ni de débats possibles entre les différents participants à la discussion. Deuxièmement, une homogénéité épistémique n’est pas forcement impliquée, mais reste compatible avec ce modèle. Enfin, il se peut que la majorité se trompe, notamment sur les conséquences de ses choix politiques, et se corrige ensuite. Si la justesse d’une décision est mesurée à sa capacité à résoudre le problème qu’il faut résoudre, alors le fait de ne pas pouvoir reconnaître que l’on s’est trompé empêche de prendre la décision

« On peut admettre en effet que la majorité, dont chaque membre pris à part n'est pas un

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homme remarquable, est cependant au-dessus des hommes supérieurs, sinon individuellement, du moins en masse, comme un repas à frais communs est plus splendide que le repas dont une personne seule fait la dépense. Dans cette multitude, chaque individu a sa part de vertu, de sagesse ; et tous en se rassemblant forment, on peut dire, un seul homme ayant des mains, des pieds, des sens innombrables, une morale et une intelligence en proportion » Aristote, Politique,

correcte. Ainsi, la démocratie, du fait de la difficulté qu’il y a à prévoir les conséquences de ses lois, a besoin de ces dispositifs réflexifs pour pouvoir faire mieux. Seulement, dans une perspective du jury de Condorcet, qui est ici très rousseauiste, la majorité est quasiment infaillible. Si elle ne peut se tromper, nul besoin de prendre en considération les aspects dynamiques des processus démocratiques. Il s’agit donc d’une théorie trop simpliste pour soutenir et décrire les démocraties adéquatement (Anderson, 2006 : 10-12).

On peut alors évoquer le théorème Diversity Trumps Ability de Hong & Page, qui développe et 41 élargit la pensée de Condorcet en formalisant le précepte selon lequel c’est la diversité des opinions et des points de vue qui permet d’aboutir à la meilleure décision épistémique. En effet, selon ce théorème, lorsque le problème est difficile, que les personnes en charge de résoudre le problème se mettent d’accord sur un nombre fini de solutions, que ces derniers sont épistémiquement divers et que plusieurs de ces personnes peuvent débattre dans des groupes de tailles moyennes, alors certains de ces individus tirés au sort seront plus efficaces et plus justes pour résoudre plusieurs problèmes que les experts à ce sujet. Il s’agit d’une correction du théorème du jury de Condorcet, qui tente de prendre au sérieux la diversité épistémique caractéristique des démocraties actuelles, qui permet de légitimer les partis et les associations dans leur fonction épistémique, qui encourage la délibération et la discussion comme nécessaire pour l’agrégation future, et qui s’intéresse aux problèmes importants, les problèmes que les démocraties doivent résoudre, c’est-à-dire, les problèmes complexes (Anderson, 2006 : 12-13).

Néanmoins, malgré toutes ses qualités, ce théorème est également défaillant pour soutenir la démocratie selon Anderson, notamment en ce qui concerne l’inclusion de deux caractéristiques essentielles des démocraties modernes : l’importance d’une inclusion universelle sans visée instrumentale, ainsi que l’échec de prendre en considération les aspects d’apprentissage et de rétroaction de la démocratie.

Voilà pourquoi l’auteure nous parle d’une troisième théorie épistémique pour la démocratie, celle de Dewey. La vision de Dewey est basée sur une application de la méthode scientifique à nos problèmes pratiques, avec l’inclusion du faillibilisme et l’acceptation des conséquences observées de nos pratiques. De plus, cette vision se base sur les trois caractéristiques, selon lui, de la démocratie : la diversité, la discussion et le dynamisme démocratique. Dewey prend au sérieux la

« La diversité l’emporte sur les capacités » (notre traduction)

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diversité et la discussion, pas seulement en tant que caractéristiques valorisables de manière instrumentale, mais également comme caractéristiques intrinsèquement importantes. Pour lui, cela doit aboutir à un changement de culture, où les propositions minoritaires doivent être écoutées et entendues, à la fois par intérêt interne et externe. Les formes d’exclusion sont fondamentalement problématiques, et c’est donc par l’inclusion du plus grand nombre, de la plus grande pluralité des opinions dans un monde où l’information est répartie de manière asymétrique, que l’on obtiendra la plus grande justesse de décision et que l’on respectera les individus. La présence de minorités qui peuvent s’exprimer permet à la majorité de réfléchir sur la justesse et la justice de ses propositions, tandis que cela garantit aux minorités potentielles d’accepter en pleine conscience les décisions dans un processus délibératif (Peter, 2007 ; Anderson, 2006 : 13-15).

La proposition de Dewey est pour Anderson la proposition la plus juste théoriquement, et elle est allée tester l’adéquation de cette théorie à la réalité d’une forme de prise de décision au sein de groupes forestiers en Asie du Sud. Elle montre alors qu’à la fois théoriquement et empiriquement, il y a un vrai avantage des théories de Hong & Page et de Dewey sur celles de Condorcet, mais que celle de Dewey se retrouve être encore plus pertinente empiriquement (Anderson, 2006 : 17-21).

S’il peut apparaître douteux à première vue que le financement public de l’art puisse avoir une quelconque pertinence au sein du champ épistémique, il s’avère en vérité que s’il veut être juste, il ne peut être autrement. En effet, il est nécessaire que la décision en matière culturelle puisse à la fois tenir en compte de la situation d’incertitude intrinsèque aux dynamiques des mondes de l’art ainsi qu’à l’exigence d’inclusion des citoyens dans le processus de choix, ce qu’une procédure strictement procédurale ne pourrait permettre. Des différents modèles évoqués ci-dessus, le seul qui puisse correspondre à la réalité des mondes de l’art et aux exigences normatives que nous avons élaborées jusqu’alors se trouve être le modèle de Dewey.

Ainsi, il est noté l’importance dans ce modèle de réfléchir à des enjeux complexes. Débattre à propos de la production artistique en termes de grandes dynamiques politiques est faisable, et les individus peuvent se positionner dessus très clairement. Becker note plusieurs voies possibles, qui peuvent être précisées ensuite dans le réel, que l’État peut choisir d’emprunter ou non lorsqu’il

pratique une politique de soutien aux formes d’art . Cela peut être un questionnement de base, 42 mais il est possible que par la discussion avec des experts des différents mondes de l’art, ainsi que par la confrontation des expériences personnelles, de nouvelles problématiques puissent émerger.

Parler de politique artistique, politiser la manière dont on choisit les œuvres d’art en fonction de critères d’expertise issus du milieu artistique, pourrait être une manière de rendre la prise de décision légitime. Le citoyen peut tout à fait se prononcer — de la même manière que le politique a pu émettre un message à propos de la politique culturelle qu’il compte mener — et se constituer en association pour défendre ses positions. C’est d’ailleurs ce qu’il s’est produit lors du RAAC 43 en 2009 ou de la commission sur les arts du spectacle, organisée par Genève en 2012-2013, ce qui montre la faisabilité du propos.

En se basant à la fois sur le modèle de Dewey (Anderson, 2006 : 17-21), sur l’existence de critères hiérarchisants au sein des disciplines artistiques (Becker & Menger, 2010 : 163-166 ; Menger, 2009 : 39 ; Michaud, 2005 : 104-110), ainsi que sur la politisation des grandes questions artistiques (Becker & Menger, 2010 44 : 196-199), on peut donc aboutir à des propositions épistémiquement cohérentes et intéressantes. On peut dès lors suggérer la mise en place de procédures, qui impliqueraient d’une part les citoyens par des délibérations autour des thématiques politiques de financement, et qui d’autre part collaboreraient avec différents praticiens du monde de l’art, afin de mettre en place un système de reconnaissance à travers un certain nombre de critères de jugement. Ces commissions seraient réunies régulièrement afin de pouvoir débattre des avancées et des problèmes soulevés par la mise en place des politiques en question. Ainsi, le politique ne serait pas déconnecté du goût populaire, les minorités pourront s’exprimer et seront légitimes de le faire, et une forme d’expertise et de connaissance à propos de l’art pourra avoir lieu du fait de l’implication d’experts du domaine. Ces experts pourraient être à Pour Becker, les questions que doit se poser l’Etat sont : centralisation ou décentralisation de

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la politique de soutien de l’art, et démocratie culturelle (vision pluraliste de l’art) ou démocratisation (vision élitiste de l’art), qui ont toutes des conséquences différentes (Becker &

Menger, 2010 : 199). Chacune de ces dynamiques contient des implications spécifiques sur les mondes de l’art.

Au sens non pas bien sûr des contenus politiques des oeuvres, mais de visions des mondes

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de l’art.

la fois constitués par des représentants élus au sein des acteurs culturels et artistiques du canton, ou pourraient être constitués de syndicats d’artistes polarisés et politisés, que les citoyens pourraient consulter afin de se positionner. Il n’est donc nul besoin que la situation d’incertitude au sein des arts soit complètement résolue par les citoyens. Si l’on estime qu’il existe des experts, et que ceux-ci, pour peu qu’on arrive à les identifier, parviennent à des décisions légitimes circonstanciées dans un champ, le rôle des citoyens devient celui de l’organisation des différents champs. La tâche des citoyens sera donc de se renseigner sur les formes d’intérêts politiques en jeu dans les différents mondes de l’art proposés, tandis que la tâche du politique sera d’essayer d’impliquer le plus de parties prenantes aux mondes de l’art, et de faire en sorte qu’il puisse y avoir la plus grande diversité d’acteurs représentés, afin d’éviter la concentration du savoir culturel dans les mains de quelques experts, aussi performants soient-ils.

Comme les mesures ne sont pas définitives, s’inscrivent dans un processus délibératif dynamique où la décision qui est prise prend en compte le fait qu’il ne s’agit pas de la vérité, mais du résultat d’un moment du processus et du débat démocratiques, il est possible d’ajuster les prises de position en fonction des résultats observés à plus ou moins long terme.

En matière de faisabilité empirique, il existe déjà dans les faits à Genève une structure qui pourrait être utilisée pour incarner cette méthode de prise de décision. En effet, au sein du Département de la Cohésion sociale, il existe un Conseil Consultatif de la Culture, chargé de «  conseiller les collectivités publiques sur les orientations et les priorités de leurs politiques culturelles, et de la politique culturelle coordonnée sur l’ensemble du territoire cantonal » (Législation genevoise, 2013). Ce conseil est composé d’« experts de la culture » et de représentants politiques, mais ne se réunit dans les faits que très rarement. De plus, les décisions qu’il peut prendre ne sont pour l’heure que consultatives, et donc non contraignantes. Il pourrait très bien alors être imaginé qu’en plus des représentants de l’État, des citoyens puissent donc participer à la décision.

On peut imaginer qu’une limite serait que de « simples » citoyens ne peuvent arriver à remettre en question leurs préférences de goût personnelles, ou qu’ils se feront influencer par les politiques et les experts en place. Pour ce qui est du premier aspect, il ne s’agit pas forcément d’un problème pour peu que la délibération se passe dans des conditions adéquates. En effet, défendre un intérêt particulier n’est pas forcément contradictoire avec la poursuite du bien commun (Mansbridge et

al, 2011). Pour ce qui est du second aspect, rien ne peut garantir que les experts et les politiques, habitués à débattre des questions culturelles, ne soient pas aussi de « simples » citoyens. Il est tout à fait probable que les membres des administrations ou les experts des secteurs culturels puissent également être mus par des intérêts et goûts particuliers. Or, si l’on considère que l’art fait partie des structures de base de nos sociétés, qui garantissent notre environnement intellectuel, il est probable que cet intérêt puisse être mieux défendu par une pluralité de citoyens, garants d’une diversité épistémique, que par un nombre restreint d’acteurs. Par ailleurs, un certain nombre d’expériences à propos des délibérations citoyennes montrent la capacité des citoyens à pouvoir statuer sur des questions difficiles sur lesquelles des experts ne peuvent se mettre d’accord . 45 Il convient de préciser à ce stade par quels moyens nous pensons l’inclusion citoyenne : la démocratie délibérative par le biais de mini-publics constitués par tirage au sort (Sintomer, 2011 : 161-191). De manière générale, les démocraties occidentales sont aux prises avec une crise du système politique qui les caractérise : la représentation du peuple par l’élection. Un peu partout, la défiance monte envers les manières traditionnelles de faire de la politique. La démocratie représentative est sous le feu des critiques, pour des raisons à la fois théoriques et pratiques.

Ainsi, Sintomer identifie au moins six défis structurels auxquels les systèmes politiques occidentaux représentatifs se heurtent , et pour lesquels ils ne parviennent pas à trouver de 46 solutions. Par ailleurs, depuis les années 1980, sont remis au goût du jour le tirage au sort et la démocratie délibérative, comme solutions aux problèmes de la représentation, ainsi que comme idéal normatif de décision (Benhabib, 1996 ; Habermas, 1997 ; Sintomer, 2011). Si en Suisse et à Genève des formes de démocratie semi-directe existent, toute la politique ne peut se passer de la sorte, et elle contient ses limites, notamment sur le plan de la délibération (Mazzoleni, 2006 : 163-172). Or, la représentation montre ses failles à partir du moment où la participation politique

Voir par exemple les cas de forums hybrides (Callon, Lascoumes et Barthe : 2001 : 249-324),

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les expériences de budget participatif ou d’élaboration de Constitution, entre autre (Sintomer, 2011 : 147-191).

Il énonce ainsi que : les systèmes politiques se retrouvent impuissants à gérer les crises

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économiques qui les rendent dépendants des experts économiques ; les classes populaires sont sous représentées et participent de moins en moins au système de politique partisan ; nous nous retrouvons au sein d’une société du risque où l’incertitude dans la science est grande et la confiance placée dans les experts l’est moins ; l’action publique bureaucratique se retrouve en crise, au prise avec un corporatisme rampant ; les grandes idéologies ne parviennent plus à mobiliser ; et le système politique favorise la communion entre milieux d’affaires et les sommets politiques, renforçant la division entre le peuple et ses représentants (Sintomer, 2011 : 19-27).

diminue et, en matière d’art et de culture, que les décisions sont majoritairement prises au sein d’administrations, qui se retrouvent généralement démunies pour établir des critères cohérents.

Dès lors, dans le but de contredire les critiques de perfectionnisme qu’on prête à Dworkin et d’asseoir la légitimité d’un financement public de l’art et de la culture, c’est par la participation directe des citoyens que l’on peut garantir cela. Si le tirage au sort est envisagé, c’est également en raison de l’idéal d’égal respect que la neutralité libérale exige. Ainsi, tous les citoyens sont considérés comme légitimes, et peuvent participer à la décision. Cela permet également d’assurer une plus grande représentation de la diversité sociologique d’un territoire, et partant, une plus grande représentation de la diversité épistémique qui s’y trouve.

En conséquence, si l’on néglige les critiques faites habituellement au tirage au sort et à la délibération , nous avons abouti à une proposition concrète en faveur d’un financement public de 47 l’art et de la culture qui semble légitime, qui prend en compte à la fois le pluralisme esthétique — son incertitude intrinsèque — ainsi que la critique populiste en raison de l’inclusion citoyenne et de l'exigence de délibération au sein de la procédure.

VI. Conclusion

Nous avons commencé notre réflexion à partir de l’initiative 167 « Pour une politique culturelle cohérente à Genève ». À partir de cette initiative, nous nous sommes interrogés sur la définition de la culture et de l’art, qui pouvait sous-tendre un financement public de l’art. Nous avons alors analysé la vision ambivalente de la culture (universelle et particulière) qui se retrouve au sein des politiques publiques en matière d’art. C’est ce dernier, l’art, qui a été plus difficile à définir en raison de sa grande diversité de matérialisations, ce qui nous a conduits à adopter une définition sociologique et pluraliste de l’art. Cette dernière ne nie pas la dimension hiérarchique de l’art (qui correspond à la vision universaliste de la culture), tout en lui conférant un pluralisme relativiste à travers la notion dynamique des mondes de l’art (vision particulariste de la culture). Partant de ces définitions, nous avons analysé un certain nombre des critiques courantes du débat public

Comme par exemple à propos du tirage au sort, les doutes à propos de la compétence des

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citoyens et de leur volonté de participer (Fourniau, 2019 ; Sintomer, 2011 : 182) ou dans le cas des délibérations, la trop grande exigence épistémique qui est demandée, le fait que les personnes issues des groupes marginalisés se retrouvent également marginalisés au sein de la discussion, ou que l’idéal rationnel exclut de facto un certain nombre de positions (Blondiaux,

(populistes, néoconservatrices, libertariennes), ce qui a permis d’établir les limites qu’une justification de la politique publique pour les arts devait respecter. Dès lors, nous avons soutenu avec Dworkin que les arts pouvaient avoir une valeur extrinsèque non perfectionniste de base pour notre environnement intellectuel, et que c’était une des raisons non coercitives de soutenir les formes d’art. Nous avons alors analysé de quelle manière ce financement pouvait s’incarner dans des procédures délibératives épistémiques particulières, qui reposent sur le tirage au sort ainsi que le faillibilisme potentiel des décisions formées.

Il convient pour clore cet essai de montrer néanmoins quelques-unes des limites que nous avons pu rencontrer pendant son élaboration. Tout d’abord, on peut relever que la distinction entre art et culture n’est pas si claire en pratique. La plupart des auteurs utilisent cette notion de manière interchangeable, ce qui complique la compréhension et l’analyse précise. Par ailleurs, les oscillations permanentes entre ce qui appartient ou non aux mondes de l’art font que nous ne pouvons pas décrire l’ensemble des mondes de l’art par le terme « art ». Il y a des mondes de l’art en constitution qui font partie de la culture, mais qui ne sont pas encore reconnus comme des mondes de l’art à part entière. Dans cette dynamique, nous pouvons nous demander comment qualifier ce qui ne fait pas encore partie des mondes de l’art, mais qui aurait pour vocation de le devenir. Une difficulté majeure de ce travail réside justement dans le fait que si l’émergence artistique est souhaitée et souhaitable, il est néanmoins très peu probable qu’elle puisse être discernée au moment de définir un soutien institutionnel. En effet, si une esthétique radicalement

Il convient pour clore cet essai de montrer néanmoins quelques-unes des limites que nous avons pu rencontrer pendant son élaboration. Tout d’abord, on peut relever que la distinction entre art et culture n’est pas si claire en pratique. La plupart des auteurs utilisent cette notion de manière interchangeable, ce qui complique la compréhension et l’analyse précise. Par ailleurs, les oscillations permanentes entre ce qui appartient ou non aux mondes de l’art font que nous ne pouvons pas décrire l’ensemble des mondes de l’art par le terme « art ». Il y a des mondes de l’art en constitution qui font partie de la culture, mais qui ne sont pas encore reconnus comme des mondes de l’art à part entière. Dans cette dynamique, nous pouvons nous demander comment qualifier ce qui ne fait pas encore partie des mondes de l’art, mais qui aurait pour vocation de le devenir. Une difficulté majeure de ce travail réside justement dans le fait que si l’émergence artistique est souhaitée et souhaitable, il est néanmoins très peu probable qu’elle puisse être discernée au moment de définir un soutien institutionnel. En effet, si une esthétique radicalement