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4.2 Cartographies de déplacement

4.2.3 Échantillons implantés

4.2.3.1 Dommages dûs à l’implantation

L’étape d’implantation est connue pour créer des défauts dans le matériau suite à l’in- sertion des dopants dans la couche [59]. La figure 4.22(a) - couche de CMT implantée à 360 keV avec une dose de 2.1015 at.cm−2 d’ions antimoine - illustre ces défauts avec une image en microscopie électronique à balayage en transmission en champ clair (BF-STEM) corrélée avec le profil SIMS d’antimoine.

Figure 4.22– Image BF-STEM d’une couche de CMT implantée à 360 keV avec une dose de 2.1015 at.cm−2 d’ions antimoine sans recuit (a) et après un recuit d’activation d’1 h (b). La concentration d’antimoine est mesurée par SIMS et tracée sur l’image. Figure tirée de la thèse de Clément Lobre [59].

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On voit sur l’échantillon (a) sans recuit que les dommages liés à l’implantation d’anti- moine se concentrent sur les 0,4 premiers microns de la couche, profondeur au-delà de la- quelle l’antimoine n’est plus présent. L’implantation d’antimoine s’accompagne de 2 zones distinctes de défauts, la première entre 0 et 0,25 µm composée de longues boucles de dislo- cations, et la seconde entre 0,25 et 0,4 µm composée de boucles de dislocations très courtes et avec une densité bien plus importante. Après un recuit d’1 h (b), on voit la diffusion de l’antimoine dans la couche sur le profil SIMS, qui s’accompagne par la suppression des zones de défauts vues avant recuit. De façon similaire avec les mesures de microdiffraction, le recuit a le même effet et guérit la déformation plastique dans l’échantillon.2

Les échantillons utilisés en microdiffraction ont quant à eux une dose d’implantation d’antimoine 10 fois plus faible de 2.1014 at.cm−2 et le recuit effectué est allongé à 5 h. La

couche de CMT faisant 5 µm, ce recuit de 5 h permet de diffuser l’antimoine sur la moitié de la couche, la diffusion s’étendant entre 2 et 2,5 µm dans ce cas, voir figure2.9. On réalise à l’aide d’un masque spécifique non pas une zone d’implantation pleine plaque, mais des lignes d’implantation pour pouvoir effectuer des cartographies du même type que sur les échantillons gravés.

Comme mentionné précédemment, on ne peut pas se repérer visuellement sur ces échantillons puisqu’il n’y a pas de gravure et que les zones d’implantation ne se distinguent pas sur une vue en coupe, les cotations précises du masque de lithographie permettent cependant de se placer aux positions théoriques des lignes implantées. Pour vérifier la po- sition exacte de ces zones, on positionne le faisceau 0,5 µm sous la surface et on réalise une ligne horizontale. On remarque sur cette ligne une chute de l’intensité de diffraction sur une largeur de 8 µm, que l’on peut voir distinctement sur les figures4.23(a) et (b), qui correspond à la largeur de la ligne implantée. Cette chute d’intensité au niveau de la ligne implantée est liée aux défauts introduits lors de l’étape d’implantation et on est ainsi sûr du positionnement de l’échantillon.

Sur l’échantillon avant recuit (a), cette chute d’intensité est en parfait accord avec la fi- gure4.22où l’on voyait une zone de 0,25 µm très fortement endommagée puis une seconde de 0,25 à 0,4 µm comportant moins de défauts. Ces défauts d’implantation impliquent donc une perte d’intensité de diffraction d’environ un facteur 10, ce qui prouve la très mauvaise cristallinité de la couche dans cette zone. L’intensité dans le reste de la couche est constante, aucun ion antimoine n’étant présent au-delà de 0,5 µm.

L’échantillon après recuit (b) présente lui aussi une chute d’intensité sur les 8 µm de la ligne implantée mais elle est environ 5 fois plus faible qu’avant recuit (les échelles d’in- tensités ne sont pas identiques entre les deux échantillons) et illustre bien l’effet guérisseur du recuit. Le recuit induit également une chute d’intensité d’environ 10 % jusqu’à une pro- fondeur de 2,5 µm qui correspond à la profondeur de diffusion de l’antimoine. Cependant, cette chute d’intensité se produit principalement selon l’axe vertical en s’atténuant latéra- lement petit à petit (schématisée par la ligne en pointillés sur la figure 4.22(b)) alors que

2. Des agrégats d’antimoine d’une taille de l’ordre de 10 nm, points blancs sur la figure, apparaissent cependant, liés à des cavités dans le matériau [59].

Figure 4.23 – Cartographie de l’intensité du pic 8 10 -2 sur les échantillons implantés à 360 keV avec une dose de 2.1014 at.cm−2d’antimoine sans recuit (a) et après un recuit de 5 h (b). Le centre de

la ligne implantée correspond au 0 selon l’axe x. La ligne en pointillés représente la zone implantée.

l’on peut légitimement s’attendre à une diffusion isotrope de l’antimoine. Par ailleurs, l’an- timoine implanté est actif électriquement par substitution en site tellure et comme ces deux éléments ont un numéro atomique voisin (respectivement Z = 51 et 52), on obtient que la différence d’intensité de diffraction de HgCdTe entre une zone implantée et non implantée est d’environ 2.10 −5%, qui est totalement négligeable.3

Cette chute d’intensité ne semble donc pas révéler la diffusion de l’antimoine mais plutôt la présence de défauts cristallins résiduels qui sont de densité trop faible pour être visible sur les images TEM. La microdiffraction offre donc un outil précieux de visualisation en 2D des dislocations résiduelles, même de faible densité. La répartition de ces dislocations semble indiquer qu’elles proviennent d’un déplacement des dislocations créées lors de l’implantation, induit par le recuit et qu’un mécanisme (peut être basé sur la minimisation énergétique de la surface de séparation avec la zone sans dislocations) est à l’œuvre et rend ce déplacement principalement vertical. Il pourrait être intéressant d’aller plus loin en étudiant l’évolution de cette zone 2D pour différents recuits et doses d’implantation. En particulier, on pourrait corréler cette zone 2D avec la dynamique de diffusion de l’antimoine sous recuit et voir si sa localisation est identique à la zone de chute d’intensité de diffraction ou bien s’étend au-delà de celle-ci.

3. Les facteurs de diffusion atomique de l’antimoine et du tellure sont proches : fSb= 50,23 et fT e= 51,42 à

19 keV, énergie du pic 8 10 -2. L’intensité de diffraction est directement proportionnelle au facteur de structure du cristal :

I ∝ |Fhkl|2 (4.6)

Le pic 8 10 -2 vérifiant h+k+l=4n, le facteur de structure s’exprime par : (

FH gC dT e= 4((1 − x) fH g+ x fC d+ fT e)

FH gC dT e:Sb= 4((1 − x) fH g+ x fC d+ (1 − y) fT e+ y fSb)

(4.7) avec x et y les compositions respectives en cadmium et antimoine (fH g = 78,61 et fC d = 46,99 à 19 keV). La

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La forme des pics de diffraction est ensuite étudiée au niveau de la ligne d’implanta- tion pour la comparer avec la chute de l’intensité de diffraction. La forme du pic direct 8 10 -2 est donc représentée dans les 2 cas, avant et après recuit, sur la figure 4.24. On observe tout d’abord sur l’échantillon non recuit (a) que l’on retrouve la chute d’intensité juste sous la surface. On distingue de plus une déformation du pic aux abords de la limite d’implantation, qui n’est pas présente au centre de la ligne malgré la perte d’intensité. Ces déformations peuvent s’expliquer par la rupture entre une zone parfaitement cristalline et une zone endommagée par l’implantation, le matériau doit donc adapter sa maille pour lisser cette transition abrupte. La forme de ce pic montre donc une plastification supplé- mentaire aux bords de la zone d’implantation, capable de perturber la recombinaison des porteurs en limite d’implantation.

La chute d’intensité dans le cas de l’échantillon (b) n’est pas visible à cause de l’échelle logarithmique utilisée pour apprécier la zone proche de la surface avant recuit. Les défauts introduits lors de l’étape d’implantation étant éliminés grâce à ce recuit, on n’observe plus aucune déformation du pic aux alentours des bords d’implantation. On ne voit pas non plus de déformation en profondeur due à la diffusion de l’antimoine, celui-ci est donc parfaitement incorporé à la maille de HgCdTe. Une fois encre, le recuit, en plus de ces

Figure 4.24 – Cartographies de la forme du pic 8 10 -2 sur les échantillons implantés à 360 keV avec une dose de 2.1014 at.cm−2 d’antimoine sans recuit (a) et après un recuit de 5 h (b). Les limites de la ligne d’implantation sont repérées par les traits rouges. Un point est pris tout les 0,25 µm verticalement et tout les 0,5 et 0,75 µm horizontalement, respectivement pour les échantillons (a) et (b).

caractéristiques de diffusion et d’activation des dopants, permet de guérir la zone plastique précédemment introduite.