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L’introuvable définition médicale des HSE

2. Les HSE : d’insaisissables définitions médicales

2.3.1. La MCS face à la toxicologie

L’étiologie présumée de la MCS la place « naturellement » sur le terrain de la toxicolo-gie. Située à l’interface de la médecine, de la chimie et de la biologie, cette discipline se des-tine à l’étude des effets exercés par les substances étrangères aux organismes (qualifiées de « xénobiotiques ») sur leur fonctionnement – dans le prolongement du modèle historique de l’empoisonnement. Mais il s’est avéré difficile d’établir que la MCS résulte de mécanismes toxicologiques. Les auteurs des synthèses que nous avons consultées reconnaissent qu’au-cune des hypothèses pathogéniques avancées n’a réussi à s’imposer comme explication

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satisfaisante du fonctionnement de la MCS. Présentons maintenant les principales, afin de comprendre pourquoi18.

a. Les modèles immunologiques

Les premières explications proposées de la MCS en situent les mécanismes dans le système immunitaire. Plusieurs raisons à cela : il participe à la neutralisation de certains xénobiotiques, ses réponses varient potentiellement beaucoup entre les individus (ce qui justifie que certains soient sensibles et d’autres non à des substances identiques – le terme d’hypersensibilité désigne d’ailleurs une réponse immunitaire disproportionnée), tandis qu’au point de vue clinique, des réactions allergiques sont manifestes chez certains patients MCS. Les modèles immunologiques prêtent aux substances chimiques des propriétés aller-giques (i.e., elles se comportent comme des allergènes) ou immunotoxiques (i.e., elles altèrent le fonctionnement du système immunitaire). De nombreuses études ont recherché des biomarqueurs de réponses immunologiques anormales : taux sanguins de divers lym-phocytes, d’immunoglobulines, de protéines du système du complément, d’auto-anticorps, etc. Elles n’ont amené aucun résultat décisif. Lorsqu’elles ne sont pas négatives (aucun effet), leurs conclusions s’avèrent contradictoires (effets opposés témoignant par exemple à la fois d’une immunosuppression et d’une immunostimulation) ou peu significatives (effets d’ampleur inférieure aux fluctuations physiologiques normales, attribuables à d’autres causes que les expositions chimiques, etc.). De surcroît, les auteurs de ces études se sont plutôt attachés à recenser des anomalies qu’à détailler les mécanismes pathogéniques dont elles pouvaient résulter.

Plusieurs difficultés que rencontrent les modèles immunologiques n’ont donc pas été résolues. Les conséquences physiologiques des réactions allergiques classiques (impli-quant des anticorps) sont bien connues et ne correspondent pas au tableau clinique de la MCS, notamment par leur caractère localisé. Les éventuels effets immunotoxiques des expositions chimiques restent à caractériser : les résultats précédents indiquent qu’ils ne provoquent ni un affaiblissement du système immunitaire, ni des réactions auto-immunes. Certains auteurs ont imaginé un mécanisme global de « dysrégulation immunitaire » dont ils n’ont cependant pas décrit le fonctionnement concret [LEVIN & BYERS, 1987]. Les modèles immunologiques ont été particulièrement défendus par les praticiens d’une branche

dissi-18 Nous avons suivi le plan du rapport du DHA, en complétant le développement à l’aide de la synthèse plus récente d’HETHERINGTON & BATTERSHILL [2013] et de celles plus anciennes de WINDER [2002], GRAVELING et al. [1999] et de l’Interagency Workgroup on Multiple Chemical Sensitivity américain (1998, acces-sible à l’adresse : https://health.gov/environment/mcs/toc.htm [consulté le 24 septembre 2016]).

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dente de l’allergologie : l’« écologie clinique » (cf. chap. 2.2.1), qui présentaient certains biomar-queurs de la réaction immunitaire constituaient des critères diagnostiques fiables de la MCS. Ils ont beaucoup perdu en crédibilité après qu’une équipe de chercheurs ait démontré que les résultats fournis par l’un des laboratoires qu’ils employaient étaient parfaitement indé-pendants de l’origine des échantillons (personnes hypersensibles ou non) [SIMON et al., 1993]. L’hypothèse de mécanismes immunologiques semble aujourd’hui abandonnée.

b. Les modèles des troubles olfactifs et respiratoires

D’autres explications impliquant l’olfaction ont rapidement été avancées, à partir du constat que les personnes MCS réagissent en particulier aux substances odorantes, et rap-portent une sensibilité accrue aux odeurs. Des études de provocation ont alors été conduites pour identifier d’éventuelles anomalies de leur odorat. Mais celui-ci ne s’est avéré ni plus sensible, ni plus spécifique que celui des personnes saines : elles ne perçoivent pas les substances odorantes à des doses plus faibles, et ne sont pas davantage capables de les distinguer lorsque plusieurs sont administrées conjointement. En revanche, elles les res-sentent comme plus intenses, et leurs réactions somatiques y sont plus fortes. Cette obser-vation a conduit à suspecter plutôt une anomalie du traitement cognitif des informations sensorielles. Mais aucune n’est ressortie de l’étude de l’activité cérébrale consécutive à des stimuli olfactifs (soit en mesurant ses manifestations électriques à l’aide d’électro-encépha-logrammes, soit en la cartographiant grâce à la tomographie par émission de positons).

Le système sensoriel des personnes MCS apparaissant normal, certains chercheurs ont substitué l’hypothèse de troubles respiratoires à celle de troubles olfactifs. Les voies respiratoires sont en effet très sensibles aux produits chimiques aéroportés et aux particules en suspension, et leurs réactions s’accompagnent de symptômes fréquemment observés parmi les personnes MCS (irritation du nez, des yeux et de la gorge, difficultés à respirer, etc.). Précisément, certaines substances irritantes stimuleraient des terminaisons nerveuses présentes dans les muqueuses respiratoires, appelées fibres C, qui participent à la nocicep-tion (elles sont responsables des sensanocicep-tions douloureuses persistantes et diffuses). Leur réaction déclencherait une réponse inflammatoire locale, qualifiée d’« inflammation neurogène » par MEGGS [1993]. Pour expliquer qu’elle induise des symptômes généraux comparables à ceux de la MCS, cet auteur a imaginé un mécanisme de « commutation neurologique » par lequel les messages nerveux issus des muqueuses respiratoires sont redirigés par le système ner-veux central vers des sites distants, où ils suscitent une inflammation neurogène similaire à celle initialement provoquée par les irritants chimiques [MEGGS, 1995]. Cependant, peu de

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preuves concrètes ont été apportées, ni d’une inflammation des voies respiratoires des per-sonnes MCS, ni de la réalité de la commutation neurologique.

c. Le modèle de la « sensibilisation neuronale » et de l’« embrasement limbique »

D’autres hypothèses tentent d’impliquer directement le système nerveux central. Elles s’appuient sur le constat de la centralité de symptômes connus pour en dépendre dans le tableau clinique de la MCS : céphalées, fatigue, troubles de la mémoire et de la concentra-tion… Elles s’intéressent en particulier au système limbique. Celui-ci est un ensemble de structures cérébrales (dont l’amygdale, l’hippocampe et l’hypothalamus) impliqué dans cer-taines émotions fondamentales comme la peur et le plaisir, ainsi que dans les processus d’apprentissage et de mémorisation, et qui participe à la régulation de nombreuses fonc-tions cognitives, hormonales et immunologiques. Sa perturbation est donc susceptible de conséquences très variées. Or, il est anatomiquement proche du bulbe olfactif, une autre structure cérébrale assurant le traitement des informations provenant de l’épithélium olfac-tif, la muqueuse de la cavité nasale où sont réceptionnées les odeurs. Celui-ci apparaît alors comme un possible médiateur de l’action des produits chimiques sur le système nerveux central. Il a notamment été observé sur des modèles animaux une migration une migration de ces produits le long du nerf olfactif, leur permettant de traverser la barrière hémato-en-céphalique qui protège normalement le cerveau des xénobiotiques. Un phénomène de «

sen-sibilisation neuronale » du bulbe olfactif et d’« embrasement » du système limbique pourrait alors

survenir, se manifestant par des réactions neurochimiques et comportementales croissantes à ces stimuli chimiques répétés [BELL et al., 1992].

Cette hypothèse est intéressante en regard de la diversité et de l’amplification pro -gressive des symptômes de la MCS. Elle bute cependant sur la question des doses néces-saires à la sensibilisation : celles employées dans les modèles animaux sont très supérieures aux doses rencontrées dans la vie courante, tandis que les travailleurs exposés à des doses élevées (comme les employés de l’industrie chimique) ne sont pas surreprésentés parmi les personnes hypersensibles [CULLEN et al., 1992]. Certains chercheurs ont imaginé l’existence de différences entre les susceptibilités individuelles. La sensibilisation pourrait être favorisée par des facteurs non environnementaux, tels qu’un stress chronique : il a par exemple été observé qu’il entraîne une perméabilisation de la barrière hémato-encéphalique chez le rat, tandis que les personnes MCS semblent significativement plus anxieuses que la moyenne (cf. infra). Cependant, les tentatives de détection d’anomalies de fonctionnement de leur

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système limbique ont produit des résultats contradictoires (certaines études rapportent une augmentation de son activité après exposition, d’autres une diminution). Ainsi, les observa-tions réalisées sur des modèles animaux confèrent une plausibilité certaine à l’hypothèse de la sensibilisation neuronale, mais les preuves directes de son implication dans la MCS manquent encore.

d. Le modèle du stress oxydatif

La production de dérivés réactifs de l’oxygène [DRO] est un phénomène extrême-ment général, résultant du métabolisme normal des cellules aérobies. Ces DRO sont sus-ceptibles d’interagir avec de nombreuses substances, et de dégrader les constituants des cel-lules. Leur élimination est donc nécessaire à la pérennité du fonctionnement cellulaire. Elle s’accomplit naturellement, mais il arrive que ses capacités soient excédées, notamment lorsque des xénobiotiques induisent une production supplémentaire de DRO. Cette situa-tion, qualifiée de stress oxydatif, est suspectée d’être impliquée dans de nombreuses mala-dies. L’hypothèse a donc été émise qu’elle participe aussi à la pathogénie de la MCS. PALL

[2003] en a développé un modèle précis, dans lequel l’exposition à des substances chi-miques augmente l’activité de certains récepteurs synaptiques (i.e., des protéines situées à l’interface entre les neurones et participant à leurs échanges). Appelés récepteurs NMDA car ils sont habituellement activés par l’acide N-méthyl-D-aspartate19, ceux-ci ont aussi la particularité de relâcher, lorsqu’ils sont activés, de l’oxyde nitrique [NO]. Ce dernier réagit avec l’oxygène moléculaire pour former un puissant agent oxydant : le peroxynitrite [ONOO-], qui contribue également à stimuler les récepteurs NMDA. Un mécanisme neu-ronal auto-entretenu pourrait ainsi se mettre en place, désigné comme le cycle NO/ONOO-, dont les résidus auraient de nombreuses conséquences délétères (réduction des capacités détoxificatrices de l’organisme, perméabilisation de la barrière hémato-encé-phalique, etc.). Ce modèle a pour intérêt d’expliquer le fonctionnement concret de la sensi-bilisation neuronale, en impliquant des réactions biochimiques en partie avérées chez l’homme. Mais il n’est applicable qu’à une gamme limitée de substances chimiques, ayant la propriété d’activer les récepteurs NMDA. Par ailleurs, il n’a été reproduit sur aucun modèle animal, et les preuves de son intervention chez l’homme sont peu nombreuses et indirectes (par exemple, une équipe italienne ayant mesuré différents biomarqueurs du stress oxydant a observé un léger déséquilibre du métabolisme oxydatif des personnes MCS [DE LUCA et

al., 2010]). Sa responsabilité dans la MCS n’est donc pas démontrée.

19 Ils constituent par ailleurs une cible bien connue de la pharmacopée chimique, en raison de leur implica-tion dans les processus dissociatifs à l’origine de certaines dépressions.

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e. Le modèle de la « perte de tolérance toxico-induite »

Ce modèle est fondé sur l’hypothèse que des expositions chroniques ou aiguës à des produits chimiques peuvent susciter chez certaines personnes, particulièrement suscep-tibles, des intolérances à des substances qu’elles toléraient jusqu’alors. Après une phase d’initiation, recouvrant un processus de sensibilisation, elles réagiraient à des doses toujours plus faibles de substances toujours plus variées (chimiques mais aussi alimentaires), en développant des symptômes de diversité et d’intensité croissantes. Ce phénomène de « perte

de tolérance toxico-induite » (TILT selon l’acronyme anglais) est présenté par son inventrice

comme un nouveau paradigme d’explication des maladies, comparable aux paradigmes infectieux ou immunitaire (y compris par le rejet qu’ils ont initialement suscité…) [MILLER, 1997]. Elle ne décrit cependant pas les mécanismes pathogéniques à l’œuvre, ni lors de la sensibilisation, ni lors des réactions ultérieures – au-delà de parallèles avec les réponses toxiques et allergiques, ainsi qu’avec les comportements d’addiction (lorsqu’elles découvrent leur sensibilité à une substance, les personnes MCS cessent de s’y exposer et éprouvent un syndrome de sevrage). Elle s’appuie principalement sur les observations de personnes MCS, de sorte que la TILT apparaît davantage comme une description stylisée de leur expérience que comme un modèle explicatif de leurs troubles. Elle considère que des études de provocation correctement menées (avec une éviction stricte de toutes les substances auxquelles les sujets réagissent durant les quatre à sept jours précédents les tests) devraient fournir des preuves, mais ne s’est pas attelée à leur réalisation. Sa théorie ne semble plus susciter d’intérêt aujourd’hui.

f. Les modèles de l’altération du métabolisme xénobiotique

D’autres modèles attribuent la MCS à une capacité réduite d’élimination des pro-duits chimiques, résultant de particularités génétiques. Ils ont été formulés suite à l’observa-tion que les vétérans de la guerre du Golfe souffrant d’affecl’observa-tions neurologiques chroniques possédaient plus fréquemment un allèle particulier (PON1 R), encodant de manière défec-tueuse une enzyme responsable de la métabolisation des organophosphates (composés chi-miques utilisés dans certains gaz de combat comme le sarin, auquel ils avaient exposés à faible doses, ainsi que dans certains pesticides). Or, ces affections se manifestent par des symptômes en partie comparables à ceux de la MCS, dont la prévalence est par ailleurs éle-vée parmi ces vétérans (environ trois fois plus que dans la population générale selon cer-taines estimations). Des études génotypiques ont alors été réalisées sur des échantillons de personnes MCS, avec des résultats contradictoires : ont été rapportées des associations de

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la MCS avec l’allèle QR plutôt que R du gène PON1, avec l’allèle rapide ou avec l’allèle lent du gène NAT2 (qui encode une enzyme métabolisant les amines aromatiques, des compo-sés organiques toxiques), avec différents allèles du gène CYP2D6 (qui encode l’enzyme cytochrome P450 2D6, impliquée dans la métabolisation de xénobiotiques très divers), etc., alors que plusieurs études récentes n’ont observé aucune association avec des allèles parti-culiers. Aucune spécificité génotypique susceptible d’induire une altération du métabolisme xénobiotique n’a ainsi été isolée parmi les personnes MCS – qui ne rendrait d’ailleurs pas compte du caractère acquis de leur affection.

g. Le modèle du conditionnement

Le phénomène du conditionnement est connu depuis plus d’un siècle en psycholo-gie. Il désigne un processus d’apprentissage inconscient résultant de l’exposition conjointe et répétée à deux stimuli : l’un actif, provoquant une réponse physiologique automatique, et par conséquent qualifié d’inconditionnel, l’autre neutre, n’exerçant par lui-même aucun effet sur l’organisme. Après quelques répétitions, le stimulus neutre parvient à déclencher la même réponse que le stimulus actif : il est conditionné. Des chercheurs ont trouvé dans ce phénomène une explication de la sensibilité excessive des personnes MCS aux odeurs : elles y réagiraient de manière conditionnée, après une exposition initiale a des produits chi-miques irritants et par ailleurs odorants. Ils sont parvenus à la reproduire en laboratoire avec des sujets non hypersensibles, observant par exemple l’acquisition de symptômes somatiques et de comportements respiratoires altérés en réponse à l’inhalation de sub-stances odorantes mais biologiquement inertes, suite à leur administration conjointe avec de l’air enrichi en dioxyde de carbone, provoquant une hyperventilation réflexe20 [VANDEN

BERGH et al., 2002]. Des stimulus cognitifs peuvent également être conditionnés : lorsque des images sont projetées aux sujets pendant la phase d’apprentissage, leur remémoration ultérieure provoque l’apparition des mêmes symptômes et comportements. Enfin, les réponses conditionnées tendent à se généraliser aux substances odorantes dont la valence est négative (i.e., qui sont fétides). En dépit de ces résultats intéressants, le modèle du conditionnement souffre de plusieurs limites. La première est l’absence d’anomalie mani-feste du système sensoriel des personnes MCS, rapportée supra, et la seconde qu’elles réagissent aussi à des substances non odorantes. Par ailleurs, les réponses conditionnées devraient produire des effets comparables à ceux des stimuli actifs, supposés agir par des

20 Lorsqu’elle devient chronique, l’hyperventilation s’accompagne de nombreux symptômes appartenant au tableau clinique de la MCS : vertiges, syncopes, migraines, fatigue, sensations de picotement, etc. Elle est notamment impliquée dans les crises d’angoisse et les attaques de panique.

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mécanismes toxicologiques classiques. Mais le tableau clinique de la MCS n’est évocateur d’aucune réponse toxique. Le modèle du conditionnement ne constitue donc pas une expli-cation pleinement convaincante de la MCS.

Conclusion

Des mécanismes pathogéniques variés ont été inventés ou invoqués pour expliquer le fonctionnement de la MCS. Si aucun ne s’est définitivement imposé dans la communauté scientifique, c’est peut-être qu’en regard de la diversité de ses manifestations séméiolo-giques et de ses facteurs étioloséméiolo-giques présumés, elle requiert plusieurs explications. Elle pour-rait alors recevoir une pluralité de définitions pathogéniques, au risque d’être scindée en plusieurs entités nosographiques. Mais la recherche des mécanismes de la MCS soulève un problème plus fondamental. Elle implique de découvrir une activité à des substances à des doses très inférieures à celles habituellement considérées comme nocives, alors que la toxi-cologie est fondée sur le postulat que la dose fait le poison : elle est mal outillée pour inven-ter et mettre en évidence les « faibles effets » associés aux « faibles doses » (c’est-à-dire, insuffi-santes pour provoquer une réponse toxique immédiate, et parfois à peine supérieures aux « bruit de fond » des expositions naturelles) [HUBERT, 2010]. Pour preuve, ces effets résistent obstinément au « détour » par le laboratoire, et tendent ainsi à remettre en cause la série d’ex-trapolations qu’il suppose (des expositions artificielles sur des animaux aux expositions réelles sur les hommes, sous l’hypothèse que les relations dose-effets sont croissantes et indépendantes selon les substances, que les effets sont réversibles jusqu’à un seuil déter-miné, etc.) [JOUZEL, 2012]. C’est finalement le paradigme même de la toxicologie moderne qui se trouve menacé. La recherche des mécanismes de l’EHS échappe-t-elle à ces difficul-tés ?