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I.7. Poids et mesures

I.7.2. Les mesures de poids

En ce qui concerne les objets manufacturés offerts aux dieux, il est remarquable que leurs dimensions et leur capacité, dans le cas de contenants, ne sont que rarement évoqués. En revanche, leur poids est régulièrement précisé dans les listes de biens. Étant donné qu’ils étaient pour l’essentiel en métaux précieux, on peut supposer qu’il s’agissait de préciser leur prix, non seulement pour souligner l’importance de la donation, mais aussi afin d’évaluer le capital du temple. Cette donnée met en relief le fait qu’en plus d’être liés au fonctionnement cultuel, ces objets, en tant que trésors, étaient donc susceptibles d’être utilisés à des fins commerciales ou usuraires et donc de participer, dans une certaine mesure, au fonctionnement économique des sanctuaires.

On a déjà vu que, dans certains cas232, la connaissance des poids des objets peut être de quelque utilité. En plus de la valeur, le poids permet, par comparaison, de donner un ordre d’idée des tailles respectives de différents objets, information particulièrement intéressante lorsqu’il s’agit d’objets de même nom. Enfin, il faut rappeler que l’usage de ce système de mesures ne se limitait pas aux métaux précieux. Il est notamment utilisé pour quantifier l’approvisionnement du dieu pour certains produits ; dans l’inscription K. 273, c’est le cas par exemple du styrax, de l’oléorésine de pin, du bois d’aigle et de la cire (K. 273, st. LXX, LXXI ; 1108 śaka ; CŒDÈS 1941, p. 276-277).

Comme dans le cas des capacités, deux systèmes de mesures de poids, khmer et sanskrit, coexistent dans les inscriptions. En reprenant l’étude des données relatives aux mesures des inscriptions en sanskrit de l’époque de Jayavarman VII, Claude Jacques a relevé sept unités de poids, dont quatre sont attestées en Inde, bhāra, tulā, pala/paṇa233

,

māṣa et trois plus problématiques kaṭṭi, pāda, bimbaka/vimva.

232 Par exemple celui des bols de type śarāva (cf. p. 117).

233 Selon Claude Jacques, il semble que paṇa et pala soient synonymes au Cambodge. Cette hypothèse est difficile à confirmer, mais en plus du fait que les valeurs attribuées généralement à paṇa ne conviendraient pas (1 paṇa = 5 guñja = 0,728 g selon Cordier), il note également que paṇa n’est jamais utilisé dans les édits des hôpitaux et qu’au contraire pala n’apparaît presque jamais dans les stèles de Ta Prohm et de Preah Khan.

En se basant notamment sur la constance des proportions des dons entre des hôpitaux de catégories différentes, Jacques a pu proposer des valeurs relatives entre ces différentes mesures, qui n’obéissent pas strictement à la tradition indienne234. Nous ne reprendrons pas ici le détail de son étude sur ces mesures sanskrites, qui apparaissent peu dans les listes de biens en dehors des inscriptions de Jayavarman VII. Cependant, nous en utiliserons ponctuellement les résultats, un parallèle avec le système khmer étant indispensable, d’autant qu’une partie des mesures sanskrites y sont utilisées.

De la bharā à la tulā

Les deux premières mesures du système khmer, bhāra et tulā/tula/tul sont en effet directement empruntées à la tradition indienne. Le terme bhāra, littéralement « charge » en sanskrit, est la mesure de poids la plus élevée. Elle n’est que rarement utilisée dans les inscriptions, la taille des objets ne nécessitant que rarement des unités de poids aussi importantes. En dehors de donations de denrées ou de métaux précieux non travaillés235

, on ne relève en effet que deux objets nécessitant l’utilisation de cette unité : un dais en (argent) blanc et bronze avec accessoires236

pesant neuf bhāra (padmavitāna saṅkū

phsam saṃrit nu saṃrap bhāra praṃpvan ; K. 470, l. 2 ; 1249 śaka ; IC II, p. 188) et un

trident en cuivre pesant un bhāra237

. À cela, il faut ajouter deux statues : un Buddha ayant nécessité un bhāra et deux tūla pour sa fonte (K. 504, l. 3 ; 1105 śaka ; RS II, p. 45) et un Jayaikanātha, probablement un Śiva « fondu avec trente-deux bhāra d’or » (K. 1236, st. XX ; 683 śaka ; Gerdi Gerschheimer, comm. pers. fév. 2006). Nous reviendrons sur la question de l’évaluation des mesures de poids, mais l’intérêt de cette énumération est déjà de donner un ordre d’idée de grandeur du bhāra. L’estimation

234 Claude Jacques a établi les rapports suivants : 1 bhāra = 20 tulā ; 1 tulā = 20 kaṭṭī ; 1 kaṭṭī = 20 pala ; 1 pala = 20 māṣa = 4 pāda ; 1 pāda = 5 māṣa ; 1 māṣa = 10 bimbaka.

235 On pense ici notamment aux dons de grandes quantités de denrées et de métaux dédiés à « la fabrication des tours et autres (bâtiments), des coupes hémisphériques et autres ustensiles » rapportés par les stèles de Ta Prohm et de Preah Khan sous le règne de Jayavarman VII (K. 908, st. CXLV, CL ; 1114 śaka ; CŒDÈS 1941, p. 281).

236 On peut effectivement imaginer que le poids de ce dais était assez important, mais il s’agit plutôt d’un ensemble d’objets en bronze et en argent, ce qui explique ce poids ; la même inscription rapporte le don d’« armes et accessoires de toutes sortes » en fer, pesant deux bhāra (tek daṃraṅ nu saṃrap sap mātrā

bhāra vyar ; K. 470, l. 3 ; 1249 śaka ; IC II, p. 187)

237 Cet objet est mentionné dans deux inscriptions de Ta Keo, il est précisé qu’il était installé au nord-est (vraḥ triśūla laṅgau mvāy bhāra ; K. 276, l. 4 & K. 277 S, l. 9 ; X-XIe śaka ; IC IV, p. 153, 156) Il s’agit manifestement de la flèche sommitale d’un prasat, qu’il faut rapprocher du fragment de trident de bronze muni d’un long tenon en fer, découvert à proximité de la Porte de la victoire d’Angkor Thom. Cet objet est long de 62 cm, mais nous n’en connaissons pas le poids ; il porte l’inscription K. 1018 (JFCA déc. 1918-fév. 1921, p. 184-185 ; BEFEO 20 (4), p. 220 ; JACQUES 1971, p. 181).

qu’en propose Cordier, 186,6 kg (1906, p. 183), doit encore une fois être infirmée. Un trident en cuivre de ce poids est déjà peu envisageable, mais une statue en or pesant presque six tonnes est totalement invraisemblable. À titre d’exemple, une statue en or à l’échelle représentant un homme de 1,80 m pour 75 kg pèserait environ 1,5 tonne en fonte pleine et 200 kg en fonte creuse de 5 mm d’épaisseur238

.

Littéralement « balance » en sanskrit, tula/tulā/tul est également une unité de poids indienne très bien implantée en Asie du Sud-Est. Dans l’épigraphie khmère en particulier, son usage est attesté par de nombreuses occurrences dès la période préangkorienne. Aucun élément ne permet de calculer son rapport avec le bhāra, et l’on ne peut donc que supposer que la correspondance indienne de 1 bhāra = 20 tulā était respectée. La quantité maximale de tulā relevée dans les inscriptions, dix-huit, ne contredit d’ailleurs pas cette hypothèse (K. 273, st. LX ; 1108 śaka ; CŒDÈS 1906, p. 58). De plus, ces deux unités se retrouvent dans la liste de poids utilisés pour l’or que donne le Hluoṅ Bibhăkti Dhānī : 1 bhāra = 20 ṭul, 1 ṭul = 20 nāl, 1 nāl = 20 ṭaṃḷīṅ [tael], 1 ṭaṃḷīṅ = 4 pātr [pād], 1 pātr = 1 sliṅ (ANTELME 2004, p. 27). Il semble que le système de mesures de poids du Cambodge ancien suit ce schéma, à quelques différences près.

janjyaṅ/jaṅjyaṅ

Le terme janjyaṅ est un dérivé de jyaṅ, mesure de poids que l’on présentera plus loin. Cette mesure n’est utilisée que deux fois dans le corpus et n’a pas encore été identifiée. On la relève d’abord dans l’inscription K. 234, dans l’expression suivante :

devadra[vya] cancyān I vudi padigaḥ bhājana 4 prak 4 kriyā ārccaṇa phsaṃ janjyaṅ 3

(l. 15-16 ; 929 śaka ; IC VI, p. 235). Cœdès traduisait cette expression par « Biens des dieux : 1 bague ; vudi, crachoir, 4 vases en argent ; nourriture cultuelle, total 3

janjyaṅ ». Cependant, il nous semble que la traduction de kriyā ārccaṇa est erronée. On

rencontre bien l’expression kriyā bhojana pour désigner la nourriture d’offrande, mais nous ne voyons aucune raison de restituer bhojana dans K. 234. En effet, la liste se

238 Sachant que le corps humain est composé essentiellement d’eau, on considèrera un volume approximatif de 0,075 m3. Sachant que la masse volumique de l’or est de 19300 kg.m-3, on obtient un poids de 1447,5 kg. Par ailleurs, il existe plusieurs formules permettant de calculer la surface d’un corps humain en fonction de sa taille et de son poids ; dans notre cas, elles s’accordent pour l’évaluer à 2 m2

environ (cf. par exemple www.cato-eu/surface-corporelle.html). Le volume de métal utilisé pour la fonte creuse serait alors de 0,01 m3 environ.

poursuit par un miroir, du bétail et des esclaves, et il nous semble que la prestation, périodique ou non, d’une quantité de nourriture n’aurait pas sa place dans une telle liste de devadravya. Par ailleurs, il serait également surprenant que cette quantité soit évaluée avec une unité plutôt utilisée pour des objets en métal. Kriyā ārccaṇa phsaṃ

janjyaṅ 3 pourrait alors être traduit par « accessoires de culte, au total : 3 janjyaṅ ». On

ne peut pas affirmer que le poids indiqué soit celui de l’ensemble des objets précédemment énumérés, ou d’autres accessoires de culte non précisés. Dans le premier cas, il serait étonnant que janjyaṅ ne soit qu’une variante de jyaṅ : le poids serait alors trop faible pour une bague, un vaudi, un crachoir et quatre bhājana. Or, janjyaṅ est conservé en moderne sous la forme jañjīṅ et a pris le sens de « balance ». Ne peut-on alors supposer qu’il s’agit d’une simple traduction khmère du sanskrit tulā et donc considérer l’équivalence 1 janjyaṅ = 1 tulā ?

Malheureusement, la deuxième occurrence vient contrarier cette interprétation. On retrouve en effet ce terme dans l’inscription K. 263, dans laquelle il est précisé que dix plateaux pèsent quinze jaṅjyaṅ (face D, l. 14 ; 906 śaka ; IC IV, p. 127). Nous ne disposons que de peu d’autres occurrences précisant le poids de plateaux (sbok), mais il semble que le poids de ces objets est compris entre un jyaṅ (K. 200 B, l. 4 ; 1067 śaka ;

IC VI, p. 312) et quatre jyaṅ (K. 256 O, l. 10 ; IXe śaka ; COEDÈS 1936, p. 379). Sans affirmer que ces poids sont parfaitement représentatifs de ceux de l’ensemble des plateaux, ces valeurs laissent plutôt supposer que les dix plateaux pesaient au total quinze jyaṅ et il faut donc admettre l’équivalence 1 jyaṅ = 1 janjyaṅ. Étant donné l’incertitude qui porte sur l’interprétation de l’expression de K. 234, nous adopterons cette deuxième hypothèse en attendant que ce terme apparaisse en relation avec d’autres unités dans de nouvelles occurrences.

jyaṅ

Troisième unité de ce système par ordre de taille décroissante, le jyaṅ est heureusement mieux documenté que le janjyaṅ. Son rapport à la tulā est le seul qui soit précisément connu dans ce système de mesures. En effet, l’inscription K. 206 mentionne deux vaudi de Vīrapura pesant 14 jyaṅ, ainsi que deux crachoirs de Vīrapura pesant 13 jyaṅ et donne un total de 1 tulā, 7 jyaṅ, ce qui impose un rapport de 1 tulā pour 20 jyaṅ (vaudi vīrapura 2 ṅann jyaṅ 10 4 ○ padigaḥ vīrapura 2 ṅann jyaṅ 10 3

phsaṃ ṅann tula I jyaṅ 7 ; l. 5-6 ; 964 śaka ; IC III, p. 12, 14). Un passage de

permet d’établir le même rapport239

, laissant supposer que les khmers faisaient alors preuve de plus de rigueur que dans les conversions de capacités. Le jyaṅ est donc manifestement l’équivalent du moderne nāl présenté dans la liste du Hluoṅ Bibhăkti

Dhānī.

kaṭṭī/kaṭṭīka

Le cas de la mesure kaṭṭī, est plus problématique. L’origine indienne de ce terme semble évidente, mais cette mesure est inconnue en sanskrit. La majorité des occurrences de ce terme apparaissent dans des inscriptions de la fin du XIIe siècle de notre ère, en particulier les inscriptions de Ta Prohm et de Preah Khan. Les formes kaṭṭī et kaṭṭīka y sont utilisées, le choix entre les deux dépendant probablement de questions de métrique. Cette mesure est pourtant attestée beaucoup plus tôt dans l’épigraphie, en particulier dans les parties khmères des inscriptions. On rencontre en effet la forme kaṭṭī dès la période préangkorienne (K. 910, l. 14 ; 573 śaka ; IC V, p. 40), mais aussi les variantes orthographiques kaṭṭi (K. 877.II, l. 12 ; VI-VIIe śaka ; IC VI, p. 67), kaddi (K. 1267240

, l. 6 ; VIIe śaka ; NIC II-III, p. 194) et kātikā en 929 śaka (K. 1218 ; cf. p. 598).

Selon Saveros Pou, kaṭṭi serait un emprunt aux langues austronésiennes représentant un poids d’environ 625 g, et correspondant au moderne nāl, terme provenant du pāli (POU 1984, p. 108-109). Cependant, il faut signaler que le terme kaṭṭi apparaît dans le Tamil Lexicon comme une mesure équivalant à 25 palams et dans le

Dictionary of Pāli de Margaret Cone comme une mesure de poids non précisée241

. Quelle que soit son origine, une mesure nommée kati est utilisée dès 843 de notre ère dans une inscription javanaise, gravée sur un parasol en argent offert à un temple. La

kati était la plus grande mesure du premier système javanais. Elle pesait environ

750-768 g et correspondait à 20 tael (CHRISTIE 2004, p. 91). Par ailleurs, une kati était toujours utilisée en Malaisie. Au début du XXe siècle, ce terme malais/javanais correspondait selon WILKINSON à « a pound avoirdupois, but weighing about one-third

239 (9 + 5 + 10 + 6 + 4) jyaṅ = 34 jyaṅ = 1 tulā, 14 jyaṅ (K. 256 O-V, l. 8-10 ; 901 śaka). Cœdès avait bien confirmé ce rapport en note dans l’édition (CŒDÈS 1937, p. 405, n. 5), mais on notera qu’une erreur s’est glissée dans sa traduction : le 6 transformé en 5 entraîne un total de 33 jyaṅ (ibid., p. 411).

240 Cette inscription a été publiée par Saveros Pou sous le numéro de Michel Tranet : Ka 12. Vong Sotheara propose également la lecture kaḍḍi (2003, p. 63). La différence entre dentales et cérébrales sonores n’est pas toujours évidente, mais nous retiendrons plutôt la lecture de Saveros Pou.

more », soit environ 605 g, et comprenait 16 tael (1903, p. 156, 491).

Encore une fois, l’unité de mesure portant ce nom semble avoir évolué dans le temps et l’espace (CHRISTIE 2004, p. 91). Il est alors possible qu’un autre rapport, et surtout d’autres valeurs aient été utilisés au Cambodge à date ancienne. Si kaṭṭī est bien l’équivalent du nāl moderne, alors cette mesure correspondrait à la vingtième partie d’une tulā et comporterait 20 tael (taṃliṅ), comme le rapporte le Hluoṅ Bibhăkti Dhānī (ANTELME 2004, p. 26-27). C’est également l’hypothèse qu’a été amené à proposer Claude Jacques en étudiant les mesures des inscriptions de Jayavarman VII.

Il faut pourtant signaler que la stance LXXXIV de l’inscription K. 495 mentionne un bhojyāsana « “siège” pour les repas » pesant vingt kaṭṭī sans effectuer de conversion (XIIe śaka ; IC II, p. 170-171). Cependant, on peut supposer que ce choix était imposé par le mètre de la stance, et il faut reconnaître que le nombre de kaṭṭī est inférieur à vingt dans toutes les autres occurrences. De plus, il semble bien que les systèmes khmer et sanskrit se correspondent. En tant que première subdivision de la tulā et équivalent du moderne nāl, la kaṭṭī s’inscrit alors dans le système de mesures comme la traduction du khmer jyaṅ ; ce rapport de 1 tulā = 20 kaṭṭī est donc tout à fait satisfaisant. On a déjà dit que la kaṭṭī était utilisée à plusieurs reprises dans les inscriptions. Il est difficile de déterminer pourquoi les auteurs de certains textes la préféraient au jyaṅ. On notera qu’elle est mise en relation à deux reprises avec les unités du système khmer et que les valeurs relevées ne contredisent pas les rapports proposés242.

liṅ/taṃliṅ

Si l’hypothèse « 1 tulā = 20 jyaṅ ~ 20 nāl » est exacte, alors on a tout lieu de penser que la subdivision du jyaṅ, le liṅ, est équivalente au tael moderne et donc que 1 jyaṅ = 20 liṅ243

. Le fait que la plus grande quantité de liṅ relevée dans les inscriptions

soit de dix-huit va d’ailleurs dans le sens de cette hypothèse (K. 947 A, l. 24 ; IXe śaka ; cf. p. 536). Emprunté au chinois, le terme liṅ aurait notamment dérivé en thḷiṅ, « peser » en khmer moderne (JENNER & POU 1981, p. 307). Dans l’énumération de mesures de

242 3 kaṭṭi, 17 liṅ (K. 877.II, l. 12 ; VI-VIIe śaka ; IC VI, p. 67) ; 3 tulā 16 kātikā (K. 1218 ; 929 śaka ; cf. p. 598).

243 En ce qui concerne les mesures sanscrites, on notera que Claude Jacques était également arrivé à l’hypothèse de 1 kaṭṭikā = 20 pala/paṇa. Une quantité de trente paṇa d’argent est mentionnée à la stance CXIV de l’inscription K. 273 (CŒDÈS 1906, p. 66), mais alors, cette unité est utilisée seule et l’absence de conversion est sans doute encore une fois liée à des questions de métrique. Lorsque paṇa est mis en rapport avec la kaṭṭikā, la quantité maximale relevée est de dix-huit (K. 908, st. CXXXVIII ; CŒDÈS

poids d’or présentée par le Hluoṅ Bibhăkti Dhānī, la subdivision du nāl est le ṭaṃḷiṅ. La forme taṃliṅ, probablement aussi dérivée de liṅ, est assez rare, mais apparaît bien dans l’épigraphie et ce curieusement, dans trois inscriptions préangkoriennes et seulement une angkorienne244. Malheureusement, rien ne permet de préciser le rapport entre le

taṃliṅ et les autres unités. On ne peut donc que supposer qu’il s’agissait d’un équivalent

de liṅ, étant donné sa position dans le système moderne.

pāda/sliṅ

À partir de taṃliṅ, on revient en territoire connu ; on retrouve en effet successivement les unités pāda, puis sliṅ du système moderne. On peut donc proposer les rapports 1 liṅ = 4 pāda et 1 pāda = 4 sliṅ, hypothèse encore une fois soutenue par les quantités maximales de trois pāda et trois sliṅ relevées dans l’épigraphie (K. 947 A, l. 4, 6 ; IXe śaka ; cf. p. 536).

L’un des sens de pāda en sanskrit étant « le quart », le rapport de 1 pala = 4 pāda est assez naturel en sanskrit. En revanche, Claude Jacques a noté que la comparaison des proportions des dons effectués dans les stèles des hôpitaux de différentes catégories permet d’hésiter entre des rapports de quatre ou de cinq māṣa pour un pāda. La deuxième solution permettrait de conserver un rapport de 20 entre le pala et le māṣa, ce qui serait plutôt satisfaisant en regard des précédents rapports. Cependant, une équivalence stricte entre les deux systèmes nous semble probable, d’autant que le pāda est commun aux deux systèmes. Le fait que des quantités de 4 pāda et 4 sliṅ n’apparaissent jamais et le parallèle avec le système moderne nous encouragent donc à privilégier l’hypothèse de 1 pāda = 4 māṣa.

Aucune mesure khmère inférieure au sliṅ n’est citée dans les inscriptions, contrairement au système moderne qui admet plusieurs subdivisions (1 sliṅ = 4 dhvịoeṅ, 1 dhvịoeṅ = 4 luy, 1 luy = 2 khlām, khlām, = 2 khlam, 1 khlam = 2 grāp srūv ; ANTELME

2004, p. 27). En sanskrit, l’unité bimbaka/vimva apparaît bien comme une subdivision du māṣa245

, mais le rapport qui les lie – 10 selon Claude Jacques – reste incertain.

244 K. 41 (l. 6, 16 ; VIe śaka ; IC VI, p. 32-33), K. 726 (A, l. 7-17, B, l. 3, 7, C, l. 3, 8 ; VIIe śaka ; IC V, p. 76-77), K. 811 (l. 4 ; VI- VIIe śaka ; IC VI, p. 63) et tanliṅ : K. 504 (l. 3 ; 1105 śaka ; RS II, p. 46).

245 Par exemple dans les stances XCVI et XCVII de l’inscription K. 908 dans laquelle la quantité suivante d’or est donnée : 300 bhāra, 12 tulā, 3 kaṭṭikā, 14 paṇa, 1 pāda, 2 māṣa, 2 bimbaka (1114 śaka ; CŒDÈS 1941, p. 278).

On peut donc résumer tous les rapports présentés ci-dessus dans le tableau récapitulatif suivant :

Parties sanskrites Parties khmères

bhāra246

20 tulā bhāra 20 tulā

tulā 20 kaṭṭikā tulā 20 jyaṅ

kaṭṭikā 20 pala jyaṅ = janjyaṅ = kaṭṭikā 20 liṅ

pala / paṇa 4 pāda liṅ = taṃliṅ 4 pāda

pāda 4 māṣa pāda 4 sliṅ

māṣa x bimbaka sliṅ bimbaka / vimva