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Chapitre 2 : Revue de la littérature

B) Diffusion de l’innovation

2) Facteurs institutionnels

La littérature fait apparaître deux catégories de facteurs institutionnels : les facteurs propres à l’institution (ou aux institutions) elle-même; des facteurs propres à ses personnels; certains facteurs étant parfois situés à la frontière entre les deux.

a) Facteurs liés aux institutions elles-mêmes

La ou les institutions en charge de la mise en œuvre adoptent généralement une stratégie de diffusion, dont la recherche a montré que les chances de réussite étaient très variables. Rappelons que les recherches en implémentation ont insisté sur la nécessité d’avoir en amont négocié suffisamment avec le terrain (Marsh et Rhodes, 1992).

Un premier point tient à l’information diffusée au terrain. Comme on le devine, elle doit être de qualité optimale et parvenir à temps (Marsh et Rhodes, 1992 ; Taxman et Belenko, 2012 ; Burke et Hutchins, 2007 ; Bonta et al., 2010). Si elle parvient après coup, elle est sans intérêt. Les chercheurs évoquent au demeurant des « lignes directrices de haute qualité » (Bhattacharyya, et al.2009),

40 lesquelles peuvent prendre la forme de manuels et d’indications correspondant réellement aux difficultés perçues par le terrain.

Naturellement, la formation se situe aux premières loges en matière de diffusion de l’innovation. Les recherches sur la « probation dans le monde réel » ont révélé notamment que la formation théorique et pratique initiale n’était jamais suffisante et qu’il fallait les compléter par des sessions de rafraichissements mensuels durant au moins un an (Smith et al., 2012; Bonta et al., 2010). Ces recherches et d’autres confirment la nécessité de donner l’occasion de mettre en pratique les choses apprises en formation et de prévoir un feedback régulier (Coiera, 2003 – v. aussi Burke et Hutchins, 2007), ce qui renvoie aussi au coaching clinique réalisé par les managers (Taxman et Belenko, 2012). La formation pourra avoir une importance moindre en matière de diffusion des réformes législatives, la plupart des praticiens étant aptes à en travailler les dimensions juridiques et pouvant s’aider de la doctrine et des revues existantes – encore faut-il qu’ils y aient accès depuis leur lieu de travail. Il est toutefois important de noter que si la formation est souvent perçue par les organisations comme étant essentielle, elle ne traite pas des questions de mise en œuvre cruciales : la motivation et les raisons et ressources pour agir.

Une appropriation de la réforme ou innovation par la base suppose aussi que soient disponibles des

réseaux de diffusion entre pairs adéquats (Rogers, 2003) et à cet égard l’accès à des groupes de

discussion ou support via Internet aide considérablement.

Toutefois, la recherche met en garde contre le fonctionnement institutionnel en silos (Suggett, 2011), soit entre pairs uniquement. Toute innovation doit au contraire être adossée à la recherche universitaire et à l’expertise scientifique disponible dans la société (Suggett, 2011). Le terrain doit donc collaborer étroitement avec le monde de la recherche (Eliason, 2003 ; Taxman et Belenko, 2003; Garner, 2008). Au demeurant, l’on a montré dans le domaine de la probation que lors de la phase de mise en œuvre elle-même, l’implication de chercheurs augmentait la fidélité à la théorie – l‘on connaît l’importance du principe de fidélité dans la RBR (Andrews et Bonta, 2010) – et par voie de conséquence, les résultats de l’innovation elle-même (Lipsey et Landberger, 2006).

La recherche pourra rendre également effectif le principe de l’évaluation présenté supra ; ladite évaluation se fera de préférence sur la base d’un ou plusieurs pilotes ; c’est le principe dit de triability (Rogers, 1995; Taxman et Belenko, 2012). Expérimenter d’abord la nouveauté dans quelques ressorts constitue toujours une meilleure approche en matière de programme car elle permet, d’une part, de démontrer authentiquement qu’un résultat positif a pu avoir lieu, ce par voie de recherche- évaluation13 (v. par ex. pour le programme Citizenship dans le Nord de l’Angleterre : Pearson et al.,

2011 et 2014 – ou, en France, expérimentation du PSE de 1997 à 2002), et, d’autre part, d’accoutumer les praticiens, et, en cas de succès, de susciter l’envie dans d’autres ressorts.

Susciter l’adhésion est naturellement la meilleure option, celle qui garantit le plus de durabilité et de fidélité dans la mise en œuvre. Il est toutefois également indispensable de monitorer celle-ci, non point seulement par des objectifs chiffrés, mais également par l’instauration de commissions permettant de

mesurer qualitativement l’intégrité de l’implémentation de l’innovation (Taxman et Belenko, 2012).

Pour être efficace le suivi de la mise en œuvre effective ne saurait toutefois être

13 A distinguer des recherches-action, elle aussi utiles, et qui permettent d’accompagner la mise en œuvre, mais

habité d’une volonté de contrôle et avoir une dimension autoritaire, voire coercitive (Gornitzka, et al., 2005 – v. aussi en matière d’implémentation: Marsh et Rhodes, 1992). La responsabilisation des praticiens doit être recherchée de manière qualitative et participative (Ingram et Schneider, 1990).

Pour une mise en œuvre optimale, tant les recherches en diffusion de l’innovation (Rogers, 2003) que les recherches dans le monde de l’exécution des peines (Burke et Hutchkins, 2007 ; Taxman et Sachwald, 2010; Taxman et Belenko, 2012), ont montré qu’une stratégie simple, mais très efficace, consistait pour l’encadrement à éliminer la totalité des tâches inutiles encombrant les praticiens de première ligne. C’est le principe dit du decluttering (ou dépoussiérage). Il s’agira notamment de tâches

administratives et paperassières que rien ne justifie. Lors d’une situation d’observation réalisée par

l’auteure en Angleterre, un cadre intermédiaire avait ainsi révisé la totalité des formulaires administratifs et éliminé patiemment l’ensemble des rubriques sans intérêt authentique.

Les institutions, peuvent hélas présenter un certain nombre de traits structurels préjudiciables à la mise en œuvre optimale des réformes ou innovations. Ainsi est-il montré de manière constante que les institutions centralisées où la prise de décision est verticale et hiérarchisée, telles que, notamment, les institutions pénitentiaires, au-delà d’une apparence favorable à une diffusion nationale, peuvent s’avérer contre-productives (Rogers, 2003 : 308 s.). L’avantage de l’organisation centralisée et hiérarchisée est qu’elle semble permettre d’imposer à la base la réforme en cause, quand bien même le terrain y est indifférent ou hostile. Il arrive également souvent que l’institution centralisée ait plus de compétences en matière de stratégie de diffusion que les autorités ou praticiens locaux. Cependant, les inconvénients excèdent largement les avantages. Ce type d’institution est généralement éloigné des besoins authentiques du terrain et de ses praticiens et limite ou les prive de leur autonomie décisionnelle, ce qui, en termes de motivation (v. infra) est particulièrement inefficace. D’une manière générale les institutions fortement centralisées et bureaucratiques innovent peu et mal (Rogers, 2003). Par ailleurs, elles tendent à générer plus de fatigue professionnelle et émotionnelle, facteur également négatif (Taxman et Gordon, 2009). La possibilité d’évoluer professionnellement, non point seulement en termes de carrière, mais surtout sur le plan qualitatif est également un élément favorable à l’acceptation de l’innovation (Fuller et al., 2007) ; de même l’existence d’un niveau de stress suffisant, mais point excessif (Fuller et al. 2007). Les recherches montrent de plus que les réformes partant du haut pour s’imposer sur le terrain (soit

« le bas » : on parle alors de diffusion « top-down » ou « top bottom ») sont d’un succès mitigé, voire nul, au point qu’il a pu être dit que le problème majeur de l’implémentation consistait à croire que les directives top-bottom allaient être exécutées (Suggett, 2011 – v. aussi : Lipsky, 1980 ; Rogers, 2003). Sur de telles bases, l’on peut même mesurer la disposition d’une institution au changement à l’aide d’une échelle (Lehman et al, 2002).

Une telle capacité dénote une flexibilité qui se manifeste par ailleurs au travers d’un facteur essentiel de mise en œuvre optimale des réformes et innovations: la capacité à collaborer à la fois entre praticiens du même corps, mais surtout avec d’autres institutions partenaires. L’on sait en effet que les institutions non-collaboratives n’innovent pas de manière adéquate (De Lancer Julness et Gibson, 2016; Ansell et Gash, 2008) et ceci a notamment été mis en lumière à propos de l’innovation dans les services publics (De Vries et al., 2015). Ainsi, dans une remarquable méta-analyse portant sur 137 études, Ansell et Gash (2008) ont-ils démontré que la gouvernance collaborative était plus efficace que la gouvernance oppositionnelle ou managériale. Ce point étant particulièrement important dans le cas de la LSC, procédure qui nécessite l’intervention d’une multitude de praticiens, provenant

42 d’institutions diverses (administration pénitentiaire, et notamment personnels des SPIP, direction des établissements, personnels gradés et de surveillance, greffiers pénitentiaires, magistrats du siège et du parquet, parfois également leurs greffiers, associations, société civile…), quelques précisions complémentaires s’imposent. La gouvernance collaborative est un mouvement apparu en occident, notamment dans les pays anglophones, précisément en réaction aux échecs des réformes centralisées

top-bottom (Ansell et Gash, 2008). Les recherches sur la gouvernance collaborative dont Ansell et Gash

ont dressé la méta-analyse précitée (Ibid), ont révélé que la collaboration n’est possible que si les différents partenaires ont une relative égalité de statut et de capacité, à défaut de quoi les acteurs les plus forts vont avoir tendance à adopter des positions manipulatrices ou dominatrices. Dans notre propre étude portant sur la littérature relative à la collaboration inter partenariale dans la justice pénale (H-Evans, 2013 b), nous avions également mis cette dimension en lumière ainsi que d’autres : existence de personnes ressources au sein de chaque institution ; de cadres « leader » (v. aussi infra) ; fixation d’objectifs clairs communs (v. aussi supra) ; et enfin et surtout circulation sans frein de l’information. La revue d’Ansell et Gash avait par ailleurs montré que la gouvernance collaborative pouvait échouer lorsqu’existait une histoire interinstitutionnelle commune faite de rancœur et d’antagonisme, car elle impactait alors sur le niveau de confiance réciproque entre acteurs. En pareil cas, des efforts doivent donc être déployés pour nourrir les relations entre individus, de préférence en face à face, en gardant le cap sur l’objectif commun préalablement défini (Ibid). En tout état de cause, les partenariats autocratiques où l’un des partenaires est le prestataire de l’autre et le commanditaire joue en quelque sorte le rôle d’inspecteur ne permettent pas une bonne diffusion de l’innovation et sont rarement pérennes et efficaces (H-Evans, 2013 b).

En dépit de leur puissance théorique et empirique, les théories de l’implémentation et de la diffusion souffrent d’une limitation importante : si elles intègrent la motivation et les valeurs des praticiens au travers du critère d’ « alignement moral » sus-évoqué, elles n’expliquent pas comment leur adhésion normative s’obtient. C’est ici que les théories de la légitimité de la justice-justice processuelle et celles de l’autodétermination des personnes permettent d’apporter une épaisseur humaine et un

« comment faire » dépassant les simples considérations organisationnelles ou stratégiques.

Le degré de justice et d’équité dans l’organisation et le fonctionnement institutionnel et son traitement de ses propres personnels est ainsi un facteur majeur d’une bonne diffusion. L’équité et la justice ne se définissent pas seulement par défaut (absence d’injustice), mais surtout par une organisation des rapports professionnels qui correspond aux critères de la légitimité de la justice et de la justice processuelle, telle que nous les étudierons infra à propos des procédures de libération des détenus elles-mêmes. Les détenus, comme les praticiens dans le monde du travail, y compris celui de l’exécution des peines (Taxman et Gordon, 2009 – v. aussi Lambert, 2002 et Lambert et al., 2007), ont les mêmes attentes universelles (Lind et Tyler, 1988), soit : pouvoir s’exprimer et voir leur « voix » compter dans les processus décisionnels ; être respectés ; compter pour les autres. Les personnes s’attendent en outre à ce que les décisions soient prises de manière neutre et sur la base d’informations solides. Nous solliciterons infra les théories de la légitimité de la justice, sous leur angle processuel (légitimité dite processuelle ou LJ-PJ). Toutefois, ce champ de recherche comporte aussi un volet politique, centré sur la légitimité des réformateurs eux-mêmes (légitimité dite normative) (Tyler, 2006). De ce champ, l’on peut notamment déduire que les citoyens appliquent d’autant plus les lois que les autorités qui les ont émises sont elles-mêmes légitimes, ce facteur étant plus important que la morale ou les idées personnelles. Ceci requiert une série de conditions, et

notamment que l’autorité soit-elle-même irréprochable et que la démocratie soit participative. L’on a ainsi mis en lumière par une série d’études que plus l’Etat était légitime aux yeux des citoyens et moins un Etat connaissait d’homicides (Eisner, 2001 ; Roth, 2009 ; Nivette et Eisner, 2013). L’on a aussi montré que le cynisme envers la loi favorisait la violence (Sampson et Bartuch, 1998 ; Kirk et Papachristos, 2011). La plupart du temps, toutefois, ces études se focalisent sur les receveurs des réformes, soit pour nous, les personnes condamnées. La littérature sur la LJ a très peu étudié la compliance des autorités elles-mêmes avec les lois qu’ils sont en charge d’appliquer ou leur perception de la légitimité normative. Une recherche a approché ce sujet sous l’angle de la dimension processuelle. Les chercheurs (Haas et alii, 2015) ont confirmé la pertinence du modèle LJ- PJ sur les policiers d’une zone de Buenos Aires sur le respect par la police elle-même des directives textuelles qu’ils recevaient. De leur côté, Tyler et al. (2007 a) ont confirmé la pertinence du modèle de la légitimité normative sur les policiers et militaires: ceux qui ne croyaient pas à la légitimité de leurs supérieurs et des dirigeants et au fait qu’ils avaient raison de proposer les directives en cause étaient peu compliants. Il est aussi important de noter que s’appuyer sur les valeurs professionnelles des praticiens produisait de bien meilleurs résultats, ce qui nous renvoie à l’élément d’alignement moral déjà étudié.

Le champ LJ-PJ-TJ (H-Evans, 2016 b) n’est pas lui-même sans lien avec celui de la SDT (Self-

Determination Theory – théorie de l’auto-détermination) dont nous développerons la présentation infra, lequel distingue la motivation extrinsèque de la motivation intrinsèque situés aux pôles extrêmes

d’une multitude de niveaux intermédiaires. C’est que l’équité consiste aussi à respecter

l’autodétermination des personnes. Si la plupart des praticiens, nous le verrons, ont raison d’aspirer

à ce que les personnes condamnées aient une motivation intrinsèque (interne et normative) plutôt qu’extrinsèque (imposée de l’extérieur et sans lien avec ses propres aspirations ou valeurs) à se soumettre aux mesures et à se réinsérer, il est tout autant préférable que leur propre motivation à mettre en œuvre les réformes soit elle aussi intrinsèque plutôt qu’extrinsèque. Une telle motivation ne se dicte toutefois pas, à défaut de quoi elle est précisément extrinsèque et par conséquent la mise en œuvre sera moindre et peu durable. Le lien entre SDT et mise en œuvre des réformes et innovations a été fait par Burke et Hutchins (2007) ainsi que par Moller et alii (2006). Ceux-ci ont confirmé que la motivation intrinsèque débouchait sur de meilleurs résultats et des résultats plus durables. Conformément à la SDT, obtenir une motivation plus proche de l’intrinsèque que de l’extrinsèque s’obtient par le fait d’offrir le choix entre plusieurs options de valeur égale aux acteurs, par le fait de fournir un « fondement » (rationale ou théorie causale, comme exprimé supra) au changement, par la manifestation de respect envers les praticiens mettant la réforme en œuvre, par le recours à un langage soutenant l’autonomie (par ex. « peut » plutôt que « doit ») et, nous retrouvons là encore un facteur déjà présent dans la littérature de la diffusion, par une réforme conforme aux valeurs des praticiens (alignement). Donner le choix en particulier entre plusieurs options est un élément critique de l’expérience que l’on fait de sa réelle autonomie (Zuckerman et al., 1978). Le choix en cause doit cependant être authentique: les pseudo-choix ou trop d’options complexes et chronophages n’emportent pas l’adhésion. A fortiori convient-il de s’abstenir de méthodes autocratiques, manipulatrices et séductrices. Un intérêt tout particulier de l’approche SDT pour la mise en œuvre des réformes est qu’elle ne nécessite pas le même niveau de surveillance et de contrôle par les institutions que ne le requiert l’approche extrinsèque; elle tend ainsi à être moins coûteuse (Moller et al., 2007).

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b) Facteurs liés aux personnels

Un certain nombre de facteurs institutionnels tiennent en réalité aux praticiens œuvrant dans les divers services concernés. Nous reprendrons ici à la fois les facteurs liés à l’encadrement et les facteurs liés au personnel de base.

La contribution active des cadres dans la probation constitue un champ émergent et encore insuffisamment exploré (Lee et al., 2010 et, dans le domaine voisin de l’addiction : Burke et Baldwin, 1999). Ses résultats convergent toutefois avec les recherches sur l’implémentation et la diffusion (Sabatier et Mazmanian, 1979 ; Suggett, 2011), lorsque ce champ s’inspire aussi des théories du management et souligne par exemple que les leaders de haute qualité » (connaissant bien le sujet en cause et capables d’entraîner leurs subordonnés avec enthousiasme) obtiennent naturellement de meilleurs résultats (Taxman et Sachwald, 2010), une échelle validée permettant de classifier ceux- ci étant même disponible (Aarons et al., 2014). L’on sait ainsi que sont préférables des leaders enthousiastes, charismatiques, compétents, participatifs et flexibles (Lee et al., 2010). L’on sait encore (Ibid) que sont peu efficaces à mettre en œuvre le changement les leaders autocratiques, ou, inversement, « laisser faire » sans vision ni connaissance approfondie du sujet en cause. De même le leader doit-il être convaincu de l’utilité de la réforme (Baumgartel et al., 1984). Ce sont donc des modes non traditionnels de leadership qui sont nécessaires, alors qu’ils semblent sur le terrain constituer la norme (De Lancer Julness et Gibson, 2016 – contra et pour la probation aux USA, Lee et al., 2010).

Rogers (2003) a identifié un certain nombre de facteurs propres aux personnels de première ligne. Ceux-ci doivent s’influencer (Fuller et al., 2007) et se soutenir entre pairs en vue de la mise en œuvre de la réforme, ce facteur étant plus important encore que l’encadrement (Chiaburu et Marinova, 2005). Comme indiqué supra, les valeurs véhiculées par la réforme ou l’innovation doivent être conformes (alignement) avec leurs propres valeurs professionnelles. Précisément, les praticiens doivent avoir un sens profond de leur mission (Fuller et al., 2007). En France, ceci serait sans doute traduit par la notion de « sens profond du service public ». Ceci permet en effet d’avoir l’œil sur le résultat final (prévention de la récidive, réinsertion).

La recherche a également mis en lumière l’importance de l’existence : d’acteurs (Sabatier, 1988 ; Sabatier et Jenkins-Smith, 1993) et même de coalitions de leaders et d’avocats en faveur du changement (advocacy) (Sabatier, 1988 ; Sabatier et Jenkins-Smith, 1993 ; Sabatier et Mazmanian, 1979 ; Sabatier, 2005; Fullan, 2009; Gornitzka et al., 2005 ; Rhodes et Marsh, 1992 ; Taxman et Belenko, 2012), a fortiori s’ils sont puissants (Fullan, 2009), ou encore de groupes d’intérêt (Marsh et Rhodes, 1992 ; Sabatier et Mazmanian , 1979 ; Sabatier, 2005 ; Rogers, 2003) faisant la promotion du changement. Elle suggère encore que sont importants des pionniers qui adoptent la réforme et donnent envie aux autres praticiens de les suivre (Shipan et Volden, 2008). Elle met aussi en lumière l’utilité de réseaux de diffusion, les premiers facteurs sus-évoqués pouvant créer un phénomène d’expansion, lorsque le changement attire alors l’attention de tous et ne peut plus être arrêté (Baumgartner et Jones, 1991). Sont également utiles les réseaux institutionnels ou entre membres des institutions concernées (Rhodes et Marsh, 1992). Des courroies de transmission

fluides entre acteurs sont essentielles (Fuller et al., 2007 ; Rogers, 2003 ; Taxman et Belenko, 2012).

Reste que les praticiens pris individuellement doivent également être prêts au changement à défaut de quoi ils peuvent le bloquer (Taxman et Belenko, 2012). Ils doivent également tout simplement être capables (compétence) d’aborder la complexité de la nouveauté (Bhattacharyya et al., 2009).