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1.1 Description g´en´erale

1.1.4 Mesure de petits d´eplacements

Nous avons vu qu’une cavit´e de grande finesse peut ˆetre utilis´ee pour mesurer de tr`es petits d´eplacements d’un miroir, en d´etectant la phase du faisceau r´efl´echi par la cavit´e. Le sch´ema de la figure 1.7, qui est le cœur du montage exp´erimental que nous avons utilis´e, pr´esente le principe d’une telle mesure. Un faisceau laser est inject´e

Détection de la phase δx δx mobile Miroir Coupleur Local Oscillateur Laser

Fig. 1.7 – Principe de la mesure de petits d´eplacements d’un miroir mobile.

dans la cavit´e et une d´etection homodyne permet de mesurer la phase du faisceau r´efl´echi. En pratique on pr´el`eve une grande partie du faisceau incident pour former un faisceau de r´ef´erence nomm´e oscillateur local. En m´elangeant le faisceau r´efl´echi par la cavit´e `a l’oscillateur local, on peut en extraire sa phase et en d´eduire le d´eplacement du miroir. Le circulateur permettant de s´eparer le faisceau incident et de m´elanger l’oscillateur local et le faisceau r´efl´echi par la cavit´e est en pratique r´ealis´e `a l’aide de cubes s´eparateurs de polarisation et de lames demi et quart d’onde. Dans cette section, nous estimons la sensibilit´e de la mesure de position du miroir par un tel syst`eme.

Evolution des quadratures dans la cavit´e

Ce paragraphe pr´esente le traitement quantique de l’´evolution du champ dans la cavit´e. Nous allons en particulier nous int´eresser aux fluctuations quantiques du champ sortant de la cavit´e en fonction de celles du champ entrant et en fonction de la dyna-mique du syst`eme. En consid´erant un champ intense envoy´e dans la cavit´e, comme c’est le cas pour un faisceau laser, l’intensit´e exprim´ee en nombre de photons par seconde est tr`es grande devant 1. Les fluctuations semi-classiques δα correspondant au bruit quantique sont alors petites devant le champ moyen α et on peut lin´eariser l’´equation d’´evolution de la distribution de Wigner. Dans ces conditions, l’´equation obtenue pour les fluctuations quantiques est la mˆeme que celle d´ecrivant l’´evolution classique du syst`eme [37, 38, 39].

La sensibilit´e de la mesure est maximale lorsque la lumi`ere est r´esonnante avec la cavit´e. Dans ce cas le d´ephasage Ψ est nul et les ´equations (1.89) et (1.90) se simplifient en :

αout = αin=r γ

2α. (1.92)

Ainsi `a r´esonance tous les champs moyens ont la mˆeme phase et on peut d´ecider de les prendre r´eels pour simplifier les expressions.

Nous d´ecrirons les fluctuations des champs dans l’espace de Fourier en regardant les cons´equences d’un d´eplacement δx[Ω] sur les quadratures du champ sortant de la

cavit´e. En lin´earisant les ´equations (1.83) et (1.84) d´ecrivant l’´evolution classique du champ dans la cavit´e, on obtient les expressions :

(γ − iΩτ)δα[Ω] = p2γδαin[Ω] + 2ikαδx[Ω], (1.93)

δαout[Ω] = p2γδα[Ω] − δαin[Ω]. (1.94)

Pour estimer la sensibilit´e de la mesure, on va s’int´eresser aux quadratures p et q d’in-tensit´e et de phase du champ α. Avec la convention de prendre les champs moyens r´eels, ces quadratures s’identifient aux quadratures r´eelle et imaginaire α1 et α2 [´equations (1.11), (1.12), (1.18) et (1.19)] :

p[Ω] = α[Ω] + α[Ω], (1.95)

q[Ω] = i (α

[Ω] − α[Ω]) , (1.96)

o`u la transform´ee de Fourrier α[Ω] de α

(t) est ´egale `a (α[−Ω]). On peut alors calculer toutes les fluctuations d’intensit´e et de phase des faisceaux intracavit´e et r´efl´echi `a partir des ´equations (1.93) et (1.94) : δp[Ω] = √ 2γ γ − iΩτδp in[Ω], (1.97) δq[Ω] = √ 2γ γ − iΩτδq in[Ω] + 4 γ − iΩταkδx[Ω], (1.98) δpout[Ω] = γ + iΩτ γ − iΩτδp in[Ω], (1.99) δqout[Ω] = γ + iΩτ γ − iΩτδq in[Ω] + 4 √ 2γ γ − iΩταkδx[Ω]. (1.100)

A r´esonance, les fluctuations d’amplitude du champ dans la cavit´e et du champ sortant sont totalement d´ecoupl´ees des fluctuations de phase et de position du miroir mobile. Cela peut s’interpr´eter par le fait que le point de fonctionnement de la cavit´e est au sommet du pic d’Airy o`u la pente en fonction du d´ephasage est nulle. L’intensit´e ne varie donc pas au premier ordre dans le d´eveloppement lin´eaire des fluctuations. La phase du faisceau r´efl´echi δqout d´epend, quant-`a-elle, lin´eairement de δx et l’on retrouve dans le cas statique (Ω = 0) l’expression simplifi´ee de l’´equation (1.22), en utilisant le fait que 2|α|δϕ = δq [´equation (1.19)].

D’apr`es les ´equations (1.97–1.100) toutes les quantit´es relatives aux fluctuations intracavit´e sont divis´ees par un terme en γ − iΩτ qui correspond `a un filtrage de la cavit´e. On d´efinit alors la bande passante Ωcav de la cavit´e par :

cav = γ/τ. (1.101)

Les fluctuations de phase et d’intensit´e du faisceau incident dont la fr´equence est grande devant Ωcav sont essentiellement r´efl´echies par la cavit´e et ne se retrouvent pas dans le champ intracavit´e. De mˆeme les fluctuations de position du miroir pour des fr´equences tr`es sup´erieures `a Ωcav n’agissent pas sur la phase du faisceau r´efl´echi. En d’autres termes, la cavit´e effectue un moyennage de la position du miroir sur le temps moyen 2π/Ωcav que la lumi`ere passe dans la cavit´e.

Sensibilit´e de la mesure

Pour n’importe quelle quadrature αθ du champ, d´efinie par l’´equation (1.15), le spectre Sθ de la quadrature est donn´e par :

hδαθ[Ω], δαθ[Ω0]i = 2πδ(Ω + Ω0)Sθ[Ω], (1.102)

o`u h...i repr´esente la moyenne prise sur la distribution de Wigner. On trouve ainsi que les spectres de bruit d’amplitude des faisceaux incident et r´efl´echi sont ´egaux :

Spout[Ω] = Spin[Ω]. (1.103)

Les fluctuations de phase sont quant-`a-elle corr´el´ees aux fluctuations de position du miroir. A ces fluctuations, qui vont constituer le signal de notre mesure, viennent se su-perposer les fluctuations de phase du faisceau incident qui vont limiter la sensibilit´e de la mesure. D’apr`es le mod`ele d´evelopp´e dans la section 1.1.3, le d´eplacement δx corres-pond au recouvrement entre le profil d’intensit´e du faisceau lumineux et la d´eformation de la surface du miroir. Il ne d´epend que des forces appliqu´ees sur le miroir, et il est ind´ependant du bruit de phase entrant dans la cavit´e. L’´equation (1.100) permet alors de calculer le spectre de bruit de phase du champ r´efl´echi :

Sqout[Ω] = Sqin[Ω] + 256 F2Iin 1 + (Ω/Ωcav)2

Sx[Ω]

λ2 . (1.104)

Le premier terme de cette ´equation est un terme de bruit qui retranscrit directement le spectre de bruit de phase du faisceau incident, le second terme repr´esente le signal li´e au spectre de d´eplacement du miroir que l’on d´esire mesurer.

On peut estimer le plus petit d´eplacement mesurable en consid´erant un rapport signal `a bruit ´egal `a 1, obtenu lorsque les deux termes sont ´egaux. Pour un faisceau coh´erent inject´e dans la cavit´e, le bruit de phase incident est un bruit blanc, qui a donc un spectre ind´ependant de la fr´equence, de valeur unit´e (Sin

q [Ω] = 1). On obtient un d´eplacement minimal observable δxshot en fonction de la fr´equence d’analyse ´egal `a :

δxshot[Ω] = λ 16F 1 p Iin s 1 +  Ω Ωcav 2 . (1.105)

On obtient une sensibilit´e similaire `a l’´equation (1.24) qui n’´etait valable que dans le cas statique. La d´ependance en fr´equence montre que la sensibilit´e se d´egrade `a haute fr´equence (Ω > Ωcav), ce qui correspond `a un effet de filtrage par la cavit´e.

La sensibilit´e obtenue ici correspond `a un syst`eme parfait, uniquement limit´e par le bruit quantique de la lumi`ere. Cela signifie que les bruits techniques dans la mesure doivent ˆetre rendus n´egligeables. Un certain nombre d’imperfections exp´erimentales peut ´egalement r´eduire la sensibilit´e. Nous allons maintenant examiner l’effet de telles imperfections, en particulier les pertes optiques dans la cavit´e, et l’inadaptation spatiale du faisceau incident sur la cavit´e.

Pertes dans la cavit´e

Nous allons reprendre le calcul de la sensibilit´e en tenant compte des pertes dans la cavit´e. Une partie des pertes sont produites par l’absorption et par la diffusion au niveau des traitements des miroirs. Une autre partie de la lumi`ere intracavit´e peut aussi ˆetre perdue `a cause d’une transmission non nulle du miroir arri`ere. Si l’on n’est sensible qu’au champ r´efl´echi par la cavit´e, l’ensemble de ces pertes peut ˆetre mod´elis´e par une transmission non nulle du miroir arri`ere. Dans ce cas il faut prendre en compte le champ du vide qui p´en`etre dans la cavit´e par ce miroir [38], et les ´equations d’entr´ee-sortie du champ (1.83) et (1.84) s’´ecrivent : τ d dtα(t) = [−γ + iΨ(t)]α(t) +T αin(t) +√ P αvide(t), (1.106) αout(t) = √ T α(t) − αin(t), (1.107)

o`u T est la transmission en intensit´e du coupleur d’entr´ee, et P les pertes dans la cavit´e. Le facteur γ qui d´efinit la finesse et qui est reli´e aux pertes globales du champ dans la cavit´e doit donc prendre en compte le terme de perte P . La conservation de l’´energie impose la relation R + T + P = 1 avec R = 1 − 2γ. On trouve donc que 2γ = P + T et que la finesse vaut F = 2π/(P + T ). Les pertes introduisent par ailleurs un nouveau terme de bruit αvide dˆu au couplage avec les fluctuations du vide.

Les valeurs des champs moyens r´efl´echi et intracavit´e sont modifi´ees par rapport au cas sans perte donn´e par les ´equations (1.89) et (1.90). Les champs moyens s’´ecrivent d´esormais : α = √ T γ − iΨα in , αout = γ − P + iΨ γ − iΨ α in. (1.108)

Le champ intracavit´e est r´eduit `a r´esonance d’un facteur pT/2γ = pT/(T + P ) par rapport au cas sans perte, et l’intensit´e r´efl´echie est maintenant inf´erieure `a l’intensit´e incidente. L’expression du champ r´efl´echi montre que lorsque l’on balaye le d´ephasage au voisinage d’une r´esonance, l’intensit´e r´efl´echie d´ecrit un pic d’Airy en absorption. Ceci s’explique par le fait qu’`a r´esonance l’intensit´e intracavit´e est non nulle et une partie de la puissance lumineuse est perdue. La profondeur de ce pic est donn´ee par le coefficient de r´eflexion `a r´esonance R0 :

R0 = I out Ψ=0 IoutΨ=±∞ =  T − P T + P 2 . (1.109)

Dans le cas particulier o`u T = P , le champ moyen r´efl´echi s’annule. On retrouve alors le r´esultat classique qu’une cavit´e sym´etrique sans perte, correspondant bien dans notre cas `a T = P , transmet toute l’intensit´e `a r´esonance.

L’effet des pertes sur les fluctuations de phase `a r´esonance (Ψ = 0) se d´eduit des ´equations (1.106) et (1.107) : δqout = γ − P + iΩτ γ − iΩτ δq in+ √ T P γ − iΩτδq vide+4 √ 2γ − P γ − iΩτ αkδx. (1.110)

Les fluctuations du faisceau incident δqin et du vide δqvidesont ind´ependantes. Elles ont de plus toutes les deux le mˆeme spectre plat en fr´equence et de valeur 1. La somme de leur deux contributions donne un spectre de bruit Sout

q ´egal `a 1. La mesure de position du miroir mobile reste donc entach´ee d’un bruit ´egal au bruit de photon standard. En revanche l’effet du dernier terme dˆu au d´eplacement du miroir dans l’expression de δqout est r´eduit par rapport au cas sans perte, `a cause du terme √

2γ − P et aussi du fait de l’att´enuation du champ intracavit´e α. Le d´eplacement minimum observable δxshot devient dans ces conditions :

δxshot[Ω] = λ 16F 1 p Iin s 1 +  Ω Ωcav 2r T + P T . (1.111)

La sensibilit´e est r´eduite d’un facteurpT/(T + P ). Notons que les pertes agissent ´egale-ment sur la sensibilit´e `a travers la finesse F. A finesse ´egale, il est cependant important d’avoir des pertes petites devant la transmission du coupleur d’entr´ee. Actuellement il est possible de r´ealiser des miroirs dont le traitement multidi´electrique engendre des pertes par diffusion et par absorption inf´erieures au ppm. Le choix de la transmission du coupleur d’entr´ee r´esulte alors d’un compromis entre l’obtention d’une grande finesse et la r´eduction des effets des pertes. Pour une transmission de 20 ppm, la finesse s’´el`eve `a 300 000, en gardant une diminution de la sensibilit´e due aux pertes de l’ordre du pourcent.

Adaptation spatiale du faisceau incident

Toutes les cavit´es que nous utilisons sont constitu´ees d’un miroir mobile plan et d’un coupleur d’entr´ee concave assurant la stabilit´e optique du syst`eme. Dans l’approxima-tion paraxiale, une telle cavit´e pr´esente des modes propres de r´esonance dont les profils d’intensit´e sont Gaussiens. Les r´esonances se r´epartissent en modes propres longitudi-naux auxquels sont associ´es une s´erie de modes transverses. Une adaptation spatiale parfaite correspond `a un faisceau incident dont le profil Gaussien est exactement celui du mode fondamental TEM00 de la cavit´e. Dans le cas contraire, la contribution des modes transverses dans la d´ecomposition du faisceau sur les modes propres {vn(r)} de la cavit´e n’est pas nulle. Ces modes ayant des fr´equences de r´esonance diff´erentes, ils sont simplement r´efl´echis par la cavit´e. Une partie de la lumi`ere incidente ne p´en`etre pas dans la cavit´e et n’est pas coupl´ee au mouvement du miroir mobile. Plus pr´ecis´ement, on ´ecrit la d´ecomposition du champ incident Ein sur le mode fondamental de profil spatial v0(r) et sur les autres modes [´equation (1.59)] :

Ein(r, t) = α0(t)v0(r)e−iω0t

+ E0(r, t), (1.112)

o`u α0 est l’amplitude du mode fondamental et o`u E0 correspond `a la contribution de l’ensemble des autres modes de la base {vn6=0(r)}, orthogonaux `a v0(r). Le champ E0 poss`ede donc un profil orthogonal `a v0 et l’intensit´e moyenne Iin du champ incident se met sous la forme :

Iin(t) = |α0(t)|2+ Z

On introduit alors le param`etre d’adaptation spatiale ηcav d´efini comme le rapport entre l’intensit´e incidente r´eellement coupl´ee `a la cavit´e (|α0|2) et l’intensit´e totale incidente :

ηcav = |α0|2/Iin. (1.114)

Si ηcav vaut 1, on se retrouve dans le cas d’une adaptation spatiale parfaite et la sensibi-lit´e est celle calcul´ee pr´ec´edemment. Dans le cas contraire, le champ E0 est directement r´efl´echi et seule l’intensit´e ηcavIin est coupl´ee au mouvement du miroir mobile. Le plus petit d´eplacement observable devient :

δxshot[Ω] = λ 16F 1 q ηcavIin s 1 +  Ω Ωcav 2r T + P T . (1.115)

La sensibilit´e est r´eduite d’un facteur √ηcav.

Notons que l’adaptation spatiale affecte ´egalement l’intensit´e r´efl´echie par la cavit´e. Loin de r´esonance elle reste ´egale `a l’intensit´e incidente car la lumi`ere ne p´en`etre pas dans la cavit´e. N´eanmoins `a r´esonance seule la partie coupl´ee `a la cavit´e subit les pertes de celle-ci et l’intensit´e r´efl´echie devient :

IoutΨ=0 = |α0|2 T − PT + P 2

+ |E0|2. (1.116)

Le coefficient de r´eflexion `a r´esonance s’´ecrit alors : R0 = ηcav "  T − P T + P 2 − 1 # + 1. (1.117)

Bande passante de la cavit´e

Le dernier param`etre qui apparaˆıt dans la plupart des ´equations relatives au cou-plage entre le champ et la cavit´e, est la bande passante de la cavit´e Ωcav. Pour observer avec une sensibilit´e uniquement limit´ee par le bruit de photon, il est pr´ef´erable d’ˆetre `a des fr´equences suffisamment grandes pour que les bruits techniques du laser soient n´egligeables. Pour ´eviter un effet de filtrage par la cavit´e il faut donc que la bande passante soit au moins du mˆeme ordre. Celle-ci est d’autant plus faible que la finesse est importante et que la cavit´e est longue. Elle est donn´ee par :

cav = γ/τ = πc

2FL0

. (1.118)

Pour une finesse donn´ee, il est donc n´ecessaire d’avoir une cavit´e de longueur L0 la plus courte possible. Pour une finesse de 300 000 et une bande passante sup´erieure au m´egahertz, la longueur doit ˆetre inf´erieure au quart de millim`etre ! Nous verrons dans le chapitre suivant des solutions m´ecaniques permettant de r´ealiser de telles cavit´es.