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Deuxième étape : Construire une théorie criminologique intégrée

Chapitre 3 : Théorie intégrative

B) Deuxième étape : Construire une théorie criminologique intégrée

La présente recherche ne nécessite pas de développements considérables présentant l’intégration théorique à laquelle nous avons tenté de parvenir. Un tableau suffira à en rappeler l’ensemble des éléments. Nous en analyserons ensuite les conséquences pour la sortie de prison et la LSC en particulier. Ce tableau numéro 11, comporte trois sous-parties, 11.1, 11.2 et 11.3, lesquelles reprennent les trois composants principaux de la RBR, le risque, les besoins et la réceptivité, et y intègrent tant les composants classiques, que certains éléments tirés des CCP, des prétendus « facteurs non-programmatiques », que des théories (par ex. la SDT) et méthodes de traitement (par ex. la thérapie des schémas) ou disciplines (par ex. le système juridique). Nous avons par ailleurs organisé le tableau de telle sorte qu’apparaisse de manière plus claire la distinction des principes RBR dont s’agit et des méthodes de traitement à mettre en œuvre.

Tableau 11 Tableau 11-1 Risque

Evaluation du Risque (R)

(Structurée: principe n° 11 in Andrews & Bonta, 2010 : 46)

Traitement EBP

(“Grand Principe” n° 2 in Andrews & Bonta, 2010 : 46)

Evaluation du niveau de risque avec: - un outil statique;

- ou un outil dynamique.

Selon les cas, généraliste et/ou spécialisé (ex. délinquants sexuels)

Adaptation du niveau d’intensité du suivi ou traitement ainsi que de l’intervention judiciaire (JAP, PSC) au niveau de risque – et Dosage

Aspect juridique: s’assurer que la nature, l’intensité, la durée et les obligations de la mesure sont adaptées au niveau de risque

Evaluation dite « acute » (urgente) (niveau de l’urgence/niveau de risque de dommage grave) avec un outil

« acute » (surtout avec les délinquants sexuels ou les auteurs de violence ou violence domestique à haut risque) (Hanson, et al., 2007)

Système de protection pluri-institutionnel de prévention du risque et de protection des victimes (à la fois pour le traitement et dans des dispositions juridiques)

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Tableau 11-2 Besoins

Principe du(des) Besoin(s) Traitement

(structuré: principe n° 6 in Andrews & Bonta, 2010 : 46)

Principe du(des) Besoin(s) Traitement EBP

(“Grand Principe” n° 2 in in Andrews & Bonta, 2010 : 46)

Evaluer tous les besoins criminogènes avec un outil actuariel généraliste (génération 3 ou 4) et/ou spécialisé (par ex. auteurs de violence ou fait de nature sexuelle: (Otto et(Douglas, 2010; Craig et al.

,

2008)

Le cas échéant, évaluer s’iI existe un trouble de la personnalité (not. antisociale) ou la psychopathie avec un outil approprié (par ex. PCL-R )

Pour les plus hauts risques ou cas complexes utiliser: - Le PICTS35 pour traiter des schémas de pensée délinquants.

- Evaluation forensique individualisée

Pour les abus de substance, utiliser un index de sévérité de l’addiction validé

Pour les personnes présentant des troubles mentaux, utiliser un outil de diagnostic EBP/renvoyer l’évaluation à un psychologue forensique

Traiter de chacun des besoins criminogènes (Principe

d’Envergure n° 9 in Andrews & Bonta, 2010 : 46)

Aspect juridique : s’assurer que la nature, l’intensité, la durée et les obligations de la mesure permettent de traiter de tous les besoins criminogènes

Structurer le traitement (Principe n° 11 in A in Andrews &

Bonta, 2010 : 46)

Utilisation d’un type de traitement accrédité et validé (principe EBP n° 2 in in Andrews & Bonta, 2010 : 46)

Utilisation des TCC (EBP principe EBP n° 2 in in Andrews &

Bonta, 2010 : 46)

- TCC classiques pour viser les pensées, attitudes et comportements criminogènes

- TCC spécialisés (particulièrement pour la personnalité antisociale ou borderline. - ex. thérapie des schémas: Young et al., 2003) et modulaires (Livesley et al. 2016)

Utilisation des CCP (à la fois de Dowden & Andrews, 2004; Andrews & Kiessling, 1980; et Trotter, 2015) (principe n°

14 in Andrews & Bonta, 2010 : 47)

Courtage et Défense (CCP : principe n° 14 in in Andrews &

Bonta, 2010 : 47)

Traitement EBP de l’addiction (ex. Communautés thérapeutiques; AA; substitution; TCC; Juridictions Drogues) et traitement en santé mentale EBP (Miller, P., 2009)

Collaboration intégrée (Pyroft & Gough, 2010; Sloper,

2004; Sullivan & Skelcher, 2002) avec les institutions communautaires.

(Aspects juridiques : « bonnes lois » qui permettent d’utiliser des méthodes EBP; visant à la réinsertion (fondements, orientation générale, fixation des obligations…) et soutiennent la collaboration)

Tableau 11-3 Réceptivité

Type de réceptivité Spécificité Traitement ou approche EBP

Intrinsèque Age

Genre

Ethnie-culture- langage

Santé mentale et intelligence (évaluer)– niveau d’alphabétisation/ déficits en communication

Motivation (étape) (évaluer avec un outil validé)

Traitement EBP des mineurs, y compris thérapies familiales EBP et théories de l’attachement

Programmes et approches adaptés au genre (v. études féministes)

Politiques institutionnelles respectueuses de la diversité (Lewis, Raynor, Smith, & Wardak 2006)/personnel avec compétence (Ponterotto, Casas, Suzuki, & Alexander, 1995)/ allocation des probationnaires auprès de personnels compatibles sur le plan du stade de

l’identité (Robinson, 1998, 2009)/traducteurs disponibles

Personnel spécialisé /personnel compétent en matière de problèmes de communication (v ex. La Vigne & Van Rybroek (2014)/collaboration avec un orthophoniste/recours à du matériel non écrit

Utilisation de l’entretien

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Autonomie – nature et niveau (évaluer avec un outil SDT) – ou agency (désistance) – type de consentement (contraint; authentique)

Objectifs personnels (évaluer) Priorités personnelles (évaluer)

Géographie (ex rurale, urbaine) et distance (distance en km et mode de transport)

Problèmes de logement, d’emploi, dettes.

Utilisation d’un traitement soutenant l’autonomie (SDT) et une approche collaborative– Utilisation d’une approche quasi-contractuelle

Approche GLM

Approche des besoins de Trotter (2015)

Guichet unique (modèle PSC); soutien pour le transport (tickets; transports gratuits, transport en camionnette; visites à domicile) – délocalisation (service nomade) pour l’accès aux services de probation et autres sources de suivi ou soins – dans les cas extrêmes, recours à la vidéoconférence, au téléphone, aux textos.

Aide et travail social (désistance) Approche résolutive de problèmes (v. dans les PSC et les CCP – Principe n° 14 in Andrews & Bonta, 2010 : 47)

Extrinsèque Bonnes institutions Réhabilitation/Non hyper-centralisées ni n’opérant en silo/pas de prisonbation ou polibation (i.e. une culture professionnelle de type police pour les agents de probation : Nash, 1999)/enracinement local /capable et désireuse de collaborer de manière égalitaire avec d’autres institutions et à partager l’information /innovante et favorisant la diffusion de

l’innovation /culture EBP /accepte le

contrôle externe des décisions /recruter du personnel qui a les bonnes compétences et approches

/ressources humaines participatives et favorisant le développement professionnel /ouverte à la recherche et à l’évaluation universitaire indépendante /ressources adéquates /respect et fonctionnement dans le cadre d’un mandate judiciaire et des normes juridiques…

Bons partenaires

Bon managers et cadres intermédiaires (principe n° 15 in A&B, p. 47)

Agents de probation de première ligne et praticiens assimilés

Bonnes juridictions

Enracinés localement /collaboratifs/culture innovante et EBP /financements suffisants

Leaders plutôt que managers (Lee et

al., 2010)

Enthousiastes des pratiques EBP et de l’innovation /bons coachs cliniques /fournissent un soutien quant au stress et en matière de compétence

émotionnelle /ouverts à la recherche

/fonctionnement dans le cadre d’un mandate judiciaire et le cadre normatif/respectueux et caring

(contexte de travail légitime)

Capable d’utiliser la RBR et les CCP /capables de créer une bonne alliance thérapeutique /formé et expérimenté en matière de TCC /ouvert à

l’innovation et à au développement professionnel/collaboratif/

fonctionnement dans le cadre d’un mandate judiciaire et le cadre normatif/respectueux et caring

(légitimité de la justice)

Juges et juridictions TJ-LP-PJ (type

PSC) (respect, care, procès équitable),

collaboratif/formé aux EBP (not. Communication/ alliance thérapeutique/utilisation appropriée de l’autorité /conditionnement opérant /addiction, etc.)/utilisation de sanctions graduées /accueil des juridictions et juridictions accueillantes, faciles à trouver

Droits de l’homme et droits subjectifs

/principe de légalité /prohibition des sanctions rétroactives et répressives /normes favorisant et soutenant la réinsertion/normes élaborées démocratiquement et de manière externe aux institutions /cadre juridique clair et équilibre adapté entre l’échange de l’information et la confidentialité (H-Evans, 2016 e).

Procès équitable (not. pour le

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Bonnes lois (légitimité normative) Bonnes procédures

peine, pour l’augmentation de l’intensité du traitement, pour l’ajour d’obligations, pour les sanctions) et not. contradictoire, voix, neutralité, fact-finding - LJ-PJ-TJ) (H-Evans, 2016 e).

Lois élaborées de manière démocratique et participative par des autorités légitimes ; respect des principes fondamentaux de droit pénal (not. légalité, non-rétroactivité ; présomption d’innocence, procès équitable, in dubio pro reo) et européens (not. proportionnalité)

Il est temps de s’interroger sur ce que ce qui précède peut signifier pour la LSC. A notre sens, l’apport essentiel de ce qui précède est qu’au lieu de penser l’exécution des peines et la libération de détention comme une problématique juridique, il convient de la penser comme constituant la partie d’un tout. Nul changement, nul programme, nulle réforme, ne devraient exister en apesanteur, soit sans s’adosser à une théorie pertinente, notamment sur le plan psycho-criminologique.

Dans le même temps, nous ne pouvons penser la fin de peine et, plus largement, le traitement des délinquants, en dehors du droit qui est le véhicule des actions des uns et des autres, qui en est le cadre et le bornage nécessaire et qui est à la fois porteur de valeurs et normes éthiques concrètes, de droits subjectifs – au-delà de généralités droits de l’hommiste. Ce cadre ne doit toutefois pas constituer uniquement une coquille; il doit être en cohérence avec ce qui constitue l’efficacité criminologique. Il doit exister un alignement non seulement certes, avec les valeurs des praticiens (principe d’alignement dans les théories de la diffusion), mais avec What Works au sens premier du terme. A défaut de quoi, lorsque le gouvernement qui suivra, et les suivants, auront à nouveau alimenté l’industrie de l’incarcération et les autorités en charge du Budget auront tiré la sonnette d’alarme pour la nième fois, nous verrons le législateur poussé par une administration pénitentiaire légitimement paniquée, et par une Europe à juste titre critique, suggérer une quatrième, puis une nième prétendue « procédure simplifiée ».

Nous avons vu que l’on ne peut espérer libérer des détenus que si les juges guidés par les parquets ainsi que les autres praticiens, ont envie de les faire sortir et ceci passe par une épaisseur de champ, par un contenu ; soit l’exact contraire même des approches vides de type NPAP/PSAP/SEFIP/LSC. Une telle profondeur de champ s’obtient non point en donnant aux CPIP pour mission de se comporter en quasi-greffiers passant des dossiers creux sur une chaîne de montage, et cochant des cases ; il s’acquiert en leur rappelant à leurs missions première de travailleurs sociaux, d’agent de probation et de criminologues. Dans cette optique, loin d’organiser des sessions de rattrapage à l’image des sessions de septembre universitaire pour les derniers de la classe, il s’agit précisément de travailler en profondeur ces dossiers difficiles les plus à risque sur le plan de la motivation, des cognitions, des besoins criminogènes et des besoins psycho-sociaux et médicaux, voire psychiatriques, ce, dans le

respect de leur autonomie et de leur « Voix, » dans les limites, naturellement, du cadre éthique et juridique.

Une reconstruction théorique qui intègre le droit à la criminologie est indispensable, pour que le droit, le système juridique, les acteurs judiciaires et ceux des prisons et de la probation, soient en cohérence avec les nécessités psycho-criminologiques. Les deux ordres ne peuvent être efficaces l’un sans l’autre. Nous avons présenté dans les pages qui précèdent comment peut se présenter un tel modèle. Il est à présent temps de se tourner vers nos données et tirer les leçons du cadre théorique ainsi défini.

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