• Aucun résultat trouvé

1. Description

Cette technique de communication a été développée dans les années 80 par Marshall Rosenberg. Le terme « non-violent » s’inspire des mots porteurs de l’engagement humain et politique de Gandhi. Il désigne l’état naturel de bienveillance de l’homme lorsqu’il ne reste plus la moindre trace de violence en lui. Il part du présupposé que la nature profonde de l’humain tend à aimer donner et recevoir de manière bienveillante (54). On parle également de « communication bienveillante ». Ces termes permettent d’entrevoir une plus large application de cette technique à la résolution de conflit. La CNV est une pratique de langage qui amène à reconsidérer sa manière de s’exprimer ainsi que celle avec laquelle on entend l’autre. Les mots deviennent alors réfléchis plutôt que des réactions routinières et automatiques en réponse aux émotions. Cela est possible grâce à une prise de conscience de ses propres perceptions, émotions et désirs. On s’exprime alors plus clairement et sincèrement tout en portant sur autrui un regard empreint de respect, d’attention et d’empathie. Dans toutes interactions, on est alors plus à l’écoute de ses besoins ainsi que ceux de l’autre. La CNV aiguise le sens de l’observation en poussant à identifier les situations et les comportements qui nous touchent. Dans une situation donnée, cette technique pousse à cerner ses propres besoins pour communiquer clairement avec l’autre et ce, sans attentes. En effet, attendre de quelqu’un d’autre que soi-même risque trop souvent d’amener de la déception. Surtout si les attentes ne sont pas clairement identifiées et communiquées, ce qui est généralement le cas. On doit répondre soi-même à ses besoins car lorsque l’on attend de quelqu’un, on le contrôle, on le subordonne. C’est une relation asymétrique et hiérarchique. Les études précédentes de psychologie sociale ont démontré que contrôler quelqu’un donne peu de résultat positif. Cette pratique permet de modérer les schémas de défense, d’attaque ou de jugements protecteurs.

2. Méthode

La méthode se compose en quatre phases (OSBD). La première demande une fine observation (O) de l’échange interpersonnel. Cela consiste à réaliser une description objective des faits sans jugement ni généralisation. Ensuite, la technique demande de ressentir puis de reconnaître la ou les émotions induites par la situation afin de nommer ces sentiments (S). Il faut faire attention à ne nommer que des émotions impliquant soi-même : des émotions telles que la joie ou la colère et non l’abandon ou l’injustice. La troisième phase consiste en l’identification de ses propres besoins (B) ainsi que des désirs responsables de ces émotions. Cela permet alors de chercher les solutions qui pourront combler ces besoins. Une fois ces besoins définis, il est possible de conclure par la dernière phase qui consiste à formuler une demande (D) claire à l’interlocuteur. Cette demande doit se distinguer de nos besoins. Il doit s’agir d’une action simple, concrète et réalisable. On ne peut demander l’impossible. La demande doit également être le plus souple possible, négociable et empreinte d’empathie afin d’établir un climat de compréhension réciproque. En effet, même si l’on désire tout particulièrement cette action ou ce comportement de l’autre, il est déterminant de s’assouplir et de ne demander que quelque chose de simple et réalisable si l’on se met à sa place. Il ne s’agit pas de transformer cette demande en exigence car nous n’obtiendrons rien ou peu.

Voici un exemple d’application au cabinet dentaire:

« Mr Dupont, quand je vois que vous n’appliquez pas les conseils d’hygiène (O) que nous avons pris le temps de voir ensemble, je suis ennuyé (S). J’ai besoin de comprendre (B) ce qui ne va pas pour que nous travaillions ensemble. Pouvez-vous m’expliquer (D) quelles sont vos difficultés ? ».

Socialement parlant, le fait de partager ses émotions est souvent perçu comme de la vulnérabilité. Cela contribue donc souvent à atteindre l’interlocuteur, à montrer sa sincérité et donc à

En cas de conflit, comme par exemple lors de la gestion d’équipe, cela peut donner : « Clémentine, depuis quelques jours j’observe (O) que vous avez moins d’entrain à travailler à mes côtés. J’en suis peinée (S) et j’aurai besoin (B) de discuter avec vous des points à changer qui pourraient vous faire apprécier de nouveau vos journées au cabinet. Pourriez-vous (D) prendre le temps de réfléchir à ce que vous aimeriez changer pour que l’on en discute? ».

Le fait de proposer une solution plutôt que de simplement énoncer un comportement inadapté, ce qui a tendance à soulever une réaction de défense, permet de montrer à l’autre sa bienveillance. Exprimer son empathie et la compréhension de ses besoins est déterminant pour ouvrir la personne afin de lui expliquer que l’on a également des besoins et que l’on est à la recherche d’un terrain d’entente. C’est établir une relation saine dans laquelle on reste proactif.

Une autre application de cette méthode est d’apprendre à recevoir clairement ces quatre types d’information. Par exemple, lorsque l’on reçoit un éventuel reproche, plutôt que de se concentrer sur les émotions que les mots génèrent en soi, il faut se concentrer sur le message. Chercher à comprendre les faits observés, puis les ressentis et les besoins afin d’identifier ce qui pourrait contribuer au bien-être de la personne par l’écoute de sa demande, aussi implicite soit-elle.

Par exemple : « Docteur vous êtes toujours en retard ! C’est pénible d’avoir à vous attendre en permanence. Je suis obligé de bloquer mon après-midi lorsque j’ai une carie. » Le patient observe les retards (O), son visage exprime de la colère et de l’exaspération (S). Il a besoin d’être pris à l’heure (B). Il est alors possible de commencer par formuler ces trois observations pour lui signifier qu’il a été écouté et compris ou simplement lui proposer une solution (D) comme, par exemple, lui donner des rendez-vous en début de journée pour éviter tout futur retard.

L’essentiel n’est pas de répondre par une approbation ou des excuses. Il est plus utile d’apporter des solutions grâce à l’écoute des paroles, non pas ressenties comme une attaque mais comme l’expression des rancœurs et sentiments d’injustice d’un de nos semblables. Une fois que la

personne se sent comprise elle sera plus ouverte à écouter la solution proposée ou du moins, à entamer un dialogue sans hostilité.

En reprenant la méthode, cela donne une première étape d’observation sans évaluation (O). Lorsqu’on mélange observation et évaluation, l’interlocuteur risque d’entendre de la critique et de se fermer au dialogue. La CNV est une méthode dynamique et les généralisations sont déconseillées car elles figent le dialogue. Par exemple au lieu de dire « ce patient n’est jamais content de mes soins» on peut dire « les deux dernières fois que j’ai vu Mr Dupont, il ne semblait pas satisfait. » ou encore « Vous ne faites jamais ce que je vous demande dans les temps ! » se remplacerait par « Les trois dernières fois que je vous ai demandé quelque chose, vous avez commencé par faire autre chose. »

La deuxième étape demande d’identifier et d’exprimer ses sentiments (S). Pour se faire, on peut développer un vocabulaire permettant de mettre le doigt sur l’exacte émotion pour pouvoir mieux la comprendre et éventuellement la partager. Les mots utilisés doivent impliquer seulement l’énonciateur. Par exemple : admiratif, enchanté, surpris, touché, abasourdi, déçu, démuni, etc. Certains mots tels que : attaqué, exploité, piégé, rabaissé ou encore trahi ; impliquent l’autre et traduisent des pensées, des jugements ou interprétations plutôt qu’une émotion réelle.

La troisième étape consiste à prendre la responsabilité de ses sentiments en identifiant les besoins qui y sont reliés (B). En effet, face au message négatif d’un interlocuteur, on peut réagir de quatre façons : prendre le tort, l’attribuer à l’autre, identifier ses sentiments et besoins ou encore identifier ceux de l’autre. Déterminer les besoins et sentiments des protagonistes seraient les réactions les plus constructives. En effet, peu importe « à qui la faute », se concentrer sur cette question éloigne de la résolution.

Quant à la dernière et quatrième étape, elle nécessite de se demander ce qui contribuerait à notre bien-être en tant qu’énonciateur (D). Cela attire l’attention sur ce qui enrichirait notre vie et celle d’autrui en invitant à une formulation mutuelle de demandes claires. Il est essentiel d’éviter

on demande avec précision ce que l’on veut, plus on a de chances de l’obtenir. En effet, « l’objectif de la CNV n’est pas de changer les autres et leurs comportements afin d’obtenir ce que l’on veut. Il est d’établir des relations fondées sur la sincérité et l’empathie qui, au bout du compte, satisferont les besoins de chacun. » (54)

Cette méthode peut paraître scolaire et peu naturelle mais avec de l’entraînement, les échanges deviennent plus simples et bien plus fluides. Elle permet de gagner du temps et de l’énergie par la résolution de problèmes de communication. En effet, quand on est affecté par une situation, on ne sait pas par où commencer pour résoudre le malaise. Prendre les choses pas à pas peut s’avérer être une belle solution.

D’autre part, la CNV n’est pas « une recette figée », car son principe ne repose finalement pas que sur la verbalisation, mais sur la prise de conscience des quatre composantes. En effet, la compréhension de l’autre peut passer par des silences empathiques, une qualité de présence, des expressions faciales ou de la gestuelle.

Rosenberg constate à quel point la société dans laquelle nous vivons est manichéenne, probablement issue d’un héritage religieux (Dieu/Satan). Là où règne la dichotomie du bien et du mal, la dictature du juste et du faux, la loi de l’autorisé ou de l’interdit s’installent hiérarchies et rapports de pouvoirs (parentaux, scolaires, étatiques, religieux, etc). Le monde devient alors peu ouvert et le jugement critique empêche toute prise de conscience de nos besoins profonds ainsi que ceux de notre entourage.

Les jugements ne sont pas à bannir. Ils permettent de s’auto-évaluer afin d’améliorer sa qualité de vie. En revanche, les jugements moraux sont à éviter au plus possible car ils sont source de violences. Les mots tels que « le problème avec vous… », « cette personne manque totalement d’ouverture » ou « ce n’est pas correct de…» mènent aux reproches, aux insultes, aux dénigrements, aux étiquetages et aux comparaisons. Ces jugements moraux enferment dans une communication

aliénante, un monde où tout est polarisé. On se concentre alors sur les torts d’autrui plutôt que de comprendre les besoins de chacun. Il faut faire attention à ne pas juger le comportement de l’autre de manière dichotomique mais plutôt se demander ce qui motive un tel comportement et quels sont les besoins motivateurs en jeu (Pyramide de Maslow). De fait, si on garde ses anciens schémas de communication dans le reproche ou le jugement, on risque d’attiser des réactions de défense et de résistance par des mots blessants. Il se peut aussi que la personne se plie à nos désirs, reconnaissant la liste de ses torts. Elle agira alors par crainte, honte ou culpabilité. Cela revient à exercer un contrôle sur l’autre, ce qui est loin d’une relation saine et symétrique. De plus, cela ne durera qu’un temps car il n’y a alors aucune notion d’engagement par le libre arbitre.

Cette technique de communication est une méthode simple et structurée permettant de réduire voir d’annuler les décharges émotionnelles. Elle amène les personnes à penser et à voir d’une manière plus apaisée. Elle permet également, tout comme la technique de pleine conscience, de saisir le moment présent. De ne pas prospecter le futur mais de faire un état concret de ses émotions et de ses besoins présents. Elle s’applique alors parfaitement à la gestion de conflit mais aussi à d’autres formes de communication telle que, par exemple, la communication de la gratitude.