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Application des normes de droit commun

Chapitre 1 : Analyse juridique de la LSC

B) Application des normes de droit commun

La nature de procédure de la LSC permet de résoudre un certain nombre de vides juridiques causés par un législateur pressé (2) en s’appuyant, comme il est de règle en pareil cas, sur le droit commun (1).

1) Principe de la transposition

L’article 720 ne traite pas de toutes les questions juridiques liées à la prise de décision dans le cadre de la LSC. Ainsi par exemple l’article 720 du C. pr. pén. se borne-t-il à aménager une procédure en CAP sans pour autant en préciser l’organisation, la composition, le quorum ou la distinction entre le rôle et l’importance de ses membres. Dans le même temps, l’article 720 ne renvoie pas expressément à l’article 712-5 pour traiter des vides juridiques qui persistent. Il nous semble toutefois que l’article 712- 5 constitue bien le droit commun vers lequel se référer en présence d’un vide juridique et c’est bien ainsi que la pratique l’a conçu.

En ce sens, l’on fera tout d’abord valoir que bien que la section sus évoquée au sein de laquelle il s’insère, se situe avant et après une variété considérable d’objets, dont il ne peut être tiré aucune indication particulière (v. en ce sens supra), en même temps ce texte fait suite et déroge aux articles 712-5 et suivants, tout en ayant un objet identique : l’octroi de mesures d’application des peines. De plus, la prise de décision en CAP, ainsi que l’appel dévolu au président de la chambre de l’application des peines (CHAP), dont il sera question plus loin, renvoient à une procédure déjà connue, celle qui préside à l’octroi des mesures quasi-juridictionnelles sus évoquées. Il s’en infère à notre sens que tout vide juridique constaté dans le régime défini à l’article 720 doit être comblé par référence à la procédure de l’article 712-5.

De plus, pour les raisons évoquées supra et au demeurant du fait du renvoi express à quatre mesures de droit commun ( : SL, PE, PSES et LC) ce sont, faute de la présence de la moindre condition de fond ou d’indication quant au régime de fond de leur exécution, les normes de droit commun toutes entières relatives à ces mesures et prévues aux articles 132-25 et suivants du Code pénal, 723, 723-7 et suivants et 729 et suivants du C. pr. pén., qui sont applicables à ces mesures.

Faute de régime juridique spécifique relatif aux sanctions et à la procédure qui leur est applicable, spécialement aménagé à l’article 720, c’est en outre le régime de droit commun applicable à chacune de ces mesures qui s’impose. Ainsi un retrait des mesures sous écrou ou une révocation de la LC pourraient-ils être prononcés par le JAP, tout comme des retraits de CRP et de permissions de sortir dans les premiers cas. La procédure applicable est alors inévitablement celle, de droit commun équitable, de l’article 712-6 et non point celle ayant présidé au prononcé des mesures.

2) Conséquences procédurales

Il découle de ce qui précède que lorsque l’article 720 renvoie à une prise de décision en CAP sans s’en expliquer plus avant, sont applicables les règles de l’article 712-5 ainsi que les normes règlementaires qui le complètent depuis 2004 (not. C. pr. pén., art. D. 49-28).

Ainsi, la CAP, instance collégiale dont les sessions se déroulent au sein des établissements pénitentiaires, est-elle présidée par le JAP, lequel est le seul auteur de la décision, ce dernier point étant d’ailleurs repris sans ambiguïté par l’article 720. Ainsi encore la CAP est-elle composée de trois catégories de membres, dont la présence n’est pas tenue pour identique ni par l’article 712-5 ni par l’article D. 49-28. L’on compte tout d’abord des membres de droit, tels qu’énumérés à l'article 712-5 alinéa 3, du C. pr. pén. Il s'agit tout d’abord étrangement du JAP lui-même, alors même qu’il est l’auteur des décisions et juge de premier degré, l’ambigüité juridique de son statut ( : membre consulté et auteur de la décision) d’origine, que nous avions relevée dans notre thèse (H- Evans, 1994) n’ayant jamais été levée par les réformes successives. Il s’agit, en deuxième lieu, du procureur de la République et, en troisième lieu, du chef de l'établissement pénitentiaire. La notion de membre de droit renvoie à une conséquence juridique importante : en cas d’absence de l’un de ceux-ci, la session de la CAP et les décisions prises sur cette base sont frappées de nullité (C. pr. pén., art. D. 49-28, avant dern. al.). L’article 712-5 du C. pr. pén. énonce en outre, dans un alinéa 4, inséré par la loi du 15 août 2014, que « le service pénitentiaire d’insertion et de probation y est représenté ». Le législateur n’a toutefois pas choisi de faire de ce représentant du SPIP un membre de droit, puisqu’il est visé à l’alinéa 4, tandis que les membres de droit sont visés limitativement à l’alinéa 3. Il s’ensuit que l’absence du SPIP n’entraîne pas la nullité de la procédure. Au demeurant, il ne s’agit guère d’une nouveauté, mais tout juste de l’élévation législative d’une norme qui figurait déjà à l’article D. 49-28, lequel renvoyait à la présence en tant que « membre obligatoire », et non de droit, à des « personnels d’insertion et de probation ». La notion de « membre obligatoire » impose aux personnes visées d’être présentes, mais n’invalide pas la procédure en cas d’absence. L’article D. 49-28 visait en outre, au titre des membres obligatoires « un membre du corps de commandement et un membre du corps d’encadrement et d’application du personnel de surveillance ». Au surplus, à côté des membres de droit obligatoires et de droit, sont visés à l'alinéa 2 de l'article D. 49-28 les membres dits « facultatifs ». Ces membres facultatifs sont appelés à intervenir en CAP, uniquement sur décision du JAP, et ce, en accord avec le chef d'établissement. Le JAP peut à cet égard solliciter

« toute personne remplissant une mission dans l'établissement pénitentiaire », dès lors qu'elle peut apporter des éléments d'information utiles. Une telle présence peut intervenir soit à titre permanent, soit, plus volontiers, pour une séance déterminée. C’est ainsi que nous avons pu voir siéger ponctuellement pour certains dossiers, un moniteur de sport, ou un représentant de Pôle Emploi. Cette composition, que nous n’avons retrouvée que partiellement sur les différents sites (v.

32 tableau 13), est donc également valable lorsque le juge statue en application de la procédure de LSC de l’article 720.

Une question se pose : un appel est-il possible à l’encontre des décisions rendues par le JAP dans le cadre de la LSC ? Il pourrait être argué de l’existence d’une saisine directe du président de la CHAP, insérée à l’alinéa 4 de l’article 720 et possible en cas de non-examen par le JAP de la situation de l’intéressé pour écarter la possibilité d’un appel du condamné en cas de décision de rejet ou par le parquet qu’il s’agisse d’un rejet ou, plus vraisemblablement d’une admission à la LSC. En réalité, l’existence de ce recours direct n’est en rien contradictoire avec l’application des règles de droit commun relatives à l’appel. En effet, le législateur s’est manifestement inspiré, avec l’article 720, de l’article D. 49-32 du C. pr. pén., texte de droit commun, lequel prévoit la saisine directe du président de la CHAP par le condamné s’il n’est pas statué sur sa demande de mesure quasi-juridictionnelle dans un délai de deux mois suivant son dépôt, un mois en cas de reliquat à purger inférieur à un mois (C. pr. pén., art. D. 147-18)9. Il n’a bien évidemment jamais été déduit de cette disposition que la personne

condamnée ne pouvait pas exercer l’appel de droit commun des articles 712-11-1° et 712- 12 C. pr. pén. Au demeurant, l’objet des recours est ici distinct, qu’il s’agisse, d’une part, du cadre de l’article D. 49-23 ou de celui de l’article 720 alinéa 4 et, d’autre part, de l’appel des articles 712-11-1° et 712-12. Dans les premiers cas, il s’agit de débloquer une situation empêchant la personne d’obtenir une décision ; dans les seconds, il s’agit de contester au fond une décision bel et bien rendue. Celle-ci pourrait en pratique tout autant solliciter ensuite un aménagement de peine dans le cadre contradictoire de l’article 712-6 en montant un projet plus solide. Toutefois, un appel au fond demeurera pertinent chaque fois que le juge aura été hostile par principe à l’aménagement de peine et que l’intéressé souhaitera le contester.

En vertu du principe dégagé supra, aux termes duquel les normes de droit commun sont transposables dans le cadre de la LSC, en cas de silence de l’article 720 et ce dernier texte ne donnant nulle indication relative à l’appel, il convient de se tourner vers les articles 712-11, 1° et 712- 12 C ; pr. pén., qui traitent des recours relatifs aux mesures visées à l’article 712-5, dont nous avons vu qu’il constituait précisément le cadre de référence pour la LSC.

Un argument de texte milite au surplus pour la transposition des normes de droit commun à l’appel dirigé contre les décisions du JAP : s’agissant du recours direct, il est fait référence à l’article 720 à l’article 712-11,1°. Il s’en infère que les conditions procédurales régissant cette procédure d’appel direct sont celles du droit commun ; ceci donne au surplus plus de poids à l’argument que les normes quasi-juridictionnelles de droit commun doivent pareillement régir les appels au fond.

Il en découle que dans les deux cas, c’est le délai de recours de droit commun de l’article 712-11-1°, soit le délai préfix de vingt-quatre heures, qui est applicable ; qu’en vertu de l’article 712-12, le président de la CHAP est compétent et qu’il rend une simple ordonnance en dehors de tout débat contradictoire. Le droit commun étant applicable, un pourvoi en cassation est également possible dans les deux cas en application de l’article 712-15 C. pr. pén.

3) Conséquences en droit de fond

Nous avons vu que sont applicables à la LSC les normes de droit commun relatives aux conditions de fond présidant à l’obtention des aménagements de peine, la LSC étant est en effet juridiquement une procédure alternative à celle du droit commun, permettant de prononcer de telles mesures. Il s’en infère par exemple que les délais d’obtention de ces mesures sont ceux du droit commun, sous réserve d’avoir franchi la barrière de la recevabilité de la procédure elle-même, telle que fixée à l’article 720. Les conditions relatives à un emploi, à une formation, au versement de dommages et intérêts, aux soins, au soutien familial, ou aux efforts sérieux quelconques de réadaptation sociale (C. pén., art. 132- 25 à 132-26-1 ; C. pr. pén., art. 729) et, dans le cas des mesures sous écrou, à la recherche d’un emploi, sont donc nécessairement transposables ici. Les indications de la circulaire et de la note de cadrage précitées du 26 décembre 2014 sont donc en contradiction avec les normes juridiques.

La transposition des normes de droit commun se traduit bien évidemment par l’application des articles 132-44 et 132-45 du code pénal, une probation classique étant mise en œuvre à la libération des rares personnes bénéficiant d’une LSC. Toutefois, en pratique, les reliquats de peine étant extrêmement maigres, la sortie n’est en réalité pas authentiquement suivie d’une telle probation, si ce n’est dans les situations fort heureuses où un SME prend le relais.

Enfin, il s’infère de l’application des règles de droit commun que la sanction naturelle de la violation de ce « suivi » est le retrait des mesures sous écrou (C. pr. pén., art. D. 49-24) ou la révocation de la LC (C. pr. pén., art. 733), encore avons-nous vu que la LC n’était point prononcée sur les quatre ressorts observés dans le cadre de la procédure de LSC.

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