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Modèle théorico-empirique de la LJ-PJ

Chapitre 2 : Revue de la littérature

A) Légitimité de la justice et équité processuelle

1) Modèle théorico-empirique de la LJ-PJ

Nous allons présenter ici le modèle théorique LJ-PJ (a), ainsi que ses variables pertinentes principales telles qu’isolées par la recherche (b). Nous réaliserons alors une pause réflective quant à ce que cela signifie pour la LSC (c) ; étant bien entendu que l’analyse des données à l’aune de ces théories ne sera faite qu’en chapitre 4.

a) Présentation du modèle

De manière absolument remarquable, le modèle LJ-PJ rejoint en de nombreux points les grands principes fondamentaux de procédure, notamment pénale (Guinchard et Buisson, 2014) ; des principes inclus en droit français, certes, mais surtout des principes d’équité processuelle quasi- universels, du moins, comme il est énoncé dans bon nombre de normes conventionnelles européennes, dans des Etats démocratiques, dont, pour certaines de ses dimensions, la plus ancienne tradition remonte à la Magna Carta (Hazell et Melton, 2015). Cette universalité est le reflet de besoins psychologiques humains fondamentaux communs, qu’ont précisément trouvés et modélisés les théoriciens et chercheurs dans le domaine LJ-PJ.

La légitimité de la justice (LJ) est un champ de recherche en psychologie et psychologie sociale, dont les fondateurs sont Thibaut et Walker (1975). Ces auteurs, préoccupés surtout au départ de démontrer la supériorité du modèle procédural accusatoire américain sur le modèle alors très inquisitorial français (Ibid) avaient ce faisant montré que les justiciables pouvaient être insatisfaits de leur procès quand bien même ils l’avaient gagné, s’ils n’avaient pas été traités au cours de ce procès de manière équitable. Inversement, des justiciables ayant perdu leur procès mais ayant été traités avec équité, en étaient généralement satisfaits. Cette observation devait être par la suite confirmée dans de nombreux domaines (par ex. : dans les institutions : Hegvedt et Johnson, 2009; le milieu du travail: VanYperen et al., 2000; dans le cadre de l’arrestation policière des auteurs de violence domestique avec un lien sur leur récidive: McGrath, 2009; Paternoster et al, 1997; ou en matière de soumission aux règles de circulation routière: Bradford et al., 2015) et pays (par ex. dans toute l’Europe : Hough et al., 2013), comme chez les femmes (Baker et al., 2015). Si « la performance », soit le résultat du procès a une petite influence sur la satisfaction des justiciables, la justice processuelle compte empiriquement cinq à six fois plus (Tyler et Huo, 2002).

Le modèle devait par la suite être étendu par les travaux de Tyler et d’autres, à partir de l’ouvrage fondateur de Lind et Tyler (1988), lesquels ont montré qu’au-delà de la satisfaction des justiciables, la justice équitable avait un impact sur la soumission aux décisions de justice et à l’autorité. Ainsi par exemple les détenus se conduisent-ils mieux et commettent moins d’actes de violence dans des contextes équitables (Beijersbergen et al., 2014) et les contribuables fraudent-ils moins et payent-ils mieux leurs impôts (Murphy, 2005; Murphy et al., 2009). La légitimité de la justice (LJ) se situe dans un ensemble plus large expliquant la soumission aux normes (Tyler, 2006), contrastant l’approche « instrumentale » de la soumission à la justice et l’approche « normative ». L’approche instrumentale se retrouve dans la théorie de la dissuasion (Cusson, 2000), laquelle s’imagine que les gens ne commettent pas d’infraction parce qu’ils en sont dissuadés par le système pénal. En réalité, les études portant sur la dissuasion par la menace ou l’exécution de la sentence pénale trouvent, dans le meilleur des cas, un impact modeste sur la soumission au droit et décisions de justice (Caplan, 2007;

54 Green et Shapiro, 1994 ; MacCoun, 1993 : von Hirsch et al., 1999). L’approche normative, quant à elle considère que les gens se plient à la loi parce qu’ils l’estiment juste et morale, y compris lorsque cela ne sert pas leurs intérêts, car ils s’y sentent personnellement obligés et peu importe s’ils risquent d’être punis. L’approche normative se subdivise ensuite en deux sous-ensembles expliquant que la population se sent astreinte à obéir, parce que:

- elle pense que cela est juste (moralité personnelle) ;

- elle pense que l’autorité qui met la loi en œuvre a le droit d’imposer ce comportement (légitimité).

Ce dernier élément, la légitimité est une dimension explicative plus intéressante que la moralité personnelle, car cette dernière peut conduire précisément à ne pas respecter la loi, comme lorsque, par exemple, une personne consomme du cannabis en pensant que cela n’est pas bien grave.

A son tour la légitimité comporte deux dimensions. Une première dimension, normative et politique, explore le respect des normes par l’ensemble des citoyens en lien avec la légitimité des lois elles- mêmes et de l’Etat (Levi et al., 2009 ; Levi, 1988 et 1997). Elle a montré par exemple qu’il y avait un lien empirique entre la perte de légitimité de l’Etat et ses institutions et le nombre d’infractions (La Free, 1998) et, inversement, une baisse de celles-ci, notamment les homicides et infractions violentes, lorsque la légitimité augmentait (Eisner, 2001; Roth, 2009; Nivette et Eisner, 2013). La seconde

dimension de la LJ est de nature processuelle (LJ-PJ). La LJ-PJ n’est naturellement pas tout et elle ne

compte que pour environ 10% de l’augmentation de la soumission aux mesures, le self- control étant également important (Reisig et al., 2011 ; Reisig et Holtfreter, 2007), ce qui explique, nous le verrons, que dans leur application pratique, les juridictions résolutives de problème obtiennent précisément à peu près de tels résultats à elles-seules. Augmentées de méthodes de traitement criminologique EBP, elles parviennent au contraire à améliorer considérablement leurs résultats. Ces dernières ont elles- mêmes des résultats insuffisants sans LJ-PJ en sorte qu’il est indispensable de joindre les deux à la fois sur le plan théorique (H-Evans, 2016 c et à paraître a) en 2018 et infra, Chap.3) et pratique (v. infra les différents travaux de Marlowe et al.).

Ce qui est particulièrement fascinant est que l’importance et le contenu de ce qui correspond à l’équité processuelle est partagé par des populations fort diverses, alors même que les valeurs de ces populations peuvent ne pas l’être (Tyler, 2006: 109). Seuls les magistrats semblent quant à eux avoir surtout en tête le résultat (la décision et son contenu) plutôt que le processus (Rottman, 2005), à l’exact opposé de leur public, les justiciables.

Avant de présenter les composants de la LJ-PJ moderne, il nous faut évoquer un modèle concurrent de celui de Tyler et autres, celui de Leventhal (Leventhal, 1980; Leventhal et al., 1980). En vertu de ce modèle, aujourd’hui toutefois dépassé, une procédure est équitable si elle:

1) est relativement uniforme à travers le temps et selon les personnes, pour des dossiers similaires;

2) est dénuée de biais ou a priori; 3) est fondée sur des faits avérés;

4) offre une seconde chance de corriger les erreurs, par exemple sous forme d’appel; 5) est représentative de la population;

Seuls les facteurs 1, 2, 3, et, à un moindre degré 4, ont été validés par la suite par la recherche empirique et Tyler a ultérieurement ramassé son modèle en quatre facteurs seulement (Tyler, 1987 ; Blader et Tyler, 2003), plus clairement présenté toutefois en 2012. A ces quatre facteurs les travaux plus récents de l’auteure belge Vicky de Mesmaecker (2014) ont permis d’ajouter un cinquième, le « fact-finding ». Ce dernier travail, salué dans une préface par Tyler lui-même comme représentant un apport essentiel à la théorie générale LJ-PJ, présente l’avantage, vu de France, d’en démontrer la validité dans un contexte procédural proche du notre.

Le cas des condamnés est particulier : ils ont en effet souvent déjà rencontré à plusieurs reprises les agents de la chaîne pénale : arrestation, déferrement, jugement, emprisonnement ou rencontre avec le SPIP, puis le JAP. Chacune de ces rencontres constitue ce que Tyler appelle « une expérience de socialisation ». Une phrase particulièrement percutante qu’il a ainsi prononcée et régulièrement citée, et que nous avons placée en exergue du présent rapport, est : « Vue sous l’angle de la légitimité, chaque rencontre que le public a avec la police, les tribunaux et la loi devrait être traitée comme une expérience de socialisation qui tantôt fonde, tantôt réduit la légitimité » (Tyler, 2003 : 257). Ses recherches empiriques ont en effet montré que même lorsque les personnes ont subi l’arme lourde de la chaîne pénale, cet effet est atténué si elles ont bénéficié d’une justice équitable, ce que Tyler appelle un « coussin amortisseur » (Tyler, 2006 : 98) et dont il estime le poids empirique

« fort robuste » (Ibid : 100). Plus la sanction a été lourde et plus l’impact de la justice processuelle est important (Casper et al., 1988). De même a-t-il été montré dans le domaine fiscal, que l’équité processuelle pouvait même compenser le fait que la loi elle-même soit injuste et, de la même manière, lorsque la loi est injuste, la justice processuelle doit être d’autant plus forte pour opérer cette compensation (Murphy et al., 2009).

L’on a vu que la LJ-PJ a montré que les justiciables étaient plus attachés à la justice processuelle qu’au résultat de leur affaire ; une méta-analyse a récemment révélé que la justice processuelle était précisément plus importante encore pour changer les comportements lorsque le résultat (le contenu de la décision) était négatif (Brockner et Wiesenfeld, 1996).

Inversement, toutefois, ces rencontres ont souvent un impact négatif du fait de la violation par les acteurs et/ou les procédures en place des composants de la LJ-PJ. Il s’ensuit que l’impact sur ces personnes peut être hautement nocebo. Ainsi par exemple, l’utilisation de la menace dans les relations avec les justiciables, spécialement lorsqu’elle est perçue comme étant déraisonnable, peut- elle produire des résultats opposés à de ce qui est recherché, soit de l’insoumission, de la compliance factice (et parfois créative), un comportement ouvertement oppositionnel, et de la délinquance pure et simple (Bardach et Kagan, 1982; Fehr et Rockenbach, 2003; McBarnet, 2003; Murphy, 2004; Unnever et al., 2004). En d’autres termes, la menace et l’iniquité peuvent tout simplement créer de la délinquance, ou de la récidive (et à nouveau Jackson et al., 2012 s’agissant de la délinquance ordinaire). De même, des comportements d’irritation, de colère même, de la part des magistrats ne sont pas rares, bien des magistrats pénalistes ayant un certain nombre d’années de pratique derrière eux, pouvant développer un syndrome de « juge blasé » (Maroney, 2011 et 2012), à l’exact opposé de l’image idéale que se font eux-mêmes les magistrats de leur rôle (Berman Blix et Wettergren, 2015 et Maroney et Gross, 2014).

Il semble hélas que plus les expériences négatives se sont répétées, ce qui par hypothèse risque de se produire dans le cas de multiréitérants, et moins il est facile d’inverser la perception négative des

56 justiciables à l’occasion de nouvelles rencontres avec une justice plus équitable (Augustyn, 2015). Comme l’a si bien formulé Matza voici quelques dizaines d’années : « l’antagonisme prend la forme d’une vision contaminée des autorités, une vision en vertu de laquelle leur fonction première n’est pas l’administration de la justice, mais la perpétuation des injustices » (Matza, 1964 : 101-102). Précisément, l’injustice ressentie entretient les cognitions classiques chez les délinquants en forme de rationalisation (Matza et Sykes, 1957), déni, rejet de la faute sur l’autre ou la victime, etc. (McLean et Wolfe, 2015).

Ceci est médié par un sentiment d’exclusion du groupe des hommes (Jackson et al, 2012), alors même, nous le verrons infra, que les recherches LJ-PJ révèlent que le sens d’appartenance au groupe humain est essentiel dans la perception de la légitimité : les personnes sont à l’affût des signes de leur inclusion (ou exclusion) du groupe des hommes et l’exclusion a un impact dévastateur. L’on assiste dès lors à une chaîne négative présentant la forme suivante: injustice procédurale => colère

=> neutralisations et rationalisations  infraction.

La théorie de Tyler et autres a été raffinée au fil des années et des preuves empiriques, jusqu’à comporter quelques éléments centraux (quatre) auxquels De Mesmaecker (2014) a ajouté un cinquième composant.

b) Composants de la LJ-PJ

Dans une version intégrative renouvelée « LJ-PJ-TJ » que nous avons proposée (H-Evans, 2016 b) comprenant la therapeutic jurisprudence (jurisprudence thérapeutique) nous avons suggéré de distinguer, d’une part, les éléments ayant une série de traductions et conséquences juridiques connues, et, d’autre part, les éléments renvoyant plutôt au comportement des acteurs de la chaîne pénale, ce sur quoi se focalise essentiellement la TJ.

Le premier élément pouvant avoir des conséquences juridiques est la « VOIX » (v. aussi dans le champ du travail social : Mayer et Timms, 1970). Cet élément renvoie à la possibilité pour les justiciables, quel que soit le stade de la procédure, de s’exprimer – ce besoin de s’exprimer de manière « vocale » étant particulièrement puissant (Burke et Lebel, 2007) –, de voir leur point de vue entendu, et enfin de participer activement à l’établissement des faits et à la procédure dans son ensemble. Il inclut nécessairement les droits de la défense, dès lors que nombre de justiciables sont en grande difficulté pour s’exprimer dans le contexte étranger, inquiétant et solennel de la justice, spécialement pénale (De Mesmeacker, 2014). Même les personnes à qui il a été dit que leur « voix » n’aurait aucun impact, perçoivent tout de même la situation comme étant plus équitable dès lors qu’elles peuvent s’exprimer (Lind et al., 1990).

Alors que Thibault et Walker (1975) pensaient que si la voix était aussi indispensable c’était en raison d’un désir de contrôle sur le résultat potentiel de la procédure, les travaux de Tyler et ses divers collègues ont au contraire démontré que ceci renvoyait à un besoin plus fondamental, nous voudrions ajouter évolutionniste (v. en ce sens Baumeister et Leary, 1995), de tout être humain d’appartenir et d’être reconnu comme un membre du groupe des humains. Nous verrons infra que ce besoin est également au cœur de la théorie SDT (relatedness) ainsi que de toutes les grandes

théories relatives aux besoins humains fondamentaux (Maslow, 1943 ; Doyal et Gough, 1991) et dans le domaine du traitement de la délinquance, dans le modèle GLM (Good Lives Model – v. par ex. Yates et al., 2010. Ce fondement au demeurant câblé au plan cérébral (Krendl et Heatherthon, 860 s.), permet d’expliquer un autre composant de la LJ-PJ, soit le respect (v. infra). Il est résumé par Tyler (2012) comme suit : « Les gens veulent avoir un forum dans lequel raconter leur histoire ».

La « VOIX » aura été immédiatement reconnue par les juristes, car elle renvoie au cœur même du procès équitable tel que théorisé tant en droit français (Buisson et Guinchard, 2014) qu’en droit conventionnel européen, au travers de la Convention de 1950 (Cour EDH, 2014). Il comprend notamment le principe contradictoire, les droits de la défense, le droit de discuter des preuves, et, bien évidemment, le premier élément constitutif du contradictoire que représente le droit de comparaître. Quelques mots doivent être dits relativement au rôle de l’avocat. Dans une recherche précédente (H- Evans, 2016 d), nous avions montré que les avocats représentaient bien un agent indispensable de la légitimité de la justice, en ce qu’ils portaient la voix de leur client, voire jouaient le rôle d’interprète, tant vers les magistrats ( : présenter la voix de leur client dans un langage et d’une manière acceptable pour ceux-ci) que vers leurs clients ( : expliquer ce qui se joue à l’audience). Nous avions à cette occasion réalisé un travail d’observation-immersion durant une année, et interviewé avocats comme condamnés. Ces derniers avaient une forte attente envers leur avocat relativement à la Voix.

Le deuxième composant de la LJ-PJ repris dans les systèmes juridiques démocratiques est la « NEUTRALITE ». La neutralité s’analyse en un besoin fondamental des justiciables de penser que les personnes qui traitent de leur dossier ou affaire, n’ont ni a priori, ni biais, ni préjugés au regard de celui-ci (Tyler et Lind, 1992). Elle est résumée par Tyler (2012) comme suit : « Les gens réagissent aux preuves de ce que les autorités avec qui elles interagissent sont neutres ». L’on sait qu’en réalité, la discrimination dans la justice pénale est omniprésente (Lewis et al., 2006 ; Raynor et Lewis, 2011 et les différents travaux cités), y compris en France (Jobard et Névanen, 2007 ; Pager, 2008). Les recherches LJ-PJ ont aussi montré que plus les êtres se trouvent dans un contexte formel (par ex. juridictions ou quasi-juridictions) et plus ils mettent l’accent sur des facteurs comme l’absence de discrimination ou de biais (Deutsch, 1982; Wisch et al., 1976). Pour ce motif, la théorie juridique TJ a développé, nous le verrons, une série de techniques permettant d’augmenter la neutralité et de réduire les discriminations. Il est clair que dans la LJ-PJ compte autant pour les justiciables, l’apparence de neutralité que sa réalité objective. La neutralité objective doit donc se donner à voir ostensiblement. Le critère de neutralité renvoie, sur le plan juridique à la théorie européenne en vertu de laquelle, la neutralité doit non seulement être objective, mais encore être apparente ( (CEDH 28 septembre 1995,

Procola c/ Luxembourg, Req. n° 14570/89 AJDA 1996 p.383 ; D.1996, p. 301 ; JCP 1997 I, n° 4017). Sous

l’angle du droit pénal ceci a conduit à élaborer une théorie dite de la séparation des fonctions incompatibles (Bergognian-Esper, 1973; Josserand, 1998): nul ne peut par exemple avoir été au parquet, puis au siège dans une même affaire ou encore à l’instruction puis au siège, ce qui n’est pas sans soulever de difficultés lors de changements de poste. Cette théorie est très atténuée dans l’exécution des peines où la notion de même affaire ne s’étend pas à celle de

« même personne ». Ainsi n’est-il pas rare que le parquet fasse état dans une audience d’application des peines, de ce qu’il connait de l’intéressé au titre du contrôle de la procédure préparatoire ou de l’audience pénale. Il est dès lors à notre sens très grave que les JAP soient contraints de participer

58 aux juridictions correctionnelles ou d’assises et puissent ensuite prendre en charge le dossier de l’intéressé au titre de l’application des peines. C’est ici que l’avocat joue fort heureusement un rôle absolument crucial, en ce qu’il réduit par sa seule présence, la tentation d’un « entre soi » et l’apparence d’absence de neutralité, comme notre recherche précitée l’a montré (H-Evans, 2016 d). Lorsque l’avocat n’est pas présent, l’impression que les jeux sont faits, et que la personne détenue se trouve seule contre tous est patente au point d’être fort gênante pour l’observateur.

Le troisième composant à portée juridique de la LJ-PJ et le « FACT-FINDING », soit la nécessité de faire reposer les décisions de justice et autres décisions de la chaîne pénale, police compris (de Mesmaecker, 2014) sur des preuves avérées, et a minima recherchées, analysées et utilisées de manière exhaustive, neutre et rigoureuse. L’absence de rigueur dans la recherche et le traitement des preuves est une complainte courante de la part des justiciables. Cela suggère que bien que les lenteurs de la justice soient également un reproche lancinant, une justice trop expéditive, ne prenant pas le temps de relever des preuves, est tout aussi inéquitable. De Mesmaecker a également mis en lumière des dimensions telles que : le juge a-t-il l’air bien préparé pour l’audience, vérifie-t-il chaque élément du dossier, semble-t-il tenir compte des particularités de l’individu à juger, prend-il le temps nécessaire ? Ici encore, l’avocat s’avère indispensable en ce qu’il contraint l’ensemble des personnes présentes à faire plus attention aux détails du dossier (H-Evans, 2016 d).

Les autres composants de la LJ-PJ renvoient plutôt au comportement des acteurs de la justice et, pour ce qui nous intéresse, dans la présente recherche, de la justice pénale. Il s’agit tout d‘abord du principe déjà évoqué et probablement le plus important en ce que l’ensemble des facteurs LJ-PJ y trouvent leur fondement même : il s’agit du « RESPECT », résumé par Tyler (2012) comme suit : « Les gens sont sensibles au fait d’être traités avec dignité et politesse et au fait que leurs droits en tant que citoyens soient respectés ». Le respect est au cœur de la LJ-PJ. Il en constitue non seulement un composant, mais également l’un des fondements. L’importance du respect pour les justiciables tient à la nécessité de reconnaissance par le groupe des hommes que tout humain ressent, mais également le besoin de voir son statut (standing) respecté par les autres membres du groupe humain. De fait, ils se livrent alors en continu à une analyse du comportement d’autrui, pour mesurer leur standing et statut dans le groupe humain et le niveau de respect de leur personne et de leur statut (Hegvedt et Johnson, 2009: