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Mesures conventionnelles de contraintes sur HgCdTe

Les précédentes sections ont détaillé le potentiel impact des différentes étapes de fa- brication d’un détecteur sur l’introduction de contraintes dans la couche de HgCdTe. Ces contraintes ayant été identifiées comme une importante source de baisse des performances des détecteurs, il est donc indispensable de pouvoir minimiser ces contraintes via l’optimi- sation du procédé de fabrication. Cette dernière passe donc par la mesure des contraintes après chaque étape technologique pour trouver les paramètres jouant sur la réduction de celles-ci et différentes techniques de caractérisation peuvent être employées.

1.4.1

Diffraction des rayons X

La méthode de mesure de référence utilisée pour la mesure de déformation est la dif- fraction des rayons X car les longueurs d’onde utilisées sont ici du même ordre de grandeur que les distances entre les plans atomiques du cristal. Une différence d’angle de diffraction nous renseigne ainsi sur l’état de contrainte dans le matériau. Des électrons accélérés entre une cathode et une anode viennent exciter les atomes de l’anode, de cuivre dans notre cas, et donnent naissance à un rayonnement X à multiples niveaux d’énergie, dont les raies Kα et Kβ du cuivre. Un ensemble optique permet ensuite de focaliser et collimater le fais-

ceau. La haute résolution de mesure est permise grâce à un monochromateur positionné entre l’ensemble optique et l’échantillon, qui sélectionne uniquement la raie Kα1 du cuivre

(λ = 1,54056 Å), qui est la plus intense. Le faisceau monochromatique arrive ensuite sur l’échantillon et diffracte selon la loi de Bragg :

2dhklsin(θ) = λ (1.24)

où h, k et l sont les indices de Miller, dhkl la distance interréticulaire des plans (hkl), θ

l’angle entre le faisceau incident et le plan diffractant et λ la longueur d’onde du fais- ceau incident. Le faisceau diffracté est ensuite collecté par un détecteur, dans lequel deux cristaux analyseurs permettent de supprimer la divergence du faisceau. La figure1.20sché- matise le phénomène de diffraction sur un cristal et illustre la loi de Bragg. Pour déterminer la distance interréticulaire dhkl, on réalise un scan 2θ-ω sur l’échantillon en faisant varier

l’angle du faisceau incident et du détecteur pour obtenir la position absolue du pic de diffraction de l’échantillon. Dans le cas d’une ou plusieurs couches contraintes, plusieurs distances interréticulaires seront présentes dans la profondeur de l’échantillon, donnant lieu à plusieurs pics de diffraction à des angles différents.

La diffraction haute résolution des rayons X (HRXRD) permet notamment l’étude des contraintes présentes dans la couche, dues à un écart de paramètre de maille avec le substrat

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Figure 1.20– Schéma de la diffraction des rayons X sur un cristal illustrant la loi de Bragg. L’angle ω n’est en pratique jamais égal à θ, même dans le cas d’une diffraction symétrique.

[4]. La contrainte dans le plan est déterminée via la relation entre la distance interréticulaire dhkl et les coordonnées de la tâche de diffraction dans l’espace réciproque [72]. Cette étude

a été réalisée sur des échantillons EJM de HgCdTe de différents accords de paramètre de maille entre la couche et le substrat et montre la relation entre cet accord et la contrainte dans la couche, voir figure1.21.

Figure 1.21 – Contrainte dans le plan en fonction de l’écart paramétrique couche / substrat. Les domaines (1) et (2) montrent le comportement de la relaxation de la contrainte au delà d’un certain écart paramétrique [4].

On observe deux domaines distincts dans l’évolution de la contrainte dans le plan en fonction de l’écart de paramètre de maille couche / substrat. Le premier (1) montre une évolution linéaire de la contrainte pour des faibles désaccords paramétriques et correspond donc à une zone de déformation élastique, alors qu’une saturation de cette contrainte ap- paraît dans le second domaine (2). Pour un écart de paramètre de maille trop important

dans notre cas, une relaxation de la contrainte se produit : on est dans le domaine de dé- formation plastique (confirmé par l’augmentation nette de la largeur à mi-hauteur des pics dans ce domaine). Celui-ci est atteint à partir d’une contrainte de 12 MPa en tension ou 18 MPa en compression, ce qui correspond à une déformation de respectivement 2,7 et 4,1.10−4.1 Cette étude montre donc à quel point le contrôle des paramètres de maille de la couche et du substrat est crucial pour minimiser les défauts dans la couche active et qu’il faut avoir un accord de maille quasi parfait pour ne pas introduire de dislocations à cause de la transition dans le domaine plastique.

1.4.2

Profilométrie mécanique

La seconde méthode utilisée pour l’étude des contraintes dans les couches de HgCdTe est la profilométrie mécanique. Elle se base sur la mesure de flèche sur le matériau et peut montrer une tension ou compression à grande échelle. Un stylet vient au contact de l’échantillon qui se déplace linéairement lors d’une mesure et on obtient la topographie de la surface de l’échantillon. La figure 1.22 illustre le fait que le signe de la flèche mesurée permet de déterminer si une couche est mise en tension (a) ou en compression (b).

Figure 1.22 – Schéma de mesure de flèche dans le cas d’une couche mise en tension (a) et en compression (b) par le dépôt d’une passivation.

Cette méthode est principalement utilisée pour étudier l’effet de la couche de passiva- tion sur la couche par la mesure de flèche. En effet, plusieurs études internes ont montré une très forte mise en tension de la couche suite au procédé de passivation. Différentes couches de passivation, modifiant la méthode et les paramètres de dépôt, donnent lieu à différentes valeurs de flèche prouvant le rôle que joue la passivation sur l’introduction de contraintes dans la couche et la nécessité d’optimiser le procédé de dépôt de celle-ci.

La contrainte présente dans la couche de passivation peut être mesurée par la formule de Stoney [90] : σpassiv = Esubstr at 1 − νsubstr at · h 2 substr at 6hpassiv · (1 R− 1 R0 ) (1.25)

où E est le module d’Young, ν le coefficient de Poisson de la couche, h l’épaisseur du substrat et de la couche de passivation, R0 et R le rayon de courbure respectivement avant

et après le dépôt de passivation. Le dépôt de la passivation induit des flèches de l’ordre du

1. La légère dissymétrie entre les domaines en tension et en compression vient de la différence de coef- ficient de dilatation thermique entre le HgCdTe et le CdZnTe, qui introduit une composante de contrainte thermique lors du refroidissement après l’épitaxie.

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micron, voire de la dizaine de microns sur des plaques de quelques dizaines de millimètres de côté, montrant une très forte contrainte transmise à l’ensemble de la couche après cette étape.

1.4.3

Microscope électronique à transmission

La mesure de contrainte par TEM est une technique communément utilisée dans la caractérisation de composants grâce à sa grande résolution spatiale, de l’ordre de quelques nanomètres [37]. Par rapport aux deux méthodes décrites précédemment, cette résolution spatiale permettrait la mesure de contrainte au sein d’un pixel et la visualisation d’un champ de déformation à une précision submicrométrique. Cependant, la précision de la déformation mesurée par cette technique est de l’ordre de quelques 10−4 à 10−3, et malgré les améliorations réalisées sur les techniques de mesures [6, 80], cette précision ne dépasse pas les 2.10−4. Or, on a vu que la transition du domaine élastique au domaine plastique dans une couche de HgCdTe se produit entre 2 et 4.10−4, cette précision de mesure ne sera donc pas suffisante dans notre cas. De manière identique à l’observation des dislocations (section 1.3.3), le TEM n’est pas une technique de mesure applicable aux échantillons de HgCdTe à cause de la très faible déformation subie.

Les deux méthodes conventionnelles de mesures que sont la diffraction X et la pro- filométrie mécanique donnent donc des résultats cruciaux sur l’apparition de contrainte dans la couche mais sont limitées par leur résolution spatiale. En effet, la taille du fais- ceau en HRXRD (de quelques millimètres carrés) ne permet pas d’accéder à une mesure individuelle sur chacun des pixels, et la pénétration du faisceau X empêche d’obtenir une mesure résolue en profondeur. La mesure de flèche va quant à elle moyenner l’informa- tion de l’ensemble de l’épaisseur de la couche et ce, sur toute la surface de l’échantillon. Or, les contraintes dans les couches de HgCdTe et leurs effets peuvent être concentrés sur seulement quelques microns, voire quelques centaines ou dizaines de nanomètres. C’est le cas pour la zone d’interface entre le substrat et la couche qui - suite à une croissance EPL - présente un gradient de concentration sur environ 2 µm tandis que l’étape de gravure crée des coins abrupts capables de concentrer les contraintes. Ainsi, pour étudier l’influence des différentes sources de contraintes dans le matériau lors de la croissance et suite aux étapes technologiques, une technique de mesure présentant une très bonne résolution spatiale doit être utilisée.

Pour accéder à une résolution spatiale inférieure au micromètre, on doit avoir recours à une méthode de mesure non conventionnelle. La microdiffraction des rayons X synchrotron en faisceau blanc est parfaitement adaptée, du fait d’une taille de faisceau de l’ordre de 500 nm de diamètre. De plus, le caractère polychromatique continu permet d’obtenir une information sur la diffraction dans plusieurs directions cristallographiques simultanément.