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Applications de la psychologie sociale dans la relation de soin

A. Explication du plan de traitement

3. Explications lors de la deuxième séance

a. Schéma de communication

Avant de présenter le ou les plans de traitement au patient lors de la deuxième rencontre, il est pertinent de faire un rapide résumé des besoins émis par le patient à la séance précédente et des besoins déterminés lors de l’examen. Cela permet de poursuivre par le bilan du diagnostic et d’émettre les pronostics afin d’introduire les propositions thérapeutiques. Se baser sur les radiographies et les éventuelles photos rend l’exposé concret et appliqué. Il est essentiel de veiller à ce que le patient soit psychologiquement préparé. Par exemple, apprendre la nécessité d’une chirurgie n’est aisé pour personne. Encore une fois, l’usage de mots positifs est recommandé afin de garder le patient ouvert et confiant. Par exemple, plutôt que de parler de « perte osseuse importante » nécessitant des

traitements parodontaux, il est possible de se concentrer sur les aspects positifs en proposant un traitement parodontal afin de « conserver le capital osseux résiduel ».

Ensuite, il s’agira de demander au patient si, suite à l’exposé général des solutions thérapeutiques lors de la dernière séance, il a une idée précise de ce qu’il désire. Deux voies de communication s’ouvrent alors.

Le premier cas de figure est celui où le patient sait ce qu’il veut comme traitement. La connaissance de ces attentes et des raisons associées va permettre au praticien d’accepter, de rediriger ou encore, si aucune entente n’est possible entre les protagonistes, de refuser la requête. Si les désidératas du patient correspondent au plan de traitement idéal établi, le soignant pourra informer brièvement des solutions alternatives envisagées afin de s’assurer que le choix est bien éclairé avant de finaliser cet échange par l’entente financière. En revanche, si la demande du patient diffère des besoins estimés par le praticien, il s’agira de connaître les motivations du patient. Parfois elles peuvent provenir d’idées erronées, il faudra alors les recadrer.

Dans le deuxième cas de figure, ou le patient n’a pas d’idée précise de solutions ou sa vision est très divergente de ce que le praticien estime bon pour lui. Le choix peut alors être pris d’exposer deux plans de traitement afin de ne pas submerger la personne d’informations, le plan de traitement estimé idéal et un plan de traitement alternatif où des concessions acceptables ont été faites. Ces traitements seront alors détaillés de la manière la plus neutre possible afin de préserver la liberté de choix de l’individu. Cependant, les avantages et inconvénients de chacun seront clairement exprimés afin de permettre un choix éclairé. De plus, le dentiste veillera à expliquer les raisons pour lesquelles ces options ont été favorisées, le temps de réalisation de chacune, leur pérennité, leur coût et leurs remboursements. Cette étape est pour le moins complexe car en exposant au patient la « meilleure solution » il ne faut pas négliger la forte influence du praticien. Cette influence permet certes de guider le patient vers le soin idéal, mais elle est également capable de soustraire beaucoup d’autonomie dans

la décision du patient. Chaque mot employé lors de l’exposé des plans de traitement requiert alors du tact.

Si lors de cet entretien, le choix est fait de ne présenter que deux plans de traitement, c’est également parce que toutes les options ont été abordées lors de la première séance et que le choix et le temps de réflexion ont été laissés au patient. La déontologie d'informer le patient de toutes les solutions envisageables est ainsi respectée. De plus, et surtout, il est plus cohérent de ne se concentrer que sur peu propositions thérapeutiques. Cela apporte plus de précision, plus de clarté et donne une image de confiance et de sérénité au praticien. En revanche, il est déterminant de rester flexible quant aux alternatives et aux compromis envisageables. A cet effet, observer les feedbacks du patient, les réactions verbales et non verbales pour dénoter d’éventuelles incompréhensions, refus ou préférences de solutions. Le praticien doit faire preuve de tact lors de cette présentation car ces solutions ne doivent pas être présentées comme les seules et uniques mais comme les options idéales. En revanche, le praticien a besoin de connaître ses limites concernant les compromis. En effet, accepter trop d’alternatives peut mener vers un choix de plan de traitement très éloigné du plan de traitement idéal. La solution sera peut-être moins onéreuse pour le patient mais peut coûter beaucoup en temps, en énergie et en image au praticien. Les éventuels problèmes engendrés seront toujours à la charge du soignant et il peut aussi et surtout impacter sur la santé du soigné. Si le praticien accepte des compromis, il sera alors déterminant de noter au dossier médical les désirs du patient et les informations données pour le prévenir des impacts du choix de ces compromis. Cela confère une protection médicolégale au praticien. En revanche, si aucune entente ne parvient à être établie entre les protagonistes, il est toujours temps de refuser la demande de plan de traitement du patient si cela ne correspond pas à la vision et à l'éthique de soin du praticien. Il est préférable de reconnaître ses limites en prévention du risque de devoir les subir dans un temps futur. Il est parfois nettement préférable de refuser un plan de traitement plutôt que d’accepter un compromis très incertain pour faire plaisir au patient. Cela est particulièrement valable lors de cas longs et complexes.

Pour finir, à la fin de l’exposé du plan de traitement, il est intéressant de présenter aux patients leur droit d’abstention de soin et de donner les pronostics associés. Cela permet de démontrer au patient sa pleine liberté décisionnelle avant de lui remettre le ou les devis de plans de traitement afin qu’il puisse prendre un temps de réflexion.

Ce temps de réflexion est nécessaire, surtout lors de cas difficiles et onéreux. Il est important de dire au patient de prendre son temps avant de se lancer dans la réalisation d’un plan de traitement car cela lui démontre que les soins sont dans son total intérêt et qu'il ne réside aucune pression quant à cette décision. Le temps et la réflexion solidifient l’engagement dans la thérapeutique. Le patient doit pouvoir être certain d’avoir pris la bonne décision. Et ce, tout au long du traitement mais aussi et surtout, pour la phase de maintien.

b. Outils à la communication

Afin de communiquer efficacement les solutions thérapeutiques, il s’agira d’être clair, concis et précis. Pour cela, l’utilisation des techniques de communication sera d’une grande aide.

La méthode de CNV permettra de structurer la présentation : résumé des observations, besoins du patient, solutions proposées.

Le contrôle du langage verbal permettra d’utiliser des mots positifs pour garder le patient motivé. Voici quelques exemples de corrections langagières permettant de rester dans une communication la plus positive possible.

- Problème, soucis : Solution, réussite, amélioration

- Mort, nécrose : Perte de la vitalité

- Meulage sélectif : Correction des inégalités - Une prothèse mobile : Une reconstruction amovible

- Ne croyez-vous pas que… ? : Estimez-vous que… ? (interrogation positive)

L’évitement de certains mots permet de transmettre un message clair. Par exemple, remplacer « je ferai » par « nous ferons » permet de signifier au patient qu’il est acteur du traitement. Il est intégré dans le « nous » car pour réaliser un traitement canalaire, sa participation et sa patience sont hautement impliqués. Deuxièmement, cela donne le cadre d’une équipe de soin solidaire dans la prise en charge au sein de laquelle il peut avoir entièrement confiance.

De plus, éviter de s’opposer clairement au patient permet de garder l’interlocuteur ouvert. Les mots simples tels que « mais », « non » peuvent être savamment remplacés car ils soulignent une opposition franche risquant de s’éloigner de la personne. Une phrase d’introduction telle que « Oui et en même temps… » permet d’exposer au patient que deux besoins (CNV) sont présents : le sien et celui du praticien, sans pour autant dénigrer ses motivations. De plus, les motivations sont à considérer avec attention. Il est difficile de déterminer avec exactitude les raisons des motivations de chacun, c’est pourquoi il est important de prêter attention à un patient exprimant ses besoins pour comprendre les motivations profondes avant de s’y opposer si besoin. En effet, une opposition au lieu d’une discussion peut amener de la frustration. Par exemple si un patient demande la réalisation d’une couronne sur une incisive centrale alors qu’une infection réside sur une molaire, même si la logique médicale mène à se précipiter en postérieur, il est déterminant de prendre le temps de comprendre la demande, l’éventuelle détresse de la personne et de trouver des compromis qui mettront les deux partis d’accord (dans ce cas par exemple, une adjonction provisoire de composite). De plus, quand le praticien aborde la notion de traitements dits « esthétiques », il peut être intéressant de plutôt parler « d’aspect ». Le domaine de l’esthétique a souvent tendance à générer des conflits pour divergence d’opinions, l’utilisation du mot « d’aspect » éloigne les idées préconçues provenant du domaine de la

Il est déterminant d’ajouter que des techniques de psychologie sociales sont parfois utilisées lors de l’exposé de plans de traitement afin de pousser les patients à choisir l'option idéale du praticien. Ces techniques définies précédemment confèrent un haut pouvoir de manipulation qu’il est nécessaire de déterminer afin de ne pas les utiliser. Les techniques de pied-dans-la-porte et de porte-au-nez par exemple, sont essentiellement des techniques de marketing. Il faut faire hautement attention à ne pas orienter la communication vers ce type de pratique à cette étape d’explication de plans de traitement, car cela peut être une dérive professionnelle. Le patient devient alors un « client ». Une présentation respectueuse, empathique et basée sur le climat de confiance instauré avec soin depuis la première rencontre permettra de mener un plan de traitement respectant au mieux la déontologie.

Pour finir, afin de permettre au patient de faire le choix le plus libre et éclairé possible, l’emploi de tous les outils permettant la transmission d’informations claires est nécessaire. Certains praticiens dessinent des schémas pour faire comprendre les différentes étapes de réalisation d’une couronne par exemple. D’autres utilisent les supports médias tels que des vidéos ou des photos. Ce type de communication doit être adapté selon l’interlocuteur. Il est aussi possible de montrer des cas similaires achevés. Cela aide à la compréhension, démontre au patient que sa problématique n’est pas isolée et le rassure sur l’expérience du praticien dans ce type de soins. Des ouvrages professionnels pour illustrer les propos apportent également un soutien scientifique à l’exposé. Il est enfin possible de faire des schémas sur la radio panoramique imprimée pour la remettre au patient afin qu’il garde des traces utiles à une réflexion éclairée. Ces démarches sont essentielle et ce, particulièrement lors de cas complexes, car le jargon des devis remis n’est pas toujours d’une clarté limpide pour les patients, souvent néophytes.