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Le modèle carnapien des prédictions guidées par des lois

Les prédictions guidées par des lois et les modèles de lo

1.4 Les modèles de loi couvrante posent-ils des conditions suffisantes pour la struc-

1.4.4 Le modèle carnapien des prédictions guidées par des lois

Ainsi, si l’on veut représenter la structure logique des prédictions guidées par des lois il faut amender les modèles de loi couvrante.

Par l’expression guidé par des lois on entend deux choses :

1. Les lois sont l’élément moteur de ces prédictions, en ce qu’elles sont indispensables pour réaliser l’inférence prédictive.

Cela se marque de deux manières. D’une part on peut n’utiliser que des lois pour réaliser la prédiction d’une nouvelle loi. D’autre part, dans le cas où l’on réalise la prédiction de l’occurrence d’un phénomène concret, ce sont les lois qui déterminent quelles données doivent être collectées et lesquelles ne sont pas pertinentes.

2. Étant l’élément moteur de ces prédictions, les lois sont aussi l’élément testé par ces prédictions.

Ce sont les pratiques scientifiques qui déterminent si une prédiction est bien guidée par une ou plusieurs lois et cela consiste, en dernière instance, à tester les lois par des prédictions de ce type. Si les

84On revient sur la question de savoir si ce rôle est indispensable dans le chapitre

lois n’apparaissent dans une prédiction qu’au titre d’outil et non comme élément fondamental, elles ne peuvent être testées par cette prédiction. Réciproquement si une prédiction est considérée, par une communauté scientifique, comme un test pour confirmer ou réfuter une loi, c’est que celle-ci y joue un rôle fondamental. Lorsque l’on parle, dans le chapitre suivant, de prédictions guidées par des modèles ou des données, il faut donc entendre par là que ce sont des types de raisonnements prédictifs dans lesquels les modèles ou les bases de données jouent un rôle moteur et peuvent être mis en échec ou confirmés.

Pour modifier les modèles de loi couvrante afin qu’ils puissent être considérés comme de bons modèles des prédictions guidées par des lois et ainsi formaliser la conception classique des prédictions scientifiques, on peut utiliser la conception que se faisait Carnap des prédictions scien- tifiques. Malheureusement, celui-ci n’a pas exposé sa conception dans un seul et unique texte : il faut la reconstituer en rassemblant diverses réfé- rences. C’est pour cela que l’on a souvent identifié la position de Hempel et de Carnap sur les explications et les prédictions et ce ne sont que de récents travaux sur les écrits de Carnap qui ont montré l’originalité de ses positions, de ses influences et de ses méthodes85.

On a vu que dans les Logical Foundations of Physics Carnap considé- rait que l’on pouvait se passer de lois pour réaliser des prédictions. Même s’il ne revient pas sur cette thèse dans les Philosophical Foundations of Physics, il ne considère dans cet ouvrage que les prédictions qui sont des dérivations à partir de lois. Il se peut que Carnap ait complètement abandonné la thèse de prédictions sans lois face aux difficultés pour déve- lopper une théorie de la confirmation. Il se peut aussi que, pour Carnap, il soit possible de parler de deux types de prédictions : celles qui néces- sitent des lois et celles qui n’en nécessitent pas. Comme on le voit dans le chapitre suivant, j’adopte une telle position pluraliste.

Toujours est-il que si l’on rassemble les remarques de Carnap dans les Philosophical Foundations of Physics, sa conception des prédictions

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Pierre Wagner, Carnap’s Ideal of Explication and Naturalism, Houndmills, Pal- grave Macmillan, 2016.

semble avoir les caractéristiques suivantes :

• Les prédictions ne portent pas que sur le futur : elles peuvent porter sur le passé ou le présent, tant que l’événement (ou la loi) prédit n’était pas connu au moment de la prédiction.

• Les prédictions jouent un rôle dans la confirmation des théories scientifiques.

• On peut prédire des occurrences particulières de phénomène ou de nouvelles lois à partir d’autres lois.

• Certaines hypothèses auxiliaires apparaissent dans les prédictions, notamment sous la forme de règles de correspondances qui per- mettent de traduire les énoncés du langage théorique en énoncés du langage d’observation.

Ces caractéristiques permettent de formaliser la conception classique des prédictions, en évitant les incohérences des modèles hempeliens et en étant plus conforme à l’emploi que les scientifiques et les philosophes des sciences font du terme de prédiction. Elles permettent aussi de ca- ractériser les prédictions guidées par des lois par un certain nombre de propriétés, afin de pouvoir, dans les chapitres suivants, les comparer à d’autres types de raisonnements prédictifs :

1. Elles ont pour élément moteur des lois scientifiques qu’elles per- mettent de tester et qui peuvent s’inscrire dans des théories organi- sant ces lois les unes par rapport aux autres, notamment sous une forme axiomatique et hiérarchique.

2. Reposant sur des lois, ces prédictions peuvent être des extrapola- tions et non uniquement des interpolations.

3. Elles peuvent ne faire appel aux définitions, concepts et hypothèses d’une unique théorie et/ou discipline.

4. Elles nécessitent, lorsqu’elles ont pour objet des cas concrets, l’em- ploi de conditions aux limites et d’hypothèses auxiliaires, qui ne sont

pas forcément confirmées ni considérées vraies (notamment lorsque ce sont des idéalisations ou des simplifications utilisées pour appli- quer et résoudre la formulation mathématique de ces lois).

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