• Aucun résultat trouvé

Applications de la psychologie sociale dans la relation de soin

B. Réalisation du plan de traitement

3. Minimiser les agressions sensorielles du patient au fauteuil

Les émotions négatives ont un caractère hautement conditionnant. Ce facteur est soutenu par la théorie des marqueurs somatiques d’António Damásio. Cette théorie de neuropsychologie stipule qu’il réside une association entre l’encodage mémoriel d’une situation vécue et l’encodage des émotions vécues lors de cette situation. L’émotion encodée conditionne alors la mémoire d’une expérience. En d’autres termes, si une personne vit sa première expérience de soins dentaires tout en expérimentant une forte anxiété, le deuxième rendez-vous sera conditionné par cette émotion d’angoisse car la mémoire des soins est liée à la sensation ressentie pendant ces derniers. Avant même de s’installer au fauteuil, la personne ressentira l’émotion car le souvenir du cabinet dentaire est conditionné par l’émotion vécue. Cette mémoire de la situation est elle-même reliée à des stimuli sensoriels vécus lors de l’encodage (odeurs, bruits, sensations, etc.). Sachant cela, il est déterminant de minimiser chaque stimulus capable de raviver un souvenir souvent associé d'une émotion négative. Il est impossible de revenir sur la mémoire de chacun mais il est possible de recréer de nouveaux encodages mémoriels ainsi que de donner aux plus jeunes des expériences positives.

a. Perceptions visuelles

Tenter de se mettre à la place du patient permet d'imaginer ce qu’il peut voir pendant les soins. La gestion des émotions lisibles sur le visage de l’équipe de soin a été évoquée mais de nombreux autres éléments sont à maîtriser. Certains instruments sont particulièrement anxiogènes comme les limes de traitements endodontiques par exemple. Leur utilité et la sensation qu’elles procurent peuvent être expliquées mais il est préférable de ne pas les exposer à la vue des patients. De même pour la seringue à anesthésie. Il est intéressant de la monter en arrière du patient et elle peut être amenée par le côté afin d’éviter la vision de l’aiguille. Bien-sûr, tout en expliquant oralement et pas à pas ce qui est réalisé. Il est aussi possible de conseiller de fermer les yeux si cela rassure. Il est possible

distraction est particulièrement utilisée chez les enfants. En parallèle pour le reste du soin, beaucoup de patients se plaignent de l'intensité lumineuse du scialytique. Des lunettes de protection transparentes sont intéressantes pour protéger les yeux des éclaboussures voir de certains éclats de matériel dangereux mais pour éviter tout éblouissement, il est possible de proposer des lunettes de soleil.

Pour finir, certains cabinets utilisent les écrans plats fixés au plafond. Les images ont un pouvoir de distraction très intéressant. Elles plongent dans un léger état d’hypnose qui permet d’élever le seuil de sensibilité. Il est possible de diffuser des reportages apaisants de nature et de voyages. En ce qui concerne le jeune public, le visionnage de dessins animés plonge souvent dans un état de transe relativement profonde, cela profite souvent grandement aux soins et à la motivation de l'enfant à revenir si besoin.

b. Sensations olfactives

Une étude a montré que l’odeur d’eugénol est à l’origine de la montée de l’anxiété préopératoire pour de nombreux patients dès l'entrée dans le cabinet (61). Pour diminuer ce phénomène il faut veiller à tremper rapidement les plaques à ciment dans les bacs à cet effet et à éliminer tout éventuel écoulement de produit qui diffuserait une odeur forte. On peut également penser à aérer fréquemment les pièces ainsi que de diffuser quelques légers parfums d’intérieur dans les pièces attenantes à la salle de soin.

Pendant la prise en charge, il est nécessaire de veiller à l’échauffement de la dentine qui est souvent à l’origine d’une forte odeur de brûlé qui peut être angoissante pour les patients. De plus, il est bon de prévenir lorsque la gutta-percha est chauffée par exemple ou lors de la pose d'un pansement eugénolé. Il n'est bien-sûr pas possible d'empêcher toutes sensations olfactives mais il est en revanche possible de les traduire pas des mots. Une fois de plus, minimiser l’inconnu rassure.

c. Stimuli kinésiques

Afin de diminuer « l’effet douche » lors de travaux prolongés, il est pratique de placer une serviette éponge sous la serviette en papier afin d’éviter les fréquents écoulements d’eau froide dans le cou. De même lorsque l’eau risque d’éclabousser, prévenir le patient afin de lui permettre de fermer les yeux et de ne pas sursauter.

En ce qui concerne les patients aux cheveux longs, il est possible de proposer une charlotte pour ne pas ni les salir, ni salir la zone de soin, ni les emporter lors des déplacements derrière les patients. De même, certaines équipes ont associé la charlotte à leur habit de travail ce qui optimise l’hygiène au cabinet.

Pour les sensations provoquées par les soins, il est déterminant de les expliquer comme évoqué plus haut. Chaque vibration, frottement, pincement sera prévenu. Les sensations provoquées par une anesthésie (particulièrement lors d’anesthésies régionales) seront expliquées « Vous allez perdre la sensation d’une partie de votre langue pendant deux heures. Il n’y a pas d’inquiétude à avoir, c’est relatif à l'anesthésie. », « Vous devez sentir que votre joue est gonflée, ce n’est pas le cas, ce n’est qu’une sensation qui s’estompera rapidement. », etc.

Pour finir, afin de contrôler le réflexe nauséeux, la réalisation d’empreintes et les prises de radiographies se feront en position assise voir légèrement penchée vers l’avant. Contrôler les réflexes nauséeux c’est aussi expliquer au préalable qu'ils peuvent arriver et mettre en place un code avec le patient pour stopper toute manipulation en cas de sensation de mal-être.

Enfin, le seuil de tolérance des sensations kinésiques s'élève grâce à la relaxation du corps. Les méthodes de respiration et de détende musculaire par scan corporel issues des techniques MBSR peuvent être employées à cet effet.

d. Sensations auditives

Tout stimulus auditif à volume élevé comporte une sensation désagréable. Cela est d’autant plus valable lorsque la personne ne s’y attend pas et encore plus quand la personne se trouve dans une situation angoissante ou de concentration afin de contrôler ses angoisses. A cet effet, il est préférable d’éviter toute sonnerie de téléphone dans la salle de soin, une lumière clignotante ou un vibreur dans la poche des assistantes serait une alternative. De plus, le bruit métallique des instruments sur le plateau de soin est strident, éviter de les y jeter permet de contourner le problème. Reste alors le son du vibreur à amalgame, des appareils à ultrasons, du compresseur ou encore du localisateur d’apex. Il est évidement difficile de supprimer tous les bruits mais ces sons peuvent être contrôlés, atténués, voir simplement expliqués au patient pour limiter, encore une fois, l’effet de surprise. En revanche, il est important de bien isoler le cabinet des sons extérieur afin de minimiser les risques de bruits provenant de la salle de stérilisation, de la salle d’attente et de l’accueil.

Il est aussi intéressant d’utiliser les vertus des musiques douces afin « d’apaiser les mœurs ». La musicothérapie ne cesse de prouver ses bénéfices sur la diminution de l’anxiété mais aussi de la fatigue et de la douleur (62). Elle permet donc un apaisement psychologique ainsi qu’une relaxation physiologique par la diminution de la fréquence cardiaque et de la pression artérielle (63). A cet effet, certains praticiens proposent même des casques de musique. Cela peut être une bonne alternative pour les plus anxieux. Même si ce dispositif peut couper la communication soignant-soigné, si certains sont rassurés par l’explication des actes, d’autres ne veulent pas en entendre parler. La proposition d’un casque audio peut être réservée aux actes particulièrement anxiogènes comme une chirurgie par exemple. Il est alors demandé aux patients de mettre le son à un volume permettant d’entendre tout de même le praticien au besoin. Quoi qu’il en soit, il est bon d'éviter de parler lors de la mise en marche de la turbine. Le travail ayant lieu très proche des oreilles, l’audition du patient est hautement perturbée. Cela peut s’avérer angoissant car le patient peut penser avoir manqué une information

e. Stimuli gustatifs

Tout comme les autres sensorialités, l’essentiel réside dans la traduction de ces ressentis en mots afin de prévenir le patient. Ainsi, prévenir du goût (et de la sensation kinésique) du gel local anesthésiant, des matériaux à empreinte ou encore du pansement eugénolé, permet d'éviter la surprise accompagnée du désagrément. Concernant l’hypochlorite de sodium, la pose de la digue et l’aspiration continue lors de la réalisation de traitements endodontiques est inévitable afin de, entre autres, minimiser le goût du chlore.